« Claude Geslin, l'exemple du dévoiement à l'ennemi » : différence entre les versions

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À la Libération, il apparut à certains qu’un exemple de jugement et de châtiment était absolument nécessaire, pour satisfaire et apaiser la colère populaire. Aussi un tribunal militaire provisoire se saisit-il très tôt du cas Claude Geslin et de ceux de Yves Maurice Denis et de Jean Caville Duplessis, mineurs âgés de 19 ans.
À la Libération, il apparut à certains qu’un exemple de jugement et de châtiment était absolument nécessaire, pour satisfaire et apaiser la colère populaire. Aussi un tribunal militaire provisoire se saisit-il très tôt du cas Claude Geslin et de ceux de Yves Maurice Denis et de Jean Caville Duplessis, mineurs âgés de 19 ans.
[[Fichier:Assistance_au_tribunal.jpg|300px|left|thumb|L'assistance rennaise au procès (Keystone Press Agency Ltd)]]
[[Fichier:Assistance_au_tribunal.jpg|300px|left|thumb|L'assistance rennaise au procès (Keystone Press Agency Ltd)]]
Le tribunal militaire provisoire les juge à Rennes, le 23 août 1944. Des trois, Claude Geslin est le plus important. Ce Rennais a 23 ans, ancien membre du PNB dont il avait été exclu, et il est  accusé d’intelligence avec l’ennemi et d’actes de torture et de barbarie sur des patriotes. La charge essentielle reposait sur des archives de la Gestapo que les autorités de la libération avaient retrouvées dans les caves de l’[[avenue Jules Ferry]], siège local du SIPO-SD.
Le tribunal militaire provisoire les juge à Rennes, le 23 août 1944. Des trois, Claude Geslin est le plus important. Cet étudiant rennais, né à Saint-Brice-en-Coglès, a 23 ans, ancien membre du PNB dont il avait été exclu, est  accusé d’intelligence avec l’ennemi et d’actes de torture et de barbarie sur des patriotes. La charge essentielle reposait sur des archives de la Gestapo que les autorités de la libération avaient retrouvées dans les caves de l’[[avenue Jules Ferry]], siège local du SIPO-SD.


Agent immatriculé sous le numéro SR 923, il avait effectivement travaillé pour les services de renseignements allemands, à la section VII du SD, en charge des questions universitaires et scolaires, dont la responsable était la Fräulein Dr Langer, collaboratrice directe de l’adjudant Grimm. Claude Geslin, y faisait fonction d’interprète et accessoirement d’indicateur<ref> https://kristianhamon.blogspot.com/2018/04/la-police-nazie-en-bretagne-occupee.html</ref>. Mais il accompagnait aussi la Gestapo dans sa quête de résistants et contribuait à leur arrestation et aux interrogatoires.
Agent immatriculé sous le numéro SR 923, il avait effectivement travaillé pour les services de renseignements allemands, à la section VII du SD, en charge des questions universitaires et scolaires, dont la responsable était la Fräulein Dr Langer, collaboratrice directe de l’adjudant Grimm. Claude Geslin, y faisait fonction d’interprète et accessoirement d’indicateur<ref> https://kristianhamon.blogspot.com/2018/04/la-police-nazie-en-bretagne-occupee.html</ref>. Mais il accompagnait aussi la Gestapo dans sa quête de résistants et contribuait à leur arrestation et aux interrogatoires.


C’est ainsi qu’André Heurtier, agent P1. du  Réseau "Eleuthère" du 1 er avril 43 au 31 août 43 puis chargé de mission 2e classe au Réseau "Bordeaux Loupiac" et fondateur du Mouvement "Libération Nord" en Bretagne, arrêté par la Gestapo le 21 décembre 1943, constata la présence active de Claude Geslin. Il sera envoyé en déportation le 3 août mais sera libéré à Belfort le 24<ref> http://memoiredeguerre.free.fr/index.htm </ref>.
C’est ainsi qu’André Heurtier, agent P1. du  Réseau "Eleuthère" du 1 er avril 43 au 31 août 43 puis chargé de mission 2e classe au Réseau "Bordeaux Loupiac" et fondateur du Mouvement "Libération Nord" en Bretagne, arrêté par la Gestapo le 21 décembre 1943, constata la présence active de Claude Geslin. Il sera envoyé en déportation le 3 août mais sera libéré à Belfort le 24<ref> http://memoiredeguerre.free.fr/index.htm </ref>.
Il sera président du comité départemental de la Libération.
Il sera président du comité départemental de la Libération. le 25 mai 1944 on constate sa présence dans  une équipe du SD de Rennes comportant trois membres du Bezen Perrot,  envoyée à Nantes pour ramener  un résistant arrêté, Yves Le Bihan, à Redon.  


Plusieurs centaines de spectateurs assisteront à ce procès devant un tribunal militaire composé d'un juge et de quatre assistants. Défendu par Me Bertrand, Geslin fut condamné à la peine capitale, ainsi que Jean Caville Duplessis, verdict donné aux applaudissements de la salle.  
Plusieurs centaines de spectateurs assisteront à ce procès devant un tribunal militaire composé d'un juge et de quatre assistants. Défendu par Me Bertrand, Geslin fut condamné à la peine capitale, ainsi que Jean Caville Duplessis, Yves Maurice Denis fut condamné à 15 ans de travaux forcés, verdicts donnés aux applaudissements de la salle.  


Le tribunal militaire permanent de la Xie région militaire sera installé quelques jours plus tard, le 28 août.
Le tribunal militaire permanent de la Xie région militaire sera installé quelques jours plus tard, le 28 août.
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'''Le plus terrible à Rennes, c'est Geslin'''
'''Le plus terrible à Rennes, c'est Geslin'''


Octobre 1943, après trois ans de captivité, M. Lafaye est revenu à Rennes et raconte une étrange anecdote :
Octobre 1943, après trois ans de captivité, M. Roger Lafaye est revenu à Rennes et raconte une étrange anecdote :


''Ce jour-là, je sortais donc de la gare et remontais l'[[avenue Janvier]]. Devant moi, accompagné d'un magnifique chien-loup, je crois reconnaître Geslin, un ancien élève du lycée. Je le rejoins; c'est bien lui. Nous marchons côte à côte, nous bavardons. Je lui parle de ma mère, de mon frère, tous les deux en déportation, d'un autre frère qui combat avec les Anglo-Américains, de ma santé ruinée. J'ajoute :"Et dire qu'il y a des salauds qui travaillent pour eux". Quelques jours plus tard, le secrétaire de la faculté des sciences, que je connais, m'informe : "Ici, il y a déjà eu plusieurs arrestations... Presque tous les étudiants sont sûrs, sauf deux ou trois".
''Ce jour-là, je sortais donc de la gare et remontais l'[[avenue Janvier]]. Devant moi, accompagné d'un magnifique chien-loup, je crois reconnaître Geslin, un ancien élève du lycée. Je le rejoins; c'est bien lui. Nous marchons côte à côte, nous bavardons. Je lui parle de ma mère, de mon frère, tous les deux en déportation, d'un autre frère qui combat avec les Anglo-Américains, de ma santé ruinée. J'ajoute :"Et dire qu'il y a des salauds qui travaillent pour eux". Quelques jours plus tard, le secrétaire de la faculté des sciences, que je connais, m'informe : "Ici, il y a déjà eu plusieurs arrestations... Presque tous les étudiants sont sûrs, sauf deux ou trois".


''Il me cite leurs noms et ajoute : "Mais, le plus terrible à Rennes, c'est un ancien élève du lycée, Geslin, le chef des français travaillant pour la Gestapo". Je lui raconte alors ma rencontre de l'avenue Janvier et comment, dans l'ignorance de ses activités, j'ai pu lui dire ce qu'un patriote pouvait penser d'un tel être.'' <ref>''La Libération de Rennes''. Témoignages recueillis par des élèves du collège de Chartres-de-Bretagne. Buroscope  p. 47 - juillet 1989</ref>
''Il me cite leurs noms et ajoute : "Mais, le plus terrible à Rennes, c'est un ancien élève du lycée, Geslin, le chef des Français travaillant pour la Gestapo". Je lui raconte alors ma rencontre de l'avenue Janvier et comment, dans l'ignorance de ses activités, j'ai pu lui dire ce qu'un patriote pouvait penser d'un tel être.'' <ref>''La Libération de Rennes''. Témoignages recueillis par des élèves du collège de Chartres-de-Bretagne. Buroscope  p. 47 - juillet 1989</ref>
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===références===
===références===

Version du 14 mai 2020 à 15:13

Trois jeunes si sages… Claude Geslin est au 1er plan, 3e à droite (Keystone Press Agency Ltd)

À la Libération, il apparut à certains qu’un exemple de jugement et de châtiment était absolument nécessaire, pour satisfaire et apaiser la colère populaire. Aussi un tribunal militaire provisoire se saisit-il très tôt du cas Claude Geslin et de ceux de Yves Maurice Denis et de Jean Caville Duplessis, mineurs âgés de 19 ans.

L'assistance rennaise au procès (Keystone Press Agency Ltd)

Le tribunal militaire provisoire les juge à Rennes, le 23 août 1944. Des trois, Claude Geslin est le plus important. Cet étudiant rennais, né à Saint-Brice-en-Coglès, a 23 ans, ancien membre du PNB dont il avait été exclu, est accusé d’intelligence avec l’ennemi et d’actes de torture et de barbarie sur des patriotes. La charge essentielle reposait sur des archives de la Gestapo que les autorités de la libération avaient retrouvées dans les caves de l’avenue Jules Ferry, siège local du SIPO-SD.

Agent immatriculé sous le numéro SR 923, il avait effectivement travaillé pour les services de renseignements allemands, à la section VII du SD, en charge des questions universitaires et scolaires, dont la responsable était la Fräulein Dr Langer, collaboratrice directe de l’adjudant Grimm. Claude Geslin, y faisait fonction d’interprète et accessoirement d’indicateur[1]. Mais il accompagnait aussi la Gestapo dans sa quête de résistants et contribuait à leur arrestation et aux interrogatoires.

C’est ainsi qu’André Heurtier, agent P1. du Réseau "Eleuthère" du 1 er avril 43 au 31 août 43 puis chargé de mission 2e classe au Réseau "Bordeaux Loupiac" et fondateur du Mouvement "Libération Nord" en Bretagne, arrêté par la Gestapo le 21 décembre 1943, constata la présence active de Claude Geslin. Il sera envoyé en déportation le 3 août mais sera libéré à Belfort le 24[2]. Il sera président du comité départemental de la Libération. le 25 mai 1944 on constate sa présence dans une équipe du SD de Rennes comportant trois membres du Bezen Perrot, envoyée à Nantes pour ramener un résistant arrêté, Yves Le Bihan, à Redon.

Plusieurs centaines de spectateurs assisteront à ce procès devant un tribunal militaire composé d'un juge et de quatre assistants. Défendu par Me Bertrand, Geslin fut condamné à la peine capitale, ainsi que Jean Caville Duplessis, Yves Maurice Denis fut condamné à 15 ans de travaux forcés, verdicts donnés aux applaudissements de la salle.

Le tribunal militaire permanent de la Xie région militaire sera installé quelques jours plus tard, le 28 août.

Claude Geslin ne fut exécuté que plus de trois mois après sa condamnation, fusillé le vendredi 1er décembre 1944 à 7h45 au stand de tir de Coëtlogon à Rennes.

témoignage

Le plus terrible à Rennes, c'est Geslin

Octobre 1943, après trois ans de captivité, M. Roger Lafaye est revenu à Rennes et raconte une étrange anecdote :

Ce jour-là, je sortais donc de la gare et remontais l'avenue Janvier. Devant moi, accompagné d'un magnifique chien-loup, je crois reconnaître Geslin, un ancien élève du lycée. Je le rejoins; c'est bien lui. Nous marchons côte à côte, nous bavardons. Je lui parle de ma mère, de mon frère, tous les deux en déportation, d'un autre frère qui combat avec les Anglo-Américains, de ma santé ruinée. J'ajoute :"Et dire qu'il y a des salauds qui travaillent pour eux". Quelques jours plus tard, le secrétaire de la faculté des sciences, que je connais, m'informe : "Ici, il y a déjà eu plusieurs arrestations... Presque tous les étudiants sont sûrs, sauf deux ou trois".

Il me cite leurs noms et ajoute : "Mais, le plus terrible à Rennes, c'est un ancien élève du lycée, Geslin, le chef des Français travaillant pour la Gestapo". Je lui raconte alors ma rencontre de l'avenue Janvier et comment, dans l'ignorance de ses activités, j'ai pu lui dire ce qu'un patriote pouvait penser d'un tel être. [3]


références

  1. https://kristianhamon.blogspot.com/2018/04/la-police-nazie-en-bretagne-occupee.html
  2. http://memoiredeguerre.free.fr/index.htm
  3. La Libération de Rennes. Témoignages recueillis par des élèves du collège de Chartres-de-Bretagne. Buroscope p. 47 - juillet 1989