Rennes et le breton

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Signalisation bilingue dans le centre de Rennes.

Parmi tous les débats sur la ville de Rennes, il s’en trouve un qui fait l’exploit de créer plus de polémiques que « Rennes capitale de la Bretagne ? » ; il s’agit de la place de la langue bretonne à Rennes que l’on retrouve régulièrement résumé par l’opinion « On n’a jamais parlé breton à Rennes. », énoncé qui, même s'il était historiquement fondé, serait applicable à pratiquement toutes les langues parlées dans la rue à Rennes.

Cet article a l’espoir de donner quelques éléments factuels pour permettre de bien appréhender cette question.

Éléments généraux

Passons les approximations sémantiques, le bon sens à lui seul nous permet de dire qu’il est fort probable qu’une phrase contenant le mot « jamais » soit fausse.

La question n’est donc pas tant de savoir si on parle breton à Rennes, mais de connaître l’importance et le nombre de locuteurs brittophones à Rennes à travers l’histoire.

Histoire générale du breton

Parmi ceux qui connaissent le sujet de la langue bretonne ou de la Bretagne, on trouve la variante « on ne parle plus breton à Rennes depuis le Xe siècle » (ou toute autre date reculée).

Recul des langues bretonnes vers l’ouest.

Les linguistes distinguent trois langues différentes avec des limites temporelles et géographiques forcément imprécises.

langues époque localisation (voir carte ci-contre)
vieux breton du IXe[1] siècle au XIe siècle à l’ouest d’une ligne passant à proximité de Rennes et de Nantes[2]
moyen breton du XIIe siècle au XVIe siècle Basse-Bretagne
breton moderne depuis le XVIIe siècle Basse-Bretagne actuelle

Strictement parlant, le vieux breton du IXè siècle n’est pas le breton moderne du XXIè, comme le français du Haut Moyen-Age n'est pas le français d'aujourd'hui, et ces deux formes anciennes du breton comme du français sont incompréhensibles aux locuteurs d'aujourd'hui.

Le vieux breton n’a jamais été majoritairement parlé à l’est d’une ligne passant à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Rennes, ce qui ne veut pas dire que personne ne le parlait, et les représentants des rois de Bretagne (Nominoe, Erispoe, Salomon) le faisaient probablement.

Communes terminant en « -ac » en France.

En analysant les toponymes, on peut aussi analyser la marque de la langue bretonne sur le territoire. En Bretagne, les toponymes finissant en « -ac » sont typique de zones où l’on a parlé breton. Or leur localisation sur une carte correspond assez bien à la limite du breton parlé en 900 et s’arrêtent là aussi à quelques kilomètres à l’ouest de Rennes.

Au delà de la géographie, il y a des délimitations sociologiques, la langue bretonne a longtemps été parlée par les classes populaires, l’élite parlant le latin puis le français. La tendance ne s’inversera qu’à partir du XIXe siècle.

Le moyen breton

Les couvents de Rennes accueillaient des religieux de langue bretonne.

L'évêque Yves Mayeuc

Yves Mayeuc, né à Plouvorn en Léon en 1462, évêque de Rennes, mourut à Bruz en 1541.

Du couvent des Dominicains de Morlaix il vint à celui de Bonne-Nouvelle à Rennes. Il fut confesseur d'Anne de Bretagne puis de ses époux rois.

En 1505 il accompagna la duchesse (et reine) lors de son Tro-Breizh, et composa un cantique latin et breton en son honneur. Voir : Gwennole ar Menn, Un Veni Creator latin-breton dédié à Anne de Bretagne en 1505, Etudes Celtiques, volume 16, 1979.

En 1507 le pape Jules II le nomma évêque de Rennes. En 1532 il accueilli le nouveau duc François III à Rennes où il fut couronné dans la cathédrale. Là l'évêque bretonnant lut un poème en breton.

Histoire du breton à Rennes

De façon exceptionnelle, on retrouve quelques toponymes d’origine bretonne à Rennes comme Gros-Malhon [3] ou Quineleu.

Porte Ty Nevez Croguen.

Des attestations montrent qu’il y a cependant toujours eu une présence régulière et continue du breton à Rennes[4]. Pendant longtemps, celle-ci s’est traduite principalement à travers deux domaines : le commerce et la justice. En effet, nombreux sont les commerçants et prisonniers qui venaient de l’Ouest de la Bretagne. On trouve de nombreuses gwerzioù (complaintes en breton) ayant pour thèmes des jugements et des exécutions à Rennes[5].

On trouve aussi quelques membres du bas-clergé ; cependant en janvier 1821, Charles Mannay, l’évêque de Rennes doit demander à l’évêque de Quimper de lui envoyer un aumônier bretonnant pour la prison de Rennes.

Au XIXe siècle, sous l’effet du romantisme et du panceltisme, les élites intellectuelles rennaises s’intéressent aux langues celtiques. On trouve par exemple, le professeur Joseph Loth qui commence à enseigner le celtique à l’Université de Rennes dès 1883 ou bien l’hôtel particulier Ty Nevez Croguen (du nom de l’inscription en breton au-dessus de la porte d’entrée, littéralement la maison neuve de la coquille) situé au 5 rue du général Maurice Guillaudot et construit par et pour Frédéric Jobbé-Duval en 1880 [6].

De nos jours

Dans l’enseignement

Paradoxalement de nos jours, Rennes est devenue la ville où l’on trouve le plus de personnes étudiant et enseignant le breton.

Il existe une offre parfois insuffisante mais assez complète qui va de la maternelle aux cours du soir pour adultes en passant par l’Université, tant dans le public que dans le privé[7]. On trouve ainsi une école privée Diwan (Diwan Bro Roazhon[8]), deux écoles catholiques Dihun (Saint-Michel et Saint-Jean-Bosco[9]) et trois écoles publiques comportant des classes Div Yezh (Faux-Pont, Liberté et Gantelles-Guy Ropartz[10]). L’offre est plus réduite en enseignement secondaire mais on trouve des classes dans la filière publique au collège Anne de Bretagne et au lycée Jean Macé ainsi que dans l’enseignement catholique au collège Saint-Hélier.

Effectifs des différentes écoles
Année Niveau Diwan (depuis 1978) Div Yezh Dihun
2011-2012 Maternelle 128 116 120
Primaire 124
Collège 0 83 10
Lycée 0 32 0
Total 128 355 130

Engagement politique

Un comité consultatif à l’identité bretonne (CCIB) est créé en septembre 1996 à Rennes. Il rassemble des élus, des représentants associatifs et des personnes qualifiées qui tentent de valoriser la culture bretonne à Rennes. Il est présidé par Martial Gabillard, conseiller municipal délégué aux cultures bretonnes. Lena Louarn, actuelle vice-présidente du Conseil régional de Bretagne, et Michel Génin en sont membres. Il est à l’origine de nombreuses actions comme le festival Yaouank et de la signalisation bilingue/trilingue (signalisation routière ainsi que dans le métro).

Rennes adhère à la charte Ya d’ar brezhoneg (Oui au breton) le 24 janvier 2008. Bruz fait de même le 1er octobre 2011.

Références

  1. Le vieux breton

    Le vieux breton est le nom donné à la langue bretonne avant l'an 1000. Certains font remonter le vieux breton au Ve siècle, mais on considère généralement le manuscrit de Leyde (Xe siècle) comme le premier texte écrit en breton. On ne dispose d’aucune attestation probante sur le breton parlé avant cette date.

  2. Pour un tracé précis, voir notamment les travaux de Jean-Yves Le Moing sur la ligne Loth.
  3. Egalement connu, d'après P. Banéat, sous la forme "Gourmalon", nom breton attesté dès le XI° siècle.
  4. Voir par exemple la page Rue Descartes.
  5. Livret et CD de l’exposition temporaire Rennes en chansons (éditions Dastum, novembre 2010)
  6. Fiche de Ty Nevez Croguen sur Glad, base du service de l’Inventaire du patrimoine de la région Bretagne.
  7. Enseignement du breton sur le site de l’Académie de Rennes.
  8. Site de l’école Diwan de Rennes
  9. Site de l’association Dihun bro Roazhon
  10. Site de Div Yezh Bro Roazhon.com

Voir aussi