La paroisse Saint-Germain de Rennes en 1725

Transcription du "Mémoire pour Monsieur l'Intendant de Bretagne concernant la paroisse de Saint Germain de la ville de Rennes. 1725." :

"La paroisse de Saint Germain de Rennes est ancienne, et a toujours passé pour une des plus considérables de la province ; son église est un grand vaissau assez propre, et assez orné ; mais un peu irrégulier par les augmentations qui ont esté faites en différent temps sans se conformer au premier dessein de l'ouvrage qui est tout de pierre de taille, elle est bastie sous le fief du roy. Les ducs de Bretagne ayant donné un terrain assez grand pour construire cet édifice. Il y avoit sur la paroisse plus de dix mille ames dès l'an 1466.

Comme il paroist par la requeste présentée au duc François second pour avoir permission d'accroistre l'église, le nombre en avoit augmenté depuis ce temps là, mais l'incendie arrivée à la ville de Rennes en 1720 l'a considérablement diminué et augmenté celuy des pauvres. La cure est dans la présentation d'un chanoine de la cathédralle.

Le palais est ce qu'il y a de plus remarquable dans cette paroisse, la première pierre y fust mise le 15 septembre 1618 par monsieur de Bourneuf, alors premier président, et par les commissaires nommés à cet effect. On enferma dans deux pierres deux médailles de bronze doré, sur l'une desquelles est le portrait du roy, et sur le revers les armes de france pleines ; sur l'autre sont les armes de france mipartie de Bretagne, et sur le revers celles de la ville qui fournist ces médailles. [...] - suite de la description dans l'article parlement de Bretagne.

Après le palais ce qu'il y a de plus remarquable dans la paroisse de St Germain est le collège des pères jésuites. Il fust fondé par la ville en 1604 dans le prieuré de Saint Thomas où estoit l'ancien collège. Il y a cinq classes d'humanités, une de réthorique, deux de philosophie, une de théologie scholastique, une de positive, et un très grand nombre d'écoliers ce qui rend ce collège fameux dans la province, la maison est commode et très logeable, les cours et les jardins sont d'une étendue très considérable pour une ville, et sa situation en est très avantageuse ayant pour point de vue les abbayes de Saint Melaine et de Saint Georges et une très belle campagne. Ce qu'il y a de plus considérable est l'église qui est une des plus belle et des plus régulière de la province. Ses proportions sont si justes et toute son ordonnance si exacte qu'elle pouvoit passer par un ouvrage parfait dans ce genre, si le portail répondoit à tout le reste de l'édifice, il est d'une très grande élévation, mais ses ornements en sont peu réguliers, le tabernacle est d'un goust excellent. Les tableaux du maistre autel sont d'une bonne main, celuy de l'épiphanie ou de l'adoration des mages est de Jouvenet. Après l'église ce qu'il y a de plus remarquable est la congrégation des Messieurs dont le platfond est de Girardin qui excelloit pour la perspective.

On trouve dans ce quartier le monastère des urselinnes, c'est une communauté de plus de soixantes religieuses ; leur institut est de tenir de petites écoles pour les filles pour lesquelles elles ont trois classes, leur fondation est de 1617 par dame Louise de Maure duchesse de Mortemart. Leur église est très propre.

Dans la rue Vasselot est situé le couvent des grands Carmes, il fut fondé en 1448 par le duc François premier par lettres confirmées en 1492 par Charles huict roy de france, et par la duchesse Anne Reine de France en 1498. Cette communauté estoit autrefois de cent religieux, mais elle est réduite à présent à 45. Elle est de la même province que les Carmes de Billetes de Paris. Ce qu'il y a de plus remarquable dans ce couvent est l'église qui est ornée de deux beaux autels, et la bibliothèque qui est une des plus considérables de la province.

A l'entrée de la rue St Hélier, et en sortant de la ville, on trouve le petit séminaire. C'est un nouvel établissement mais d'une grande vitalité pour le diocèse. Il a été fondé en 1709 par monsieur de Lavardin, évêque de Rennes, et des libéralités de quelques personnes de considération mais qui ne son pas encore suffisantes pour l'entretient d'un grand nombre de jeunes ecclésiastiques qui y sont et formés à la piété pour se répandre dans les paroisses du diocèse et y travailler au salut des ames conformément à l'esprit du Concile de Trente.

Outre ces communautés et ces églises, il y a à l'autre extrêmité de la paroisse, du costé de la place Ste Anne, une ancienne chapelle qui servait autrefois à un hospital de ce nom, aujourd'huy un espèce de bénéfice simple à la nomination de la communauté de la ville. Le saint sacrement y est réservé dans un tabernacle pour la communion des malades qui se trouvent sur la paroisse de St Germain dans ce quartier qui est d'une grande étendue.

Ce qu'il y a de plus remarquable dans la rue St Dominique, anciennement rue Haute, est le couvent des dominiquains, autrement de notre Dame de Bonne Nouvelle fondé en Jan 4, Comte de Monfort et duc de Bretagne, en mémoire et en reconnaissance de la victoire qu'il avait remporté près de la ville d'Auray en 1364 sur Charles de Blois, son compétiteur pour ce duché au quel ce dernier prétendoit avoir droit par sa femme Janne de Peinthièvre fille de Guy de Bretagne fils d'Artur Second au préjudice du comte de Monfort neveu du même Artur. La nouvelle qui fust apportée à ce prince par un héraut au fort de la bataille de la deffaitte et de la mort de son ennemi donna à ce monastère le nom de Couvent de Bonne Nouvelle. Ce héraut luy ayant crié, Monseigneur, bonne nouvelle vous este duc de Bretagne. Ce comte, maitre de la province, mist la première pierre à l'église en 1368, le jour de la purification pour acquitter le voeu qu'il avoit fait le jour du combat. Il fust accompagné dans cette cérémonie des prélats et des Barons de la province qui firent des libéralités considérables à ce couvent. Quelques papes à leur exemple l'ont favorisée de plusieurs grâces. Ce qu'il y a de plus remarquable est le choeur qui est fermé d'une grille de fer fort propre, l'autel est très orné et d'un beau dessein.

La chapelle de la Sainte Vierge qui joint l'église est renommée dans la province par le grand concours de peuple qui s'y fait les jours de sa feste, l'autel fust beny par Pierre de Cornullier évesque de Rennes. L'image de la Sainte Vierge qui porte le nom de miraculeuse y fust placée en 1623. Les représentations en cire et les voeux y sont en très grand nombre, mais le principal est celuy qui fust fait par la ville en 1632 pour remercier dieu de l'avoir délivrée de la peste qui la desoloit depuis huit ans, c'est une ville représentée en argent avec tant d'art que l'on y distingue les édifices publics et les maisons considérables. La protection singulière que la mère de dieu a accordé dans toutes les occasions aux habitans de la ville de Rennes et particulièrement en 1632 engagea cette ville à luy faire ce voeu qu'elle exécuta en 1634. La ceremonie qui s'en fist le jour de la nativité fust très ecclatante, l'évesque tout le clergé, et le parlement en robe rouge s'y estant trouvés. Il y a dans ce couvent deux écoles publiques de théologie. On trouve à l'extremité de la paroisse près le pont St Martin une chapelle sous le titre de Sainte Marguerite.

Le commerce principal qui se fait dans cette paroisse est celuy de fil dont la teinture est admirable par la qualité des eaux des deux rivières la Villaine et celle de l'Isle".


Notes et références


  • Manuscrit anonyme conservé aux Archives d'llle-et-Vilaine cote : 1 F 292. Cité et commenté page 33 et suivantes du mémoire de maîtrise d'histoire Université de Rennes 2 - Haute Bretagne : "Saint Germain de Rennes : Un quartier ?" présenté par Christylla JACQUET-PELLETIER, 1990-1991, sous la direction de Claude NIERES.