« Après la libération, les internées administratives au camp Margueritte » : différence entre les versions

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… ''au cagibi des tinettes qui nous sert de WC. Jusqu’à présent il n’y avait pas de fermeture intérieure, ce qui était assez désagréable. Depuis aujourd’hui il y a un verrou, c’est une amélioration. À l’est de la baraque, dans un petit boyau de terrain herbu et bordé d’un côté par la baraque, de l’autre par une muraille élevée de barbelés quadrillés (18 à 20 rangs), il y a un bassin rectangulaire en zinc et une dizaine de robinets d’eau disposés au-dessus de ce bassin. C’est là le cabinet de toilette des internées […] ''Depuis peu de temps seulement d’un côté il y a une palissade de bois qui plus ou moins hermétiquement obstrue la vue des regards étrangers'' vers le bout une quadruple haie  de ces barbelés qui laissent voir la campagne  car bien que l'on soit en ville notre camp s'en trouve si distant qu'il y a une prairie près de nous, et des autres côtés se trouvent des immeubles tout neufs qui sont, parait-il, des maisons de gendarme. On aperçoit, sur la droite, la prison Jacques-Quartier, ''la terreur des internées […] ''le matin sonne l’Angélus à l [[Église des Sacrés-Cœurs]] qui n’est pas très éloignée mais, la nuit seulement, on entend le « Gros » […] de la mairie''. <ref>  Cloche du beffroi de l’ [[Hôtel de Ville]] de Rennes qui ne sonne plus depuis les années soixante </ref> Fin novembre,  une haie des genêts est installée entre les barbelés pour occulter les vues.'' Dans la quadruple haie de barbelés quadrillés ''entre lesquels est ménagé un petit sentier où les policiers font une continuelle ronde de garde'' […] Quant aux détenues, elles disposent d'un étroit espace herbu entre la baraque de 50 m de longueur et et la palissade de barbelés, qu'elles appellent le "boulevard des Barbelés".
… ''au cagibi des tinettes qui nous sert de WC. Jusqu’à présent il n’y avait pas de fermeture intérieure, ce qui était assez désagréable. Depuis aujourd’hui il y a un verrou, c’est une amélioration. À l’est de la baraque, dans un petit boyau de terrain herbu et bordé d’un côté par la baraque, de l’autre par une muraille élevée de barbelés quadrillés (18 à 20 rangs), il y a un bassin rectangulaire en zinc et une dizaine de robinets d’eau disposés au-dessus de ce bassin. C’est là le cabinet de toilette des internées […] ''Depuis peu de temps seulement d’un côté il y a une palissade de bois qui plus ou moins hermétiquement obstrue la vue des regards étrangers'' vers le bout une quadruple haie  de ces barbelés qui laissent voir la campagne  car bien que l'on soit en ville notre camp s'en trouve si distant qu'il y a une prairie près de nous, et des autres côtés se trouvent des immeubles tout neufs qui sont, parait-il, des maisons de gendarme. On aperçoit, sur la droite, la prison Jacques-Quartier, ''la terreur des internées […] ''le matin sonne l’Angélus à l [[Église des Sacrés-Cœurs]] qui n’est pas très éloignée mais, la nuit seulement, on entend le « Gros » […] de la mairie''. <ref>  Cloche du beffroi de l’ [[Hôtel de Ville]] de Rennes qui ne sonne plus depuis les années soixante </ref> Fin novembre,  une haie des genêts est installée entre les barbelés pour occulter les vues.'' Dans la quadruple haie de barbelés quadrillés ''entre lesquels est ménagé un petit sentier où les policiers font une continuelle ronde de garde'' […] Quant aux détenues, elles disposent d'un étroit espace herbu entre la baraque de 50 m de longueur et et la palissade de barbelés, qu'elles appellent le "boulevard des Barbelés".
   
   
Les détenues sont parquées, à 110, 120 par baraque, dans deux baraques de 50m x 8 m.  Le 14 octobre elles sont 135 dans une baraque. le 28 octobre on prépare une troisième baraque.
Les détenues sont parquées, à 110, 120 par baraque, dans deux baraques de 50m x 8 m.  Le 14 octobre, àla suite d'un afflux de Fougeraises, elles sont 135 dans une baraque. le 28 octobre on prépare une troisième baraque.
Le 4 octobre trois poêles ont été installés. Les poux surviennent. Le problème d'accès aux "tinettes" fait l'objet de plusieurs narrations.
Le 4 octobre trois poêles ont été installés. Les poux surviennent. Le problème d'accès aux "tinettes" fait l'objet de plusieurs narrations.
Au fil des jours certaines sont appelées pour l’instruction de leur cas, pour l’incarcération à la prison Jacques Cartier ("monter à Jacques Cartier"), pour le jugement, pour l’hôpital ou… pour leur libération. Le brigadier Martin, lors de l’appel, tait volontairement le motif, nourrissant ainsi l’angoisse, espoirs de libération déçus. Tentatives de suicide chez les hommes.  Un intendant Charles, ''un haut personnage de l'État Pétain'', <ref> Il s'agit probablement d'un intendant régional de police </ref> après avoir manqué son évasion avait été ''battu de nerf de bœuf jusqu'à en crier'', tenta de se suicider, montera sur un toit,  sera enfermé à Saint-Méen  <ref>[[ Asile de Saint-Méen]] </ref> , et le mari d’une internée, Marcel Dulong, blessé lors de son arrestation,  après une tentative au rasoir se suicide, le 24 novembre,  en sautant du toit de l’hôpital où il avait été transféré ; il était accusé  « d’être le responsable du coup de main de Broualan  par la seule faute de cette malheureuse poignée de mains  au sinistre Bélier », écrit-il dans une longue lettre à sa femme  internée <ref>  Le milicien Béllier avait participé à l’opération de la Milice contre le {{w|maquis de Broualan}}  le 6 juillet 1944, et aurait tué deux personnes  </ref>
Au fil des jours certaines sont appelées pour l’instruction de leur cas, pour l’incarcération à la prison Jacques Cartier ("monter à Jacques Cartier"), pour le jugement, pour l’hôpital ou… pour leur libération. Le brigadier Martin, lors de l’appel, tait volontairement le motif, nourrissant ainsi l’angoisse, espoirs de libération déçus. Tentatives de suicide chez les hommes.  Un intendant Charles, ''un haut personnage de l'État Pétain'', <ref> Il s'agit probablement d'un intendant régional de police </ref> après avoir manqué son évasion avait été ''battu de nerf de bœuf jusqu'à en crier'', tenta de se suicider, montera sur un toit,  sera enfermé à Saint-Méen  <ref>[[ Asile de Saint-Méen]] </ref> , et le mari d’une internée, Marcel Dulong, blessé lors de son arrestation,  après une tentative au rasoir se suicide, le 24 novembre,  en sautant du toit de l’hôpital où il avait été transféré ; il était accusé  « d’être le responsable du coup de main de Broualan  par la seule faute de cette malheureuse poignée de mains  au sinistre Bélier », écrit-il dans une longue lettre à sa femme  internée <ref>  Le milicien Béllier avait participé à l’opération de la Milice contre le {{w|maquis de Broualan}}  le 6 juillet 1944, et aurait tué deux personnes  </ref>
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Au cours des pages, sont cités des personnes connues : Yves Le Drezen, <ref> Plume régulière de [[L'Heure bretonne]], hebdomadaire nationaliste breton et antisémite  qui  s’affichait au premier étage de l’immeuble situé à l’angle de la [[rue d’Estrées]] et de la place de la Mairie. Libéré le 10 janvier 1945, son dossier est classé sans suite, mais il fait l'objet d'une interdiction de séjour en Bretagne d'un an  </ref> ; des Rennais tels que le Dr Tizon, collaborationniste <ref> Le Dr Tizon sera condamné à une peine de deux années de prison, assortie d’une indignité nationale et la confiscation du quart de ses biens. [[Les Rennais collaborationnistes]] </ref> , le Dr Perquis, , Me Perdriel-Vaissière,  avocat,  tous trois membres du comité des amis de la L.V.F., <ref>{{w| Légion des volontaires français contre le bolchevisme}}</ref> dont ce dernier est président et sa secrétaire est aussi détenue, l’abbé Poisson, l’abbé Chauvel,  ''un petit prêtre à barbe et à soutane en mauvais état'', M. Artur, directeur général de l’Ouest-Eclair <ref> Pierre Artur sera condamné le 12 février 1946 à 10 ans d’indignité nationale </ref> ; ''les miliciens ou dits comme tels souffrent d’un traitement extrêmement brutal qui fait peine à voir''.
Au cours des pages, sont cités des personnes connues : Yves Le Drezen, <ref> Plume régulière de [[L'Heure bretonne]], hebdomadaire nationaliste breton et antisémite  qui  s’affichait au premier étage de l’immeuble situé à l’angle de la [[rue d’Estrées]] et de la place de la Mairie. Libéré le 10 janvier 1945, son dossier est classé sans suite, mais il fait l'objet d'une interdiction de séjour en Bretagne d'un an  </ref> ; des Rennais tels que le Dr Tizon, collaborationniste <ref> Le Dr Tizon sera condamné à une peine de deux années de prison, assortie d’une indignité nationale et la confiscation du quart de ses biens. [[Les Rennais collaborationnistes]] </ref> , le Dr Perquis, , Me Perdriel-Vaissière,  avocat,  tous trois membres du comité des amis de la L.V.F., <ref>{{w| Légion des volontaires français contre le bolchevisme}}</ref> dont ce dernier est président et sa secrétaire est aussi détenue, l’abbé Poisson, l’abbé Chauvel,  ''un petit prêtre à barbe et à soutane en mauvais état'', M. Artur, directeur général de l’Ouest-Eclair <ref> Pierre Artur sera condamné le 12 février 1946 à 10 ans d’indignité nationale </ref> ; ''les miliciens ou dits comme tels souffrent d’un traitement extrêmement brutal qui fait peine à voir''.
[[Fichier:Page_de_cahier_Le_Pannetier113.jpg|350px|right|thumb|Page de cahier de Mme Le Pannetier de Roissay]]
[[Fichier:Page_de_cahier_Le_Pannetier113.jpg|350px|right|thumb|Page de cahier de Mme Le Pannetier de Roissay]]
Les internées sont 250 à 300, de 18 à 76 ans, mais assez jeunes majoritairement. Parmi les personnes citées par Mme Le Pannetier 88 sont indiquées d’Ille-et Vilaine (dont, 25 de la région rennaise, 22 de la région malouine, 10 de Redon, 10 de Fougères), 15 du reste de la Bretagne, 10 de l’extérieur.  Elle estime que ''ce sont, à part un demi-quart qui sont peut-être suspectes de dénonciation : des femmes ayant travaillé comme f. de ménage chez les Allemands, des femmes ayant eu un amant allemand, des femmes ayant pris une adhésion au R.N.P.'' <ref> {{w|Rassemblement national populaire}}, parti d’extrême droite, collaborationniste, fondé par Marcel Déat en 1941. Se voulant socialiste et européen, il visait à « protéger la race », et à collaborer avec l’occupant </ref> ''pour faire revenir de captivité un mari, un frère, un beau-frère ! ou encore des femmes que l’on a arrêtées parce que l’on n’a pas pu trouver leur mari, leur fils, leur fille etc… Et tout cela depuis trois mois ne s’éclaire ni ne bouge. Les libérations sont rares aussi et inattendues car celles qui n’ont rien sur leur dossier sont toujours là tandis que des cas plus obscurs sont libérés.'' ''Elle s’insurge : c’est bien une pure méchanceté et une ignoble injustice qui imposent une telle vie rétrécie et pénible à des détenues préventivement […]  et parmi lesquelles il y a forcément beaucoup d’innocentes comme je le suis moi-même, des malheureuses qui sont victimes de calomnies, de jalousies méchantes, de ragots de concierge et de mégères.'' Elle fait état, le 7 novembre, qu’il y aurait au comité de libération ''300 dossiers pour lesquels personne ne veut prendre la responsabilité de les signer''. <ref> le 11 octobre, constat était fait  au C.D.L. que, par manque de personnel, il y a embouteillage du travail d’épuration en cours, 318 dossiers étant en souffrance depuis plusieurs semaines </ref>
Les internées sont 250 à 300, de 18 à 76 ans, mais assez jeunes majoritairement. Parmi les personnes citées par Mme Le Pannetier 88 sont indiquées d’Ille-et Vilaine (dont, 25 de la région rennaise, 22 de la région malouine, 10 de Redon, 10 de Fougères), 15 du reste de la Bretagne, 10 de l’extérieur.  Elle estime que ''ce sont, à part un demi-quart qui sont peut-être suspectes de dénonciation : des femmes ayant travaillé comme f. de ménage chez les Allemands, des femmes ayant eu un amant allemand, des femmes ayant pris une adhésion au R.N.P.'' <ref> {{w|Rassemblement national populaire}}, parti collaborationniste, fondé par Marcel Déat en 1941. Se voulant socialiste et européen, il visait à « protéger la race », et à collaborer avec l’occupant </ref> ''pour faire revenir de captivité un mari, un frère, un beau-frère ! ou encore des femmes que l’on a arrêtées parce que l’on n’a pas pu trouver leur mari, leur fils, leur fille etc… Et tout cela depuis trois mois ne s’éclaire ni ne bouge. Les libérations sont rares aussi et inattendues car celles qui n’ont rien sur leur dossier sont toujours là tandis que des cas plus obscurs sont libérés.'' ''Elle s’insurge : c’est bien une pure méchanceté et une ignoble injustice qui imposent une telle vie rétrécie et pénible à des détenues préventivement […]  et parmi lesquelles il y a forcément beaucoup d’innocentes comme je le suis moi-même, des malheureuses qui sont victimes de calomnies, de jalousies méchantes, de ragots de concierge et de mégères.'' Elle fait état, le 7 novembre, qu’il y aurait au comité de libération ''300 dossiers pour lesquels personne ne veut prendre la responsabilité de les signer''. <ref> le 11 octobre, constat était fait  au C.D.L. que, par manque de personnel, il y a embouteillage du travail d’épuration en cours, 318 dossiers étant en souffrance depuis plusieurs semaines </ref>


Elle relève les présences de Mme Kaiser, épouse française du célèbre joueur de football allemand du Stade rennais Walter Kaiser, avant la guerre. ''Il a fait beaucoup de bien et notamment empêché de partir l’avocat Baudet qui en était fort menacé'' ; <ref> Kaiser a pu,  par ses fonctions auprès de l'occupant allemand,  détruire de nombreuses lettres de dénonciation entre habitants de Rennes </ref> , celle de May Carré, milicienne,  de ''Mlle Sonia Oulberg'' (probablement Ulberg), ''secrétaire du  marquis du Perron'',  <ref> {{w|Raymond Du Perron de Maurin}}, ancien commissaire régional aux questions juives, chef régional  de la Milice, exécuté le 5 novembre 1946 </ref>  chef de la Milice, reconnaissant  avoir été beaucoup utilisée par les Allemands mais se défendant d’avoir fait de l’espionnage, de Mme Merle dont le mari tenait le C.O.S.I. à Rennes, <ref>{{w| Comité ouvrier de secours immédiat}}, 16 [[rue du Pré-Botté ]]</ref> ''on dit que c’est un cas assez grave, ce sont les biens des Juifs pris par les Allemands que l’on distribuait, parait-il, aux Français ; de Marie-Thérèse H., maîtresse de Breuer'' <ref> Hauptscharführer Adolf Breuer, du {{w| Sicherheitsdienst}} SD de Rennes </ref> qui avait pris la fuite vers la Belgique en compagnie de sa maîtresse rennaise, elle-même interprète à ce SD. Le couple sera arrêté et incarcéré à Bruxelles et Breuer se suicidera dans sa cellule </ref>. ''Cléo Bougault nous a raconté qu’attachée à une compagnie allemande avec laquelle elle était de retour de Normandie (à Saint-Grégoire puis au collège Saint-Vincent une nuit elle était la maîtresse d’un Allemand, elle a été arrêtée par un prêtre, l’abbé Baudry <ref>[[Allée Chanoine Baudry]]</ref> , rue de Paris, qui la dénonça subitement tandis qu’elle allait chercher les objets qu’elle avait reçus en cadeau des Allemands…''
Elle relève les présences de Mme Kaiser, épouse française du célèbre joueur de football allemand du Stade rennais Walter Kaiser, avant la guerre. ''Il a fait beaucoup de bien et notamment empêché de partir l’avocat Baudet qui en était fort menacé'' ; <ref> Kaiser a pu,  par ses fonctions auprès de l'occupant allemand,  détruire de nombreuses lettres de dénonciation entre habitants de Rennes </ref> , celle de May Carré, milicienne,  de ''Mlle Sonia Oulberg'' (probablement Ulberg), ''secrétaire du  marquis du Perron'',  <ref> {{w|Raymond Du Perron de Maurin}}, ancien commissaire régional aux questions juives, chef régional  de la Milice, exécuté le 5 novembre 1946 </ref>  chef de la Milice, reconnaissant  avoir été beaucoup utilisée par les Allemands mais se défendant d’avoir fait de l’espionnage, de Mme Merle dont le mari tenait le C.O.S.I. à Rennes, <ref>{{w| Comité ouvrier de secours immédiat}}, 16 [[rue du Pré-Botté ]]</ref> ''on dit que c’est un cas assez grave, ce sont les biens des Juifs pris par les Allemands que l’on distribuait, parait-il, aux Français ; de Marie-Thérèse H., maîtresse de Breuer'' <ref> Hauptscharführer Adolf Breuer, du {{w| Sicherheitsdienst}} SD de Rennes </ref> qui avait pris la fuite vers la Belgique en compagnie de sa maîtresse rennaise, elle-même interprète à ce SD. Le couple sera arrêté et incarcéré à Bruxelles et Breuer se suicidera dans sa cellule </ref>. ''Cléo Bougault nous a raconté qu’attachée à une compagnie allemande avec laquelle elle était de retour de Normandie (à Saint-Grégoire puis au collège Saint-Vincent une nuit elle était la maîtresse d’un Allemand, elle a été arrêtée par un prêtre, l’abbé Baudry <ref>[[Allée Chanoine Baudry]]</ref> , rue de Paris, qui la dénonça subitement tandis qu’elle allait chercher les objets qu’elle avait reçus en cadeau des Allemands…''
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