Un Rennais, agent actif de la Gestapo, Guy Vissault

De WikiRennes
Aller à la navigationAller à la recherche


Un engagement du côté allemand pour une Bretagne indépendante

Issu de familles bretonnes aux traditions monarchistes et séparatistes, Guy Vissault, dit « de Coëtlogon », est né à Angers le 12 mars 1921 . À 15 ans il milite à l’Action Française. À l’été 1938 il passe deux mois en Irlande où il fréquente des membres d’une organisation celtique proche du nazisme. Il est élève de l'École des hautes études en sciences sociales . Il adhère au Parti national breton. En fait, il se voyait dans la lignée de certains hobereaux bretons qui, de tout temps, s’étaient levés contre les rois et l’État français. Guy Vissault obtient, avec l’aide du docteur Hans Otto Wagner, travaillant pour la Gestapo, une bourse d’études à l'école d'espionnage nazi de Cologne, où il fit connaissance d'étudiants allemands à la Société celtique de Berlin, qui était, en réalité, une section de l'armée allemande, chargée de missions d'espionnage et de sabotage. Il rentre en France en juin 1939, participe, à Locquirec , au débarquement du Gwalarn d'armes et de tracts appelant les Bretons à ne pas mourir pour la Pologne, sur le modèle irlandais de 1917 fournies par l'Allemagne dans la nuit du 8 au 9 août 1939 et qu’il était allé avec Laîné négocier à Berlin en juillet. [1] Il est alors poursuivi pour atteinte à la sûreté de l’État et obtient un non lieu en février 1940 après six mois d’internement à Nantes, puis il essuie un refus à son engagement dans l’armée française. [2] Dès lors, il s’engage totalement aux côtés des Nazis contre la France pour une Bretagne indépendante. Le dimanche 11 octobre 1941, lors d’une manifestation à Rennes pour le jubilé du marquis de L’Estourbeillon, le vieux président de l’Union régionaliste bretonne, une bousculade dans laquelle il se distingue eut lieu et Vissault eut un œil blessé par des éclats de verre de ses lunettes. [3] Son épouse, Germaine Le Coz, décède âgée de 25 ans en décembre 1942 à leur domicile 3, rue Saint-Guillaume à Rennes.

Guy Vissault.jpg

Au service des Nazis, à fond contre les Résistants

Il est alors recruté par Otto Wagner comme informateur par le SD à Rennes, avenue Jules Ferry puis comme agent de l’Alsacien Herman Bickler, Standartenführer SS , ami des nationalistes bretons, qui l’a accueilli dans l’ école SS de Taverny, en juillet 1943. Vissault a le grade de sous-lieutenant Waffen SS. Parfois sous le pseudo d’Alain Godvil, il court la Bretagne à la recherche de volontaires qu’il trouve surtout à Rennes et Saint-Malo pour son équipe, connue sous le nom de « groupe Vissault de Coëtlogon », une Selbstschutzpolizei, totalement indépendante du Bezen Perrot. Il est composé d'un groupe de laison radio et un groupe d'action directe.Ils ne seront pas plus d’une quinzaine, dont quelques uns furent envoyés en Allemagne suivre un entraînement au sabotage.[4] Ils participent aux interrogatoires. Un de ses agents, Roger Le Neveu, infiltrera à Rennes le réseau de résistance Bordeaux-Loupiac spécialisé dans l'évasion des aviateurs alliés tombés en territoire occupé, dont plusieurs membres furent arrêtés, tels Rémy Roure, atrocement torturé, mais qui ne parla pas, et le chef du réseau, Jean-Claude Camors [5], abattu le 11 octobre 1943. à Rennes. Un autre agent, Joseph Le Ruyet, jouant le résistant, réussit à infiltrer des maquis, provoquant l'arrestation en novembre 1943 de plusieurs résistants (Jean L'Hours, Le Doaré et Flaud) dans la région de Châteaulin, et à Saint-Brieuc-des-Iffs , le 28 novembre 1943, où furent découverts un parachutiste américain et un stock de trois tonnes d’armes (Jean Nobilet) et un de cinq tonnes à Saint-Aubin du Cormier, 16 personnes ayant été appréhendées lors de ces deux prises et déportées . Tout au long du premier semestre de 1944 ils vont débusquer et liquider les résistants : 17 le 7 février 1944 dans le Morbihan, de 2 résistants quimpérois (Monges et Mingant) à Rennes. à Hédé la famille Morel. Ainsi, le 20 avril à Rennes un coup de filet à l’hôtel du Cheval d’Or [6] entraîna la capture de 19 membres du réseau.

2 août 1944, les américains sont aux portes de rennes. Vissault Vissaukt donne l'ordre à ses agents de se replier sur Paris.


Une peine de mort assumée par l'exalté

Vissault est arrêté par des FFI, à la mi-août, à Sens (Yonne) et s'étant déclaré agent de l'Intelligence Service, il est remis aux Américains puis à un agent britannique et transféré à Londres où il est longuement interrogé. Les services MI 5 (service militaire britannique du contre-espionnage) et G 2 (service de renseignement militaire de l'Irlande) coopérèrent étroitement dans leurs recherches sur les activités de Vissault en Irlande. Ils conclurent que :"Déployant plus de courage que de bon sens de Coëtlogon avait aidé les efforts allemands pour créer des groupes arrière après l'opération Overlord. Il en ressortit qu'il était allé en Ireland, encore adolescent, en 1938. Le dessein de cette visite n'était pas l'espionnage mais l'exploration des racines celtiques communes et de la culture".[7] Le 24 octobre il est rendu aux Français, transféré à la prison du Cherche-Midi puis à Fresne. et est interrogé sans relâche. Selon le témoignage du père Petit, l'aumônier de la prison, il passe les premiers mois de 1945 comme un moine dans sa cellule.

Lors de son procès devant la 10ème section de la cour de justice de la Seine, le 6 avril 1945, il dit avec fougue: «Ce que j'ai fait, je suis prêt à le recommencer dans les mêmes conditions, car on peut être pro-allemand et demeurer toujours un bon Français.Je me suis battu pour ma Bretagne, pour l'occident et contre le bolchevisme. Je considère que la France est actuellement occupée par les Anglo-Américains comme vous dites qu'elle l'était par les Allemands. Je lutterai toujours contre le gouvernement de Gaulle, qui est un usurpateur, contre les Anglais, les Américains et les Russes." Guy Vissault fut condamné à mort et s'exclama :"C'est un hommage. Dieu me donne la grâce de mourir pour mon pays ! Quelle joie de pouvoir offrir sa vie pour un idéal. Je plains ceux qui meurent pour rien ! […] j'ai choisi la cause de la Bretagne, parce qu'elle est belle, parce qu'elle est combattue, méprisée… Pour la sauver, je donne ma vie ! et refusa de se pourvoir en cassation, déclarant : «  Soldat breton, je ne demande pas grâce à un chef d’État français ! » Ses avocats Mes Chochon et Mercier ont du mal à le calmer. Il fut exécuté, fusillé le 24 avril au fort de Montrouge et son corps laissé dans la fosse commune du quartier des condamnés, au cimetière de Thiais. Il sera réinhumé avec l' inscription Doue Ha Breiz. [8]

Huit personnes furent fusillées à Rennes pour faits de collaboration après avoir été condamnées à mort par la cour de justice de Rennes : Pierre Bernier (de Pénestin), Hervé Botros (de Lanmeur), Fernand-André Geoffroy (de Pommerit-Jaudy), Claude Geslin (de Rennes), Léon Jasson (de Baud), Corentin Kergoat (de Châteaulin), Joseph Le Ruyet (de Bubry), Commandant Thomas (de Rennes) ; André Geoffroy (de Lannion), condamné à mort, vit sa peine commuée.

Références

  1. Les forces politiques en Bretagne: Notables, élus et militants (1914-1946). Christian Bougeard Collections « Histoire » PUR – 2011
  2. La Gestapo et les Français. Dominique Lormier. Pygmalion - 2013
  3. La Bretagne dans la Guerre t.3 Hervé de Boterf. Éditions France-Empire – 1971
  4. The SS Hunter Battalions. The Hidden History of the Nazi Resistance Movement 1944-45. Perry Biddiscomb . The History Press - 2006
  5. rue Jean-Claude Camors
  6. Square Anne-Marie Tanguy
  7. Spying on Ireland. British Intelligence and Irish Neutrality p. 262. Eunan O' Halpin. Oxford University Press
  8. Le Livre noir de la trahison. Histoires de la Gestapo en France. pp. 229-31 Philippe Aziz Éditions Ramsay - 1984