Anne de Bretagne

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Anne de Bretagne-Jean Bourdichon[1].

Anne de Bretagne

(25 Janvier 1477, Nantes - 9 janvier 1514, Blois)

Petite fille, grand parti

Fille de François II, duc de Bretagne et de Marguerite de Foix, princesse de Navarre, dès son jeune âge, Anne est confiée à une nourrice rennaise, un an après naît une sœur (décédée en 1490). Les deux filles sont alors mises sous la tutelle du Maréchal de Rieux et le sire de Lescure. En 1480, elle a comme gouvernante Françoise de Dinan, dame de Laval et de Châteaubriant. On lui enseigne à lire, à écrire, le latin, le grec, sans oublier la danse, le chant, la musique, la poésie, la peinture, la broderie, mais on lui apprend également "la science de tenir une maison". Sa gouvernante va jouer un rôle important dans les manœuvres matrimoniales concernant Anne. En 1481, à seulement 4 ans, elle est déjà officiellement fiancée au prince de Galles Edouard. Elle fit une première entrée solennelle à Rennes le 6 mars 1484, à l'âge de 8 ans, et les miseurs, sur délibération des bourgeois, lui offrirent au nom de la cité le don de joyeuse advenue de la vaisselle d'argent d'un poids de 80 marcs.[2] ( environ 19 kg). Juste après la mort de sa mère, en 1486, étant destinée à devenir la Duchesse de Bretagne, elle devient un enjeu important pour un rapprochement franco-breton et ce ne sont pas les prétendants avides de pouvoir qui manquent.

La duchesse en sa bonne ville capitale

En juillet 1488, François II, duc de Bretagne est en guerre contre le roi de France, Charles VIII. C'est la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier. Ceux qui espèrent avoir "la main" d'Anne viennent prêter "main forte" à François II. Malgré cela la bataille va aboutir à la défaite des Bretons et au traité du Verger, en août 1488. Le duc de Bretagne s'engage à éloigner du duché les princes et tous les étrangers qui s'étaient mêlés de la guerre contre le roi de France ; il promet qu'il ne marierait pas ses filles sans consulter le roi de France. L'enjeu étant toujours Anne. Qu'a t-elle de plus cette Anne? Elle est petite, fluette, a le teint foncé mais est assez jolie et d'une bonne finesse d'esprit. Visiblement elle boîte d'une jambe et porte une chaussure à talon pour cacher cette difformité. Il est plus que probable que son meilleur atout pour les prétendants soit son héritage.

Anne de Bretagne, par Jean Bourdichon

Le 9 septembre 1488, son père François II meurt alors qu'elle n'a que 11 ans et demi. Elle devient donc Duchesse de Bretagne. Le 7 Février 1489, Anne est attendue par la population rennaise, elle va alors habiter sur la rive droite de la Vilaine, face au manoir de la Salle verte. Le soir du 9 février, en costume de grande duchesse, à la lueur des flambeaux elle se rend jusqu'aux portes Mordelaises où le pont-levis est levé. Anne est alors seule face à la fosse et prononce le serment des ducs : "Maintenir les privilèges, libertés et immunités de l'église, de la noblesse et du peuple de Bretagne". S'ensuit une immense clameur de la foule, suivie du bruit des chaînes qui retenaient jusqu'à présent le pont-levis, alors en train de descendre. Anne d'un pas ferme monte vers la cathédrale Saint-Pierre qui se trouve en face d'elle. Comme le veut la tradition, le nouveau duc ou la nouvelle duchesse doit y passer la dernière nuit avant son couronnement en prière.

À l'aube, Anne est reconduite à son palais pour revêtir ses vêtements d'apparat. Mardi 10 février 1489, c'est le grand jour, les cloches sonnent à toute volée, la foule parlant le français comme le breton est là pour l'acclamer. Anne entre dans la cathédrale où bientôt elle prête serment. A 12 ans et 16 jours, Anne devient Duchesse de Bretagne, "souveraine de la terre et de la mer, maîtresse du sol et des gens, sur l'étendue du Duché aux neuf évêchés".

Maintenant la question la plus importante est de savoir avec quel prince elle va se marier. Son tuteur et sa gouvernante pensent dans un premier temps lui faire épouser un de leur parent Alain d'Albert, qui s'était déjà mis sur les rangs auprès de François II, en acceptant de l'aider dans la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier. Il est veuf, n'a "que" 49 ans et est déjà père de huit enfants. Anne refuse et se retire à Rennes. Elle fait alors appel à des troupes étrangères : anglaises, espagnoles et allemandes. Les rois d'Espagne et d'Angleterre envoient des troupes, ainsi que Maximilien I de Habsbourg, archiduc d'Autriche, Roi des Romains et Empereur germanique.

Ce dernier a envoyé des émissaires à Rennes, après qu'une paix fut signée entre la France et la Bretagne, afin de demander la main de la Duchesse de Bretagne. Cette union permettrait alors à la Bretagne de préserver son indépendance totale vis-à-vis de la France et de l'Angleterre. Le 16 décembre 1490, ce mariage est avalisé par les Etats de Bretagne qui se sont réunis à Vannes et le 19 Décembre, l'évêque de Rennes, dans la cathédrale Saint-Pierre, procède à la cérémonie de mariage de la Duchesse Anne de Bretagne, presque 14 ans, avec Maximilien de Habsbourg, 31 ans, qui n'est pas présent à la cérémonie car il est retenu en Allemagne. C'est donc conformément aux rites germaniques que la Duchesse Anne se retrouve mariée par procuration.

Plan de Rennes par Hévin. La 3e enceinte (C) a été construite à partir de 1449, complétant lesFossés Gahier

Rennes investie par les troupes de Charles VII

Ce mariage n'est pas du goût du roi de France, Charles VIII. De plus il est contraire au traité du Verger qu'il avait signé avec François II, puisque Anne n'a pas demandé le consentement du roi. De plus Charles VIII, qui a alors 20 ans, est fiancé avec Marguerite de Bourgogne, appelée également Marguerite d'Autriche qui n'est autre que la propre fille de Maximilien d'Autriche et de ce fait la Duchesse Anne de Bretagne devient sa belle-mère. Un autre ex-prétendant éconduit, jaloux, Alain d'Albert qui est à ce moment le capitaine de Nantes, livre le château des ducs aux Français en mars 1491.

De juillet à la mi-novembre 1491, Charles VIII va faire le siège de Rennes, pour empêcher Anne de rejoindre Maximilien. En fait, la ville n'est que partiellement investie par des troupes françaises cantonnant à divers endroits tels que Liffré, l'abbaye de Saint-Sulpice-la-Forêt, Vern-sur-Seiche. Outre la milice de Rennes, Anne dispose d'Allemands de Maximilien, d'Anglais et d'Espagnols et d'un substantiel parc d'artillerie. Anne accepte une joute entre un chevalier du parti breton et un chevalier français, qui se termine sans vainqueur. Mais le lendemain, une sortie pour attaquer les troupes françaises, en prenant du butin et en faisant des prisonniers se termine mal car les assiégés tuent leurs prisonniers et la ville manque d'être prise. La ville n'a pas à faire usage de ses canons et les troupes françaises ne passeront pas ses portes mais sa défense coûte cher à Anne qui doit fondre sa vaisselle précieuse et aux habitants sur lesquels est levé un emprunt pour payer les soldes des mercenaires et le ravitaillement devient difficile car il faut aussi nourrir des réfugiés. De plus, les taxes municipales sur la consommation ont diminué en raison du ralentissement du commerce. Anne refuse la suggestion du capitaine de Rennes, Jean de Châlons, prince d'Orange,[3] de quitter Rennes pour rejoindre Maximilien et aucun renfort ne lui parvient.[4]Comme le mariage n'est pas consommé, il est possible à Charles VIII de demander la duchesse en mariage et Charles rencontre Anne le 15 novembre. La tradition a longtemps voulu que Charles VIII et Anne de Bretagne se soient fiancés à Rennes le 15 novembre 1491. Mais aucune source de l'époque ne le prouve, et les recherches menées en parallèle du chantier de fouilles du Couvent des Jacobins en 2016 confirment ce vide.[5] En revanche, des négociations ont vraisemblablement eu lieu à Rennes. Un traité de mariage, qu'on peut assimiler à des fiançailles, a été signé au château royal de Langeais en Touraine le 6 décembre, quelques heures avant le mariage proprement dit[6], qui se déroule lui aussi au château. Dans son contrat de mariage il est noté que si Anne meurt la première, le roi de France deviendrait automatiquement duc de Bretagne. La Bretagne serait unie alors à la France. S'il n'y a pas de fils à la mort de Charles VIII, Anne ne peut se remarier qu'avec le roi suivant. Le 8 février 1942, Anne de Bretagne devient reine de France lors de la cérémonie du sacre à la basilique Saint-Denis, le lendemain la reine entre dans la capitale. Le couple va avoir quatre enfants qui ne vivront pas.

Requête des Rennais à la duchesse

En 1494, les Rennais présentent une requête pour obtenir le conseil et la chancellerie :

"Nostre souveraine dame tant et si très humblement que plus povons tousjours à vostre bonne grace nous recommandons nostre souveraine dame vous plaise entendre que comme après que vous avons fait puix naguères bien au long remonstrez les ordonnances faictes par le roy nostre sire du bien déterminé pour la résidence de cy devant de la Chambre des comptes de cestuy vostre pays et duché en la ville de Nantes et du parlement en la ville de Vennes nous vous faisons très humble requeste vostre plaisir estre de suplier nostredit sieur de ordonnez son conseil et chancelerie de cedit pays résider pour l’avenir en cestre vostre loyalle et cité de Rennes.

Et nostre souveraine dame vous incline à nostre supplicacion et requeste comme nostre bonne et naturelle maistresse en demonstrant par effect le grand désir et zel que avez à l’agrandissement et resourcée de ceste vostredite ville et cité qui au moyen des guerres a eu tant à porter et souffrir en avez fait requeste à vostredit sieur lequel a décléré son intencion que son plaisir est à ce que ledit conseil ne soit embulatoire qu’il tienne désormais en ceste vostredite ville comme bien apiert par le mandement qu’il vous a pleu nous envoyez par Michel Caré vostre serviteur apoticaire lequel nous a bien à plain déclairé l’affection qu’il vous plaist avoir à nostre prospérité de quoy nous nous réputons autant eureux que peuple qui soit sur la terre "...

de duchesse de Bretagne à reine de France

Le 7 avril 1498, Charles VIII trouve la mort en heurtant du front le linteau d'une porte alors qu'il se trouvait sur son cheval. Anne de Bretagne devient veuve à l'âge de 22 ans. Contrairement aux usages royaux, c'est en noir - comme les femmes du peuple - qu'elle veut porter le deuil, et non en blanc.

Anne redevient la duchesse de Bretagne, mais doit épouser le nouveau roi, Louis XII qui est le cousin et beau-frère de Charles VIII, car il est alors marié avec Jeanne de France la seconde fille de Louis XI. Il va s'empresser de faire annuler son mariage en prétextant que depuis 23 ans, il ne fut pas consommé. En janvier 1499, Anne de Bretagne épouse Louis XII, dans la chapelle du château de Nantes, et devient pour la seconde fois reine de France. Dans son nouveau de contrat de mariage Louis XII, qui depuis son jeune âge avait de l'admiration pour Anne, s'engage à respecter les privilèges de la Bretagne et les institutions bretonnes. Le couple va avoir huit enfants dont seules deux filles survivront, dont Claude qui épousera le Comte d'Angoulême qui devint François Ier.

Jusqu'à la mort de Charles VIII, Anne de Bretagne, n'a aucun rôle politique, obligée de résider où on l'affecte, mais pendant son second mariage royal elle domine son époux, dirigeant le royaume avec énergie quand il est parti faire la guerre. Généreuse, elle faisait distribuer chaque jour des aumônes aux pauvres. Lors de son mariage elle fit de riches cadeaux à divers églises en Bretagne.

1505, un Tro Breizh qui ne passe pas par Rennes

Elle a beaucoup contribué aux progrès de la marine française. Lors de l’été 1505 Anne de Bretagne, fit un voyage par petites étapes à travers son duché, accompagné de Yves Mayeuc. Elle quitta Blois et descendit la Loire par bateau et en voiture, arrivant à Nantes le 8 juillet, puis elle continua sa route en passant par Vannes, Hennebont et Quimper pour arriver au Folgoët où elle resta environ deux semaines. De là, elle se rendit à Brest pour voir La Cordelière, le grand navire de guerre qu’elle avait commandé quelques années auparavant, puis elle prit le chemin du retour en longeant la côte nord de la Bretagne, atteignant Dinan le 19 septembre. Mais son arrivée à Rennes, attendue avec enthousiasme par les édiles municipaux depuis le mois de juillet quand on commença à faire des arrangements pour sa joyeuse entrée, fut annulée au dernier moment par peur de la peste à Rennes, et la reine continua son périple, passant par Saint-Malo le 20 septembre, Dol le 22 septembre et Vitré le 28 septembre et était de retour en Touraine en octobre.[7] De temps à autre elle venait rendre visite à la Bretagne et aux Bretons, tenant à leur présenter elle-même Louis XII. Habituée dès son jeune âge à être respectée, elle ne supportait pas le moindre écart. Elle aimait beaucoup la musique et la poésie, s'entourant de ménestrels et de poètes, et plus particulièrement bretons.

Anne de Bretagne meurt, après une courte maladie, au château de Blois. Ses funérailles vont durer quatre jours. Sachant qu'à son décès sa dépouille serait allée reposer à la Basilique de Saint-Denis, elle avait émit le souhait que son cœur retournât dans un coffre d'or en Bretagne, à Nantes. Le 19 mars 1514, il fut déposé à la chapelle des Carmes, dans le tombeau qu'elle avait fait réaliser pour ses parents et transféré plus tard à la cathédrale Saint-Pierre.[8]


Les fiançailles d'Anne avec Charles VIII rappelées sur le couvent des Jacobons (photo Pymouss 44 de Wikimedia Commons)

Des nombreux enfants qu'elle a eus de ses unions royales, seules deux filles atteignirent l'âge adulte :

  • Claude de France (1499-1524), Duchesse de Bretagne (9 janvier 1514) puis reine de France en tant qu'épouse du roi François Ier ;
  • Renée de France (1510-1575), Duchesse de Chartres. Elle épousera Hercule d'Este, Duc de Ferrare, fils d'Alphonse Ier, Duc de Ferrare et de l'illustre Lucrèce Borgia (1480-1519).

La Bretagne sera finalement rattachée à la Couronne en 1532.

Anne de Bretagne et la légende de l'octroi de la gratuité de la circulation

Historiquement, Anne de Bretagne a bien signé des contrats de mariage avec Charles VIII puis Louis XII, qui garantissaient au peuple breton les droits qu'il avait lorsque la Bretagne n'était pas administrée par le roi de France. Parmi ces droits figurerait la libre circulation des personnes, et donc, le non paiement de péages mais il semblerait que dans ces contrats il n'y eut pas mention de la libre circulation. D'ailleurs la Révolution aurait supprimé ce privilège provincial s'il avait existé.

C'est beaucoup plus tard, dans les années soixante du 20e siècle, que le Comité d'études et de liaison des intérêts bretons Wikipedia-logo-v2.svg (CELIB) élabora un plan de modernisation du réseau routier breton pour désenclaver la région, pénalisée qu'elle était dans l'espace français et européen par sa situation excentrée. En mai 1968, ce plan fut approuvé par le gouvernement soumis à la pression de groupes bretons, menés notamment par le syndicaliste agricole Alexis Gourvennec Wikipedia-logo-v2.svg. Le ministre de l'Intérieur, Raymond Marcellin arrêta un réseau routier moderne gratuit à quatre voies avec terre-plein central, qui visait à désenclaver la Bretagne dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire. Ces itinéraires express (deux voies séparées par un terre-plein central de deux autres) ne pouvaient être taxés comme des autoroutes, car ils utilisent en partie l'emprise de routes nationales existantes sans subsistance d'itinéraires parallèles, ce qui sera aussi le cas du tronçon de l'autoroute des estuaires A 84 - vraie autoroute - entre Caen - Rennes - Nantes. Ces voies rapides ont une vitesse maximale de 110 km/h au lieu de 130 pour les voies à caractère autoroutier. Dans son discours de Quimper du 2 février 1969, le général De Gaulle confirma et amplifia les mesures décidées par le Comité Interministériel d'Aménagement du Territoire du 9 octobre 1968 promettant la réalisation du plan routier breton Wikipedia-logo-v2.svg, lequel d'ailleurs s'effectua avec participations financières des collectivités territoriales, notamment pour l'aménagement d'échangeurs.


À Rennes, le boulevard de la Duchesse Anne et l'Hôpital Sud rappellent la mémoire de la duchesse Anne.

Liens internes

Note et références

  1. Wikipédia
  2. Histoire de Rennes, p.192,3, Émile Ducrest de Villeneuve et D. Maillet. Edouard Morault, libraire. Rennes - 1845
  3. Jean IV de Chalon-Arlay Wikipedia-logo-v2.svg
  4. Le dernier siège de Rennes en 1491, Philippe Hamon. Place Publique, n°39; Janvier-février 2016
  5. Le dernier mystère de la duchesse Anne, Julien Joly, Mensuel de Rennes n°83, septembre 2016.
  6. Une copie de ce texte en latin est conservée aux Champs libres de Rennes.
  7. Autour du voyage manqué de la reine Anne à Rennes en 1505 , Michael Jones. Archives de Rennes - 2007
  8. à partir de la notice rédigée par Joël DAVID, chargé d'odonymie à la Ville de Rennes, Rennes Métropole