« 1913, un faux grand compositeur norvégien à Rennes » : différence entre les versions

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Un soir de la mi-février 1913, des membres éminents de la bonne société rennaise sont réunis dans le salon de la comtesse de Bizien du Lezard, en son hôtel de Caradeuc. Il y a même ici Mgr Dubourg, évêque du diocèse. L'objet et le point de mire est l'illustre compositeur {{w| Christian August Sinding}}, descendu de Norvège à Rennes. Le prélat remercie le jeune maestro qui a tenu, quelques jours avant, le grand orgue de la [[cathédrale Saint-Pierre]] d'une façon telle que ''La Semaine religieuse'' s'en est fait l'écho. Il a joué aussi à Cesson  où il a ébloui les connaisseurs. Le maître doit de Rennes se rendre à Saint-Nazaire et embarquer sur un paquebot pour les Amériques. Et l'on parle de sa célèbre symphonie N° 1...  
Un soir de la mi-février 1913, des membres éminents de la bonne société rennaise sont réunis dans le salon de la comtesse de Bizien du Lezard, en son hôtel de Caradeuc. Il y a même ici Mgr Dubourg, évêque du diocèse. L'objet et le point de mire est l'illustre compositeur {{w| Christian Sinding}}, descendu de Norvège à Rennes. Le prélat remercie le jeune maestro qui a tenu, quelques jours avant, le grand orgue de la [[cathédrale Saint-Pierre]] d'une façon telle que ''La Semaine religieuse'' s'en est fait l'écho. Il a joué aussi à Cesson  où il a ébloui les connaisseurs. Le maître doit de Rennes se rendre à Saint-Nazaire et embarquer sur un paquebot pour les Amériques. Et l'on parle de sa célèbre symphonie N° 1...  


[[Fichier:Le_vrai_Sinding.png|100px|right|thumb|le vrai Christian August Sinding, âgé de 56 ans en 1913]]
[[Fichier:Le_vrai_Sinding.png|100px|right|thumb|le vrai Christian August Sinding, âgé de 56 ans en 1913]]
Mais l'un des invités, mélomane, qui a eu le plaisir d'entendre Sinding il y a quelques années, s'étonne ouvertement de l'apparente conservation d'une jeunesse qu'il situe autour de la trentaine alors que  l'âge du conpositeur norvégien doit être aux alentours d'une bonne cinquantaine. Ses propos engendrent un malaise car un doute se fait jour et le jeune compositeur de remercier l'hôtesse, l'évêque et les invités de leur charmant accueil et s'esquive. <ref> ''Les mystères d'Ille-et-Vilaine'', Christophe Belser , Lenaïc Gravis,  de Borée Editions - 2009</ref>
Mais l'un des invités, mélomane, qui a eu le plaisir d'entendre Christian August Sinding il y a quelques années, s'étonne ouvertement de l'apparente conservation d'une jeunesse qu'il situe autour de la trentaine alors que  l'âge du conpositeur norvégien doit être aux alentours d'une bonne cinquantaine. Ses propos engendrent un malaise car un doute se fait jour et le jeune compositeur de remercier l'hôtesse, l'évêque et les invités de leur charmant accueil et s'esquive. <ref> ''Les mystères d'Ille-et-Vilaine'', Christophe Belser , Lenaïc Gravis,  de Borée Editions - 2009</ref>


Le lendemain, 17 février, l'évêque envoie un émissaire à l'hôtel de ''la Californie'', [[rue Dupont des Loges]] où le compositeur était descendu, mais celui-ci l'a quitté... sans payer et la gérante a déjà appelé la police. Son pensionnaire est parti pour Nantes... à pied. pris en stop par un architecte de Nantes, celui-ci, subjugué par les propos tenus par son passager, le dépose à la porte de l'''hôtel du Grand  Monarque'', à Nantes.
Le lendemain, 17 février, l'évêque envoie un émissaire à l'hôtel de ''la Californie'', [[rue Dupont des Loges]] où le compositeur était descendu, mais celui-ci l'a quitté... sans payer et la gérante a déjà appelé la police. Son pensionnaire est parti pour Nantes... à pied. pris en stop par un architecte de Nantes, celui-ci, subjugué par les propos tenus par son passager, le dépose à la porte de l'''hôtel du Grand  Monarque'', à Nantes.

Version du 27 juillet 2017 à 08:57


Un soir de la mi-février 1913, des membres éminents de la bonne société rennaise sont réunis dans le salon de la comtesse de Bizien du Lezard, en son hôtel de Caradeuc. Il y a même ici Mgr Dubourg, évêque du diocèse. L'objet et le point de mire est l'illustre compositeur Christian Sinding Wikipedia-logo-v2.svg, descendu de Norvège à Rennes. Le prélat remercie le jeune maestro qui a tenu, quelques jours avant, le grand orgue de la cathédrale Saint-Pierre d'une façon telle que La Semaine religieuse s'en est fait l'écho. Il a joué aussi à Cesson où il a ébloui les connaisseurs. Le maître doit de Rennes se rendre à Saint-Nazaire et embarquer sur un paquebot pour les Amériques. Et l'on parle de sa célèbre symphonie N° 1...

le vrai Christian August Sinding, âgé de 56 ans en 1913

Mais l'un des invités, mélomane, qui a eu le plaisir d'entendre Christian August Sinding il y a quelques années, s'étonne ouvertement de l'apparente conservation d'une jeunesse qu'il situe autour de la trentaine alors que l'âge du conpositeur norvégien doit être aux alentours d'une bonne cinquantaine. Ses propos engendrent un malaise car un doute se fait jour et le jeune compositeur de remercier l'hôtesse, l'évêque et les invités de leur charmant accueil et s'esquive. [1]

Le lendemain, 17 février, l'évêque envoie un émissaire à l'hôtel de la Californie, rue Dupont des Loges où le compositeur était descendu, mais celui-ci l'a quitté... sans payer et la gérante a déjà appelé la police. Son pensionnaire est parti pour Nantes... à pied. pris en stop par un architecte de Nantes, celui-ci, subjugué par les propos tenus par son passager, le dépose à la porte de l'hôtel du Grand Monarque, à Nantes.

L'Ouest-Eclair se saisit évidemment de cette affaire de grande illusion de l'élite rennaise abusée par un jeune musicien talentueux et... comédien. Le 26 février il rapporte les faits relevés par le journal Le Matin : Louis de Conchy, dont le père décédé était général, et qui avait trois frères officiers, portait sur sa carte de visite la couronne comtale et les titres d'organiste, de premier prix du conservatoire et de membre du jury du conservatoire; il avait sévi à Cambrai, Saint-Omer et Calais, s'y disant même ami de l'empereur de Russie et avoir composé le Gazouillement de printemps, de Conchy n'étant qu'un pseudonyme pour Sinding. Il quitte Cambrai en laissant des impayés puis le voici à Blois. Le 9 mars, le journal, sous le titre "Sinding est revenu à Rennes", annonce que le jeune Sinding, en fait Louis de Conchy, - il a 29 ans - arrêté à Jonzac pour délit de vagabondage, a été , sur mandat d'arrêt du Parquet de Rennes, ramené à Rennes par le train de Nantes, et transféré, vêtu d'une magnifique peau de bique, à la maison d'arrêt. Plusieurs malles que "Sinding" avait laissées à l'hôtel ont été saisies, l'une d'elles contenant un uniforme d'officier belge. Le juge d'instruction l'inculpe de port illégal de décoration car il arborait la rosette d'officier de l'Instruction publique.

À l'audience, Louis de Conchie apparaît vêtu de sa peau de bique, " la tête largement dégarnie vers le front et frisée par ailleurs, une tête joufflue et pleine, d'où le menton solide proémine". Le journal, ménageant les susceptibilités rennaises indique, avec quelque ironie cependant :" Nous ne nous attarderons pas sur la manière dont de Conchy pénétra dans le monde rennais et l'emplit de la gloire de son nom et de l'éclat de son talent que beaucoup de salons connaisseurs apprécièrent. Il parut aussi dans les églises".

Le procureur de la République, concéda que de Conchy est un escroc mais... admit les circonstances atténuantes. Le tribunal écarta l'escroquerie pour l'hôtel et un attelage avec poney commandé, la retint pour des partitions achetées chez Bossard-Bonnel - où il avait commandé un piano dont il n'avait pas pris livraison, et condamna de Conchy à trois mois de prison.[2]

Références

  1. Les mystères d'Ille-et-Vilaine, Christophe Belser , Lenaïc Gravis, de Borée Editions - 2009
  2. Ouest-Eclair, 22 mars 1913