Pour échapper à la persécution des nazis

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Pour échapper à la persécution des nazis

Nous sommes en 1948, peut-être 1949. A cette époque, la garderie de vacances de Villeneuve à Rennes sud, dirigée par Monsieur Rébillon accueillait les enfants filles et garçons. Elle fonctionnait toute la journée pendant la période des grandes vacances, en effet elle était équipée d’une cantine où les repas servis étaient copieux. Tous les jours la viande accompagnait le plat de résistance sauf le vendredi, jour du poisson. Les enfants étaient répartis par groupes en fonction de l’âge et du sexe. Chaque après midi, une promenade était programmée, souvent en des lieux où les enfants pouvaient s’ébattre en toute quiétude et liberté sous la surveillance des moniteurs et monitrices.

Parfois le Directeur, monsieur Rébillon, organisait de courtes excursions qui duraient la journée. Il pouvait s’agir d’un voyage qui nous menait en autocar au bord de la mer soit à Dinard, Saint Servan, Saint-Malo ou Saint-Jacut-de-la-mer. Au cours de nos déplacements les femmes de service nous accompagnaient, elles étaient chargées de l’intendance, ainsi notre repas froid pour le pique-nique du midi était assuré.

Ce jour là, journée habituelle, le tableau d’information indique, écrit à la craie, le but de la promenade de l’après midi, la Rabine de la Prévalaye. Je redoutais le trajet que nous devions effectuer. Il était très long, il traversait des lieux peu intéressants. Il fallait se diriger d’abord en direction de la route de Nantes. Après avoir franchi un pont de chemin de fer, nous longions des terrains militaires, d’où provenaient, très proches de nous, le bruit des rafales d’armes automatiques d’entrainement dans les stands de tirs.

Souvent sur place, à la Rabine, la musique d’un goum marocain nous avait précédés et s’exerçait pendant que nous nous ébattions dans le petit bois tout à côté.

Mon copain Bruno et moi, discutions perchés sur une des premières branches d’un gros arbre. Une envie soudaine d’uriner prend l’un de nous et comme de bien entendu l’autre est aussi pris de cette même envie. Sans descendre de notre perchoir, nous nous soulageons et c’est à celui qui projettera son jet le plus loin. Durant ce jeu naïf, nous ne sommes pas sans nous observer l’un l’autre et je remarque chez lui une particularité qui m’intrigue. Je remarque que l’extrémité de son organe très masculin n’était pas recouverte par la peau comme l’était la mienne mais au contraire complètement découverte. Je lui en demande alors la raison. Il me répond qu’il a été opéré assez récemment et sa maman lui a dit qu’il fallait que cela se fasse pour des raisons d’hygiène. Une grande inquiétude commence alors à me gagner. Vais-je être malade, comment expliquer à mon père qu’il faille d’urgence m’opérer ? À cette époque j’avais environ 11 ans, tout ce qui touchait au sexe était tabou à la maison. Il faut avouer que l’inquiétude s’est vite dissipée à la faveur des jeux qui ont suivi.

Je ne me doutais pas alors mais comment aurais-je pu savoir ou comprendre que Bruno mon copain de vacances, qui portait un patronyme à consonance italienne, avait pu passer à travers les mailles des filets des pestes brunes et noires. Un parent avait sans doute jugé essentiel, vital même, de reporter, sine die à une époque plus sûre, la circoncision prévue lors de sa naissance. On sait que les nazis traquaient les enfants juifs et les reconnaissaient en leur faisant baisser le pantalon. Cette prudence avait sans doute été une précaution qui avait protégé Bruno des nazis et de leurs auxiliaires.

Il est des événements survenus dans une vie qui demeuraient avant inexpliqués, longtemps enfouis dans la mémoire et qui resurgissent un jour en dévoilant tout leur sens.

Albert René Gilmet

Le 16 Janvier 2019