Un prêtre insermenté guillotiné place de l’Égalité à Rennes en août 1794

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Le 27 thermidor de l’an II de la République (14 août 1794), la place de l’Égalité [1] fut le théâtre d’une des nombreuses exécutions de l’époque par passage sous le « rasoir national », alors que Robespierre avait été guillotiné le 28 juillet et que, depuis mars 1793, quelque 330 têtes étaient déjà tombées de la guillotine installée en bas de la place. C’est, ce jour-là, celle de l’abbé Saquet, 64 ans, « ex-prêtre, cy devant recteur de Saint Martin ». Qu’avait donc fait cet ecclésiastique pour mériter la peine de mort ? [2]

Le refus de prêter serment

Né sur la paroisse de Toussaints le 22 août 1730, Julien-François Saquet avait reçu le sacerdoce à 25 ans, en 1755 , et fut nommé aumônier des Bénédictines du Calvaire occupant le monastère de Saint-Cyr,[3] puis il fut nommé recteur en 1781 d’une paroisse Saint-Martin. Après avoir signé l’adresse du clergé du diocèse de Rennes à son évêque, dès le 12 novembre 1790, ce prêtre avait déclaré à deux municipaux de Rennes, envoyés pour scruter ses sentiments, « qu’il n’avait pas donné lecture du décret sur l’organisation civile du Clergé, parce qu’il pensait que le décret du 2 novembre précédent l’en dispensait, puisqu’il en prescrivait simplement l’affîchage ». Mais Il avait ajouté, chose beaucoup plus grave, « qu’il ne prêterait pas présentement de nouveaux serments, spécialement celui du 24 juillet 1790, prescrit pour pouvoir recevoir son traitement ».

Sur le cadastre napoléonien, la Cloustière à l'ouest de la route de Saint-Malo

Est resté caché sur le territoire de la République

Lorsque parut le décret du 26 décembre 1790, donnant le choix entre la prestation du serment à la Constitution civile ou l’abandon de ses fonctions, l’abbé Saquet n’éleva pas de protestation solennelle, mais se résigna t à abandonner sa cure et devint chapelain des Ursulines. Il habitait alors le vieux presbytère Saint-Martin, dont l'acquéreur l’avait laissé jouir momentanément et il croyait pouvoir y rester, s’étant engagé « à ne rien entreprendre contre la Constitution, la paix et la tranquillité publiques ». Mais le 14 avril 1792, le Conseil général d'Ille-et-Vilaine prescrivit aux prêtres insermentés rennais d’aller habiter Fougères avec défense d’en sortir et, en août, le Directoire d’Ille-et-Vilaine prescrivit d’incarcérer à l’ex-abbaye Saint-Melaine tous les prêtres insermentés présents à Rennes. Saquet trouva alors asile pendant deux ans chez un courageux laboureur nommé Jean Le Mée, qui habitait le village de la Petite-Cloustière, à 2 km de Rennes, un peu à l’écart du grand chemin de Saint-Malo. [4] Mais, dénoncé par des citoyens qui reçurent 100 livres pour récompense, il fut pris le 14 août 1794 (27 thermidor, an II et, le même jour jugé. Le Tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine devant lequel il avait comparu l’interrogea à peine. Saquet affirma devant ses juges sa qualité de prêtre insermenté et fut donc condamné à la peine de mort comme « prêtre réfractaire convaincu d’avoir été sujet à la réclusion étant sexagénaire, et d’être resté caché sur le territoire de la République au mépris des lois ». L’arrêté porte en outre que « les hochets du fanatisme saisis sur l’abbé Saquet » seront brûlés au pied de l'échafaud lors de son exécution.

Acte de décès de l'abbé Saquet sur déclaration du concierge de la prison de la porte Marat [5]

Exécuté sans délai

L’exécution eut lieu le jour même. Le bourreau n’ayant pas été prévenu à temps, « L’on fut obligé de l’attendre pendant une demi-heure ; et quand enfin il arriva, il se mit, avec une grande brutalité, à dépouiller le vénérable confesseur et à le préparer pour l’échafaud. Il lui coupa les cheveux en toute hâte, échancra le collet de sa chemise afin de bien dégager le cou pour la guillotine, puis, lui ayant attaché les mains derrière le dos, il lui jeta son habit sur les épaules. Je vis passer l’abbé Saquet le long des corridors du Palais de Justice, — raconte Mgr Bruté, alors tout jeune homme ; — il marchait à la guillotine qui n’était qu’à deux cents pas de distance, et je remarquai sa haute taille et son apparence de vigueur et de santé. Le cruel bourreau, en lui faisant si précipitamment la fatale toilette, l’avait blessé au cou, et le sang coulait sur sa poitrine ; mais il n’en marchait pas moins avec autant de dignité que lorsqu’il présidait aux processions solennelles de sa paroisse ».

D’après des témoignages contemporains, l’abbé Carron ajoute que M. Saquet, en se rendant au supplice, récitait le Miserere ; il le continua en posant sa tête sur le billot[6] [7].

L’acte de décès du recteur Saquet ne fut enregistré que fin septembre, à l’État civil de la ville de Rennes.

Références

<Références/>

  1. place du Parlement
  2. http://www.infobretagne.com/toussaints-de-rennes-abbe-saquet.htm
  3. Domaine Saint-Cyr
  4. La petite Cloustière : quartier de Beauregard
  5. Portes Mordelaises
  6. Archives d’Ille-et-Vilaine, dossier n° 269 des actes du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine, série B,
  7. Les Confesseurs de la Foi, p. 61-63. Guillotin de Corson,