Armistice à Rennes : 11 novembre 1918


Le mois de novembre va enfin amener la fin du cauchemar. Mais à Rennes comme ailleurs, aux morts et blessés de la guerre se sont ajoutés les morts dues à la grippe espagnole qui, apparue en août, aura fortement contribué aux 1852 décès constatés lors des cinq derniers mois de 1918, montant hors norme puisqu'on enregistrera 2066 décès pour toute l'année 1919. [1]

Carte postale laissant espérer la libération de l'Alsace et de la Moselle
L'information tant espérée

Les faits

  • 6 octobre 1918 : Allemagne, Autriche et Turquie demandent la paix.
  • 9 novembre : l'empereur Guillaume II, contraint à abdiquer par le mouvement révolutionnaire allemand, part en exil aux Pays-Bas et la république est proclamée.
  • 11 novembre : l'armistice est signé à l'aube et prend effet sur le front ouest à 11 heures. L'Allemagne doit évacuer les territoires envahis et accepter l'occupation de la rive gauche du Rhin.

Rennes en fête pour saluer l'armistice

Tel était le titre de l'article de l'Ouest-Eclair du 12 novembre 1918 pour relater comment la nouvelle de l'armistice fut reçue à Rennes, non sans avoir rappelé qu'une telle unanimité ne s'était pas vue depuis le 1er août 1914[2], à l'aube d'une guerre dont on ne se doutait pas qu'elle allait entraîner tant de séparations, sacrifices et deuils.

 
La foule à Paris le 11 novembre 1918
 
Rennes en 1918 - plan de Rennes - Guide Michelin de 1919, ignorant le début d'urbanisation au sud des voies ferrées
 
L'Écho de Paris. 2 novembre 1918
 
Carte à connotation vengeresse (A.F. Laclau, éditeur, Toulouse)
 
Guide Michelin de 1920 pour l'Alsace

La nouvelle est diffusée

À 11 h 35, ce lundi 11, la préfecture avait été informée, par téléphone du ministère, de la signature de l'armistice mais des bruits circulaient déjà dans la foule qui s'assemblait place de la Mairie. À 11 h 45, c'est le maire Jean Janvier qui, d'un balcon de l'Hôtel de Ville, annonce la nouvelle et une immense acclamation éclate : "Vive la France ! vivent les Alliés !". Il rend hommage à la population rennaise qui a manifesté, pendant ces quatre années, fermeté et abnégation dans une union sacrée, sans distinction de partis et de classes. Il se réjouit de n'avoir plus à annoncer aux familles les morts pour la France et espère une ère qui permettra les réalisations entrevues avant guerre.

 
Menu humoristique (carte postale)

L'Ouest-Eclair qui avait affiché la nouvelle rue du Pré Botté, envoie des automobiles munies de grandes pancartes annonçant la nouvelle et, sans plus attendre, les Rennais qui ont des drapeaux, sans songer à déjeuner, s'empressent de pavoiser tandis que les autres dévalisent les magasins pour ce faire et bientôt "de toutes les fenêtres claquent joyeusement les couleurs alliées."

Cloches, sirènes et coups de canon

12 h 15, les églises carillonnent ; 13 heures, la sirène de l'arsenal hulule pendant une demi-heure alors qu'à la gare les locomotives américaines, "dont on connaît le sifflement strident" répondent. Dans la rue se forment des cortèges couverts de drapeaux et clament laMarseillaise tandis que les ouvriers et ouvrières de l'arsenal remontent vers le centre de la ville. À 14 heures plusieurs cortèges d'Américains, d'Italiens, d'étudiants français et serbes, de soldats blessés se rencontrent place de l'Hôtel de Ville et les hymnes nationaux retentissent dans la foule qui, de plus en plus dense, bloque les tramways. Après une nouvelle allocution du maire, les cortèges s'en vont de par la ville et montent à la préfecture. À 15 heures 101 coups de canon sont tirés du Champ de Mars et un artificier fait retentir du beffroi de l'hôtel de ville 21 détonations "formidables" qu'il renouvelle à 18 et 21 heures.

À 16 heures le cardinal Dubourg apparaît à une des fenêtres de l'archevêché encadrées de drapeaux pour saluer les valeureux soldats alliés et rendre hommage aux morts.

 
1919 : aller voir Strasbourg !

Une ville animée et illuminée

Casernes et hôpitaux sont libres et les soldats - qui ne sont pas les moins contents - se mêlent à la foule énorme car tous les ateliers et magasins sont fermés. Les Rennaises et Rennais portent au corsage ou à la veste cocardes ou petits drapeaux. A 20 heures, mairie, théâtre, préfecture et gare s'illuminent et, malgré le manque de bougies, nombre de Rennais ont tenu à illuminer leurs fenêtres avec "des lanternes qui servaient autrefois pour marquer les grands jours". De 21 à 22 heures, la musique du Cercle Paul Bert donne un concert dont chaque morceau est applaudi par une foule immense. Les cafés n'ont fermé qu'à minuit et la ville est restée éclairée toute la nuit.

 
Dès 1920 les guides Michelin proposent des visites des champs de bataille

Le 12, la fête continue

Une dépêche ministérielle ayant accordé congé à tous les personnels des services d’État le 12, les administrations ferment ainsi d'ailleurs que les banques et divers commerces. "Une foule joyeuse continue de circuler jusqu'au soir par la ville". Des soldats russes blessés, certains mutilés, se promènent en groupe, précédés de drapeaux français, applaudis quand ils s'arrêtent pour donner des chansons ou exécuter des danses. Un monôme d'étudiants parcourt le centre "conspuant furieusement Guillaume" dont, après procès, l'effigie est brûlée vers 17 heures place du Parlement.

Des petits groupes de prisonniers libérés reviennent à Rennes mais le 25 novembre, c'est un premier convoi de 364 prisonniers qui est accueilli en gare par les infirmières et les autorités.

Dès 1919, sort un guide Michelin sur Strasbourg libérée et, à partir de 1920, sont publiés des guides sur les champs de bataille d'Alsace, les combats des Vosges, Colmar, à l'usage du tourisme mémoriel des familles et du tourisme des curieux.

Références

  1. Ouest-Eclair du 4 janvier 1919 et 4 janvier 1920
  2. Août 1914, Rennes entre en guerre