Conciliabules, rue de Corbin, pour un réduit breton

De WikiRennes
Aller à la navigationAller à la recherche


La Bretagne en dernière forteresse ?

Le "réduit breton" était un projet de concentration en Bretagne des forces, durant la bataille de France, dans le but de conserver le gouvernement sur le territoire métropolitain. Pour permettre de continuer la lutte sur le territoire français, Paul Reynaud envisagea, dès le 7 juin, la création d'un point de fixation dans le massif central et un réduit breton : sur la péninsule qui ne serait à défendre que du côté est avec, à l’autre bout, le port militaire de Brest, assez proche de l'Angleterre. Il écrit, le 10 juin à Weygand : Un tel réduit situé à proximité de l'Angleterre, qui nous enverrait des troupes et du ravitaillement, et à la défense duquel l'aviation britannique pourrait concourir, nous permettrait de maintenir au profit des Alliés, le plus longtemps possible, une tête de pont sur le continent européen placé sous la domination allemande et de continuer à diriger la guerre navale et aérienne et terrestre, notamment en Méditerranée et en Afrique du Nord. Si nous échouions, si nous devions être arrachés de vive force du centre du territoire métropolitain et du rocher breton, nous aurions montré à notre peuple et au monde que nous avons lutté jusqu'à la dernière extrémité pour nous maintenir en arme sur la terre de France... [1]

La ligne de défense envisagée passait par le Couesnon au nord, puis les villes de Saint-Aubin-du-Cormier, Châteaubourg , Janzé, Bain-de-Bretagne et Redon pour se terminer au sud par le cours de la Vilaine. Quimper serait le siège du gouvernement, à l’extrémité de la péninsule transformée en place-forte inexpugnable, la Bretagne,en base de reconquête militaire du territoire mais en cas d'invasion des troupes allemandes, le gouvernement n'aurait eu d'autre solution que de prendre la mer, écrira de Gaulle. Le Quimpérois Gwenn-Aël Bolloré (un des 177 fusiliers marins du commando Kieffer qui débarquera en Normandie) raconte dans ses souvenirs de guerre : « On parlait à la radio du réduit breton et quelques velléités de ce genre durent prendre corps, puisque notre villa fut réquisitionnée pour loger une partie du gouvernement. En l'occurrence, nous allions héberger Paul Reynaud." Étudié dans l'urgence, ce dispositif n'a pu être mis en place avant la signature de l’armistice le 22 juin. La rapide avancée des Allemands, combinée à la désorganisation des troupes en pleine débâcle et à l'impossibilité de construire une véritable ligne de défense en peu de temps derrière une région oû avait afflué plus d'un million de réfugiés, font que le projet de réduit breton fit long feu.

Devant l'Hôtel de Boisgeffroi, la plaque de marbre rappelant le passage du général De Gaulle

Conciliabules à Rennes

Cette option, jugée irréaliste par le général Weygand et le maréchal Pétain mais qui plaisait au premier ministre Churchill, fut confiée à Charles de Gaulle, général de brigade à titre temporaire, sous-secrétaire d'État à la Guerre qui n'en aurait pas repoussé l'idée que des historiens lui attribuent. Celui-ci se rendit à Rennes le 12 juin, accompagné du lieutenant Geoffroy de Courcel, son aide de camp, et du commandant Raymond Chomel afin de donner des instructions en vue de la mise en place d'un réduit breton. Etait aussi présent à la première réunion le président du syndicat national des entrepreneurs de travaux publics André Borie qui, le 9 juin, avait dit à Paul Reynaud : le travail demandé est considérable, même si l'on se borne à faire des obstacles, fossés antichars ou blockhaus; entre Saint-Malo et Saint-Nazaire il doit y avoir dans les 180 kilomètres; il faudra un nombre considérable d'ouvriers - en plus du matériel qu'il faudra amener - de l'ordre de 200 De Gaulle rendit compte le soir au chef du gouvernement, au château de Chissey et les conclusions ne sont pas négatives puisque, le samedi 15 juin, il revient à Rennes, pour examiner encore les possibilités d'un réduit. Les rencontres eurent lieu dans la matinée rue de Corbin, à l’hôtel de Châteaugiron, siège militaire du corps d’armée. Le préfet Jouany voit alors en De Gaulle un « condottiere » très pessimiste qui considérait le réduit breton comme l'occasion pour la France de « disparaître en beauté, en faisant une résistance héroïque comme la Finlande en a fait une ! C'est pourquoi j'ai choisi la Bretagne, terre de granit, terre de fidélité, main tendue vers l'Amérique.».[2] [3]

Pour motif du déplacement du 15 juin, le seul qu'il cite, De Gaulle n'évoquera d’ailleurs pas, dans ses mémoires, la création d'un réduit, écartant ainsi toute position favorable qu'il aurait pu avoir à ce projet. Il écrira : « Arrivé à Rennes le matin du 15 juin, j'y vis le général René Altmayer, qui commandait les éléments divers engagés à l'est de la Mayenne, le général Guitry, commandant la Région militaire, et le préfet d'Ille-et-Vilaine. Tous trois faisaient de leur mieux dans leurs domaines respectifs. Je m'efforçai d'organiser la coordination de leurs efforts et de leurs moyens pour la défense du terrain. »[4]

La presse, et notamment, l'Ouest-Eclair, le journal régional, n'auront pas une ligne sur cette rencontre hors des réalités.

Le général de Gaulle, après un passage à Carantec en 402 Peugeot militaire pour voir sa femme et ses enfants, gagne Brest et monte à 16h30 à bord du contre-torpilleur Milan, mis à sa disposition par la marine nationale française. Le Milan accoste à Plymouth à 22 heures. Le général de Gaulle monte dans la voiture qui l'attend et qui arrivera à Londres le dimanche 16 juin 1940 au lever du jour. Il y sera en face d'un autre projet utopique : une fusion de la France et de la Grande Bretagne. Reynaud démissionne en fin de journée et le lendemain le Maréchal Pétain annonce qu'il faut cesser le combat alors que le Bombardement du 17 juin 1940 avec son millier de morts a assommé Rennes et que le lendemain les troupes allemandes sont à Rennes [5]

références

  1. Année 40 - Londres, de Gaulle, Vichy p. 17. Jacques Laurent - La Table Ronde
  2. Rennes pendant la guerre, chroniques de 1939 à 1945, p. 23 & 24 Étienne Maignen, Éditions Ouest-France, (ISBN 978-2-7373-6173-9 - novembre 2013
  3. Mémoires d'un Français moyen, p.127.Pomycopié. René Patay - 1974
  4. Mémoires de Guerre – L’appel 1940-1942 p.61. Général De Gaule éd. Librairie Plon -1954
  5. 18 juin 1940 : les troupes allemandes à Rennes, ville traumatisée .