Rennes en 1850 : une ville anémiée

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Le sud Vilaine insalubre

Le docteur Adolphe Toulmouche, lors du 16e congrès scientifique de France, tenu en septembre 1849 à Rennes, dresse un état peu flatteur de la ville, notamment de la basse ville [1] :

"Les escaliers sont, la plupart, nullement où insuffisamment éclairés dégradés, rarement nettoyés, bien que leurs marches soient parfois recouvertes d'une boue grasse y formant croute. Les étages sont divisés en chambres avec ou sans cabinets, dans lesquelles loge toute une famille. Les meubles qu'on y remarque sont souvent en mauvais état vermoulus de vétusté. Une vaste cheminée enfume cet intérieur; elle manque souvent dans les étages supérieurs et les malheureux qui les habitent sont réduits, au risque de s'asphyxier, à réchauffer leurs membres engourdis par le froid, à l'aide d'un peu de charbon allume dans une terrine.

Les cours sont d'une malpropreté repoussante, généralement étroites, longues, irrégulières se succédant par l'intermède de bouts de ruelles. Quelques locataires y accumulent des fumiers, sur lesquels d'autres jettent leurs ordures, ou, s'il y existe des latrines, elles sont sans fermetures et leurs entrées si encombrées d'immondices qu'elles deviennent plutôt des foyers d'infection.

Toutefois il constate qu'" à mesure que les maisons les plus vieilles sont remplacées par de plus modernes, ces dernières n'offrent plus les mêmes dispositions défavorables dans leurs distribution, ou si de telles dispositions s'y font remarquer encore, c'est à un bien moindre degré; et, en même temps, les nouveaux alignements qu'on leur impose élargissent insensiblement ces rues. U est vrai que ces modifications ne se font que d'une manière très-lente et très-irrégulière mais enfin elles se font peu à peu, et, dans un temps plus ou moins éloigné, de meilleures conditions hygiéniques seront à la fin obtenues."

Le Dr Toulmouche observe aussi "l'influence qu'a pu avoir sur la salubrité de la basse-ville la construction de la ligne de quais qui la traverse de l'est à l'ouest. Elle a été considérable. En effet. elle a remplacé le lit tortueux et étroit de la Vilaine. Les eaux, qui n'y trouvaient pas un écoulement suffisant et assez prompt, inondaient chaque hiver les terrains et quartiers voisins elles coulent maintenant par un canal bien plus large parfaitement droit contenu par des quais élevés. Cette ligne a substitué à des ponts étroits de plus larges; elle a fait disparaitre une multitude de très-vieilles maisons élevées sur les bords de la rivière ou dans des rues tortueuses qui l'avoisinaient, et les a remplacées déjà par un certain nombre de nouvelles, réunissant de très-bonnes conditions hygiéniques. Elle a, comme une grande artère, permis à J'air de circuler librement et d'être incessamment renouvelé par un grand courant dirigé de l'ouest à l'est, lequel est dû aux vents d'ouest, qui règnent la plus grande partie de l'année. Enfin, elle a considérablement embelli la ville, en y formant une promenade très-fréquentée, laquelle sera plus tard terminée par les édifices qui s'élèveront de chaque côté du canal. Déjà ces bons effets se sont traduits par des résultats. Ainsi j'ai pu constater que la scrofule, qui était si fréquente jadis parmi les enfants de toute la partie de la ville qui avoisinait la Yilaine, a diminué et qu'il en a été de même de la leucorrhée chez les jeunes filles et les femmes. "

Une économie endormie

Alphonse Marteville, [2] l'auteur de Rennes Moderne, Rennais lui-même, s'interroge et interroge ses contemporains sur le devenir économique de sa ville où l'on a compté 39 218 habitants au recensement de 1845.

Il conclut son énorme travail par un état de la ville [3]. Elle vient de se passer une ligne de quais en travers du corps, mais manque cruellement d'eau potable, d'abattoir et de marché couvert et surtout d'un grand plan d'ensemble. Ses industries n'en font pas une grande cité industrielle : beurre, toile, tannerie, fabrication de chapeaux en déclin, carterie. Marteville constate :

" Rennes a conservé non plus son Parlement, mais ses habitudes d'un autre siècle. Elle ne peut croire le moins du monde qu'elle soit destinée au commerce, et se proclame tour à tour, se drapant dans son apathie, ville d'études, de droit, de garnison. - Située au centre de sept grandes routes et de deux canaux, qu'elle se compare à une cité voisine, à Laval, qui, plus enfoncée dans les terres, est située jusqu'à ce jour sur une rivière presque innavigable, a su se créer une grande industrie manufacturière et s'enrichir côte à côte avec Rennes, qui ne l'a pas voulu faire !" La capitale de la Bretagne n'a d'ailleurs pas de chambre de commerce.

Alors Marteville fonde espoir dans l'arrivée du chemin de fer qui [4] , il émet l'hypothèse que :

"le contact des capitalistes hardis ranimera l'énergie des timides et sauvera Rennes de sa torpeur.[...] si Rennes ne veut pas absolument se faire une cité commerçante, que du moins elle se fasse "ville de résidence"; qu'elle s'active pour attirer tous les étrangers qui cherchent la foule, les plaisirs, les belles promenades l'été, les fêtes l'hiver. Ce sera du moins, à défaut d'autres, une industrie qui lui sera profitable."

Rennes, capitale d'industrie touristique ? On peut penser que Marteville trace ici une fausse piste illusoire pour provoquer ses concitoyens et les inciter à jouer plutôt les cartes de l'activité industrielle et commerciale dans lesquelles elle a des atouts car le tropisme nouveau des bains de mer commence à attirer les "touristes" et "baigneurs" en Bretagne vers Saint-Malo, Paramé et Dinard beaucoup plus que vers une ville située à l'intérieur des terres, quand bien même fût-elle l'ancienne capitale de l'ancienne province.[5]

références

  1. 16e congrès scientifique de France, p. 338-340 BNF Gallica
  2. rue Marteville
  3. Rennes moderne ou histoire complète de ses origines, de ses institutions et de ses monuments par A. Marteville, complément de Rennes ancien, par Ogée t.III, chez MM. Deniel et Verdier, libraires, Rennes - 1850
  4. arrivée du chemin de fer à Rennes
  5. Rennes dans les guides de voyage du XIXe siècle, par Etienne Maignen, bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilmaine. t. CVVII - 2008