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[[Catégorie:Voie de Rennes|Leconte]]
La '''rue Leconte de Lisle''' est une voie axée nord-sud entre l'[[avenue Aristide Briand]] et la [[rue Poullain de Sainte-Foix]]. Elle est traversée par la [[rue Paul Bert]] et la [[rue Louis Postel]]. Elle apparaît sous son nom actuel dans la nomenclature des voies de Rennes du 24 juillet 1923, après s'être appelée anciennement "''rue de l'Intendance''".
{{Citation|texte=''LES NOUVELLES RUES - LECONTE DE LISLE (1818-1894)


La '''rue Leconte de Lisle''' est une voie axée nord-sud entre l'[[avenue Aristide Briand]] et la [[rue Poullain de Sainte-Foix]]Elle est traversée par la [[rue Paul-Bert]].
 
''Dans le quartier du Mail-Donges se trouve une série de rues dont les noms ne correspondent plus à rien, et qui, d'ailleurs, n'ont jamais reçu de consécration officielle ; de ce nombre, la rue de l'Intendance qui part de la [[rue Germain-François Poullain de Sainte-Foix|rue des Jardins]] pour aboutir au quai ou avenue du Mail Donges. Désormais elle s'appellera '''rue Leconte de Lisle'''.''|auteur=L'Ouest-Eclair|origine=Numéro du 28 août 1923|collecteur=Manu35|date=2018}}


Elle rappelle :
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===Leconte de Lisle, le grand poète parnassien===
== Leconte de Lisle, le grand poète parnassien ==
 
[[File:Leconte de Lisle.jpg|right|thumb|200px]]
( 22 octobre 1818, Saint-Paul,(La Réunion) - 17 juillet 1894 , Voisins,Yvelines)
(22 octobre 1818, Saint-Paul, La Réunion - 17 juillet 1894, Voisins, Yvelines)
   
   
Leconte de Lisle, Charles Marie René, est un poète français, connu sous son seul nom de famille qu'il adopta comme nom de plume. Il passa son enfance à l'Île Bourbon et à Rennes. En [[1845]], il se fixa à Paris. Après quelques velléités lors des événements de [[1848]], il renonça à l'action politique et se consacra entièrement à la poésie, avec notamment trois recueils de poésie : ''Poèmes antiques'' (1852), ''Poèmes barbares'' (1862) et ''Poèmes tragiques'' (1884), ainsi que par ses traductions d’auteurs anciens.
Leconte de Lisle, Charles Marie René, est un poète français, connu sous son seul nom de famille qu'il adopta comme nom de plume. Il passa son enfance à l'Île Bourbon, à Nantes et Dinan, et sa vie d'étudiant à Rennes. En [[1845]], il se fixa à Paris. Après quelques velléités lors des événements de [[1848]] (il est envoyé en Bretagne comme délégué du gouvernement pour la propagande mais il est mal reçu par la population), il renonça à l'action politique et se consacra entièrement à la poésie, avec notamment trois recueils de poésie : ''Poèmes antiques'' (1852), ''Poèmes barbares'' (1862) et ''Poèmes tragiques'' (1884), ainsi que par ses traductions d’auteurs anciens.


D'abord écrivain romantique, il devint le chef de file du mouvement parnassien, autant par son œuvre poétique propre qui se réfère à l'Antiquité, que par des préfaces dans lesquelles il a exprimé des principes qu'adoptèrent les poètes d’une génération. Décoré et pensionné sous l'Empire, il fut nommé officier de la Légion d'honneur en [[1883]].
D'abord écrivain romantique, il devint le chef de file du mouvement parnassien, autant par son œuvre poétique propre qui se réfère à l'Antiquité, que par des préfaces dans lesquelles il a exprimé des principes qu'adoptèrent les poètes d’une génération. Décoré et pensionné sous l'Empire, il fut nommé officier de la Légion d'honneur en [[1883]].


En [[1886]], neuf ans après une première candidature infructueuse à l’Académie française, il fut élu, succédant à Victor Hugo.
En [[1886]], neuf ans après une première candidature infructueuse à l’Académie française, il fut élu, succédant à Victor Hugo.


===Une jeunesse rennaise===
=== Une jeunesse rennaise ===


En [[1837]], ses parents l'envoie chez un oncle, avoué à Dinan, qui le conduisit à Rennes où il lui avait loué une chambre au numéro 4 de la [[rue des Carmes]]. Un an après son installation à Rennes, Leconte de Lisle fut enfin reçu bachelier. Il se fit inscrire aussitôt à la [[Faculté de droit]], l'intention de son père étant qu'il entrât dans la magistrature. De l'Île Bourbon où il se morfondait, son père ne cessait de prodiguer des recommandations au jeune Charles : il ferait bien, pour se perfectionner dans l'étude du droit, de travailler chez un avoué une heure matin et soir ; il pourrait suivre aussi, à la [[Faculté des sciences]], un cours d'anatomie et de physiologie, fort utiles en médecine légale, un peu de botanique et de chimie. Et M. Leconte père indiquait à son fils, parmi les distractions éminemment propres à un jeune homme bien né, « l'étude de la flûte ou du paysage ».  
En [[1837]], son père, ancien chirurgien breton aux armées de Napoléon, de l'Île Bourbon l'envoie chez un oncle, avoué à Dinan et maire de la ville, qui le conduisit à Rennes en octobre où il lui avait loué une chambre au numéro 4 de la [[rue des Carmes]]. Un an après son installation à Rennes, Leconte de Lisle fut enfin reçu bachelier, avec beaucoup d'indulgence, semble-t-il. Il est inscrit aussitôt à la [[Faculté de droit]], l'intention de son père étant qu'il entrât dans la magistrature. De l'Île Bourbon, son père ne cessait de prodiguer des recommandations au jeune Charles : il ferait bien, pour se perfectionner dans l'étude du droit, de travailler chez un avoué une heure matin et soir ; il pourrait suivre aussi, à la [[Faculté des sciences]], un cours d'anatomie et de physiologie, fort utiles en médecine légale, un peu de botanique et de chimie. Et M. Leconte père indiquait à son fils, parmi les distractions éminemment propres à un jeune homme bien né, « l'étude de la flûte ou du paysage ».  


====un piètre étudiant====
=== Un piètre étudiant ===


Leconte de Lisle fut un piètre étudiant. La Faculté, à diverses reprises, l'admonesta. Peine perdue ! Leconte de Lisle ne fut pas plus assidu aux cours. Il est permis de croire, en revanche, qu'il fréquentait fort les cafés à la mode et les estaminets, qu'il prenait sa part des manifestations contre la préfecture, coupable de refuser à [[Frédérick-Lemaître]] l'autorisation de jouer ''Robert Macaire'', qu'il flânait, par beau temps, sous les ombrages du [[Thabor]], qu'il culottait des pipes. Il ne payait pas ses créanciers : un sieur Binda écrivit à M. Leconte, à Dinan, pour lui réclamer le règlement d'une dette de 22 francs contractée par son neveu, soit 18 francs pour une pipe en écume garnie d'argent et 4 francs pour une paire de lunettes.
Leconte de Lisle fut un piètre étudiant car "le droit lui faisait monter le dégoût à la gorge<ref>''Leconte de Lisle et la Faculté des Lettres de Rennes'', par Georges Colas, Annales de Bretagne, vol. 39 - 1930</ref>. La Faculté, à diverses reprises, l'admonesta. Peine perdue ! Leconte de Lisle ne fut pas plus assidu aux cours. Il est permis de croire, en revanche, qu'il fréquentait fort les cafés à la mode et les estaminets, qu'il prenait sa part des manifestations contre la préfecture, coupable de refuser à [[Frédérick-Lemaître]] l'autorisation de jouer ''Robert Macaire'', qu'il flânait, par beau temps, sous les ombrages du [[Thabor]], qu'il culottait des pipes. Il ne payait pas ses créanciers : un sieur Binda écrivit à M. Leconte, à Dinan, pour lui réclamer le règlement d'une dette de 22 francs contractée par son neveu, soit 18 francs pour une pipe en écume garnie d'argent et 4 francs pour une paire de lunettes. En outre son oncle estime que les opinions politiques de Charles sont d'une "exagération blâmable" et qu'il affecte "un mépris sauvage pour tout ce que l'on est convenu de respecter dans la société".  


====qui prend la plume====
=== Qui prend la plume ===
   
   
C'est que Leconte de Lisle s'était mis à « faire de la littérature ». Quelques camarades et lui avaient fondé à Rennes un petit journal satirique, intitulé ''le Foyer'', dont certains numéros s'imprimaient tout entiers en vers, y compris la signature de l'imprimeur :  
C'est que Leconte de Lisle s'était mis à « faire de la littérature ». Quelques camarades et lui avaient fondé à Rennes un petit journal satirique, intitulé ''le Foyer'', "journal de littérature, musique beaux-arts et programmes" dont certains numéros s'imprimaient tout entiers en vers, y compris la signature de l'imprimeur :  


Notre petit journal s'imprime en cette ville
''Notre petit journal s'imprime en cette ville''
   
   
Chez notre typographe Alphonse [[Marteville]].  
''Chez notre typographe Alphonse [[Marteville]].''


Leconte de Lisle collabora anonymement au ''Foyer'' et l'on aurait quelque peine à distinguer ses vers de ceux de ses collaborateurs. Au contraire, son nom s'étale en toutes lettres dans ''la Variété'', au premier numéro de cette petite revue paru le 1er avril [[1840]]. Un professeur de la Faculté des Lettres, M. Alexandre Nicolas, avait accepté de la présenter au public et d'en exposer le programme, qui tenait en deux points : rénovation et exaltation de la société par l'art, son affranchissement par le christianisme.  
Leconte de Lisle collabora anonymement au ''Foyer'' et l'on aurait quelque peine à distinguer ses vers de ceux de ses collaborateurs. Dans le n° 8, Rennes est moquée sous le nom de ''Castel-Gorin'' et on y critique son conseil municipal, ses gouttières et ses pavés pointus, mais dans le même numéro un article intitulé ''Rennes'' vante ses magasins "de fraîches nouveautés", de jouets, et ses librairies. En outre, Leconte de Lisle profite intensément des brillants concerts, opéras célèbres et comédies donnés dans la ville<ref>''Bretons de Lettres'', par Louis Tiercelin, Annales de Bretagne - 1905</ref>. Au contraire, son nom s'étale en toutes lettres dans ''la Variété'', au premier numéro de cette petite revue paru le 1er avril [[1840]]. Un professeur de la Faculté des Lettres, M. Alexandre Nicolas, avait accepté de la présenter au public et d'en exposer le programme, qui tenait en deux points : rénovation et exaltation de la société par l'art, son affranchissement par le christianisme. Et ''L'Auxiliare breton'' saluait cet avènement à Rennes, ville studieuse qui, "dans des conditions si favorables, n'a laissé paraître qu'une tiédeur déplorable" envers les adeptes de la littérature<ref>L'Auxiliaire breton. 9 mars 1840</ref>.  


L'état d'âme de Leconte de Lisle en 1840 reproduisait fidèlement celui des romantiques de l'époque, nourris de Saint-Simon, de Fourrier, de Lamennais. Le journal dura douze numéros. Le 11 mars [[1841]], qui fut le mois où ''la Variété'' cessa de paraître, Leconte de Lisle fut de nouveau cité devant la Faculté de droit pour y recevoir un blâme. Autre blâme le 23 juillet, suivi de la perte de son inscription. Les parents du jeune homme finirent par se fâcher. On menaça de lui couper les vivres. Tout à ses velléités littéraires, il répondit en s'associant à un certain Paul  
L'état d'âme de Leconte de Lisle en 1840 correspondait fidèlement à celui des romantiques de l'époque, nourris de Saint-Simon, de Fourrier, de Lamennais. Le journal dura douze numéros. Le 11 mars [[1841]], qui fut le mois où ''la Variété'' cessa de paraître, Leconte de Lisle, bachelier en droit depuis janvier, fut de nouveau cité devant la Faculté de droit pour y recevoir un blâme vu ses nombreuses absences. Autre blâme le 23 juillet, suivi de la perte de son inscription. Les parents du jeune homme finirent par se fâcher. On menaça de lui couper les vivres. Tout à ses velléités littéraires, il répondit en s'associant à un certain Paul Duclos, pour fonder ''le Scorpion'', gazette au titre prometteur. Il projetait de dire leur fait à ces "bourgeois" de Rennes, magistrats et professeurs. Le premier numéro était prêt quand l'imprimeur, Jaussions, effrayé de l'audace des articles, se déroba. Leconte de Lisle et Paul Duclos l'assignèrent devant le Tribunal civil de Rennes, qui donna gain de cause à l'imprimeur le 9 janvier 1843. Leconte de Lisle, ses dernières ressources épuisées, ne résista plus aux instances de sa famille et, après un séjour de près de six ans à Rennes, s'embarqua à Nantes pour l'Île Bourbon au mois de septembre [[1843]]<ref>''L'Âme bretonne'', 3e série, Leconte de Lisle à Rennes, par Charles Le Goffic</ref>.
Duclos, pour fonder ''le Scorpion'', gazette au titre prometteur. Le premier numéro était prêt quand l'imprimeur, effrayé de l'audace des articles, se déroba. Leconte de Lisle et Paul Duclos l'assignèrent le 28 décembre 1842 devant le Tribunal civil de Rennes, qui donna gain de cause à l'imprimeur. Leconte de Lisle, ses dernières ressources épuisées, ne résista plus aux instances de sa famille et, après cinq ans à Rennes, s'embarqua pour l'Île Bourbon au mois de septembre [[1843]].<ref>''L'Âme bretonne'', 3e série, Leconte de Lisle à Rennes, par Charles Le Goffic</ref>


===références===
== Sur la carte ==
{{#display_points: Rue Leconte de Lisle, Rennes |width=450|zoom=14}}
 
== Références ==
<references/>
<references/>
[[Catégorie:Voie de Rennes|Leconte de Lisle]][[Catégorie:Quartier 2 : Thabor – Saint-Hélier – Alphonse Guérin]][[Catégorie:Rue de Rennes|Leconte de Lisle]]

Version actuelle datée du 6 août 2018 à 14:22

La rue Leconte de Lisle est une voie axée nord-sud entre l'avenue Aristide Briand et la rue Poullain de Sainte-Foix. Elle est traversée par la rue Paul Bert et la rue Louis Postel. Elle apparaît sous son nom actuel dans la nomenclature des voies de Rennes du 24 juillet 1923, après s'être appelée anciennement "rue de l'Intendance".

« LES NOUVELLES RUES - LECONTE DE LISLE (1818-1894)


Dans le quartier du Mail-Donges se trouve une série de rues dont les noms ne correspondent plus à rien, et qui, d'ailleurs, n'ont jamais reçu de consécration officielle ; de ce nombre, la rue de l'Intendance qui part de la rue des Jardins pour aboutir au quai ou avenue du Mail Donges. Désormais elle s'appellera rue Leconte de Lisle. »

— L'Ouest-Eclair
Origine : Numéro du 28 août 1923 • Recueilli par Manu35 • 2018licence

Elle rappelle :

Leconte de Lisle, le grand poète parnassien

Leconte de Lisle.jpg

(22 octobre 1818, Saint-Paul, La Réunion - 17 juillet 1894, Voisins, Yvelines)

Leconte de Lisle, Charles Marie René, est un poète français, connu sous son seul nom de famille qu'il adopta comme nom de plume. Il passa son enfance à l'Île Bourbon, à Nantes et Dinan, et sa vie d'étudiant à Rennes. En 1845, il se fixa à Paris. Après quelques velléités lors des événements de 1848 (il est envoyé en Bretagne comme délégué du gouvernement pour la propagande mais il est mal reçu par la population), il renonça à l'action politique et se consacra entièrement à la poésie, avec notamment trois recueils de poésie : Poèmes antiques (1852), Poèmes barbares (1862) et Poèmes tragiques (1884), ainsi que par ses traductions d’auteurs anciens.

D'abord écrivain romantique, il devint le chef de file du mouvement parnassien, autant par son œuvre poétique propre qui se réfère à l'Antiquité, que par des préfaces dans lesquelles il a exprimé des principes qu'adoptèrent les poètes d’une génération. Décoré et pensionné sous l'Empire, il fut nommé officier de la Légion d'honneur en 1883.

En 1886, neuf ans après une première candidature infructueuse à l’Académie française, il fut élu, succédant à Victor Hugo.

Une jeunesse rennaise

En 1837, son père, ancien chirurgien breton aux armées de Napoléon, de l'Île Bourbon l'envoie chez un oncle, avoué à Dinan et maire de la ville, qui le conduisit à Rennes en octobre où il lui avait loué une chambre au numéro 4 de la rue des Carmes. Un an après son installation à Rennes, Leconte de Lisle fut enfin reçu bachelier, avec beaucoup d'indulgence, semble-t-il. Il est inscrit aussitôt à la Faculté de droit, l'intention de son père étant qu'il entrât dans la magistrature. De l'Île Bourbon, son père ne cessait de prodiguer des recommandations au jeune Charles : il ferait bien, pour se perfectionner dans l'étude du droit, de travailler chez un avoué une heure matin et soir ; il pourrait suivre aussi, à la Faculté des sciences, un cours d'anatomie et de physiologie, fort utiles en médecine légale, un peu de botanique et de chimie. Et M. Leconte père indiquait à son fils, parmi les distractions éminemment propres à un jeune homme bien né, « l'étude de la flûte ou du paysage ».

Un piètre étudiant

Leconte de Lisle fut un piètre étudiant car "le droit lui faisait monter le dégoût à la gorge[1]. La Faculté, à diverses reprises, l'admonesta. Peine perdue ! Leconte de Lisle ne fut pas plus assidu aux cours. Il est permis de croire, en revanche, qu'il fréquentait fort les cafés à la mode et les estaminets, qu'il prenait sa part des manifestations contre la préfecture, coupable de refuser à Frédérick-Lemaître l'autorisation de jouer Robert Macaire, qu'il flânait, par beau temps, sous les ombrages du Thabor, qu'il culottait des pipes. Il ne payait pas ses créanciers : un sieur Binda écrivit à M. Leconte, à Dinan, pour lui réclamer le règlement d'une dette de 22 francs contractée par son neveu, soit 18 francs pour une pipe en écume garnie d'argent et 4 francs pour une paire de lunettes. En outre son oncle estime que les opinions politiques de Charles sont d'une "exagération blâmable" et qu'il affecte "un mépris sauvage pour tout ce que l'on est convenu de respecter dans la société".

Qui prend la plume

C'est que Leconte de Lisle s'était mis à « faire de la littérature ». Quelques camarades et lui avaient fondé à Rennes un petit journal satirique, intitulé le Foyer, "journal de littérature, musique beaux-arts et programmes" dont certains numéros s'imprimaient tout entiers en vers, y compris la signature de l'imprimeur :

Notre petit journal s'imprime en cette ville

Chez notre typographe Alphonse Marteville.

Leconte de Lisle collabora anonymement au Foyer et l'on aurait quelque peine à distinguer ses vers de ceux de ses collaborateurs. Dans le n° 8, Rennes est moquée sous le nom de Castel-Gorin et on y critique son conseil municipal, ses gouttières et ses pavés pointus, mais dans le même numéro un article intitulé Rennes vante ses magasins "de fraîches nouveautés", de jouets, et ses librairies. En outre, Leconte de Lisle profite intensément des brillants concerts, opéras célèbres et comédies donnés dans la ville[2]. Au contraire, son nom s'étale en toutes lettres dans la Variété, au premier numéro de cette petite revue paru le 1er avril 1840. Un professeur de la Faculté des Lettres, M. Alexandre Nicolas, avait accepté de la présenter au public et d'en exposer le programme, qui tenait en deux points : rénovation et exaltation de la société par l'art, son affranchissement par le christianisme. Et L'Auxiliare breton saluait cet avènement à Rennes, ville studieuse qui, "dans des conditions si favorables, n'a laissé paraître qu'une tiédeur déplorable" envers les adeptes de la littérature[3].

L'état d'âme de Leconte de Lisle en 1840 correspondait fidèlement à celui des romantiques de l'époque, nourris de Saint-Simon, de Fourrier, de Lamennais. Le journal dura douze numéros. Le 11 mars 1841, qui fut le mois où la Variété cessa de paraître, Leconte de Lisle, bachelier en droit depuis janvier, fut de nouveau cité devant la Faculté de droit pour y recevoir un blâme vu ses nombreuses absences. Autre blâme le 23 juillet, suivi de la perte de son inscription. Les parents du jeune homme finirent par se fâcher. On menaça de lui couper les vivres. Tout à ses velléités littéraires, il répondit en s'associant à un certain Paul Duclos, pour fonder le Scorpion, gazette au titre prometteur. Il projetait de dire leur fait à ces "bourgeois" de Rennes, magistrats et professeurs. Le premier numéro était prêt quand l'imprimeur, Jaussions, effrayé de l'audace des articles, se déroba. Leconte de Lisle et Paul Duclos l'assignèrent devant le Tribunal civil de Rennes, qui donna gain de cause à l'imprimeur le 9 janvier 1843. Leconte de Lisle, ses dernières ressources épuisées, ne résista plus aux instances de sa famille et, après un séjour de près de six ans à Rennes, s'embarqua à Nantes pour l'Île Bourbon au mois de septembre 1843[4].

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Références

  1. Leconte de Lisle et la Faculté des Lettres de Rennes, par Georges Colas, Annales de Bretagne, vol. 39 - 1930
  2. Bretons de Lettres, par Louis Tiercelin, Annales de Bretagne - 1905
  3. L'Auxiliaire breton. 9 mars 1840
  4. L'Âme bretonne, 3e série, Leconte de Lisle à Rennes, par Charles Le Goffic