La Bretagne reconstituée, une promesse non tenue

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1940 : UNE PROMESSE DU MARÉCHAL : LA RECONSTITUTION DES PROVINCES

Juin 1940, débâcle et armistice... Le 10 juillet, les parlementaires, réunis à Vichy, donnent tout pouvoir au maréchal Pétain à l'effet de promulguer une nouvelle constitution de l'Etat français et, dès le 11, il annonce que "des gouverneurs seront placés à la tête de grandes provinces françaises; ainsi l'administration sera concentrée et décentralisée." Il n'en faut pas plus pour qu'autonomistes bretons ou simples régionalistes se prennent à espérer en une Bretagne disparue officiellement et dépecée en cinq départements début 1790, alors même que des indépendantistes croient trouver quelque temps un soutien allemand à leurs visées, espoirs déçus dès septembre.

De mai à août 1941, une commission des provinces, constituée au sein du conseil national, va travailler au découpage. Associations, chambres de commerce, mairies militent en faveur d'une Bretagne à cinq départements. Le 16 mai, le maréchal assiste exceptionnellement à une réunion de la commission dont l'ordre du jour porte sur la Bretagne et il aurait exclu Nantes comme capitale au motif qu'elle pourrait être ainsi désignée aux bombardements anglais et "vivrait ce qui se produit à Londres actuellement".

Une promesse non tenue

LA CAPITALE DE LA BRETAGNE, RENNES OU NANTES ?

Les milieux nantais et rennais s'activent, avec force de voeux, pour que leur ville soit désignée capitale de la future province. Le 29 juin, la première page de l'Ouest-Eclair titre : "Une décision du Maréchal la Bretagne restaurée" et rapporte que le maire de Rennes, François Château, a reçu à Vichy du maréchal l'assurance suivante :

" Vous avez satisfaction, Monsieur le maire. J'ai personnellement assisté à la commission des provinces lorsqu'elle s'occupait particulièrement de la Bretagne, la province de Bretagne comprendra cinq départements et votre ville en sera la capitale."

Mais l'édition de Loire-Inférieure de l'Ouest-Eclair du lendemain 1er juillet rapporte qu'une délégation nantaise conduite par le maire, Gaëtan Rondeau, avait eu la même promesse avec Nantes comme capitale !

Pourquoi ces déclarations contradictoires à un jour d'intervalle ? Peut-être le maréchal considère t-il comme un projet à long terme cette reconstitution des provinces alors qu'il signe, le 30 juin même, un décret mettant en place des régions provisoires avec un préfet régional à Rennes ayant autorité sur la "région de Rennes" constituée des départements d'Ille-et-Vilaine, Morbihan, Côtes-du-Nord et Finistère, et un autre à Angers ayant autorité sur "une région d'Angers", composée du Maine-et-Loire, de la Mayenne, de la Sarthe, de l'Indre-et-Loire pour sa partie occupée et... de la Loire-Inférieure. Nantes, simple chef-lieu départemental, sera quand même copieusement bombardé en 1943. Et, surtout, actualité beaucoup plus immédiate, le maréchal va rompre le lendemain les relations diplomatiques avec l'URSS que l'Allemagne a envahie le 22 juin.

publication de la préfecture régionale - décembre 1942

En même temps que la photo du nouveau préfet régional, une explication est donnée :

"Il eut été plus logique de donner à la région ressortissant à la préfecture régionale de Rennes le même territoire qu'aura la future province, et la différence faite a donné lieu à des interprétations diverses qui sont a l'origine du malentendu. Mais ce régime des préfectures régionales n'est qu'un régime transitoire dont la création a été rendue nécessaire par les besoins actuels du ravitaillement. La loi du 19 avril 1941 qui a créé cette fonction du préfet régional stipule, en effet, expressément « que sont transférées aux préfets régionaux toutes les attributions relatives à la production, la répartition et la distribution des produits alimentaires et denrées, ainsi qu'à la fixation des prix ». Tandis que la décentralisation de la France en vingt provinces est une réorganisation profonde et politique, une réforme de structure qui ne pourra être rendue définitive que lorsque le Pays tout entier aura été doté d'une nouvelle Constitution". [1]

Les provinces vont être le cadet des soucis du maréchal et l'année 1942 lui en procurera d'autres avec notamment l'occupation allemande de la zone sud, le sabordage de la flotte à Toulon, le retour de Laval aux affaires puis tant d'autres. La nouvelle constitution ne verra pas le jour. Pourtant le mirage d'une Bretagne reconstituée persistera, même dans une brochure sur la Bretagne de décembre 1942 présentant aux prisonniers bretons La Bretagne dans la France du Maréchal.

Le découpage "provisoire" de Vichy va, à peu de choses près, perdurer jusqu'à nos jours, tant il est vrai que le provisoire souvent dure.[2]


Source

  1. Ouest-Eclair du 3 juillet 1941
  2. De 1940 à 1941, réapparition d'une Bretagne provisoirement incomplète, un provisoire destiné à durer" par Etienne Maignen, bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine, t. CXIV - 2010