« Les prisonniers coloniaux à Rennes » : différence entre les versions

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'''Il y a un prisonnier noir dans la cabane''' !
'''Il y a un prisonnier noir dans la cabane''' !


Au printemps 1943, « la petite Louise », dont le mari est prisonnier en Allemagne, et qui vit seule avec sa fille de cinq ans , bénéficiant d’un jardin municipal ouvrier, arrive à bicyclette chez mes parents, affolée, et annonce : « Il y a un prisonnier noir évadé dans ma baraque de jardin ! Les gosses du quartier l’ont vu à travers les fentes de la cabane et chantent ça en chœur dans la rue. » Mon père, devant le cercle familial, affiche, comme à son habitude, une grande sûreté et déclare « prendre les choses en mains ». Vu l’époque, des vêtements de l’époux de la petite Louise font l’affaire malgré la grande taille du tirailleur soudanais et il faut le déplacer d’urgence après la publicité dispensée par les gamins du quartier. Le frère de ma grand-mère accepte et le transfert se fait nuitamment dans ce quartier périphérique sans éclairage public. La petite Louise joua l’étonnement quand des policiers vinrent lui demander si elle avait entendu parler d’un noir dans sa baraque. Le problème des faux papiers – un certificat de démobilisation et une carte d’identité civile - fut difficilement résolu par le canal d’un professeur de mathématiques habitant le quartier mais muté à Saint-Nazaire, trempant dans la Résistance, et qui revenait à Rennes en fin de semaine. C’est dirigé par lui sur M. Lemoine., le greffier de la Cour d’appel, que mon père obtint les faux papiers pour celui qu’on appelait, faute de connaître son identité, Amadou entre nous, et sur l’existence duquel, j’avais, garçon de neuf ans, juré de garder le secret. Il put ainsi quitter Rennes et nous n’entendîmes plus parler de lui.
Au printemps 1943, « la petite Louise », dont le mari est prisonnier en Allemagne, et qui vit seule avec sa fille de cinq ans , bénéficiant d’un jardin municipal ouvrier, arrive à bicyclette chez mes parents, affolée, et annonce : « Il y a un prisonnier noir évadé dans ma baraque de jardin ! Les gosses du quartier l’ont vu à travers les fentes de la cabane et chantent ça en chœur dans la rue. » Mon père, devant le cercle familial, affiche, comme à son habitude, une grande sûreté et déclare « prendre les choses en mains ». Vu l’époque, des vêtements de l’époux de la petite Louise font l’affaire malgré la grande taille du tirailleur soudanais et il faut le déplacer d’urgence après la publicité dispensée par les gamins du quartier. Le frère de ma grand-mère accepte et le transfert se fait nuitamment dans ce quartier périphérique sans éclairage public. La petite Louise joua l’étonnement quand des policiers vinrent lui demander si elle avait entendu parler d’un noir dans sa baraque. Le problème des faux papiers – un certificat de démobilisation et une carte d’identité civile - fut difficilement résolu par le canal d’un professeur de mathématiques habitant le quartier mais muté à Saint-Nazaire, trempant dans la Résistance, et qui revenait à Rennes en fin de semaine. C’est dirigé par lui sur M. Lemoine., le greffier de la Cour d’appel, que mon père obtint les faux papiers pour celui qu’on appelait, faute de connaître son identité, Amadou entre nous, et sur l’existence duquel, j’avais, garçon de neuf ans, juré de garder le secret. Il put ainsi quitter Rennes et nous n’entendîmes plus parler de lui.<ref> ''Rennes pendant la guerre, chroniques de 1939 à 1945'', par Étienne Maignen. Éditions Ouest-France - 2013 </ref>


Gilbert Guillou
Gilbert Guillou
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