« Rue de Dinan » : différence entre les versions

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Ne pouvant me résigner à pareille attente, j'ai fait éclater mon impatience, et de la voix et du geste, et enfin par la menace de la police. Voyant que mes gestes, mes paroles et mes menaces étaient sans effet, j'ai mis pied à terre, et signifié d'un ton énergique au conducteur de me livrer passage, en se rangeant, ou de me dire qu'il ne le voulait pas. Croira-t-on que toute la populace, tous les boutiquiers du faubourg se sont déclarés contre moi, en donnant raison au paysan qui refusait de se ranger, et tort au voyageur qui ne voulait pas attendre qu'il eût déchargé ses fagots, ce qui paraissait aussi juste au tribunal populaire qui me condamnait, que lui semblait déraisonnable ma prétention contraire ? Je me suis alors avancé à pied, d'un air très-décidé à n'avoir pas le dessous, pour en appeler de ce jugement à celui de la police; mais, comme on pense bien, personne ne voulut m'indiquer le commissaire du quartier, tout le monde étant contre moi. "Allez, allez le chercher, votre commissaire," me répondait-on d'un air de bravade; ce qui prouve bien combien l'autorité a peu d'empire sur ce peuple. En m'avançant et m'éloignant du lieu de la scène, j'espérais trouver plus de complaisance, et dans tous les cas, je connaissais la mairie, et j'allais y solliciter la levée de l'embargo auquel était condamnée ma voiture, lorsque je la vois arriver derrière moi, le paysan ayant jugé à propos de ne pas braver plus long-tems les suites dont je le menaçais, et prévoyant bien sans doute qu'il serait lui-même la seule victime de son entêtement et des mauvais conseils qu'on lui donnait.
Ne pouvant me résigner à pareille attente, j'ai fait éclater mon impatience, et de la voix et du geste, et enfin par la menace de la police. Voyant que mes gestes, mes paroles et mes menaces étaient sans effet, j'ai mis pied à terre, et signifié d'un ton énergique au conducteur de me livrer passage, en se rangeant, ou de me dire qu'il ne le voulait pas. Croira-t-on que toute la populace, tous les boutiquiers du faubourg se sont déclarés contre moi, en donnant raison au paysan qui refusait de se ranger, et tort au voyageur qui ne voulait pas attendre qu'il eût déchargé ses fagots, ce qui paraissait aussi juste au tribunal populaire qui me condamnait, que lui semblait déraisonnable ma prétention contraire ? Je me suis alors avancé à pied, d'un air très-décidé à n'avoir pas le dessous, pour en appeler de ce jugement à celui de la police; mais, comme on pense bien, personne ne voulut m'indiquer le commissaire du quartier, tout le monde étant contre moi. "Allez, allez le chercher, votre commissaire," me répondait-on d'un air de bravade; ce qui prouve bien combien l'autorité a peu d'empire sur ce peuple. En m'avançant et m'éloignant du lieu de la scène, j'espérais trouver plus de complaisance, et dans tous les cas, je connaissais la mairie, et j'allais y solliciter la levée de l'embargo auquel était condamnée ma voiture, lorsque je la vois arriver derrière moi, le paysan ayant jugé à propos de ne pas braver plus long-tems les suites dont je le menaçais, et prévoyant bien sans doute qu'il serait lui-même la seule victime de son entêtement et des mauvais conseils qu'on lui donnait.


En me fournissant un témoignage frappant de l'opiniâtreté du peuple breton, ce fait m'a prouvé combien il est peu hosptalier. Ailleurs, on sort des boutiques et des maisons, en pareil cas, pour crier haro contre le charretier qui s'obstine à intercepter la voie publique, et cela m'est arrivé bien des fois dans les cours de mes voyages; on l'aide à se ranger, on l'exhorte à craindre les suites auxquelles il s'expose, connaissant les lois de police et l'importance du service des postes : à Rennes, on ne connaît rien de tout cela; on applaudit à l'entêtement, on le partage, on l'excite. Ailleurs, on plaint un voyageur du retard et du désagrément qu'il éprouve; à Rennes, on en rit; et plus il se fâche, plus on cherche à doubler la doce de son mécontentement; son énergie et sa vivacité ne font qu'irriter l'énergie et la vivacité bretonnes. C'est bien là de la  ''mauvaise tête'', mais est-ce du ''bon coeur'' ? car il faut savoir que les Bretons se définissent eux-mêmes, ou croient se définir par ce dicton banal, passé en proverbe chez eux : ''mauvaise tête et bon coeur''.
En me fournissant un témoignage frappant de l'opiniâtreté du peuple breton, ce fait m'a prouvé combien il est peu hosptalier. Ailleurs, on sort des boutiques et des maisons, en pareil cas, pour crier haro contre le charretier qui s'obstine à intercepter la voie publique, et cela m'est arrivé bien des fois dans les cours de mes voyages; on l'aide à se ranger, on l'exhorte à craindre les suites auxquelles il s'expose, connaissant les lois de police et l'importance du service des postes : à Rennes, on ne connaît rien de tout cela; on applaudit à l'entêtement, on le partage, on l'excite. Ailleurs, on plaint un voyageur du retard et du désagrément qu'il éprouve; à Rennes, on en rit; et plus il se fâche, plus on cherche à doubler la dose de son mécontentement; son énergie et sa vivacité ne font qu'irriter l'énergie et la vivacité bretonnes. C'est bien là de la  ''mauvaise tête'', mais est-ce du ''bon coeur'' ? car il faut savoir que les Bretons se définissent eux-mêmes, ou croient se définir par ce dicton banal, passé en proverbe chez eux : ''mauvaise tête et bon coeur''.


Un caractère national aussi prononcé que celui des Bretons, et particulièrement des Bretons de Rennes, nous a fait appesantir sur ce chapitre..."
Un caractère national aussi prononcé que celui des Bretons, et particulièrement des Bretons de Rennes, nous a fait appesantir sur ce chapitre..."


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Version du 30 janvier 2011 à 15:04

En 1892, la rue de Dinan portait encore le nom de rue Basse par opposition à l'ancienne rue Haute ( aujourd'hui rue Saint-Malo) et faisait partie de la route nationale 137 de Bordeaux à Saint-Malo. Elle était classée route de grande voirie et la poste aux chevaux l'empruntait pour gagner la place Sainte-Anne via la rue Saint-Louis.

Septembre 1820 : embarras de circulation et altercation rue Basse

ou le sale caractère des Bretons de Rennes

Régis Jean Vaysse de Villiers, inspecteur des postes-relais, met à profit les facilités que lui apporte sa fonction pour commencer, à partir de 1813, un Itinéraire descriptif ou description routière, géographique et pittoresque de la France et de l'Italie. Dans ce cadre, il publie en 1822 Régions de l'Ouest, route de Paris à Rennes.

Modèle:Rennes dans les guides de voyage du XIXe siècle, par Etienne Maignen. Bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine

Vaysse de Villiers rapporte un fait:

"qui est vraiment caractéristique du peuple des campagnes et des faubourgs de Rennes. J'arrivais en poste par la route de St-Malo : au milieu du faubourg, dont la rue est assez large pour permettre à deux voitures de se croiser, stationnait une charretée de fagots; je dis à mon postillon d'avertir le conducteur pour qu'il se range; mais il a beau faire claquer son fouet et avancer bruyamment, au grand trot de ses chevaux, le conducteur ne bouge point; il n'a même pas l'air de le voir; il était perché sur sa voiture qu'il se disposait à décharger. Or, comme il avait cent fagots au moins, et qu'on peut calculer, d'après l'indolence du peuple breton, à plus d'une minute par fagot, le tems qu'il allait mettre à son opération, c'eût été près de deux heures qu'il aurait fallu attendre. En supposant que je me trompe de plus de moitié dans mon calcul, c'eût été toujours beaucoup trop pour un voyageur pressé, surtout pour un voyageur français, accoutumé de plus, par état, à aller qu'au plus grand train de poste.

Ne pouvant me résigner à pareille attente, j'ai fait éclater mon impatience, et de la voix et du geste, et enfin par la menace de la police. Voyant que mes gestes, mes paroles et mes menaces étaient sans effet, j'ai mis pied à terre, et signifié d'un ton énergique au conducteur de me livrer passage, en se rangeant, ou de me dire qu'il ne le voulait pas. Croira-t-on que toute la populace, tous les boutiquiers du faubourg se sont déclarés contre moi, en donnant raison au paysan qui refusait de se ranger, et tort au voyageur qui ne voulait pas attendre qu'il eût déchargé ses fagots, ce qui paraissait aussi juste au tribunal populaire qui me condamnait, que lui semblait déraisonnable ma prétention contraire ? Je me suis alors avancé à pied, d'un air très-décidé à n'avoir pas le dessous, pour en appeler de ce jugement à celui de la police; mais, comme on pense bien, personne ne voulut m'indiquer le commissaire du quartier, tout le monde étant contre moi. "Allez, allez le chercher, votre commissaire," me répondait-on d'un air de bravade; ce qui prouve bien combien l'autorité a peu d'empire sur ce peuple. En m'avançant et m'éloignant du lieu de la scène, j'espérais trouver plus de complaisance, et dans tous les cas, je connaissais la mairie, et j'allais y solliciter la levée de l'embargo auquel était condamnée ma voiture, lorsque je la vois arriver derrière moi, le paysan ayant jugé à propos de ne pas braver plus long-tems les suites dont je le menaçais, et prévoyant bien sans doute qu'il serait lui-même la seule victime de son entêtement et des mauvais conseils qu'on lui donnait.

En me fournissant un témoignage frappant de l'opiniâtreté du peuple breton, ce fait m'a prouvé combien il est peu hosptalier. Ailleurs, on sort des boutiques et des maisons, en pareil cas, pour crier haro contre le charretier qui s'obstine à intercepter la voie publique, et cela m'est arrivé bien des fois dans les cours de mes voyages; on l'aide à se ranger, on l'exhorte à craindre les suites auxquelles il s'expose, connaissant les lois de police et l'importance du service des postes : à Rennes, on ne connaît rien de tout cela; on applaudit à l'entêtement, on le partage, on l'excite. Ailleurs, on plaint un voyageur du retard et du désagrément qu'il éprouve; à Rennes, on en rit; et plus il se fâche, plus on cherche à doubler la dose de son mécontentement; son énergie et sa vivacité ne font qu'irriter l'énergie et la vivacité bretonnes. C'est bien là de la mauvaise tête, mais est-ce du bon coeur ? car il faut savoir que les Bretons se définissent eux-mêmes, ou croient se définir par ce dicton banal, passé en proverbe chez eux : mauvaise tête et bon coeur.

Un caractère national aussi prononcé que celui des Bretons, et particulièrement des Bretons de Rennes, nous a fait appesantir sur ce chapitre..."

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