« Le Parlement à Rennes » : différence entre les versions

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'''Les "grands jours" remplacés par un parlement'''
'''Les "Grands Jours" remplacés par un parlement'''


Il existait en Bretagne, sous les ducs, une juridiction supérieure à l'instar de la France, un conseil qui portait le nom de « Parlement » ; composé de vingt-deux « conseillers du duc » : il se réunissait à intervalles irréguliers ; ses sessions suivaient celles des Etats. Pour remédier aux inconvénients de ces sessions irrégulières, le duc François II, par édit du 22 septembre 1485, créa les « Grands Jours » qui devaient siéger à Vannes du 15 juillet au 15 septembre de chaque année. Ne fonctionnant que du 1er septembre au 5 octobre, les Grands Jours ne pouvaient expédier qu'un nombre restreint d'affaires ; comme, d'autre part, les juges ne jugeaient pas en dernier ressort et que leurs décisions, en cas d'appel, étaient portées devant le parlement de Paris, les procès s'éternisaient, d'où des frais ruineux et d'interminables délais. En août 1531 le roi avait ordonné que le conseil se tiendrait annuellement, un semestre à Nantes, l'autre à rennes mais les Nantais se plaignirent, en mars 1533, que le conseil ne s'était pas tenu à Nantes depuis cinq ans. Par lettres du 14 juin 1534 le roi fit injonction de se rendre à Nantes où la séance eut lieu en septembre de l'année suivante, la ville de Nantes offrant à cette occasion au premier président deux pipes de vin d'Anjou (NDLR  480 litres x 2), et deux poinçons de vin d'Orléans  (NDLR  228 litres x2) que reçut aussi le second président. <ref> Histoire de la Ville de Nantes. t. 2, p. 290, par l'abbé Travers Imprimerie de Forest. Nantes - 1837 </ref>  La chancellerie et le conseil de Bretagne, enjeux du
Il existait en Bretagne, sous les ducs, une juridiction supérieure à l'instar de la France, un conseil qui portait le nom de « Parlement » ; composé de vingt-deux « conseillers du duc » : il se réunissait à intervalles irréguliers ; ses sessions suivaient celles des Etats. Pour remédier aux inconvénients de ces sessions irrégulières, le duc François II, par édit du 22 septembre 1485, créa les « Grands Jours » qui devaient siéger à Vannes du 15 juillet au 15 septembre de chaque année. Ne fonctionnant en fait que du 1er septembre au 5 octobre, les Grands Jours ne pouvaient expédier qu'un nombre restreint d'affaires ; comme, d'autre part, les juges ne jugeaient pas en dernier ressort et que leurs décisions, en cas d'appel, étaient portées devant le parlement de Paris, les procès s'éternisaient, d'où des frais ruineux et d'interminables délais.
premier affrontement moderne entre les deux villes bretonnes, avaient eu lieu quarante ans avant la lutte pour
L’atout majeur de la ville de Nantes au début du XVIe siècle, qui est
l’obtention des séances du parlementCharles VIII décide, en 1493, d’établir la toute
aussi son handicap principal dans l’affrontement avec les Rennais pour l’obtention du conseil
première alternance officielle entre Rennes et Nantes sur la base de deux périodes de six mois
et chancellerie puis du parlement de Bretagne, demeure la présence en ville de la Chambre des
(octobre-mars à Nantes, avril-septembre à Rennes), modèle qui servira d’ailleurs ensuite à l’édit
comptes de Bretagne. D’abord installée à Vannes en 1365, conservée jalousement pendant tout
d’érection du parlement.
le XVe siècle, ce pilier de l’Etat ducal dont le rôle n’est pas simplement financier mais
également administratif (recensement, enregistrement, archivage de la mémoire de la
principauté) s’installe sur les bords de la Loire à partir du premier mariage de la duchesse Anne.
S’affirme alors la vocation nantaise à jouer le rôle de capitale politique provinciale, vocation
appuyée entre autres sur la conservation dans le château de toutes les chartes de l’administration
ducale, ainsi que des aveux seigneuriaux si souvent consultés à l’occasion des nombreux procès.
Pour G. Saupin, la présence de la Chambre des comptes à Nantes a désavantagé la ville au
moment des affrontements pour le Conseil et chancellerie puis pour le parlement car Rennes
s’est empressée de saisir l’avantage institutionnel de sa rivale pour produire un discours fondé
sur l’équité institutionnelle et territoriale.
Le premier vrai affrontement entre Rennes et Nantes, à partir des années 1530, a pour objectif d’obtenir l’intégralité des séances du conseil et chancellerie de Bretagne, cour provinciale dont le personnel n’avait pas vraiment changé depuis [[Anne de Bretagne]]. <ref> ''Rennes, naissance d'une capitale provinciale''.(1491-1610) , vol. 1, p. 13 Mathieu  Pichard-Rivalan. Thèse de doctorat. Université Rennes II - 2014 </ref>


C'est dans ces circonstances que fut établi le parlement investi d'un triple pouvoir :
En fait, la chancellerie et le conseil de Bretagne avaient été enjeux de concurrence entre les deux villes bretonnes quarante ans avant la lutte pour l’obtention des séances du parlement. Charles VIII avait décidé, en 1493, d’établir la toute première alternance officielle entre Rennes et Nantes sur la base de deux périodes de six mois (octobre-mars à Nantes, avril-septembre à Rennes), modèle qui servira d’ailleurs ensuite à l’édit d’érection du parlement.


- puissance judiciaire la plus élevée par la souveraineté de ses décisions attaquables seulement par la voie de cassation pour vice de forme, excès de pouvoir, mauvaise interprétation de la loi
En 1494, les Rennais présentent une requête pour obtenir le conseil et la chancellerie :


- puissance législative par le droit d'édicter des règlements, avec sanctions pénales, ayant force de loi dans la province
"''Nostre souveraine dame tant et si très humblement que plus povons tousjours à vostre bonne
grace nous recommandons nostre souveraine dame vous plaise entendre que comme après que
vous avons fait puix naguères bien au long remonstrez les ordonnances faictes par le roy
nostre sire du bien déterminé pour la résidence de cy devant de la Chambre des comptes de
cestuy vostre pays et duché en la ville de Nantes et du parlement en la ville de Vennes nous
vous faisons très humble requeste vostre plaisir estre de suplier nostredit sieur de ordonnez
son conseil et chancelerie de cedit pays résider pour l’avenir en cestre vostre loyalle et cité de
Rennes.


- puissance politique par la faculté  de n'autoriser l'exécution des édits, lettres patentes, déclarations et autres actes de l'autorité royale qu'après les avoir vérifiés, et, en cas de dissentiment, de présenter au roi des observations et des critiques, sous la forme « d'humbles remontrances » , et le parlement ne s'en priva pas.  
Et nostre souveraine dame vous incline à nostre supplicacion et requeste comme nostre bonne
et naturelle maistresse en demonstrant par effect le grand désir et zel que avez à
l’agrandissement et resourcée de ceste vostredite ville et cité qui au moyen des guerres a eu tant
à porter et souffrir en avez fait requeste à vostredit sieur lequel a décléré son intencion que son
plaisir est à ce que ledit conseil ne soit embulatoire qu’il tienne désormais en ceste vostredite
ville comme bien apiert par le mandement qu’il vous a pleu nous envoyez par Michel Caré
vostre serviteur apoticaire lequel nous a bien à plain déclairé l’affection qu’il vous plaist avoir
à nostre prospérité de quoy nous nous réputons autant eureux que peuple qui soit sur la terre'' "...


'''D'abord partagé entre Rennes et à Nantes'''


Les Rennais avaient rédigé  un
En août 1531 le roi ordonna que le conseil se tiendrait annuellement, un semestre à Nantes, l'autre à Rennes mais les Nantais se plaignirent, en mars 1533, que le conseil ne s'était pas tenu à Nantes depuis cinq ans. Par lettres du 14 juin 1534 le roi fit injonction de se rendre à Nantes où la séance eut lieu en septembre de l'année suivante, la ville de Nantes offrant à cette occasion au premier président deux pipes de vin d'Anjou (NDLR  480 litres x 2), et deux poinçons de vin d'Orléans (NDLR 228 litres x2) que reçut aussi le second président<ref> Histoire de la Ville de Nantes. t. 2, p. 290, par l'abbé Travers Imprimerie de Forest. Nantes - 1837 </ref>.
premier argumentaire sommaire tendant à prouver que tous les édits d’alternance promulgués
dans les années 1530 l’avaient été sous l’influence délétère de la communauté de ville de Nantes.
Ce travail de persuasion mené  par quelques Rennais députés auprès du
Conseil privé (notamment Gilles Chouart) aboutit, le 28 janvier 1542, à un renversement de
situation. Henri, acceptant l’état de fait, fixe la chancellerie à Rennes alors qu’il exigeait
l’alternance avec Nantes encore sept mois plus tôt. Ils rédigent ainsi au cours du printemps 1542 une série d’articles pour « faire
entendre et informer sur et de la commodité de la tenue des chancellerie et conseil des pays et
duché de Bretaigne en la ville de Rennes. »  Nantes abrite le chambre des comptes. le 27 septembre, les États réunis amenés à choisir entre Rennes et Nantes
choisissent Rennes. Au début le 19 mai 1543,le dauphin Henri,
lassé de ce conflit qui dure depuis bientôt quatre ans ou indifférent à son propos, publie un
nouvel édit à Saint-Germain-en-Laye où il réside, qui fixe la chancellerie à Vannes « comme estant ville neutre. »


Un édit de mars 1553 érigea en Bretagne un parlement composé de quatre présidents, trente-deux conseillers, deux avocats généraux et un procureur général, avec tout l'accompagnement n de greffiers, huissiers, payeur des gages, officiers de chancellerie, etc. Un des conseillers était investi des fonctions de garde-scel qui faisaient de lui le principal officier de la chancellerie, chargé de veiller à l'exécution des règlements relatifs à l'apposition du sceau du roi sur les expéditions du greffe et au paiement des droits qu'entraînait cette formalité. Ces magistrats étaient répartis en nombre égal en deux sections ou « séances », dont l'une siégeait à Rennes, en août, septembre et octobre, et l'autre à Nantes, en février, mars et avril ; on prolongeait les séances d'un mois si nécessaire pour terminer les affaires en cours ; les autres mois disponibles étaient consacrés aux « vacations », pour l'expédition des procès criminels. De même qu'aux Grands Jours, comme dans d'autres parlements de province, la moitié seulement des sièges était réservée aux Bretons ou « originaires » , l'autre aux Français, ou « non originaires ». Cette répartition avait pour but d'empêcher le particularisme provincial de régner sans obstacles au sein de la Cour.Les magistrats des Grands Jours furent pourvus de plein droit dans le nouveau parlement ; presque tous exerçaient en même temps d'autres fonctions judiciaires qu'ils eurent le droit de conserver sauf ceux dont les offices sis en Bretagne ressortissaient à la Cour ou pouvaient se trouver en conflit avec elle.
C'est dans ces circonstances que fut établi le parlement investi de trois pouvoirs :
 
- judiciaire par la souveraineté de ses décisions attaquables seulement par la voie de cassation pour vice de forme, excès de pouvoir, mauvaise interprétation de la loi
 
- législatif par le droit d'édicter des règlements, avec sanctions pénales, ayant force de loi dans la province
 
- politique par la faculté de n'autoriser l'exécution des édits, lettres patentes, déclarations et autres actes de l'autorité royale qu'après les avoir vérifiés, et, en cas de dissentiment, de présenter au roi des observations et des critiques, sous la forme « d'humbles remontrances », et le parlement ne s'en priva pas.
 
 
 
'''D'abord partagé entre Rennes et à Nantes'''
 
Au début du 16e siècle, l'atout majeur de la ville de Nantes,  qui est aussi son handicap  principal dans l’affrontement avec les Rennais pour l’obtention du conseil et chancellerie puis du parlement de Bretagne, demeure la présence en ville de la Chambre des comptes de Bretagne. D’abord installée à Vannes en 1365, conservée jalousement pendant tout le 15e siècle, ce pilier de l’Etat ducal dont le rôle n’est pas simplement financier mais également administratif (recensement, enregistrement, archivage de la mémoire de la principauté) s’installe à Nantes à partir du premier mariage de la duchesse Anne.
S’affirme alors la vocation nantaise à jouer le rôle de capitale politique provinciale, vocation
appuyée entre autres sur la conservation dans le château de toutes les chartes de l’administration
ducale, ainsi que des aveux seigneuriaux si souvent consultés à l’occasion des nombreux procès.
Pour G. Saupin, la présence de la Chambre des comptes à Nantes a désavantagé la ville au
moment des affrontements pour le Conseil et chancellerie puis pour le parlement car Rennes
s’est empressée de saisir l’avantage institutionnel de sa rivale pour produire un discours fondé
sur l’équité institutionnelle et territoriale. <ref> ''Rennes, naissance d'une capitale provinciale (1491-1610)'', p.272  Mathieu Pichard-Rivallan. thèse/ Région Bretagne. Université de Rennes 2  U.E.B - 2014 </ref>  Auparavant les Rennais  avaient voulu récupérer les séances du
conseil et chancellerie de Bretagne qui entre 1502 et 1515 n’avait siégé à Rennes que six mois autotal contre 56 à Nantes.
Les Rennais avaient rédigé un premier argumentaire sommaire tendant à prouver que tous les édits d’alternance promulgués dans les années 1530 l’avaient été sous l’influence délétère de la communauté de ville de Nantes.
Ce travail de persuasion mené par quelques Rennais députés auprès du Conseil privé (notamment Gilles Chouart) aboutit, le 28 janvier 1542, à un renversement de situation. Henri, acceptant l’état de fait, fixe la chancellerie à Rennes alors qu’il exigeait l’alternance avec Nantes encore sept mois plus tôt. Ils rédigent ainsi au cours du printemps 1542 une série d’articles pour « faire entendre et informer sur et de la commodité de la tenue des chancellerie et conseil des pays et duché de Bretaigne en la ville de Rennes. » Nantes abrite la chambre des comptes. Le 27 septembre, les États réunis amenés à choisir entre Rennes et Nantes choisissent Rennes. Au début le 19 mai 1543, le dauphin Henri, lassé de ce conflit qui dure depuis bientôt quatre ans ou indifférent à son propos, publie un nouvel édit à Saint-Germain-en-Laye où il réside, qui fixe la chancellerie à Vannes « comme estant ville neutre. »
 
Un édit de mars 1553 érigea en Bretagne un parlement composé de quatre présidents, trente-deux conseillers, deux avocats généraux et un procureur général, avec tout l'accompagnement de greffiers, huissiers, payeur des gages, officiers de chancellerie, etc. Un des conseillers était investi des fonctions de garde-scel qui faisaient de lui le principal officier de la chancellerie, chargé de veiller à l'exécution des règlements relatifs à l'apposition du sceau du roi sur les expéditions du greffe et au paiement des droits qu'entraînait cette formalité. Ces magistrats étaient répartis en nombre égal en deux sections ou « séances », dont l'une siégeait à Rennes, en août, septembre et octobre, et l'autre à Nantes, en février, mars et avril ; on prolongeait les séances d'un mois si nécessaire pour terminer les affaires en cours ; les autres mois disponibles étaient consacrés aux « vacations », pour l'expédition des procès criminels. De même qu'aux Grands Jours, comme dans d'autres parlements de province, la moitié seulement des sièges était réservée aux Bretons ou « originaires », l'autre aux Français, ou « non originaires ». Cette répartition avait pour but d'empêcher le particularisme provincial de régner sans obstacles au sein de la Cour. Les magistrats des Grands Jours furent pourvus de plein droit dans le nouveau parlement ; presque tous exerçaient en même temps d'autres fonctions judiciaires qu'ils eurent le droit de conserver sauf ceux dont les offices sis en Bretagne ressortissaient à la Cour ou pouvaient se trouver en conflit avec elle.
    
    
La séance de Rennes fut installée le 2 août 1554 par René Baillet, futur premier président, en qualité de maître des Requêtes investi d'une commission spéciale du roi ; ce fut aussi lui qui ouvrit la 2e session, celle de Nantes le 4 février 1555. Une dizaine d’années après
La séance de Rennes fut installée le 2 août 1554 par René Baillet, futur premier président, en qualité de maître des Requêtes investi d'une commission spéciale du roi ; ce fut aussi lui qui ouvrit la 2e session, celle de Nantes le 4 février 1555. Une dizaine d’années après l’obtention par les Rennais de l’intégralité des séances du conseil et chancellerie, les plaies ne s'étaient pas refermées chez les Nantais, d’autant moins que le personnel municipal n’avait pas été totalement renouvelé et gardait le souvenir de l’humiliation de 1543.  
l’obtention par les Rennais de l’intégralité des séances du conseil et chancellerie, les plaies ne
[[Fichier:Gravure_palais_du_Parlement.png|300px|right]]
n'étaient pas refermées chez les Nantais, d’autant moins que le personnel municipal n’avait pas été totalement
'''Ambitions rennaises'''
renouvelé et gardait le souvenir de l’humiliation de 1543.  


'''Ambitions rennaises
Dès le 3 février 1555, Julien Champion avait obtenu une procuration de l’ensemble du corps de ville de Rennes pour aller remontrer au conseil privé du roi la nécessité de :
'''
 
Dès le 3 février
1555, Julien Champion avait obtenu une procuration de l’ensemble du corps de ville de Rennes
pour aller remontrer au conseil privé du roi la nécessité de :


« réunyr et réduire les deux scéances et ouvertures en une desdites villes, et que à ce faire
« réunyr et réduire les deux scéances et ouvertures en une desdites villes, et que à ce faire
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alléguées tendant à l’enthérinement de sa requeste. »  
alléguées tendant à l’enthérinement de sa requeste. »  


le 19 mars 1555, le conseil privé
le 19 mars 1555, le conseil privé refuse de choisir entre Rennes et Nantes, soutenue par les villes bretonnes démarchées.
refuse de choisir entre Rennes et Nantes, soutenue par les villes bretonnes démarchées.


Julien Champion annonce en assemblée du corps de ville « que les Rennais
Julien Champion annonce en assemblée du corps de ville « que les Rennais n’ont deniers communs ne aultres prests en ladite communauté dont ils puissent payer en si brief temps la somme que le roy demande », celle de 5 000 livres pour le parlement de Bretagne et on décide un emprunt auprès des habitants à intérêts de 10% péniblement financé pour moitié par les marchands, pour l'autre par des nobles et des bourgeois. <ref> ''Rennes naissance d'une capitale provinciale (1491-1610)'', Mathieu Picherd-Rivalan, thèse de doctorat, vol. 1  Université Rennes II -2014 </ref>
n’ont deniers communs ne aultres prests en ladite communauté dont ils puissent payer en si
brief temps la somme que le roy demande », celle de 5 000 livres pour le parlement de
Bretagne et on décide d'emprunter auprès des habitants à intérêts de 10% financé pour moitié par les marchands, pour l'autre par des nobles et des bourgeois. <ref> ''Rennes naissance d'une capitale provinciale (1491-1610)'', Mathieu Picherd-Rivalan, thèse de doctorat, vol. 1  UEB -2014 </ref>


'''Le  parlement gagné par Nantes'''
'''Le  parlement gagné par Nantes'''


On s'aperçut de l'insuffisance du personnel car il suffisait de quelques magistrats malades ou autrement empêchés pour réduire le nombre des juges au-dessous du minimum nécessaire à la validité des arrêts ; un édit du 1er juillet 1556 créa huit nouveaux offices de conseillers. La double résidence offrait de grands inconvénients, mais elle avait l'avantage de donner satisfaction aux deux villes principales de la province. Le roi fixa  donc, en juin 1557, les deux séances à Nantes mais fut pour peu de temps. Les deux séances furent, par le même acte royal, partagées chacune en deux chambres, l'une la « Grand Chambre » composée de deux présidents et quinze conseillers dont huit non originaires ; l'autre, la chambre des Enquêtes, avec deux présidents et onze conseillers, les derniers reçus, six français et cinq bretons, en tout soixante juges ; quatre présidents et douze conseillers furent créés pour compléter cette nouvelle organisation. Toutefois Rennes eut le dessous, à cause sans doute des sacrifices que les Nantais firent pour obtenir la préférence en versant au trésor royal 10 000 livres, le 2 juillet 1557, et en remboursant à Rennes les 5000 livres que celle-ci avait versé pour obtenir le parlement. Aussi le roi, par lettres du 25 juin 1557, accorda à la ville de Nantes le parlement de Bretagne sans alternative pour la ville de Rennes.  
On s'aperçut de l'insuffisance du personnel car il suffisait de quelques magistrats malades ou autrement empêchés pour réduire le nombre des juges au-dessous du minimum nécessaire à la validité des arrêts ; un édit du 1er juillet 1556 créa huit nouveaux offices de conseillers. La double résidence offrait de grands inconvénients, mais elle avait l'avantage de donner satisfaction aux deux villes principales de la province. Le roi fixa  donc, en juin 1557, les deux séances à Nantes mais fut pour peu de temps. Les deux séances furent, par le même acte royal, partagées chacune en deux chambres, l'une la « Grand Chambre » composée de deux présidents et quinze conseillers dont huit non originaires ; l'autre, la chambre des Enquêtes, avec deux présidents et onze conseillers, les derniers reçus, six français et cinq bretons, en tout soixante juges ; quatre présidents et douze conseillers furent créés pour compléter cette nouvelle organisation. Toutefois Rennes eut le dessous, à cause sans doute des sacrifices que les Nantais firent pour obtenir la préférence en versant au trésor royal 10 000 livres, le 2 juillet 1557, et en remboursant à Rennes les 5000 livres que celle-ci avait versé pour obtenir le parlement. Aussi le roi, par lettres du 25 juin 1557, accorda à la ville de Nantes le parlement de Bretagne sans alternative pour la ville de Rennes.  


'''1561 : le parlement à Rennes'''
'''1561 : le parlement à Rennes'''


Le duc d’Étampes accepte de soutenir une nouvelle requête du corps de
Le duc d’Étampes accepte de soutenir une nouvelle requête du corps de ville de Rennes auprès du conseil privé du jeune roi François II à Blois. Le 4 décembre 1559, dans une lettre au gouverneur, le conseil appelle à revoir la localisation de la cité parlementaire et confie à Étampes la responsabilité d’enquêter et de trancher une nouvelle fois entre Rennes et Nantes. Le 26 juin, les Nantais décident d’envoyer Jean Layller, avocat à la cour de parlement, pour aller plaider une nouvelle fois la cause de la ville auprès du conseil du roi. Le 27 septembre, à Vannes, le héraut des États convoque tous les présents, nobles, prélats et représentants des villes, à venir comparaître devant le gouverneur pour choisir entre Rennes et Nantes. Les suffrages furent majoritairement pour Rennes (18 pour Rennes et 9 pour Nantes), considérée comme plus commode comme étant au centre de la province, Nantes étant en extrémité.  
ville de Rennes auprès du conseil privé du jeune roi François II à Blois. Le 4 décembre 1559,
La ville de Nantes perdit bientôt l'avantage qu'elle avait obtenu. Des lettres royales appelèrent les bourgeois de Rennes à déclarer les raisons de leur opposition au maintien du parlement à Nantes. C'était tendre une perche aux Rennais. Un édit du jeune roi Charles IX, âgé de 10 ans, derrière lequel est sa mère, {{w|Catherine de Médicis}}, en date du 4 mars 1560  porta "translation du Parlement de Bretagne dans la ville de Rennes pour y être sédentaire" mais Rennes dut attendre plusieurs mois (en août le parlement était toujours à Nantes) et eût à rembourser à Nantes ce qu'elle avait payé au roi pour obtenir cette faveur<ref> www.infobretagne.com/parlement-bretagne.htm </ref>. Il en résulta un procès entre les deux villes et le conseil chargea les Etats de délibérer à laquelle des deux villes il convenait plus d'avoir le parlement. Par arrêtés des 2 et 17 mars 1580 le conseil fixa le parlement à Rennes. Nantes tenta vainement de le récupérer, plusieurs fois et à grands frais<ref> Histoire de la Ville de Nantes. t. 2, pp. 290, 291,  par l'abbé Travers Imprimerie de Forest. Nantes - 1837 </ref>.
dans une lettre au gouverneur, le conseil appelle à revoir la localisation de la cité
 
parlementaire et confie à Étampes la responsabilité d’enquêter et de trancher une nouvelle fois
En 1583, la crainte des troubles de la Ligue avait amené le Parlement à ouvrir sa séance à Dinan, mais, sur réclamation de Rennes, craignant ce précédent, des lettres patentes enjoignirent à la Cour de "désemparer de Dinan et d'aller tenir le Parlement à Rennes, défendant aux présidents et conseillers et autres officiers de le tenir ci-après en autre lieu qu'en ladicte ville de Rennes, où il est établi du consentement et par l'advis des états du pays de Bretagne."  Le Parlement avait enregistré les lettres du roi, proscrit la ligue et défendu, sous peine de mort, de prendre les armes sans l'ordre du sieur de Monbarrot. Aussi, Nantes étant livré à la ligue, le 12 avril 1587, un édit ordonna la translation de la chambre des comptes de Nantes à Rennes où elle vint siéger au couvent des Carmes agrandi à cet effet. En outre, le bureau des finances et la cour des monnaies reçurent aussi l'ordre de quitter Nantes sous quinze jours, à peine de nullité de leurs actes. <ref> ''Histoire de Rennes,'' p.258, pp.264, 265. Émile Ducrest de Villeneuve et D. Maillet. Edouard Morault, libraire. Rennes - 1845 </ref>
entre Rennes et Nantes. Le 26 juin, les Nantais décident d’envoyer
 
Jean Layller, avocat à la cour de parlement,  
'''1590 : un parlement  doublon ligueur à Nantes'''
pour aller plaider une nouvelle fois la cause de la ville auprès du conseil du roi. Le 27 septembre, à Vannes, le héraut des
États convoque tous les présents, nobles, prélats et représentants des villes, à venir comparaître
En 1590, le duc de Mercœur, gouverneur de la province, pour asseoir sa puissance politique au nom d'un nouveau roi de France, Charles X, proclamé par la Ligue, voulut, après la mort d'Henri III, faire de Nantes, où la Ligue était maîtresse, le siège du parlement et y appela les membres de la Cour et dix-huit seulement s'y rendirent et s'y réunirent le 8 janvier 1590.  Le parlement rennais travailla , d'accord avec les commandants militaires, à combattre les ennemis du roi, affirmant sa fidélité par ses arrêts du 27 février 1590 qui condamnèrent les parlementaires ligueurs à être pendus ; leurs corps devaient être traînés sur la claie et leurs biens confisqués, condamnation qui resta fictive. Le parlement royaliste, qui continua à se réunir régulièrement, se maintint à Rennes, fidèle à  Henri III puis à Henri IV. Le 27 décembre 1590, les états se réunirent dans la grande salle des Jacobins avec seulement cinq membres du  clergé dont aucun évêque, tous étant ligueurs, 40 nobles et les députés des sept bonnes villes restées fidèles au roi et les demandes de subsides demandées par le roi furent presque toutes accordées. Un service fut célébré aux Cordeliers au nom du parlement pour Henri III et l'on exécuta en effigie les membres de la cour souveraine illégale de Nantes.
devant le gouverneur pour choisir entre Rennes et Nantes. Les suffrages furent majoritairement pour Rennes (18 pour Rennes et 9 pour Nantes), considérée comme plus commode comme étant au centre de la province, Nantes étant en extrémité.  
 
La ville de Nantes perdit bientôt l'avantage qu'elle avait obtenu. Un édit de Charles IX du 4 mars 1560  porta "translation du Parlement de Bretagne dans la ville de Rennes pour y être sédentaire" mais  Rennes eût à rembourser à Nantes ce qu'elle avait payé au roi pour obtenir cette faveur. <ref> www.infobretagne.com/parlement-bretagne.htm </ref> Il en résulta un procès entre les deux villes et le conseil chargea les Etats de délibérer à laquelle des deux villes il convenait plus d'avoir le parlement. par arrêtés des 2 et 17 mars 1580 le conseil fixa le parlement à Rennes. Nantes tenta vainement de le récupérer, plusieurs fois et à grands frais. <ref> Histoire de la Ville de Nantes. t. 2, pp. 290, 291,  par l'abbé Travers Imprimerie de Forest. Nantes - 1837 </ref>
La soumission de la province entraîna la disparition de la Cour rebelle et l'amnistie du 20 mars 1598 ramena au parlement de Rennes presque tous ceux qui l'avaient quitté pour servir la Ligue.
Mais le parlement n'avait à Rennes, depuis son érection, qu'une installation provisoire, incommode et insuffisante, dans les locaux du couvent des Cordeliers. Dès 1564, il fut question de construire pour l'y établir, un palais qu'il devait attendre quatre-vingt-onze ans ; la communauté de ville obtint en 1578 des lettres qui l'autorisaient à lever des subsides pour bâtir « un palais et maison royalle » ; ce fut seulement sous Henri IV (lettres du 3 juillet 1609) que  fut définitivement décidée la construction du palais du [[Parlement de Bretagne]] qui ne sera achevée qu'en 1655.
 
''' L'exil à Vannes'''
 
De 1675 à 1690 le parlement eut sa résidence à Vannes. A la suite de la [[ Révolte du papier timbré]]  à Rennes, en avril, juin et juillet 1675, le roi, par déclaration du 18 septembre suivant, avait transféré à Vannes le siège de la Cour.Ce furent seulement les lettres patentes d'octobre 1689 qui rendirent à Rennes le parlement.
 
'''La fin'''
 
Les premiers événements de la Révolution bouleversèrent les institutions établies et il en fut ainsi des parlements. Le 3 février 1790, un décret remplaça le parlement par une cour supérieure qui fut installée au palais le 18 février sous la présidence de Talhouêt de Bois-Orhand, ancien président au parlement, mais l'institution fera long feu. Au parlement succédera un tribunal d'appel pour rendre [[En 1800, la Justice à Rennes]].
 




'''références'''
'''références'''

Version du 27 juin 2019 à 15:45


Les "Grands Jours" remplacés par un parlement

Il existait en Bretagne, sous les ducs, une juridiction supérieure à l'instar de la France, un conseil qui portait le nom de « Parlement » ; composé de vingt-deux « conseillers du duc » : il se réunissait à intervalles irréguliers ; ses sessions suivaient celles des Etats. Pour remédier aux inconvénients de ces sessions irrégulières, le duc François II, par édit du 22 septembre 1485, créa les « Grands Jours » qui devaient siéger à Vannes du 15 juillet au 15 septembre de chaque année. Ne fonctionnant en fait que du 1er septembre au 5 octobre, les Grands Jours ne pouvaient expédier qu'un nombre restreint d'affaires ; comme, d'autre part, les juges ne jugeaient pas en dernier ressort et que leurs décisions, en cas d'appel, étaient portées devant le parlement de Paris, les procès s'éternisaient, d'où des frais ruineux et d'interminables délais. L’atout majeur de la ville de Nantes au début du XVIe siècle, qui est aussi son handicap principal dans l’affrontement avec les Rennais pour l’obtention du conseil et chancellerie puis du parlement de Bretagne, demeure la présence en ville de la Chambre des comptes de Bretagne. D’abord installée à Vannes en 1365, conservée jalousement pendant tout le XVe siècle, ce pilier de l’Etat ducal dont le rôle n’est pas simplement financier mais également administratif (recensement, enregistrement, archivage de la mémoire de la principauté) s’installe sur les bords de la Loire à partir du premier mariage de la duchesse Anne. S’affirme alors la vocation nantaise à jouer le rôle de capitale politique provinciale, vocation appuyée entre autres sur la conservation dans le château de toutes les chartes de l’administration ducale, ainsi que des aveux seigneuriaux si souvent consultés à l’occasion des nombreux procès. Pour G. Saupin, la présence de la Chambre des comptes à Nantes a désavantagé la ville au moment des affrontements pour le Conseil et chancellerie puis pour le parlement car Rennes s’est empressée de saisir l’avantage institutionnel de sa rivale pour produire un discours fondé sur l’équité institutionnelle et territoriale.

Le premier vrai affrontement entre Rennes et Nantes, à partir des années 1530, a pour objectif d’obtenir l’intégralité des séances du conseil et chancellerie de Bretagne, cour provinciale dont le personnel n’avait pas vraiment changé depuis Anne de Bretagne. [1]

En fait, la chancellerie et le conseil de Bretagne avaient été enjeux de concurrence entre les deux villes bretonnes quarante ans avant la lutte pour l’obtention des séances du parlement. Charles VIII avait décidé, en 1493, d’établir la toute première alternance officielle entre Rennes et Nantes sur la base de deux périodes de six mois (octobre-mars à Nantes, avril-septembre à Rennes), modèle qui servira d’ailleurs ensuite à l’édit d’érection du parlement.

En 1494, les Rennais présentent une requête pour obtenir le conseil et la chancellerie :

"Nostre souveraine dame tant et si très humblement que plus povons tousjours à vostre bonne grace nous recommandons nostre souveraine dame vous plaise entendre que comme après que vous avons fait puix naguères bien au long remonstrez les ordonnances faictes par le roy nostre sire du bien déterminé pour la résidence de cy devant de la Chambre des comptes de cestuy vostre pays et duché en la ville de Nantes et du parlement en la ville de Vennes nous vous faisons très humble requeste vostre plaisir estre de suplier nostredit sieur de ordonnez son conseil et chancelerie de cedit pays résider pour l’avenir en cestre vostre loyalle et cité de Rennes.

Et nostre souveraine dame vous incline à nostre supplicacion et requeste comme nostre bonne et naturelle maistresse en demonstrant par effect le grand désir et zel que avez à l’agrandissement et resourcée de ceste vostredite ville et cité qui au moyen des guerres a eu tant à porter et souffrir en avez fait requeste à vostredit sieur lequel a décléré son intencion que son plaisir est à ce que ledit conseil ne soit embulatoire qu’il tienne désormais en ceste vostredite ville comme bien apiert par le mandement qu’il vous a pleu nous envoyez par Michel Caré vostre serviteur apoticaire lequel nous a bien à plain déclairé l’affection qu’il vous plaist avoir à nostre prospérité de quoy nous nous réputons autant eureux que peuple qui soit sur la terre "...


En août 1531 le roi ordonna que le conseil se tiendrait annuellement, un semestre à Nantes, l'autre à Rennes mais les Nantais se plaignirent, en mars 1533, que le conseil ne s'était pas tenu à Nantes depuis cinq ans. Par lettres du 14 juin 1534 le roi fit injonction de se rendre à Nantes où la séance eut lieu en septembre de l'année suivante, la ville de Nantes offrant à cette occasion au premier président deux pipes de vin d'Anjou (NDLR 480 litres x 2), et deux poinçons de vin d'Orléans (NDLR 228 litres x2) que reçut aussi le second président[2].

C'est dans ces circonstances que fut établi le parlement investi de trois pouvoirs :

- judiciaire par la souveraineté de ses décisions attaquables seulement par la voie de cassation pour vice de forme, excès de pouvoir, mauvaise interprétation de la loi

- législatif par le droit d'édicter des règlements, avec sanctions pénales, ayant force de loi dans la province

- politique par la faculté de n'autoriser l'exécution des édits, lettres patentes, déclarations et autres actes de l'autorité royale qu'après les avoir vérifiés, et, en cas de dissentiment, de présenter au roi des observations et des critiques, sous la forme « d'humbles remontrances », et le parlement ne s'en priva pas.


D'abord partagé entre Rennes et à Nantes

Au début du 16e siècle, l'atout majeur de la ville de Nantes, qui est aussi son handicap principal dans l’affrontement avec les Rennais pour l’obtention du conseil et chancellerie puis du parlement de Bretagne, demeure la présence en ville de la Chambre des comptes de Bretagne. D’abord installée à Vannes en 1365, conservée jalousement pendant tout le 15e siècle, ce pilier de l’Etat ducal dont le rôle n’est pas simplement financier mais également administratif (recensement, enregistrement, archivage de la mémoire de la principauté) s’installe à Nantes à partir du premier mariage de la duchesse Anne. S’affirme alors la vocation nantaise à jouer le rôle de capitale politique provinciale, vocation appuyée entre autres sur la conservation dans le château de toutes les chartes de l’administration ducale, ainsi que des aveux seigneuriaux si souvent consultés à l’occasion des nombreux procès. Pour G. Saupin, la présence de la Chambre des comptes à Nantes a désavantagé la ville au moment des affrontements pour le Conseil et chancellerie puis pour le parlement car Rennes s’est empressée de saisir l’avantage institutionnel de sa rivale pour produire un discours fondé sur l’équité institutionnelle et territoriale. [3] Auparavant les Rennais avaient voulu récupérer les séances du conseil et chancellerie de Bretagne qui entre 1502 et 1515 n’avait siégé à Rennes que six mois autotal contre 56 à Nantes. Les Rennais avaient rédigé un premier argumentaire sommaire tendant à prouver que tous les édits d’alternance promulgués dans les années 1530 l’avaient été sous l’influence délétère de la communauté de ville de Nantes. Ce travail de persuasion mené par quelques Rennais députés auprès du Conseil privé (notamment Gilles Chouart) aboutit, le 28 janvier 1542, à un renversement de situation. Henri, acceptant l’état de fait, fixe la chancellerie à Rennes alors qu’il exigeait l’alternance avec Nantes encore sept mois plus tôt. Ils rédigent ainsi au cours du printemps 1542 une série d’articles pour « faire entendre et informer sur et de la commodité de la tenue des chancellerie et conseil des pays et duché de Bretaigne en la ville de Rennes. » Nantes abrite la chambre des comptes. Le 27 septembre, les États réunis amenés à choisir entre Rennes et Nantes choisissent Rennes. Au début le 19 mai 1543, le dauphin Henri, lassé de ce conflit qui dure depuis bientôt quatre ans ou indifférent à son propos, publie un nouvel édit à Saint-Germain-en-Laye où il réside, qui fixe la chancellerie à Vannes « comme estant ville neutre. »

Un édit de mars 1553 érigea en Bretagne un parlement composé de quatre présidents, trente-deux conseillers, deux avocats généraux et un procureur général, avec tout l'accompagnement de greffiers, huissiers, payeur des gages, officiers de chancellerie, etc. Un des conseillers était investi des fonctions de garde-scel qui faisaient de lui le principal officier de la chancellerie, chargé de veiller à l'exécution des règlements relatifs à l'apposition du sceau du roi sur les expéditions du greffe et au paiement des droits qu'entraînait cette formalité. Ces magistrats étaient répartis en nombre égal en deux sections ou « séances », dont l'une siégeait à Rennes, en août, septembre et octobre, et l'autre à Nantes, en février, mars et avril ; on prolongeait les séances d'un mois si nécessaire pour terminer les affaires en cours ; les autres mois disponibles étaient consacrés aux « vacations », pour l'expédition des procès criminels. De même qu'aux Grands Jours, comme dans d'autres parlements de province, la moitié seulement des sièges était réservée aux Bretons ou « originaires », l'autre aux Français, ou « non originaires ». Cette répartition avait pour but d'empêcher le particularisme provincial de régner sans obstacles au sein de la Cour. Les magistrats des Grands Jours furent pourvus de plein droit dans le nouveau parlement ; presque tous exerçaient en même temps d'autres fonctions judiciaires qu'ils eurent le droit de conserver sauf ceux dont les offices sis en Bretagne ressortissaient à la Cour ou pouvaient se trouver en conflit avec elle.

La séance de Rennes fut installée le 2 août 1554 par René Baillet, futur premier président, en qualité de maître des Requêtes investi d'une commission spéciale du roi ; ce fut aussi lui qui ouvrit la 2e session, celle de Nantes le 4 février 1555. Une dizaine d’années après l’obtention par les Rennais de l’intégralité des séances du conseil et chancellerie, les plaies ne s'étaient pas refermées chez les Nantais, d’autant moins que le personnel municipal n’avait pas été totalement renouvelé et gardait le souvenir de l’humiliation de 1543.

Gravure palais du Parlement.png

Ambitions rennaises

Dès le 3 février 1555, Julien Champion avait obtenu une procuration de l’ensemble du corps de ville de Rennes pour aller remontrer au conseil privé du roi la nécessité de :

« réunyr et réduire les deux scéances et ouvertures en une desdites villes, et que à ce faire nostredite ville de Rennes comme ville cappitalle de nostre duché et en laquelle nos prédécesseurs ducs de Bretaigne auroient de tout temps acoustumé prendre et recevoir leurs intersignes ducaulx et faire les premiers actes de leur principaulté et grandeur, et que antiennement les appellations de tous ledit pays de Bretaigne ressortissoient par appel en ladite ville de Rennes fors et excepté celles du conté de Nantes, et oultre que nostre ville de Rennes est la plus grande mieulx logée et mieulx bastie et plus propre et convenable pour la scéance ordinaire du parlement que nulle aultre ville de nostre duché et que en icelle y avoit grand nombre de gens de savoir, et que à moindres et plus légers fraiz et avec plus grande seuretté se feroint la conduicte des prisonniers, port et voicture des procès civils ressortissans par appel en nostre cour de parlement pour estre pays plat et descouvert, et ville scituée plus près du milieu de nostre duché que n’est nostredite ville de Nantes qui est bord des extremités d’icelluy duché, concluant ledit demandeur pour les causes et raisons dessus et aultres par luy déduictes et alléguées tendant à l’enthérinement de sa requeste. »

le 19 mars 1555, le conseil privé refuse de choisir entre Rennes et Nantes, soutenue par les villes bretonnes démarchées.

Julien Champion annonce en assemblée du corps de ville « que les Rennais n’ont deniers communs ne aultres prests en ladite communauté dont ils puissent payer en si brief temps la somme que le roy demande », celle de 5 000 livres pour le parlement de Bretagne et on décide un emprunt auprès des habitants à intérêts de 10% péniblement financé pour moitié par les marchands, pour l'autre par des nobles et des bourgeois. [4]

Le parlement gagné par Nantes

On s'aperçut de l'insuffisance du personnel car il suffisait de quelques magistrats malades ou autrement empêchés pour réduire le nombre des juges au-dessous du minimum nécessaire à la validité des arrêts ; un édit du 1er juillet 1556 créa huit nouveaux offices de conseillers. La double résidence offrait de grands inconvénients, mais elle avait l'avantage de donner satisfaction aux deux villes principales de la province. Le roi fixa donc, en juin 1557, les deux séances à Nantes mais fut pour peu de temps. Les deux séances furent, par le même acte royal, partagées chacune en deux chambres, l'une la « Grand Chambre » composée de deux présidents et quinze conseillers dont huit non originaires ; l'autre, la chambre des Enquêtes, avec deux présidents et onze conseillers, les derniers reçus, six français et cinq bretons, en tout soixante juges ; quatre présidents et douze conseillers furent créés pour compléter cette nouvelle organisation. Toutefois Rennes eut le dessous, à cause sans doute des sacrifices que les Nantais firent pour obtenir la préférence en versant au trésor royal 10 000 livres, le 2 juillet 1557, et en remboursant à Rennes les 5000 livres que celle-ci avait versé pour obtenir le parlement. Aussi le roi, par lettres du 25 juin 1557, accorda à la ville de Nantes le parlement de Bretagne sans alternative pour la ville de Rennes.

1561 : le parlement à Rennes

Le duc d’Étampes accepte de soutenir une nouvelle requête du corps de ville de Rennes auprès du conseil privé du jeune roi François II à Blois. Le 4 décembre 1559, dans une lettre au gouverneur, le conseil appelle à revoir la localisation de la cité parlementaire et confie à Étampes la responsabilité d’enquêter et de trancher une nouvelle fois entre Rennes et Nantes. Le 26 juin, les Nantais décident d’envoyer Jean Layller, avocat à la cour de parlement, pour aller plaider une nouvelle fois la cause de la ville auprès du conseil du roi. Le 27 septembre, à Vannes, le héraut des États convoque tous les présents, nobles, prélats et représentants des villes, à venir comparaître devant le gouverneur pour choisir entre Rennes et Nantes. Les suffrages furent majoritairement pour Rennes (18 pour Rennes et 9 pour Nantes), considérée comme plus commode comme étant au centre de la province, Nantes étant en extrémité. La ville de Nantes perdit bientôt l'avantage qu'elle avait obtenu. Des lettres royales appelèrent les bourgeois de Rennes à déclarer les raisons de leur opposition au maintien du parlement à Nantes. C'était tendre une perche aux Rennais. Un édit du jeune roi Charles IX, âgé de 10 ans, derrière lequel est sa mère, Catherine de Médicis Wikipedia-logo-v2.svg, en date du 4 mars 1560 porta "translation du Parlement de Bretagne dans la ville de Rennes pour y être sédentaire" mais Rennes dut attendre plusieurs mois (en août le parlement était toujours à Nantes) et eût à rembourser à Nantes ce qu'elle avait payé au roi pour obtenir cette faveur[5]. Il en résulta un procès entre les deux villes et le conseil chargea les Etats de délibérer à laquelle des deux villes il convenait plus d'avoir le parlement. Par arrêtés des 2 et 17 mars 1580 le conseil fixa le parlement à Rennes. Nantes tenta vainement de le récupérer, plusieurs fois et à grands frais[6].

En 1583, la crainte des troubles de la Ligue avait amené le Parlement à ouvrir sa séance à Dinan, mais, sur réclamation de Rennes, craignant ce précédent, des lettres patentes enjoignirent à la Cour de "désemparer de Dinan et d'aller tenir le Parlement à Rennes, défendant aux présidents et conseillers et autres officiers de le tenir ci-après en autre lieu qu'en ladicte ville de Rennes, où il est établi du consentement et par l'advis des états du pays de Bretagne." Le Parlement avait enregistré les lettres du roi, proscrit la ligue et défendu, sous peine de mort, de prendre les armes sans l'ordre du sieur de Monbarrot. Aussi, Nantes étant livré à la ligue, le 12 avril 1587, un édit ordonna la translation de la chambre des comptes de Nantes à Rennes où elle vint siéger au couvent des Carmes agrandi à cet effet. En outre, le bureau des finances et la cour des monnaies reçurent aussi l'ordre de quitter Nantes sous quinze jours, à peine de nullité de leurs actes. [7]

1590 : un parlement doublon ligueur à Nantes

En 1590, le duc de Mercœur, gouverneur de la province, pour asseoir sa puissance politique au nom d'un nouveau roi de France, Charles X, proclamé par la Ligue, voulut, après la mort d'Henri III, faire de Nantes, où la Ligue était maîtresse, le siège du parlement et y appela les membres de la Cour et dix-huit seulement s'y rendirent et s'y réunirent le 8 janvier 1590. Le parlement rennais travailla , d'accord avec les commandants militaires, à combattre les ennemis du roi, affirmant sa fidélité par ses arrêts du 27 février 1590 qui condamnèrent les parlementaires ligueurs à être pendus ; leurs corps devaient être traînés sur la claie et leurs biens confisqués, condamnation qui resta fictive. Le parlement royaliste, qui continua à se réunir régulièrement, se maintint à Rennes, fidèle à Henri III puis à Henri IV. Le 27 décembre 1590, les états se réunirent dans la grande salle des Jacobins avec seulement cinq membres du clergé dont aucun évêque, tous étant ligueurs, 40 nobles et les députés des sept bonnes villes restées fidèles au roi et les demandes de subsides demandées par le roi furent presque toutes accordées. Un service fut célébré aux Cordeliers au nom du parlement pour Henri III et l'on exécuta en effigie les membres de la cour souveraine illégale de Nantes.

La soumission de la province entraîna la disparition de la Cour rebelle et l'amnistie du 20 mars 1598 ramena au parlement de Rennes presque tous ceux qui l'avaient quitté pour servir la Ligue.

Mais le parlement n'avait à Rennes, depuis son érection, qu'une installation provisoire, incommode et insuffisante, dans les locaux du couvent des Cordeliers. Dès 1564, il fut question de construire pour l'y établir, un palais qu'il devait attendre quatre-vingt-onze ans ; la communauté de ville obtint en 1578 des lettres qui l'autorisaient à lever des subsides pour bâtir « un palais et maison royalle » ; ce fut seulement sous Henri IV (lettres du 3 juillet 1609) que fut définitivement décidée la construction du palais du Parlement de Bretagne qui ne sera achevée qu'en 1655.

L'exil à Vannes

De 1675 à 1690 le parlement eut sa résidence à Vannes. A la suite de la Révolte du papier timbré à Rennes, en avril, juin et juillet 1675, le roi, par déclaration du 18 septembre suivant, avait transféré à Vannes le siège de la Cour.Ce furent seulement les lettres patentes d'octobre 1689 qui rendirent à Rennes le parlement.

La fin

Les premiers événements de la Révolution bouleversèrent les institutions établies et il en fut ainsi des parlements. Le 3 février 1790, un décret remplaça le parlement par une cour supérieure qui fut installée au palais le 18 février sous la présidence de Talhouêt de Bois-Orhand, ancien président au parlement, mais l'institution fera long feu. Au parlement succédera un tribunal d'appel pour rendre En 1800, la Justice à Rennes.


références

  1. Rennes, naissance d'une capitale provinciale.(1491-1610) , vol. 1, p. 13 Mathieu Pichard-Rivalan. Thèse de doctorat. Université Rennes II - 2014
  2. Histoire de la Ville de Nantes. t. 2, p. 290, par l'abbé Travers Imprimerie de Forest. Nantes - 1837
  3. Rennes, naissance d'une capitale provinciale (1491-1610), p.272 Mathieu Pichard-Rivallan. thèse/ Région Bretagne. Université de Rennes 2 U.E.B - 2014
  4. Rennes naissance d'une capitale provinciale (1491-1610), Mathieu Picherd-Rivalan, thèse de doctorat, vol. 1 Université Rennes II -2014
  5. www.infobretagne.com/parlement-bretagne.htm
  6. Histoire de la Ville de Nantes. t. 2, pp. 290, 291, par l'abbé Travers Imprimerie de Forest. Nantes - 1837
  7. Histoire de Rennes, p.258, pp.264, 265. Émile Ducrest de Villeneuve et D. Maillet. Edouard Morault, libraire. Rennes - 1845