Mai-juin 1940, l'afflux des réfugiés à Rennes

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Les Rennais, dès la fin de la "drôle de guerre", virent arriver en masse les réfugiés.

Dès septembre 1939, après la déclaration de guerre, la préfecture avait ordonné aux chargés de mission pour le ravitaillement des réfugiés de se tenir prêts et la municipalité avait préparé des locaux pour recevoir des réfugiés : cantine de la place de la gare, centre de refuge du Champs de Mars, centre du boulevard Solférino, tennis couvert de la Croix-Carrée, ets Bluche, rue de Lorient, camp Victor-Rault. * ( 1 ) [1]

Le 7 octobre 1939 arrivèrent à Rennes par train 600 artistes de la radio nationale. Ils firent désormais leurs répétitions au théâtre et l'orchestre national, à la baguette de M. Ingelbretch, y donna des concerts; les classes préparatoires des grandes écoles furent transférées à Rennes.


Dès le 11 mai

Le 8 mai s'était tenue à la mairie une première réunion du Secours national groupant une vingtaine de responsables. Les premiers réfugiés belges arrivent à Rennes dès le samedi 11 mai en voiture ou en train. A la gare les scouts se chargent de ravitailler les réfugiés des trains de passage. Toutes les oeuvres rennaises se portent à leur secours avec bonne volonté. Bientôt proviennent des réfugiés du nord et de l'est de la France, à mesure de la foudroyante avance des troupes allemandes et du repli français qui prend des allures de débâcle. C'est "l'exode ".

Le 14 mai, le journal se fait l'écho de ces mouvements sous le titre " Désolation de l'exode et réconfort de la charité", ventant le bénévolat des dames de la Croix-Rouge, du Devoir national, de la protection de la jeune fille, des cheftaines et des scouts, et précise que 5000 repas et 600 biberons ont été distribués.[2]

Le 16 mai : "Le coeur se serre à la vue de ces véhicules surchargés de familles entières, de bagages; les matelas sur le toit, les bicyclettes fixées derrière ou sur le côté. Ils s'arrêtent quelques instants, puis filent, filent plus loin. Ils annoncent l'arrivée des envahisseurs tout proches, mais personne ne veut y croire..."

Le 18 mai : L'afflux des réfugiés augmente; ils passent en voiture, à bicyclette, à pied. Tous ces pauvres gens sont exténués. On les réconforte comme on peut, rien n'est encore organisé..." * ( 1 )

Les Rennais au secours

Le 23 mai, René Patay propose de réunir ces oeuvres dans une grande baraque. Un bâtiment de 40 mètres de long fut édifié en deux jours le long du boulevard Magenta, grâce aux scouts et au matériel d'un entrepreneur de fêtes, portant une large banderolle" Oeuvres sociales". le Dr Patay coordonne ainsi P.S.F. qui s'occupe du logement, J.O.C. qui monte un fichier, Croix-Rouge et Rotary chargés du vestiaire, l'Union nationale des combattants (U.N.C.). ( Cette baraque, à proximité de la place de la gare, subsistera jusqu'en 1945). * ( 2 ) [3]

Le 28 mai est organisée une réunion des représentants de toutes les oeuvres dans les locaux de la foire-expositon, boulevard Magenta. Le préfet Jouany y coordonnera personnellement services publics et oeuvres, y réunissant chaque soir à 20h30, les principaux fonctionnaires et les représentants des principales oeuvres : Mme Bourrut-Lacouture, présidente des auxiliaires de la Défense passive, ou "D.P", Mme d'Etchegoyen, présidente de la Croix-Rouge, Mme Ladam, présidente des A.D.N. (assistants du devoir national), M. Brégeon, président du Secours national, M. Gaudillon, directeur du service des réfugiés...

Le 1er juin, un poste de ravitaillement est installé par les A.D.N. dans la chaufferie sur les quais de la gare. La crèche Saint-Hélier et la crèche des cheminots préparaient des biberons. A partir du 5 juin des unités militaires désorganisées grossirent le flot des réfugiés.

Des réfugiés surtout du Nord et de la Seine

Le 10 juin : la centrale postale de Lille arrive à Rennes, son lieu prévu pour le repli et un train passe transportant, assis ou couchés sur la paille de wagons à bestiaux, les vieillards de l'hospice de Lille accompagnés par les Petites Soeurs des Pauvres et cinq malades sont descendus sur brancard et l'un décède à l'infirmerie. les administrations du Nord, conformément au plan d'évacuation, s'étaient repliées nombreuses à Rennes où avait été créée une annexe de la préfecture. Les étudiants de Lille devaient passer leur bachot à Rennes. On prit la précaution d'arrêter l'hébergement en ville avant saturation afin de laisser place aux officiers et aux requis civils gagnant la ville sur ordre. Les cheminots d'Amiens furent logés dans de grands hangars de la gare et aux professeurs fut assignée la salle des fêtes du lycée. 15 000 repas par jour furent distribués durant les 15 premiers jours et 26 000 par jour durant les trois semaines les plus chargées. ( * 3 ) [4]

Puis les trains de réfugiés ne dépassant plus Rennes, le préfet charge l'ingénieur en chef des Ponts et Chaussées d'organiser les transports vers d'autres départements bretons en mobilisant les autocars disponibles, les chauffeurs étant "casernés" au moulin du Port-Cahours, au bas de la rue de Saint-Brieuc puis le service des transports est confié au chef de ce service à la brasserie Graff. Le préfet s'efforce par la suite de diriger le plus de réfugiés possible vers le sud-ouest. Le transport de réfugiés vers leur lieu de logement définitif fut aussi assuré par des volontaires de l'Automobile Club de l'ouest, des auxiliaires de la défense passive, des anciens combattants pourvus d'essence par la préfecture. L'Ille-et-Vilaine aurait ainsi accueilli environ 140 000 réfugiés, soit une surcharge démographique de 25%, et les réfugiés des départements du Nord et de la Seine furent de beaucoup les plus nombreux à Rennes. Au total 26 000 réfugiés s'inscrivirent à Rennes (32 000 au regard des cartes alimentaires distribuées) mais le nombre des réfugiés de passage a pu atteindre en pointe 100 000 simultanément.( * 3 )

Le 18 juin, au matin, * ( 1 ) 4000 à 5000 réfugiés affolés furent évacués vers des communes du département à bord de T.I.V * ( 2 ) La veille des réfugiés dans un train en provenance de Lisieux avaient été tués par les bombes allemandes sur le triage ferroviaire de Rennes. * ( 3 ) Le retour des réfugiés s'amorça à partir du 8 juillet par un train Rennes-Paris accessible aux porteurs d'ordre de mission. Le 14 juillet Rennes fut envahie par des réfugiés venant du Finistère et des Côtes-du-Nord qui comptaient y trouver des trains vers le Nord, et qu'il fallut héberger aux centres d'accueil à raison de 1600 par jour. Puis circulèrent des trains spéciaux gratuits de la mi-août au 18 septembre. Les artistes de la radio nationale, à Rennes depuis 11 mois, regagneront Paris le 12 septembre par train spécial. Fin juillet, les autorités d'occupation avaient créé une zone interdite incluant plusieurs départements du nord, mais à fin novembre, il ne restait à Rennes que 1100 réfugiés sur 10 000 de ces départements.( * 3 )


Références

  1. Les Heures douloureuses de Rennes, par Valentine Ladam, imp. Les Nouvelles
  2. L'Ouest-Eclair, 14 mai 1940
  3. Mémoires d'un Français moyen, par René Patay - 1974
  4. Les déplacements de la population vers la Bretagne en 1939-40, par André Meynier, Annales de Bretagne, vol. 56 - 1949

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