Procès sur un droit de banc en l'église de la Chapelle-Chaussée

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D'après des archives inédites (1734 - 1736)

La Ville-Ginguené en la paroisse de la Chapelle-Chaussée, à cinq lieues au nord de Rennes, était sous l'Ancien Régime un petit fief de la seigneurie de Tinténiac. Possession d'une famille d'écuyers, les Ginguénés - d'où son nom - elle fut vendue le 21 octobre 1722 par René Ginguéné, Sieur du Bois-Jan, à un Rennais, François de la Barre Sieur de la Rive, qui malgré son nom était roturier. Rien n'interdisait en effet à un non-privilégié d'acquérir une terre noble. Il n'en devenait pas de condition supérieure mais gagnait seulement d'être taxé aux francs-fiefs et d'être appelé Noble Homme - d'où le proverbe : tout noble n'est pas gentilhomme. Sans le titre d'écuyer, Noble Homme François de la Barre jouissait néanmoins de tous les droits attachés à sa terre : droit de colombier, droits de banc et droit d'enfeu ou de tombe en l'église paroissiale. Les villageois devaient voir d'un mauvais œil un bourgeois s'impatroniser chez eux, par le seul mérite de sa fortune, et prendre la place d'une vieille famille, en sa demeure et sur son sol. La Ville-Ginguené fut rebaptisée et devint la Bonne-Denrée. Mais surtout l'arrivée du Sieur de la Rive introduisit une terrible rupture dans la tradition funéraire de toute la lignée directe et collatérale des Ginguénés qui d'un coup perdit le droit de reposer auprès de ses ancêtres, dans l'église de la Chapelle-Chaussée, où leur enfeu continuait à recevoir les cendres des Guézille - anciens et immémoriaux propriétaires de la terre des Ginguénés leurs descendants; notamment en 1719 fut enseveli le premier né d'Anne Guézille et de Jean-Baptiste Rahier un modeste écuyer de l'endroit, du lieu de la Rousselais précisément.

On peut comprendre l'émotion de Rahier père à la pensée de ne jamais reposer près de son enfant. Il entreprit avec l'aide de ses deux autres fils de récupérer ce qui lui semblait un dû par le droit du sang mais qui lui échappait par le droit civil. Leur tactique était de prendre possession par un usage réitéré dimanche après dimanche, du banc placé au-dessus de l'enfeu. Les lieux se présentaient ainsi, d'après une description contemporaine des faits :

Le banc dont il s'agit, placé dans l'église de la Chapelle-Chaussée, avec enfeu dessous, est du costé de l'épistre du maître autel, joignant le pilier du fond sur l'orient, armorié d'un écusson chargé d'une espèce de haye ou brochette qui est l'ancienne maison des Guézilles en Bretagne, et est despendant de la maison et terre noble de la Bonne Denrée (autrefois de la Ville-Ginguéné), en la mesme paroisse, où elle a encor quelques autres prééminences, ... maison ...vendue par René Ginguené Sr du Bois Jan qui estoit descendu des Guézilles. Mais si subtile et progressive que fût leur tentative, elle devait néanmoins arriver au conflit qui se produisit en pleine fête de la paroisse, le 15 novembre 1734, jour de la Saint Malo. Voici la scène décrite par l'avocat du Sieur de la Barre : (à suivre)