« Révolte du papier timbré » : différence entre les versions

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''"Voulez-vous savoir des nouvelles de Rennes ? Il y a toujours cinq mille hommes, car il en est venu encore de Nantes. On a fait une taxe de cent mille écus sur le bourgeois, et si on ne les trouve pas dans les 24 heures, elle sera doublée et exigible par les soldats. On a chassé et banni toute une grande rue et défendu de les recueillir sous peine de vie, de sorte qu'on voyait tous ces misérables, vieillards, femmes accouchées, enfants, errer en pleurs au sortir de cette ville, sans savoir où aller, sans avoir de nourriture, ni de quoi se coucher. On roua, avant hier un violon qui avait commencé la danse et la pillerie du papier timbré (...)"''.   
''"Voulez-vous savoir des nouvelles de Rennes ? Il y a toujours cinq mille hommes, car il en est venu encore de Nantes. On a fait une taxe de cent mille écus sur le bourgeois, et si on ne les trouve pas dans les 24 heures, elle sera doublée et exigible par les soldats. On a chassé et banni toute une grande rue et défendu de les recueillir sous peine de vie, de sorte qu'on voyait tous ces misérables, vieillards, femmes accouchées, enfants, errer en pleurs au sortir de cette ville, sans savoir où aller, sans avoir de nourriture, ni de quoi se coucher. On roua, avant hier un violon qui avait commencé la danse et la pillerie du papier timbré (...)"''.   


Tout est dit de l'atrocité de la répression infligée à la ville de Rennes dans ces lignes extraites d'une longue lettre de [[Madame de Sévigné]] à sa fille, [[Madame de Grigan]], le 30 octobre [[1675]].
Ainsi est décrite l'atrocité de la répression infligée à la ville de Rennes dans ces lignes extraites d'une longue lettre de [[Madame de Sévigné]] à sa fille, [[Madame de Grignan]], le 30 octobre [[1675]], même si l'on peut se demander si l'épistolière n'en ajoute pas pour capter l'intérêt de la destinataire.


=== Les causes de la révolte===
=== Les causes de la révolte===


Que s'était-il donc passé en basse Bretagne et particulièrement à Rennes, en [[1675]], sous le règne du roi [[Louis XIV]] et de son ministre [[Colbert]] ?
Que s'était-il donc passé en Basse Bretagne et particulièrement à Rennes, en [[1675]], sous le règne du roi [[Louis XIV]] et de son ministre [[Colbert]] ?


La France est en guerre, et la guerre prend un tour inquiétant. Le roi a voulu l'attaque de la Hollande pour des motifs économiques mais cette agression a soulevé bien d'autres passions, notamment religieuses. L'Europe se mobilise largement contre l'agresseur des [[Provinces-Unies]]. Il faut financer les énormes dépenses exigées par la guerre, et le règne de [[Louis XIV]] prend un tournant nouveau : il n'est plus temps de s'efforcer à la réorganisation de l'économie et des finances, il faut financer cette guerre, donc alourdir l'impôt et en créer de nouveaux.  
La France est en guerre, et la guerre prend un tour inquiétant. Le roi a voulu l'attaque de la Hollande pour des motifs économiques mais cette agression a soulevé bien d'autres passions, notamment religieuses. L'Europe se mobilise largement contre l'agresseur des [[Provinces-Unies]]. Il faut financer les énormes dépenses exigées par la guerre, et le règne de [[Louis XIV]] prend un tournant nouveau : il n'est plus temps de s'efforcer à la réorganisation de l'économie et des finances, il faut financer cette guerre, donc alourdir l'impôt et en créer de nouveaux.  
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Le 18 avril, le peuple envahit le bureau de tabac,[[ place du Champ Jacquet]], saccage tout et s'empare des balles d' ''herbe à Nicot'' ou  ''pétun'' dont on apprécie les qualités de coupe-faim dans le peuple qui ne mange pas à sa faim. Il fait de même au bureau du papier timbré sous le palais. Le 25, le temple protestant de Cleunay est incendié sous prétexte que des commis des tabacs et du papier timbré sont de la religion. Les compagnies de milice bourgeoises, les "cinquantaines", se mobilisent.
Le 18 avril, le peuple envahit le bureau de tabac,[[ place du Champ Jacquet]], saccage tout et s'empare des balles d' ''herbe à Nicot'' ou  ''pétun'' dont on apprécie les qualités de coupe-faim dans le peuple qui ne mange pas à sa faim. Il fait de même au bureau du papier timbré sous le palais. Le 25, le temple protestant de Cleunay est incendié sous prétexte que des commis des tabacs et du papier timbré sont de la religion. Les compagnies de milice bourgeoises, les "cinquantaines", se mobilisent.


La colère explose en juin [[1675]] à Rennes. Le gouverneur, le [[duc de Chaulnes]],traité de "gros cochon", est assiégé en son Hôtel, et, dans toute la basse Bretagne, de très nombreux manoirs sont mis à sac et brûlés. Rue Haute, la duchesse est arrêtée par la foule qui la prie d'être la marraine d'un nouveau né qu'on lui tend mais elle reçoit sur ses genoux la charogne d'un chat crevé. Le 17 juillet, en fin de matinée, le bureau du papier timbré est à nouveau dévasté. Apeurée, [[Madame de Sévigné]] écrit encore à sa fille, le 24 juillet [[1675]] - ''"Nous ne voulons pas aller nous jeter dans la fureur qui agite notre province, elle augmente tous les jours ... Mme de Chaulnes est à demi morte des menaces qu'on lui fait tous les jours"'' - Au passage de la duchesse dans la rue Haute, les déditieux avaient jeté un chat mort pourri dans son carrosse.
La colère explose en juin [[1675]] à Rennes. Le gouverneur, le [[duc de Chaulnes]],traité de "gros cochon", est assiégé en son Hôtel, et, dans toute la Basse Bretagne, de très nombreux manoirs sont mis à sac et brûlés. Rue Haute, la duchesse est arrêtée par la foule qui la prie d'être la marraine d'un nouveau né qu'on lui tend mais elle reçoit sur ses genoux la charogne d'un chat crevé. Le 17 juillet, en fin de matinée, le bureau du papier timbré est à nouveau dévasté. Apeurée, [[Madame de Sévigné]] écrit encore à sa fille, le 24 juillet [[1675]] - ''"Nous ne voulons pas aller nous jeter dans la fureur qui agite notre province, elle augmente tous les jours ... Mme de Chaulnes est à demi morte des menaces qu'on lui fait tous les jours"'' - Au passage de la duchesse dans la rue Haute, les séditieux avaient jeté un chat mort pourri dans son carrosse.


Si cette fureur est à la mesure de la misère, elle l'est aussi des rancœurs accumulées contre l'irrésistible grignotage, par le pouvoir royal, de la chère indépendance de la province. Rennes paiera par une affreuse et longue répression. Le 12 octobre, c'est une brusque prise de contrôle par l'armée : 6000 hommes du duc de Chaulnes, venant de  Basse Bretagne où ils avaient réprimé la révolte des [[Bonnets rouges]], arrivent en ville par toutes les portes et les habitants sont désarmés. Le Parlement est exilé à Vannes. Rennes va connaître une sinistre occupation militaire, la destruction de ses faubourgs. Le 24 une contribution est levée sur les habitants pour contribuer à la nourriture et à l'entretien des troupes.
Si cette fureur est à la mesure de la misère, elle l'est aussi des rancœurs accumulées contre l'irrésistible grignotage, par le pouvoir royal, de la chère indépendance de la province. Rennes paiera par une affreuse et longue répression. Le 12 octobre, c'est une brusque prise de contrôle par l'armée : 6000 hommes du duc de Chaulnes, venant de  Basse Bretagne où ils avaient réprimé la révolte des [[Bonnets rouges]], arrivent en ville par toutes les portes et les habitants sont désarmés. Le Parlement est exilé à Vannes, un exil qui va durer quinze ans. Rennes va connaître une sinistre occupation militaire, la destruction de ses faubourgs. Le 24 une contribution est levée sur les habitants pour contribuer à la nourriture et à l'entretien des troupes.


Le 25 octobre, sur la lande de la "Courouse", le duc de Chaulnes et la duchesse accompagnés de la noblesse transportée en 25 carosses, avaient assisté à une démonstration de force consistant en la revue de 3000 hommes de troupe: mousquetaires, dragons, une partie du régiment de la Couronne er de celui des gardes, archers de la maréchaussée. Le 26 octobre, Pierre Daligault, joueur de violon, "''suffisamment atteint et convaincu d'avoir  emeu la populace, rompu et pillé les bureaux du papier timbré''," reçut vif les coups de barre de fer, "s''on corps exposé sur la roue pendant 24 heures, puis divisé en quatre quartiers, et portés et pendus, l'un à la Magdeleine'' (route de Nantes), le ''second au Bourg l'Evêque, le 3e ruë Haute et le dernier ruë Huë'' ( rue de Paris), ''à des poteaux fichés à cet effet''" C'est à dire aux quatre coins cardinaux. Le 29 octobre,pour avoir tiré un coup de fusil sur le duc de Chaulnes,, Pierre Trehol, fripier, fut pendu et étranglé au "grand bout de Cohuë". Le 31 octobre, Perrine Dubois, convaincue d'avoir participé au vol de voeu d'argent en l'église des Dominicains dite de Bonne Nouvelle, fut condamnée à la question, pendue et étranglée au "Grand bout de Cohuë".Le 4 novembre, Jean Rivé, habitant de la rue Haute, reconnu comme chef de la révolte est condamné "''de faire amande honorable à la porte de l'églize cathédrale de Saint-Pierre  avec une torche ardente aux mains, la corde, tête et pieds nus, demandant pardon à Dieu, au roy et à la justice, de là etre conduit au placis de Sainte Anne, et y etre rompu vif sur un échafaut, et sa tête séparée de son tronc etre plantée au haut d'une pique qui sera placée près le pont  Saint Martin avec un ecriteau qui contenoit ces mots : Chef de séditieux, son corps jetté à la voirie, ses biens acquis et confisqués au roy".'' Le même jour Pierre Boissard fut condamné et rompu vif. le 5 novembre, Guillaume Froc, de Saint-Gilles,  qui, armé d'un fusil, s'était vanté de vouloir tuer le duc,fut rompu vif à coups de barre de fer et son corps exposé à Saint-Gilles. Le 2 novembre, Jean Blé, de la rue Haute est pendu au Grand bout de Cohuê pour avoir obligé les officiers à prendre les armes lors de la sédition. Un arrêté royal suscité par le duc ordonna que tous les habitants de la rue Haute (maintenant [[rue Saint-Malo]]), du couvent de Bonne-Nouvelle jusqu'au pont Saint-Martin seraient expulsés de leurs maisons et que celles-ci seraient rasées mais les deux tiers sous le fief du roi furent épargnées et rachetées par leurs propriétaires. Le 7 novembre le  duc de Chaulnes part pour la tenue des Etats à Dinan.
Le 25 octobre, sur la lande de la "Courouse", le duc de Chaulnes et la duchesse accompagnés de la noblesse transportée en 25 carosses, avaient assisté à une démonstration de force consistant en la revue de 3000 hommes de troupe: mousquetaires, dragons, une partie du régiment de la Couronne er de celui des gardes, archers de la maréchaussée. Le 26 octobre, Pierre Daligault, joueur de violon, "''suffisamment atteint et convaincu d'avoir  emeu la populace, rompu et pillé les bureaux du papier timbré''," reçut vif les coups de barre de fer, "son corps exposé sur la roue pendant 24 heures, puis divisé en quatre quartiers, et portés et pendus, l'un à la Magdeleine'' (route de Nantes), le ''second au Bourg l'Evêque, le 3e ruë Haute et le dernier ruë Huë'' ([[ rue de Paris]]), ''à des poteaux fichés à cet effet''" , c'est à dire aux quatre coins cardinaux. Le 29 octobre,pour avoir tiré un coup de fusil sur le duc de Chaulnes, Pierre Trehol, fripier, fut pendu et étranglé au "grand bout de Cohuë". Le 31 octobre, Perrine Dubois, convaincue d'avoir participé au vol du voeu d'argent en l'église des Dominicains dite de Bonne Nouvelle, fut condamnée à la question, pendue et étranglée au "Grand bout de Cohuë". Le 4 novembre, Jean Rivé, habitant de la rue Haute, reconnu comme chef de la révolte est condamné "''de faire amande honorable à la porte de l'églize cathédrale de Saint-Pierre  avec une torche ardente aux mains, la corde, tête et pieds nus, demandant pardon à Dieu, au roy et à la justice, de là etre conduit au placis de Sainte Anne, et y etre rompu vif sur un échafaut, et sa tête séparée de son tronc etre plantée au haut d'une pique qui sera placée près le pont  Saint Martin avec un ecriteau qui contenoit ces mots : Chef de séditieux, son corps jetté à la voirie, ses biens acquis et confisqués au roy".'' Le même jour Pierre Boissard fut condamné et rompu vif. le 5 novembre, Guillaume Froc, de Saint-Gilles,  qui, armé d'un fusil, s'était vanté de vouloir tuer le duc,fut rompu vif à coups de barre de fer et son corps exposé à Saint-Gilles. Le 2 novembre, Jean Blé, de la rue Haute est pendu au Grand bout de Cohuê pour avoir obligé les officiers à prendre les armes lors de la sédition. Un arrêté royal suscité par le duc ordonna que tous les habitants de la rue Haute (maintenant [[rue Saint-Malo]]), du couvent de Bonne-Nouvelle jusqu'au pont Saint-Martin seraient expulsés de leurs maisons et que celles-ci seraient rasées mais les deux tiers sous le fief du roi furent épargnées et rachetées par leurs propriétaires. Le 7 novembre le  duc de Chaulnes part pour la tenue des Etats à Dinan.


===Rennes occupée===
===Rennes occupée===
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