Évadé de Bretagne, en Angleterre l'étudiant renseigne sur Rennes occupé

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Jean Paul Émile Richard, étudiant en droit, né le 30 septembre 1922, a quitté Douarnenez en s’évadant à bord du Breiz Izel, un bateau de pêche, le 21 janvier 1944 à 3 heures du matin. Trente-six heures plus tard, le bateau arrive à Falmouth et débarque ses occupants : quatorze aviateurs, anglais, américains et canadiens et dix-sept Bretons désireux de rejoindre les Forces françaises libres.[1] Richard passe, comme tous les évadés de France entrant au Royaume-Uni, par les services secrets de la Royal Patriotic School Wikipedia-logo-v2.svg.

Jean Richard avait été au lycée de garçons de Rennes de 1934 à 1940, puis à Vitré et il est à l'école de notariat de Rennes d'octobre 1942 à juin 1943 quand, pour échapper au STO [2]il quitte Rennes et va se livrer à des "activités subversives".

Les renseignements donnés par l'informateur sur Rennes occupé et ses environs sont consignés dans un rapport M.I.19.(R.P.S.)/1986 du 28 janvier et sont considérés comme de "valeur considérable".

Les renseignements donnés par le jeune homme sont parfois étonnants et sujets à caution (les données discutables ou erronées sont en italique):

Troupes allemandes à Rennes : 5000 à 6000 et 1000 jeunes auxiliaires féminines en uniforme logées à la maison des étudiants et à la maison des étudiantes (Ndlr : celle-ci est occupée par le SD) Il y a une cinquentaine de chars peints en kaki. Dans chaque commune autour de Rennes, il y a environ 10 soldats. Le Feldkommandant de Rennes a autorité sur l'Ille-et-Vilaine et les Côtes-du-Nord. Il y a des chicanes construites en pierre sur les axes Rennes-Chateaugiron et Rennes-Chateaubriant. Une cinquantaine de wagons plateforme avec un deux ou quatre canons antiaériens stationnent sur des voies de garage en gare de Rennes. L'informateur n'avait jamais vu de matelots à RENNES et ne croyait pas que le personnel du dépôt de la Kiegsmarine n'était autre que des troupes de l'armée. Les soldats qu'il avait vus portaient des uniformes gris ou verts.

La population de Rennes est passée de 100 000 en 1939 à 150 000 au début de 1943, mais environ 50 000 ont quitté la ville après le bombardement du 29 mai 1943. Les seuls objectifs militaires à Rennes qui valent un bombardement sont la gare et les chantiers navals. Après le bombardement du 29 mai 1943, les Allemands ont évacué la totalité de l'entrepôt de la Kriegsmarine de la rue de Lorient vers le dépôt de munitions de Fouillard. L'informateur a vu des camions chargeant du matériel à Rennes et a été informé de la destination de Fouillard par un Français de couleur prisonnier de guerre. Il sait que des pièces de sous-marin ont été stockées dans ce dépôt mais n'en a pas vu lui-même. Le Pi-Park comporte 4000 à 5000 vélos réquisitionnés repeints pour la Wehrmacht, d'autres sont à l'arsenal. [3] 1500 employés au dépôt de la Kriegsmarine sont des prisonniers de guerre français de couleur. [4] Il y a 5000 à 6000 prisonniers français de couleur dans 3 ou 4 camps à Rennes dont beaucoup parviennent à s'échapper. Des groupes de 10 ou plus sont vus en ville accompagnés d'un soldat allemand et sont autorisés à acheter du pain ou autre alors que le gardien reste à l'extérieur du magasin. Ces prisonniers sont aimés par la population et la plupart ont une marraine qui leur donne des colis. [5]

La police à Rennes compte 180 milice bleue ( 20 jeunes de l'Europe nouvelle, 100 buchardistes, 30 doriotistes, 30 déatistes) "Ces quatre sous-sections de la Milice bleue sont en partie réquisitionnées et sont mutuellement hostiles. Ils portent les longs pantalons noirs des soldats allemands, des chemises bleues avec Sam Brown et pas de béret (ils ont des bérets mais ne les portent pas). Ils font le salut Hitlérien. Ils ne peuvent porter des revolvers que si Deat, Doriot ou Buchard se rendent à RENNES, mais ils portent toujours un poignard. Ces hommes, qui portent toujours l'uniforme, sont ce que l'on appelle le groupe de protection, c'est-à-dire une imitation des S.S allemands. Ils agissent comme des marionnettes pour la Gestapo; Leur fonction est de dénoncer les auditeurs de la B.B.C, de détruire toutes les preuves de la République, même de détruire des documents dans la aairie, de diffuser la propagande antijuive et anti-Gaulliste." Il y a aussi 1000 à 1200 agents de police d'État, dont 1000 cantonnés à Vitré. le chef de la police est Piat, commissaire central, collaborateur notoire. Il y a 1500 partisans des déatistes à Rennes. Le chef du Groupe Collaboration Bretagne est M.François - directeur de la Société Economique dont le dépôt de denrées alimentaires de Rennes a été détruit lors du raid du 8 mars 1943. En cas de victoire allemande, M. François, son directeur, compte sur l'obtention d'un monopole de la fourniture de denrées alimentaires pour l'ensemble de la France. L'informateur a vu dans les bureaux du Groupe Collaboration une lettre dans le sens indiqué ci-dessus de François au chef de la propagande allemande à Rennes. les principaux collaborateurs à Rennes sont : Sordet (45/50 ans)- sous-directeur de la Société Economique, Petit - Secrétaire du Groupement Collaboration, Perdriel-Vaessière - avocat - officiel important de la L.V.F, Charlier - batonnier. commandant Fleury - dentiste - lui et ses deux fils sont sur le front russe.Tous ceux qui précèdent sont 100% germanophiles.[6] [7]

Le siège des chemises bleues a été soufflé une nuit où personne n'était présent; en février 1943, le quartier général de la LVF a explosé, en août, celui des Doriotistes a explosé ainsi que celui le quartier général des Déatistes. [8] Les annonces dans les journaux recrutent fréquemment des volontaires pour le N.S.K.K. et des chauffeurs pour le Wehrmacht. Le nombre de réponse à ces annonces est négligeable. "Le contact amical entre les Allemands et le Français se limite principalement aux femmes. Les femmes de Français prisonniers de guerre en Allemagne sont les plus coupables. Un nombre considérable de "petits Boches" font leurs premiers pas en Bretagne. Ces femmes sont ramassées par les Allemands dans les cafés. C'est également un fait que le soldat allemand n'est pas tellement une proposition attrayante parce qu'il ne semble pas avoir beaucoup d'argent. Sa ration de cigarettes n'est qu'à 5 par jour." Il y a deux bordels à Rennes exclusivement à l'usage des Allemands : 13 boulevard Solférino et 47 rue Duhamel. [9] Il y en avait un troisième au 13, rue Edouard Turquety, qui a été détruit lors du raid le 29 mai, lors duquel quatre Allemands et quatre femmes ont été tués. Sur Rennes en mai 1943, des tracts "CONSEIL AUX FRANÇAIS" ont été lâchés. Ceux-ci, éparpillés,étaient en bon état lorsqu'ils ont été ramassés. Le lendemain les Allemands avaient dispersé une réplique exacte de la brochure avec le titre CONSEIL AUX FRANÇAIS, mais avec un texte rabaissant les Britanniques et De Gaulle. [10] Les tracts ont été lus avec intérêt. L'informateur a pensé que la plupart des gens les ont brûlés après lecture.

Il y a en général 50 à 100 locomotives dans les chantiers de Rennes : 120 le 8 mars 1943 mais les bombes sont tombées 200 m trop au sud. Il n'y a pas de refuges publics à Rennes, mais seulement des tranchées creusées dans les squares et jardins publics. La population n'aiment pas utiliser ces tranchées et préfèrent se cacher dans les caves des maisons. Mais souvent, aucun avertissement n'est donné avant que les bombes ne commencent à tomber. Cela s'est produit lors du dernier raid sur Rennes.

Dans les grandes villes telle que Rennes, les personnes complètent leur ration de beurre ou de viande en achetant aux paysans. Ils paient 60 F au lieu du prix officiel de 35 à 40 F pour une livre** de beurre. Il faut toutefois se rappeler que les ouvriers ne gagnent que environ 100 F par jour et ne peuvent donc pas payer quoi que ce soit au-dessus des prix officiels. [11] Les "terroristes" ont récemment pris des mesures contre les fermiers qui exigent des prix exorbitants au marché noir pour leurs produits. Ils sont prévenus que lorsqu'ils persistent à faire payer trop cher, un groupe de 5 ou 6 hommes armés de mitraillettes apparaît dans la ferme et ordonne au fermier de remettre son argent sinon il sera abattu. Ces fermiers gagnent 2 à 300 000 F par an et, comme cela a déjà été signalé, ils conservent la plupart du temps leur argent dans leurs locaux, dans un tiroir ou dans un récipient. Lorsque l'argent est remis, le groupe jette l'argent dans le feu sous le nez du fermier. Le groupe part alors, après avoir averti le fermier de ne pas faire appel à la police et verrouiller la porte de l'extérieur. De tels actes causent une certaine appréhension parmi la population puisqu'il y a des gangs qui feront pression sur les agriculteurs alors que d'autres cambriolent pour leurs propres profits. Il est difficile pour la population de faire la séparation entre les groupes de résistance et les bandits dans des cas tels que ceux décrits ci-dessus.

Il est possible de téléphoner de Rennes à Paris et à toutes les villes dans la "zone interdite". L'informateur pense que les Allemands écoutent parfois, mais naturellement tout le monde parle au téléphone en étant sur ses gardes. Pour la réception de B.B.C. les longueurs d'onde françaises dans la région de Rennes sont:longues ondes 1500m, ondes moyennes 261,285 et 373, brouillage par du bruit comme un moteur en marche. Les ondes courtes sont très sensibles, ce qui rend difficile le réglage de la longueur d'onde requise. Beaucoup d'anciens postes réalisés avant 1935/36 ne sont pas équipés pour les ondes courtes. Si la réception est mauvaise sur 373m, il y a peu de longueur d'onde alternative pour écouter le B.B.C. Alors que 5 ou 6 longueurs d'onde sont utilisées par le B.B.C. sur les ondes courtes, seulement 2 ou 3 longueurs ondes sont utilisées en ondes moyennes. L'informateur suggère que la B.B.C. gagnerait l'estime des auditeurs français si elle pouvait diffuser sur 1 ou 2 longueurs d'ondes moyennes supplémentaires. 21h15 est l'heure d'écoute la plus régulière. Les messages personnels sont passés en partie 21h15 en partie à 21h32. Ces messages intéressent uniquement un public très limité et de nombreux auditeurs éteignent leur poste lorsque ces messages passent à antenne. L'informateur recommande que ces messages soient passés au début des émissions c'est à dire à 21h15 ou à la fin. [12]

Il y a une tendance croissante pour les gens à critiquer les émissions de la B.B.C. Ils estiment qu'il y a trop de promesses et de trop peu d'action. On estime que les émissions britanniques étaient à la limite de la vantardise et se glissaient vers le modèle allemand. Cela ne signifie pas que les Français aient complètement perdu confiance en les Alliés, mais à titre d'exemple, les lents progrès de la guerre en Italie n'avaient aucun rapport avec la campagne de Russie. Les Français se sont souvenus du discours du Premier Ministre " ... Avant que les feuilles d'automne tombent ". Ils l'ont interprété comme signifiant l'invasion à grande échelle de l'Europe et pas simplement une action secondaire en Italie. Les Français voulaient une action, alors que, jusqu'à présent du côté des Alliés, tout semblait avoir la saveur d'un film au ralenti. La décision de ne pas reconnaître le gouvernement de De Gaulle en tant que gouvernement légal de la France avait touché les susceptibilités françaises. Comme une très grande majorité des Français était gaulliste, n'était-ce pas sûrement lui qui les représentait de fait ?. Compte tenu de cette non-reconnaissance de De Gaulle, la population se demandent si les Alliés viennent en France en tant que libérateurs ou en tant que troupes d'occupation. Le public n'est pas convaincu que les États-Unis quitteront Dakar, etc. L'informateur souligne le fait que les Français sont prêts et qu'ils veulent combattre l'ennemi une fois en possession d'armes. D'autant plus qu'ils se posent des questions sur les intentions alliées envers la France.

Commentaire de l'interrogateur : "Ce jeune Français était lui-même engagé dans des activités utiles à la cause alliée et il n'y a aucun doute sur son esprit de combat. Si donc, lui et ses associés, expriment les critiques décrites ci-dessus, on peut imaginer ce que les partisans alliés moins ardents disent quand ils se laissent aller."

Références