Le jour de la victoire, rue de Corbin

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« C'était mardi, mais il n'y avait pas classe. La TSF donnait des reportages sur les cérémonies et la joie à Paris, Londres et ailleurs. En fin de matinée, nous avons ouvert en grand les fenêtres pour entendre les cloches sonner à toutes volées, dominées par celles de l'église Saint-Germain. À part la sentinelle, près du portail du "Corps d'armée" surmonté du drapeau tricolore, la rue est vide. Au balcon où nous avons mis aussi le drapeau, il y a ma grand-mère avec nous, pas si gaie que cela. Mon grand-père était mort en novembre. Il y avait eu le faire-part sur la petite feuille du journal et, de Toussaints[1], on avait suivi le lent corbillard aux quatre plumeaux noirs jusqu'au cimetière du Nord où il y avait déjà ma tante, tuée rue Saint-Hélier par les bombes en juin[2]. Au passage des soldats saluaient. Nous étions rentrés en tramway, les dames sous leurs voiles noirs.

Au déjeuner, ce mardi, on a mangé du veau et des petits pois. À la nuit tombée, il y a eu la retraite aux flambeaux. Une foule joyeuse s'était assemblée dans la rue, à l'entrée de la cour où jouait la musique militaire devant le général Allard, très applaudie après chaque morceau. Puis les musiciens sont sortis, jouant toujours, suivis de soldats portant des flambeaux allumés et les jeunes gens, bras dessus bras dessous, leur ont emboîté le pas, riant et s'interpellant. Ils allaient monter la côte de la rue Gambetta et gagner la place de la Mairie. Mais nous, nous sommes allés nous coucher. Le surlendemain, vendredi, au collège, à quatre heures et demi, nous avons eu la tartine de la victoire, une grande tranche de pain blanc, bien beurrée avec de la confiture par dessus.

Etienne Maignen. collecteur=Stephanus »

• 20 février 2011licence

références