Place du Parlement de Bretagne

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La place du Parlement de Bretagne se situe en plein cœur de Rennes ; antérieurement "place du Palais" (il s'agissait à l'époque du Palais de Justice), elle porte le nom du Parlement (Leurioù Breizh) depuis 1977. Elle mesure 107 x 78 mètres. L'incendie de 1720 s'arrêta au palais, le feu atteignant une partie du toit ouest dont la galerie de plomb fondit. Le parti architectural retenu par Robelin[1] pour la place du Parlement prévoit des immeubles à trois étages avec toits à la Mansart et une décoration uniforme, pilastres de style ionique avec un rez-de-chaussée en pierres de taille percé d'arcades et étages en tuffeau, pour une population diversifiée par étage. Son projet sera réalisé mais revu à la baisse par Gabriel[2] pour les immeubles des nouvelles rues en raison du parti estimé trop luxueux et donc trop coûteux et ne tenant pas compte de la dénivellation au sol.

La place est considérée "place royale", nommée "place Louis-le-Grand", glorifiant le souverain comme l'indiquait la statue équestre de Louis XIV, œuvre d'Antoine Coysevox, élevée en 1726. Fondue en 1792, il reste de cette statue les bas-reliefs du piédestal conservés au musée des Beaux-Arts de Rennes.

La place ne prit sa configuration définitive qu'après la destruction du couvent des Cordeliers au nord-est pour permettre l'ouverture, en 1829, de la rue Louis-Philippe, qui deviendra la rue Victor Hugo.

Placix du Palais ou de St. François sur le plan de 1685.
Le parlement, sa place, sa statue royale sur le plan de Rennes de 1726
Estampe présentant la construction de la place après l'incendie de 1720

Appelée d'abord placis Saint-François, situé à côté du couvent des Cordeliers, elle sera limitée, au nord, par le palais du Parlement de Bretagne et sera bordée, après l'incendie de 1720, de beaux immeubles sur un plan d'ensemble régulier de l'architecte Gabriel.

Lieu de promenade et de chahut au 18e siècle

Au 18e siècle, le grand amusement des jeunes gentilshommes était de créer des escarmouches avec la patrouille de la milice bourgeoise, dont le corps de garde était à un rez-de-chaussée faisant face à l'église, actuelle basilique Saint-Sauveur. Dix huit soldats menés par un officier et deux sergents allaient de par les rues veiller à l'ordre et au calme. Assistés de leurs domestiques, ivres et armés, les jeunes nobles avaient plaisir à "battre le guet", livrant à la patrouille de véritables combats, et les étudiants de les imiter, mais bourgeois, s'ils étaient arrêtés ils allaient en prison alors que les jeunes nobles, déposés au violon, en sortaient bientôt. Toute la ville se donnait rendez-vous sur la place Louis-le-Grand. Les étudiants y jetaient des "fusées" aux femmes et si la patrouille de la milice bourgeoise intervenait, ils la recevait à coups de bâtons carrés ou d'épées[3].

Vers la fin du siècle, de graves incidents y survinrent. Le 27 janvier 1789, journée des Bricoles, la place fut le théâtre d'une rixe sanglante entre gentilshommes et étudiants en droit conduits par Moreau, le futur général. La statue fut envoyée en 1792 aux forges de Paimpont pour servir à la fabrication de canons (le musée des Beaux-Arts en conserve deux bas-reliefs). En remplacement, Jean-Baptiste Carrier, commissaire du gouvernement, y fit planter, le 8 septembre 1793, un arbre de la Liberté.

La statue de Louis XIV, sur la place Louis-le-Grand
Quelques-uns des 56 masques figurant aux frontons des immeubles de la place (photos de Pierre Dennielou)
Immeuble à l'angle de la place et de la rue Edith Cavell. - (de Wikimedia Commons)

En 1793 et 1794 : le rasoir national au travail

Pendant la période révolutionnaire, la place du Parlement de Bretagne, devenue place de l’Égalité, et le palais de l'ancien parlement Temple de la Loi, va être le théâtre d'exécutions sanglantes. De mars 1793 à juillet 1794 (chute de Robespierre), quelque 330 têtes tomberont[4] sous la guillotine, ou « rasoir national », érigée au bas de la place à l'entrée de la rue de l’Égalité (aujourd'hui rue Edith Cavell), dont 30 dues à un premier tribunal, 224 dues à la commission Brutus Magnier[5] (dont 120 laboureurs, 34 tisserands, 13 ex-soldats, 9 journaliers, 6 tailleurs, 9 charpentiers) et 81 par un tribunal criminel. Il ne s'agit donc pas, pour la plupart, de nobles mais de paysans et artisans faits prisonniers lors du soulèvement de mars et avril 1793, ou pendant l'automne et l'hiver suivant lors des insurrections des Chouans. Quelques Rennais seulement y perdent la tête : trois prêtres réfractaires, un serrurier et un menuisier condamnés pour avoir voulu émigrer, deux ex-nobles, Picot fils pour avoir trempé dans la conspiration du marquis de la Rouërie, deux chouans avérés et deux criminels de droit commun. Les Demoiselles de Renac furent même exécutées après la chute du tyran, pour avoir caché leur vieux prêtre confesseur.

La place du Parlement en 1892

« La guillotine faisait couler un continuel ruisseau de sang, qui se figeait et laissait sa trace sur les pierres. » Une fois, par suite d'une contestation entre « le citoyen chargé des sépultures » (l'exécuteur) et ses aides, les corps des suppliciés restèrent nus quatre jours au pied de la guillotine[6].

Tout rapprochement avec la tête coupée de la fontaine de la place de Coëtquen, située un peu plus bas, œuvre de Claudio Parmiggiani Wikipedia-logo-v2.svg, inaugurée en avril 1993, éventuelle réminiscence de ces décapitations, serait fortuit et non fondé ! Mieux vaut le préciser.

La place du parlement et son grand bassin central rond - vers 1916
Les statues disparues des quatre jurisconsultes

Sous l'Empire, la place deviendra Place impériale. Elle ne prendra sa forme actuelle qu'en 1829, après le percement de la rue appelée maintenant rue Victor Hugo. Elle est alors entièrement pavée. En 1883, un bassin central avec grand jet d'eau y fut inauguré en même temps que le service des eaux. Lors de la mi-carême, les étudiants rennais se livraient, autour du bassin, à des facéties contraires à la pudeur. En 1936-37, ce bassin fut supprimé et la place aménagée dans sa configuration actuelle de jardin entouré d'une balustrade.

Le Palais se mire dans l'eau du grand bassin non troublée par le jet. Édition des Magasins Modernes

En 1956, l'écrivain Jean de La Varende Wikipedia-logo-v2.svg, qui avait passé une partie de sa jeunesse à Rennes, Contour de la Motte, et en décrivit les vieilles rues dans son roman « Le Roi d’Écosse », vante la ville aux touristes dans un article mais critique aussi :

« On a réalisé un "square" devant le Palais de Justice; on y a creusé une manière de fosse aux lions dans une gaucherie à faire pleurer. Utile, puisque toujours pleine de mioches. Mais ne devait-on pas se méfier et étudier mieux encore ? Les garde-fous et les escaliers de l'insolite excavation sont si lourds qu'ils diminuent le Palais, le dessèchent et l'atrophient. Quel regret de l'ancien bassin et du grand jet d'eau ! Les parterres sont sans originalité et bien moroses. »

— Jean de La Varende
Origine : Les Nouvelles de Bretagne et du Maine • 5 août 1956licence

Le mystère de la disparition des quatre jurisconsultes

Le Palais du Parlement en 1949 : on y voit les statues des 4 jurisconsultes

Au cours des années 1960, à l'occasion de travaux de rénovation de la façade, furent enlevées et disparurent les quatre grandes statues disposées en 1840 en façade sur piédestal, qui représentaient quatre jurisconsultes rennais célèbres : à gauche Charles Toullier assis (œuvre de Pierre Gourdel, de Châteaugiron), Gerbier debout, à droite (œuvre de Dominique Molchneht), Bertrand d'Argentré assis (œuvre du sculpteur rennais François Lanno), La Chalotais debout (œuvre du sculpteur nantais Étienne Édouard Suc).

9, place du Parlement (photo Pymouss de Wikimedia Commons)
Aux 19e et 20e siècles il y eut toujours une librairie en bas de la place. Publicité de 1904 dans Rennes et ses environs par Ad. Orain

Sur la carte

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Lien externe

Écouter la rubrique de Joël David sur France Bleu : https://www.francebleu.fr/player/export/reecouter/emission?content=2158fa2e-6709-4748-b3bb-b9d354231dba

Notes et références

  1. rue Robelin
  2. rue Jacques Gabriel
  3. Rennes ancien, Rennes moderne, t.2 par A. Marteville
  4. Rennes d'histoire et de souvenirs quatrains 21 et 86
  5. Terreur et Terroristes à Rennes par B.-A. Pocquet du Haut-Jussé, Joseph Floch imprimeur, 1974.
  6. Rennes Moderne par A. Marteville
Prise d'Armes Place du palais, 8 mai 192, fête de Jeanne d'Arc. Collection Laurent-Nel. Coll. YRG et AmR 44Z.


Galerie cartes postales

A l'Y, angle place du Palais/rue Victor Hugo. Coll. YRG


Rennes Historique.- Rennes et la Bretagne remettant à Louis XIV le Parlement de Bretagne. Laurent-Nel 287. coll. YRG


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