Le champ de foire de Rennes en 1784

Le texte suivant est la transcription, très peu allégée, des six pages du Proces verbal de visite du champ de foire de la ville de Rennes du 22 mars 1784[1]. Ce champ de foire est à l'origine de ce qui a été appelé le Champ de Mars, avant de devenir l'esplanade Général De Gaulle.


Ce jour, vingt deux mars mil sept cent quatre vingt quatre, aux dix heures du matin, devant nous Monsieur maitre Pierre Jean Harembert, conseiller du roi en la sénéchaussée et siege presidial de Rennes, présent Monsieur maitre René François Drouin, conseiller du roi et son procureur aux mêmes siege et sénéchaussée, ayant avec nous pour adjoint Jean Marie Legué, commis juré au greffe dudit siege, et pris pour l'exécution de nos ordonnances Jean Baptiste Mathurin Clouet, huissier au même siege.

A comparu Me. Louis Eloy Jacque, procureur des maire et echevins de la ville et communauté de Rennes, suitte et diligence de Monsieur maitre François Anne Louis Phelipes de Tronjolly, avocat du roi au siege presidial, procureur sindic de laditte ville, lequel a dit que ses parties désirant faire constater l'insuffisance du terrain où se tiennent les quatre grandes foires de l'année de cette ville, elles auraient eu l'honneur de donner leur requête au siege presidial de Rennes, par laquelle elles auraient declaré nommer pour leur expert le Sieur [Claude] Even, ingenieur des pont et chaussées, sauf à Mr. le procureur du roi à en nommer un de sa part ; que par ordonnance du vingt de ce mois la ditte requete a eté communiqué à Mr. le procureur du roi ; que par ses conclusions du même jour vingt de ce mois, il a adheré à la nommination dudit expert, et que par ordonnance du siege de ce jour, il a eté ordonné qu'il serait descendu ce jour aux dix heures du matin sur ledit terrain pour etre donné ledit Sieur Even respectivement convenu, les appuremens qui seraient requis, et du tout etre rapporté procès verbal par devant nous, en presence de Mr. le pr. du roi ; en consequence ledit Me. Jacque, pr. audit nom, a requis qu'il nous plaise nous transporter sur le terrain en question, avec Mr. le procureur du roi sindic, Me. [Charles François] Robinet avocat, l'un des echevins de la ditte ville et communauté, et ledit Sieur Even, expert, a signé...

Nous nous sommes tous transportés d'abord dans la rue de l'Antonnoir de cette ville, etant montés sur le rampart à l'extrémité de cette rue, ledit Sr. Even nous a fait voir et avons vu que l'endroit destiné pour le champ de foire n'est autre chose qu'un chemin pratiqué sur le glacis du fossé du rampart, ayant environ quatre vingt dix toises de longueur sur quinze toises de largeur reduit ; que ce chemin est bordé dans toute sa longueur par le fossé du rampart sans parapet, un garde corps sur le bord du fossé ; que le fossé est rempli d'eau, et même actuellement à une très grande hauteur ; que ce chemin n'a d'autres issues qu'aux deux extrémités, au nord par la rue de la Grippe ou de Beaumont, dans la rue St. Hellier, et au midi par deux petits chemins, dans la rue de la Magdelaine et du Pui Maugé ; que ce terrain destiné pour les boeufs et vaches est totalement rempli, qu'il n'y reste point de passage, de façon que les personnes qui veulent entrer dans la foire sont obligés de passer le long du fossé aux risques de tomber dans l'eau, ce qui est arrivé à un homme en notre presence ; que c'est egalement le seul passage pour faire entrer, ou pour tirer les bestiaux de la foire, ce que occasionne des accidens continuels. Le Sieur Even nous a de même fait voir et nous avons vu que quelque remplie que soit cette partie, elle ne peut cependant pas contenir tous les boeufs et les vaches ; qu'il y en a une grande quantité dans les chemins qui aboutissent au champ de foire, tant dans celui qui passe derrier l'hospice, que dans celui qui longe le champ des Carmes pour aller au prieuré de Beaumont ; qu'il y en a de même dans tout le bas dudit champ des Carmes ; qu'il ne reste point d'espace pour essayer les boeufs, chose d'usage dans les foires et essentielle pour un laboureur qui achete des boeufs pour son labourage ; que non seulement ce terrein est insuffisant pour contenir les boeufs et les vaches, mais qu'il n'est par consequent pas possible d'y placer les chevaux et les cochons ; que la foire pour les chevaux se tient dans les rues et chemins qui aboutissent au champ de foire ; et nous etant transportés dans la rue nommée vulgairement le Pui Maugé ou Doublet, ledit Sr. Even nous a fait voir et nous avons vu que cette rue est occupée presque dans toute sa longueur par un double rang de chevaux le long des maisons, et le milieu par les charettes destinées à essayer les chevaux de tirage ; qu'il y en a egalement dans la rue de la Magdelaine jusques vers l'auberge où pend pour enseigne la Croisille, ce qui est d'autant plus dangereux et nuisible qu'outre les accidens que peuvent essuyer les passans, le passage dans ces rues se trouve interrompu, et que ce n'est qu'avec la plus grande peine, et les risques les plus grands, que les voitures peuvent y passer ; que cependant les rues du Pui Maugé et de la Magdelaine font partie de la route de Nantes à Rennes.

Nous avons pénétré avec beaucoup de peine jusqu'au couvent du Colombier, et nous avons trouvé les chemins qui aboutissent tant à cette maison qu'à celle de l'hospice egalement remplis de chevaux, lesquels sont rangés de façon que les issues de ces maisons sont bouchées. Les chemins qui conduisent au champ de foire des deux cotés de la maison de l'hospice se sont trouvés tellement remplis, qu'il ne nous a pas eté possible d'y pénétrer ; ce qui nous a obligé de faire le tour par les derrieres, et passant dans une prairie dependante de l'hopital, et joignant les pieces de terre du prieuré de Beaumont, ledit Sr. Even nous a fait voir et nous avons vu que les marchands essayent leurs chevaux dans cette prairie faute de place pour les essayer ailleurs.

Nous nous sommes ensuitte transportés dans le champ de Beaumont dans lequel est situé la fontaine publique, lequel MM. Phelipes de Tronjoly et Robinet nous ont dit etre celui que la communauté desire acquerir pour former un champ de foire. Ledit Sr. Even nous a dit qu'il pouvait contenir environ six journaux [environ trois hectares], et nous avons vu qu'il serait très commode tant par sa situation que par son etendue, et l'espece de son sol, pour tenir les foires, surtout si on multipliait les issues, autres que celles du champ de foire actuel, jusqu'à ce qu'on fasse de nouvelles communications pour y entrer.

Nous sommes ensuitte revenus vers le champ de foire où nous avons vu de plus près les embaras que nous avions remarqué de dessus le rampart, et voulant passer par la rue de Beaumont pour nous rendre à Porte Blanche, il nous a eté impossible de le faire, n'ayant pu nous y procurer de passage au travers des bestiaux dont cette rue est remplie. Nous sommes en consequence retournés par le chemin de Lorette, et parvenus dans la rue St. Hellier, nous sommes rentrés dans la ditte rue de Beaumont que nous avons trouvée remplie par la foire aux cochons qui non seulement occupent cette rue de façon à ne pouvoir y pénétrer, mais dont le marché s'etend jusques dans les cours des maisons qui bordent la ditte rue, et qui sont remplies au point qu'il est très difficile aux habitans d'entrer ou sortir de chés eux.

Il resulte de ce que dessus que le terrain destiné pour les foires, est de plus des trois quarts trop petit pour sa destination, et que les issues pour y parvenir sont absolument insuffisantes et très dangereuses.


Notes et références

  1. Archives départementales d'Ille-et-Vilaine : cote 2B 507.