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  • "Après la mort de Salomon, Pasquiten et Gurvand, ses meurtriers, se partagent la Bretagne. Pasquitten eut, pour son partage, Vanne et tout le pays situé au midi de la province, et Gurvand eut le comté de Rennes. Ces deux comtes ne vécurent pas longtemps en bonne intelligence. Pasquiten, gendre de Salomon, plus ambitieux que son rival, voulant régner seul, appela une troupe de Normands à son secours, entra sur les terres du comte de Rennes et y commit les plus affreux ravages. Il marche ensuite contre la ville et l'assiège. Les ennemis, étonnés du grand nombre des ennemis, prennent la fuite ; il ne reste à Gurvand qu'environ mille braves disposés à seconder son courage. Ils lui représentèrent cependant qu'il n'était pas possible de se soutenir contre une si grande armée et s'efforcèrent de lui persuader qu'il fallait céder aux circonstances et attendre une meilleure occasion, et qu'il valait mieux éviter le danger que de s'exposer à une mort certaine, en résistant à une armée si nombreuse. Gurvand, naturellement intrépide, leur répondit que jamais une honteuse fuite ne ternirait la gloire qu'il s'était acquise dans les combats ; qu'il préférait une mort glorieuse à la honte de vivre dans l'ignominie et l'exil, et que la victoire ne dépendait pas toujours du nombre des combattants et de l'aveugle fortune, mais du Dieu des armées et du courage des soldats. Ces braves, excités par ce discours, promirent à Gurvand de la suivre et de périr avec lui s'il le fallait. Ils firent une sortie et attaquèrent si vigoureusement l'ennemi qu'ils le mirent en fuite. Pasquiten retourna dans ses états, et les Normands échappés au carnage se retranchèrent dans l'abbaye de Saint-Melaine, d'où ils n'osèrent sortir qu'à la faveur de la nuit, pour se retirer en lieu de sûreté.
    Raoul, chef des Normands, avait épousé la fille du roi de France, qui lui avait donné la Neustrie et la souveraineté de la Bretagne. Ce dernier don devait paraître d'autant plus singulier, que les rois de France ne jouissaient de cette souveraineté qu'autant qu'ils pouvaient contraindre par la force des armes, les Bretons à le reconnaître. Mais le roi, qui voulait s'attacher l'étranger, et qui d'ailleurs était bien aise de mettre de la division entre deux peuples redoutables, considéra moins la justice que ses intérêts en cette occasion. Le duc normand ne fut pas plus tôt établi dans le pays qui lui avait été assigné, qu'il somma les comtes de Bretagne de venir lui rendre hommage. Ils n'écoutèrent cette sommation qu'avec colère, et y répondirent avec indignation. Raoul entre en Bretagne en 910, et, par des succès multipliés, force Berrenger, comte de Rennes, à lui faire hommage. Cet acte de soumission déplut entièrement au peuple ; mais la Bretagne, trop faible pour repousser les efforts de son ennemi, fut obligée de plier. Dans la suite, les Bretons ne voulurent point acquiescer aux prétentions injustes des Normands. Les historiens de la nation, respectant les préjugés du peuple, ont quelquefois passé sous silence les humiliations auxquelles la force des armes et la nécessité forcèrent les princes Bretons de se soumettre. Par exemple, quelques-uns ont prétendu que les ducs de Bretagne n'ont jamais rendu hommage aux ducs normands. Pour conserver l'honneur de la nation, il ne s'agissait pas de taire une vérité reconnue. Comme ce n'est pas la force qui fait le droit, il fallait examiner si les prétentions des Normands étaient fondées et en démontrer l'injustice ; ce qui ne paraît pas difficile. Si Pierre de Dreux et ses successeurs se sont soumis à faire hommage au roi de France, par devoir ou par intérêt de se conserver la protection de cette couronne, c'est ce que je n'entreprendrai pas de démontrer, d'autant plus que cette question est très indifférente aujourd'hui, puisque la province a le bonheur d'être unie à la couronne. Je ne suis entré dans ce détail que pour prouver la mauvaise foi des auteurs bretons au sujet de l'hommage rendu au duc de Normandie.". Source : Ogée, 1843, p. 449-450.