Bombardement du 29 mai 1943

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Le bombardement du samedi 29 mai 1943 surprit les Rennais quant aux quartiers touchés et les frappa cruellement.

Des quartiers touchés sans intérêt stratégique


Vers 16 heures, le samedi 29 mai, les forteresses volantes américaines, qui ont abordé le continent par beau temps à 7500 mètres d'altitude, arrivent à nouveau sur Rennes,[1] annoncées par les sirènes quelques secondes à peine avant le bombardement.[2]. Cette fois, par ce bel après-midi ensoleillé, c'est la partie nord de la ville qui est atteinte: la rue de la Pompe, l'église Saint-Martin et la rue, le cimetière du nord et son avenue, le boulevard Volney, la rue du Bois-Rondel, le Thabor où une bombe tombe sur une tranchée, tuant 25 personnes, rue Nantaise, le Mail, les rues entourant la place de Bretagne, la rue de Brest et les jardins du grand séminaire, le boulevard Marbeuf, la rue Saint-Martin, la rue d'Antrain. En moins de sept minutes le résultat est là, causé par des chutes de 450 bombes de 250 kg. Le quotidien régional ne se prive pas de titrer :" Nouvelle et sauvage agression des aviateurs anglo-américains contre la capitale bretonne" et donne comme sous-titre :" Un bombardement au hasard".[3]Un rapport du maire, en date du 18 décembre, fera état de 195 corps inhumés, dont ceux de soldats allemands, 188 blessés, 103 immeubles détruits, 1706 endommagés. * La décision d'évacuer les lycées est prise : le lycée de garçons à Louvigné-de-Bais, celui de filles à La Guerche. Aux résultats constatés sur le terrain rennais, les cibles stratégiques visées n'apparaissent pas du tout.

La cible: le dépôt de la Kriegsmarine, route de Lorient

72 B-17 du 8th bomber command vont accomplir la mission 61 qui comporte des attaques sur les abris et les écluses de la base sous-marine de Saint-Nazaire et "deux autres actions" sur la base sous-marine de la Palice et sur Rennes. Pour Rennes, il s'agit d'équipages du 96e groupe de bombardement lourd("bomber group heavy") ("squadrons" 331,332,333,410), du 95e groupe ("squadrons" 332,335, 336, 412), arrivé 15 jours plus tôt de la base de Rapid city(South Dakota), qui a décollé de Framlingham, et du 96e ("squadrons : 337, 338, 339, 413) qui a décollé de Earls Colne à 70 km au nord-est de Londres.

Ils abordent Rennes alors que leur escorte de chasseurs P 47 Thunderbolt a dû faire demi-tour pour retourner à sa base. Certains appareils ont un armement renforcé composé de seize mitrailleuses (B. YB-40) mais vont s'avérer inaptes à rester à hauteur des B-17. Le 96e groupe de bombardement, qui a décollé pour une fois de Andrews field, un aérodrome situé près de Great Saling, à 60 km au nord-est de Londres, avait bien pour cible le dépôt de pièces navales de la route de Lorient("Rennes naval storage depot"). [4] On expliqua aux équipages du 94e bomber group, lors du briefing, que les infrastructures contenaient des pièces pour les sous-marins allemands, et que la mission, si elle n'était pas du gâteau ("piece of cake") n'était pas particulièrement difficile. Le 94e groupe avait effectué ses six premières missions rattaché à des groupes plus expérimentés et allait effectuer cette septième en tant qu'unité de combat détachée.[5]

Cible manquée et rapports erronés

La chronologie des combats de la 8e air force relate :

"Le samedi 29 mai, 72 B-17 sont envoyés sur Rennes en France contre le dépôt naval, 57 atteignent la cible entre 16h01 et 16h05. Nous revendiquons 14 appareils de la Luftwaffe, nous perdons 6 B-17, 1 est irréparrable et 30 autres ont été endommagés. Les pertes ont été de : un mort, dix blessés, soixante-quatre portés manquants."[6] Les portés manquants sont 33 morts, 25 prisonniers, 7 évadés.

Un équipage de B-17 étant composé de dix, voire onze membres, le chiffre de disparus correspond aux équipages de six appareils ( Ils tombèrent à Laillé, Clayes (7 membres d'équipage tués, 3 prisonniers), Saint-Gilles, aux Champs-Géraux près de Dinan, Saint-Méloir des Ondes, au Vivrais près du Mont-Dol).

Il est étonnant de lire, dans ce rapport rédigé au temps présent, donc probablement à la suite de la mission, que 57 appareils atteignent la cible ("hit the target"), alors que le dépôt de la Kriegsmarine, route de Lorient, annoncé comme la cible, n'a pas été touché ! Erreur sur le résultat de la mission, ou rapport mensonger - y compris sur le nombre de morts - pour masquer son fiasco ? Aucun autre rapport officiel postérieur n'évoque une erreur de cible. Au sol les résultats apparaissent pourtant bien et on peut penser que des photos aériennes ont été prises mais le constat est tel qu'on a pu préférer le passer sous silence.

Au contraire, sous le titre " L'U.S. Air Force pilonne les bases sous-marines en France, "le quotidien des forces armées américaines sur le théâtre européen d'opérations vante les résultats de la 8e Air Force qui, en mai, a terminé son mois le plus chargé avec des coups sur Saint-Nazaire, La Pallice et Rennes, "le centre de communications par lequel sont dirigées les fournitures destinées aux bases sous-marines et chantiers navals du golfe de Gascogne" et précise que "les équipages ont fait état d'une bonne visibilité et de coups directs sur les trois zones ciblées" !.[7]

Indice de l'innocuité de ce bombardement sur Rennes pour l'occupant: il n'est même pas mentionné dans le rapport de synthèse de l'armée allemande sur l'activité aérienne de l'ennemi établi pour le mois de mai 1943.[8]

Une hypothèse plausible : une erreur de navigateur

Tracé probable de l'axe du parcours des forteresses volantes le 29 mai 1943[9]

On peut émettre l'hypothèse plausible que, de là-haut, il y a eu confusion du navigateur de tête du groupe bas du vol en "combat box", ( voir bombardement du 8 mars 1943) chargé de repérer la cible, gêné par une DCA très dense( "le ciel est noir de FLAK. Elle est si dense qu'on a l'impression d'un mur de feu" a témoigné l'opérateur radio Herman Philbeck) et des chasseurs allemands du JG 2 groupe de chasse "Richthofen", des Focke Wulf 190, attaquent ce squadron de tête en position basse, qui a pour mission de donner le signal de largage sur la cible. .[10] En effet, le rapport d'un membre d'équipage du 94e bomber group cite :" Après la libération des bombes, les forteresses tournent à tribord ( par 180°) par le nord sur le voyage de retour. La flak sur la cible a été modérée."[11]. Sur leur vol de retour les forteresses américaines furent protégées par les Spitfire du squadron n°453 de la RAF, pilotés par des Australiens qui "eurent la satisfaction d'écarter plusieurs petits groupes de chasseurs allemands qui tournaient autour de la formation en attente de traînards" mais les Australiens croyaient que les Américains avaient attaqué l'aérodrome de Rennes ! [12]

En fait, les B-17 ont dû approcher Rennes en venant de l'ouest selon un axe décalé sur leur gauche, ont lâché leurs bombes sur ce qu'ils croyaient la cible aux abords de l'agglomération : le cimetière du nord et alentours. Ils ont ensuite opéré un large virage à droite, survolant en un demi-cercle dont la partie intérieure commençait au canal d'Ille-et Rance, avec prolongement de chutes de bombes en chapelet sur le boulevard Volney, la rue du Bois-Rondel, le Thabor, la rue Nantaise, Le Mail,et s'achevant à ce secteur pour partir "tribord" sur le grand séminaire, alors que d'autres bombardiers, encore plus à l'est sur le bord externe du virage égarent des bombes au sud de la gare, dans le secteur de la rue de Riaval, dont quelques unes n'explosèrent pas. Ils quittent l'agglomération sur un axe nord-ouest avant de s'infléchir au nord en direction de l'Angleterre. [13]

Cette hypothèse est renforcée au vu de la forte concentration d'impacts en limite nord de l'agglomération (église Saint-Martin et cimetière du Nord), alors que le dépôt de la Kriegsmarine était en limite ouest de l'agglomération, lui qui n'a rien reçu. Ont-ils pu prendre le cimetière du nord, situé près de la rue de Saint-Malo entre canal et voie ferrée pour la cible, avec, en fin de virage, un second largage éparpillé de part et d'autre de la voie ferrée Rennes - Saint-Malo secteur grand séminaire - rue de Brest? S'ils avaient bien repéré l'objectif à atteindre, ils auraient probablement abordé la ville à 2,5 km à l'ouest de leur arrivée réelle, droit vers l'objectif à atteindre route de Lorient, comme le firent deux mois plus tard des équipages britanniques et français le 6 août.(voirdes équipages français bombardent la Kriegsmarine route de Lorient).

A la suite de ce bombardement, un rapport de la Ville sur le fonctionnement des services de la Défense passive tira les « leçons » suivantes : nécessité de l’unité du commandement, réquisition des hommes valides de la corporation du bâtiment ( entrepreneurs, architectes, artisans, ouvriers) avec organisation de permanences, mise en service d’un brassard spécial pour les chefs de chantier sur les lieux sinistrés, réquisition des camionnettes aménagées pour les blessés et des camions et bennes disponibles, et organisation d’un service de reconnaissance par autos de la gendarmerie et du groupe mobile de réserve et par motocyclistes.[14]

Le maréchal Pétain présenta ses condoléances à la ville. La préfecture estima, dans la synthèse journalière du 25 juin, en s'étant basée sur les retraits de cartes d'alimentation, que 35000 à 40000 Rennais avaient quitté la ville : un habitant sur trois. Après un lâcher nocturne inoffensif par deux B-17 sur la ville le vendredi 8 octobre, moins nombreux furent donc les Rennais à même de ramasser le matin un des 266 336 tracts tombés mollement sur les rues et les toits. [15]

--Stephanus 14 juin 2011 à 09:58 (CEST)

Références

  1. bombardement du 8 mars 1943
  2. Ville de Rennes-Rapport sur le fonctionnement des services de la défense passive à la suite du bombardement du 29 mai 1943
  3. L'Ouest-Eclair du 31 mai 1943
  4. site wikipedia de la 96th Air base Wing
  5. Narrative - May 29 1943. Special focus 410th BS/94th BG. par Mitchell E. Hamic
  6. Eight Air Force Historical Society- WWII 8th AAF Combat Chronology. January 1943 through December 1943
  7. Stars and Stripes , Daily Newspaper of U.S. Armed Forces in the European theater of Operations. New-York, N.Y. - London, England. May, 31, 1943
  8. Rapports d'activité du XXVe corps d'armée allemand en occupation en Bretagne, 13 décembre 1940-20 novembre 1944, texte présenté, traduit et annoté par le commandant Even. Service historique de l'armée de terre, p.192- 1978
  9. Copyright Nous, créateur de cette œuvre ou ayant droit, n'autorisons aucune réutilisation de cette oeuvre sans notre autorisation, en dehors des exceptions permises par la législation française sur la propriété intellectuelle.

  10. The sky keeps no memories par Roger Symmonds Van Dyke.
  11. Narrative- May 29-1943; Special focus attack on Rennes;410th BS/94th BG- aircraft n° 4229 692, par Mitchell E. Hamic
  12. Air War against Germany and Italy 1939-1945, par John Herington, fighter command, january to september 1943, chap. 19 - 1954
  13. fond de plan de la ville paru dans Histoire de Rennes, publié sous la direction de Jean Meyer, Privat, éditeur- 1972
  14. Extrait du rapport municipal, Archives municipales de Rennes, 6H23
  15. Combat chronology of the USAAF , strategic operations. et world war 2 almanac 8th bomber command
  • Les Heures douloureuses de Rennes par Valentine Ladam

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Témoignages

Il fait une belle journée, dans la rue on aperçoit quelques toilettes claires...

"Arrivés à Rennes et avant de nous disperser en ville pour faire nos courses, l'on se donne rendez-vous sur le mail pour le retour du soir...Il fait une belle journée, dans la rue on aperçoit quelques toilettes claires: c'est jour de marché, il y a plus de monde que d'habitude à Rennes.

Vers 4 heures de l'après midi, Marcelle et moi nous nous trouvions en visite chez des amis dans le quartier de la Croix de la Mission...le cri d'alarme de la sirène surgit et, en même temps, les avions nous survolent et laissent tomber leurs bombes meurtrières dans un fracas épouvantable que je n'oublierai jamais. Jamais non plus, je n'oublierai le bruit d'une maison qui s'écroule, des carreaux qui se brisent dans la rue, la terreur qui s'empare de soi.

Instinctivement Marcelle s'accroche à moi: ne m'abandonnez pas, ne m'abandonner pas! supplie t-elle. Sainte Marie sauvez nous! prient ces chères dames et les bombes tombent...tombent autour de nous; c'est infernal, nous n'avons même pas le temps de nous mettre à l'abri que la maison voisine est déjà dans la rue, la catastrophe est là, nous nous tenons serrées l'une contre l'autre, la mort nous frôle le moment est angoissant. Le tout a duré dix minutes, mais quelles minutes interminables!..."[1]

Anne-Marie Norman

Rue Nantaise

Yvonne Robert, 32 ans, (100 ans le 10 décembre 2011) tenait, rue Nantaise, un café-restaurant qui est détruit. Elle est sortie des décombres par son mari, vivante mais le visage criblé d'éclats de verre qui lui ôtent la vue. Moins de six semaines plus tard elle donne naissance à une fille et récupérera la vision d'un oeil grâce à une greffe.[2]


« Des champignons pour une communion


Je travaillais à la chambre de commerce, hébergée à l'école de métiers du bâtiment, rue d'Echange, les bureaux de la chambre de commerce, place des Halles centrales, ayant été occupés par les Allemands dès le début de leur arrivée à Rennes. Ce samedi après-midi, je devais aller rue Nantaise, à la fin de mon travail, aller chercher des champignons, à la demande d'une amie pour un repas de communion de sa famille. Alerte ! Nous allons donc nous réfugier dans un abri voisin, près du vieux saint-Etienne. Et puis voilà les bombes... Après la fin d'alerte, nous sortons et plus question de retourner au bureau. Je vais aller chercher les champignons à l'épicerie que je connais. Par la rue de Dinan et le bas des Lices, j'arrive rue Nantaise. Mon Dieu ! des maisons sont par terre et, à droite, l'épicerie a pris une bombe. Devant les ruines, le corps d'un gros homme est étendu sur les pavés. Plus question de champignons. »

— Odette Dartois Cohignac • Recueilli par Stephanus • 4 août 2011licence

A Montfort, la classe interrompue

"Le samedi 29 mai, à l'école libre de garçons de Montfort tenue par les Frères de Ploërmel, à une vingtaine de kilomètres à vol d'oiseau de la capitale bretonne. Il est près de quatre heures et la journée se termine au "cours supérieur" par une leçon de français ou d'histoire géographie quand le Frère Drouadène nous demande soudain de sortir avant l'heure et de nous rendre dans la tranchée toute voisine de la cour de récréation, creusée en zig-zag par des soldats allemands pour leurs exercices. La ville étant dépourvue de sirène le Frère directeur a peut-être entendu le bruit lointain d'explosions faisant suite à un passage d'avions. Quoi qu'il en soit, nous voici dans cette tranchée peu profonde et non couverte.

Très haut dans le ciel tout bleu on voit des avions dont les carlingues étincellent dans le soleil. Je ne les ai pas comptés mais il y en avait plusieurs dizaines. Au-dessous d'eux surgissent de petits nuages noirs de forme ronde qui se dissipent rapidement, intervention de la D.C.A. Tous ces appareils du même type paraissent immobiles mais vont peu à peu s'éloigner. Nous regagnons notre salle de classe.Plus tard nous apprendrons qu'il s'agissait de "forteresses volantes" apportant à nouveau la mort et la destruction.

J'avais treize ans; ces images sont restées gravées dans ma mémoire mais je n'avais ressenti aucune frayeur, plutôt de la curiosité et peut-être aussi quelque satisfaction d'assister à cette espèce de démonstration de la puissance aérienne des "Alliés". Je n'imaginais pas qu'un peu plus d'un an plus tard mon école et ma maison seraient détruites par l'aviation américaine".

Charles-Antoine Cardot

témoignage recueilli par --Stephanus 12 novembre 2011 à 18:29 (CET)

Un aviateur américain recueilli

Deux étudiants de la faculté des sciences, Grivet et Claude des Abbayes, viennent dire, le 29 mai, au docteur Patay, leur professeur, qu'ils ont recueilli un aviateur américain qui avait sauté de son avion en flammes et qu'ils l'avaient amené à Rennes, chez le père du second, collègue du Dr Patay, le professeur de botanique Henry Nicollon des Abbayes, père d'une nombreuse famille, qui habitait sous les combles de l'hôtel de Cuillé, 3 contour de la Motte. Ils lui demandèrent de leur procurer des vêtements civils pour leur protégé grand et fort. Ils furent envoyés chez M. Lebastard qui les pourvut et ils purent par la suite conduire le grand Américain qui ne savait pas un mot de français, jusqu'à la frontière espagnole, avec la complicité de cheminots.[3]


Ferme de La Harpe

On trouve deux brefs témoignages dans Villejean, trente ans d'histoire, p. 37 et 42[4].

références

  1. Mon usine sous l'occupation, par Anne-Marie Norman; édition du Danhouët, p.93 - 1999
  2. Ouest-France, édition Rennes - 14 décembre 2011
  3. Mémoires d'un français moyen, par René Patay - 1974
  4. Villejean, trente ans d'histoire, collectif, édité par l'Association des Résidents de Villejean, 2001

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