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==Un Carrier populaire==
==Un Carrier populaire==


Feignant d'ignorer les autorités constituées, Carrier renvoya une délégation municipale qui, lui remettant une lettre du ministre de la justice, Gohier, annonçant la prise de Toulon par les Anglais, venait s'entendre avec lui  pour établir les mesures recommandées contre les étrangers.  <ref> ''Histoire de Rennes,'' p.460, Émile Ducrest de Villeneuve et D. Maillet. Edouard Morault, libraire. Rennes - 1845 </ref>  Il se présenta d'abord aux sections et à la société populaire naguère dissoute par les Girondins. Unanimement applaudi car il vitupère aristocrates, Girondins et Fédéralistes, il fut reconduit chez lui par une foule chantante et, le lendemain, le proconsul au long nez et au fort accent auvergnat fit l'apologie des Montagnards. Il ne va vraiment agir qu'après l'arrivée des troupes de Saint-Malo. Le dimanche 8 septembre, il assiste, l'écharpe tricolore en bandoulière,  sur le Champ de Mai ([[Champ de Mars]])  à une revue de la garnison et de la garde nationale et  il s'en prend publiquement à une compagnie des canonniers de la garde qu'il estimait avoir été en contre-révolution ouverte (n'avaient-ils pas, en apprenant la mort de Marat, organisé une parodie de cérémonie funèbre dont la ville s'était divertie !) et ils seront tous envoyés à Douai, orthographe figurant dans l'ordre de Carrier pour Doué, ville au pouvoir des Vendéens à laquelle il les destinait. Il fera arrêter plus tard le commandant qui avait fui. La cérémonie se termine par la plantation d'un arbre de la liberté sur la place de l’Égalité [[place du Parlement de Bretagne]] où il a été accompagné par des citoyens et des membres de la société populaire  et on jette dans un bûcher un portrait de Louis XVI et divers attributs du "despotisme". On danse jusqu'à l'aurore, des citoyennes ornées de guirlandes et de feuilles de chêne lui offrent une couronne civique et l'une d'elles chante un couplet à la gloire de la Montagne. Le lendemain, il présente son collègue [[Pocholle]] à la société populaire. Le 30 septembre, encourageant le mariage des ministres du culte, il est témoin avec Pocholle au mariage d'un prêtre, suivi d'une fête populaire avec banquet.
Feignant d'ignorer les autorités constituées, Carrier renvoya une délégation municipale qui, lui remettant une lettre du ministre de la justice, Gohier, annonçant la prise de Toulon par les Anglais, venait s'entendre avec lui  pour établir les mesures recommandées contre les étrangers.  <ref> ''Histoire de Rennes,'' p.460, Émile Ducrest de Villeneuve et D. Maillet. Edouard Morault, libraire. Rennes - 1845 </ref>  Il se présenta d'abord aux sections et à la société populaire naguère dissoute par les Girondins. Unanimement applaudi car il vitupère aristocrates, Girondins et Fédéralistes, il fut reconduit chez lui par une foule chantante et, le lendemain, le proconsul au long nez et au fort accent auvergnat fit l'apologie des Montagnards. Il ne va vraiment agir qu'après l'arrivée des troupes de Saint-Malo. Le dimanche 8 septembre, il assiste, l'écharpe tricolore en bandoulière,  sur le Champ de Mai ([[Champ de Mars]])  à une revue de la garnison et de la garde nationale et  il s'en prend publiquement à une compagnie des canonniers de la garde qu'il estimait avoir été en contre-révolution ouverte (n'avaient-ils pas, en apprenant la mort de Marat, organisé une parodie de cérémonie funèbre dont la ville s'était divertie !) et ils seront tous envoyés à Douai, orthographe figurant dans l'ordre de Carrier pour Doué, ville au pouvoir des Vendéens à laquelle il les destinait. Il fera arrêter plus tard le commandant qui avait fui. La cérémonie se termine par la plantation d'un arbre de la liberté sur la place de l’Égalité [[place du Parlement de Bretagne]] où il a été accompagné par des citoyens et des membres de la société populaire  et on jette dans un bûcher un portrait de Louis XVI et divers attributs du "despotisme". On danse jusqu'à l'aurore, des citoyennes ornées de guirlandes et de feuilles de chêne lui offrent une couronne civique et l'une d'elles chante un couplet à la gloire de la Montagne. Le lendemain, il présente son collègue Pocholle à la société populaire. Le 30 septembre, encourageant le mariage des ministres du culte, il est témoin avec Pocholle au mariage d'un prêtre, suivi d'une fête populaire avec banquet.


==Coups de balai au département, au district et à la municipalité==
==Coups de balai au département, au district et à la municipalité==
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On envoie les suspects réputés les plus dangereux au Mont-Saint-Michel, faute de place dans les prisons de la porte Saint-Michel, de la tour Lebat et du refuge de la Trinité, les suspectes étant détenues au refuge du [[Bon Pasteur]]. Pendant son séjour, aux registres d'écrou des prisons sont enregistrées vingt-quatre incarcérations mais il déplore des évasions qui ont eu lieu bien facilement. Dans une lettre au comité de Salut public du 27 septembre, il suggère de transférer les coupables de fédéralisme hors de Rennes, car "''quelques patriotes commencent déjà à sentir une fausse humanité pour eux''", et nul doute qu'il ne mette en tête de ces patriotes l'officier public Leperdit désigné par la municipalité comme commissaire aux prisons<ref>''Histoire de Rennes'', sous la direction de Jean Meyer, Privat éditeur. 1972</ref>.
On envoie les suspects réputés les plus dangereux au Mont-Saint-Michel, faute de place dans les prisons de la porte Saint-Michel, de la tour Lebat et du refuge de la Trinité, les suspectes étant détenues au refuge du [[Bon Pasteur]]. Pendant son séjour, aux registres d'écrou des prisons sont enregistrées vingt-quatre incarcérations mais il déplore des évasions qui ont eu lieu bien facilement. Dans une lettre au comité de Salut public du 27 septembre, il suggère de transférer les coupables de fédéralisme hors de Rennes, car "''quelques patriotes commencent déjà à sentir une fausse humanité pour eux''", et nul doute qu'il ne mette en tête de ces patriotes l'officier public Leperdit désigné par la municipalité comme commissaire aux prisons<ref>''Histoire de Rennes'', sous la direction de Jean Meyer, Privat éditeur. 1972</ref>.


Carrier en a particulièrement contre l'évêque constitutionnel [[Le Coz]], "contre-révolutionnaire et fanatique au dernier période, ce malheureux attise dans toute la ci-devant Bretagne le feu du fanatisme", et il s'emploie à la déportation des prêtres déguisés en paysans, annonçant :" ''Je me propose de faire bientôt des cargaisons de prêtres insermentés amoncelés dans les prisons et d'en donner la conduite à un marin de Saint-Servan connu pour son patriotisme''". Il enjoint au district de rassembler à Rennes tous ces prêtres réfractaires, en fait des sexagénaires ou des infirmes (les valides ont déjà été déportés). Il fait appeler un officier de marine de Saint-Malo qui lui fit observer qu'il lui était impossible de sortir de la rade de Saint-Malo sans s'exposer à une capture par les bâtiments anglais. Aussi fait-il conduire, le 8 septembre, Le Coz et ces êtres "malfaisants" au Mont-Saint-Michel mais n'abandonne pas l'intention de mettre son projet à exécution. On peut penser que l'histoire a failli enregistrer les noyades de Saint-Malo avant celles de Nantes !
Carrier en a particulièrement contre l'évêque constitutionnel {{w|Claude Le Coz}}, "contre-révolutionnaire et fanatique au dernier période, ce malheureux attise dans toute la ci-devant Bretagne le feu du fanatisme", et il s'emploie à la déportation des prêtres déguisés en paysans, annonçant :" ''Je me propose de faire bientôt des cargaisons de prêtres insermentés amoncelés dans les prisons et d'en donner la conduite à un marin de Saint-Servan connu pour son patriotisme''". Il enjoint au district de rassembler à Rennes tous ces prêtres réfractaires, en fait des sexagénaires ou des infirmes (les valides ont déjà été déportés). Il fait appeler un officier de marine de Saint-Malo qui lui fit observer qu'il lui était impossible de sortir de la rade de Saint-Malo sans s'exposer à une capture par les bâtiments anglais. Aussi fait-il conduire, le 8 septembre, Le Coz et ces êtres "malfaisants" au Mont-Saint-Michel mais n'abandonne pas l'intention de mettre son projet à exécution. On peut penser que l'histoire a failli enregistrer les noyades de Saint-Malo avant celles de Nantes !


Le Conseil général du département avait nommé , en 1790, Nicolas
Le Conseil général du département avait nommé , en 1790, Nicolas
Collet comme économe-gardien de l'hôpital Saint-Yves ; ce prêtre qui avait
Collet comme économe-gardien de l'[[hôpital Saint-Yves]] ; ce prêtre qui avait
prêté le serment constitutionnel  quitta
prêté le serment constitutionnel  quitta
bientôt ses fonctions pour devenir vicaire épiscopal mais, ayant défroqué en 1793, il sollicita des conventionnels
bientôt ses fonctions pour devenir vicaire épiscopal mais, ayant défroqué en 1793, il sollicita des conventionnels
Carrier et Pocholle,  sa réintégration comme économe
Carrier et {{w|Pierre-Pomponne-Amédée Pocholle}},  sa réintégration comme économe
de Saint-Yves, ce qu'il obtint.  Carrier maria Nicolas Collet... dont la femme
de Saint-Yves, ce qu'il obtint.  Carrier maria Nicolas Collet... dont la femme
devint la supérieure des citoyennes servant à 1'« Hôpital de la Fraternité ». <ref>''Histoire des hôpitaux de Rennes'', professeur J-C. Sournia. BIU Santé</ref>  
devint la supérieure des citoyennes servant à 1'« Hôpital de la Fraternité ». <ref>''Histoire des hôpitaux de Rennes'', professeur J-C. Sournia. BIU Santé</ref>  
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Carrier a quitté Rennes le 5 ou 6 octobre pour Nantes. Dans la première lettre qu'il écrivit de Nantes il assure : ''"Nous avons eu à Rennes nos collègues Jeanbon Saint-André et Prieur de la Marne qui ont été contents de l'énergie républicaine qui se développe à Rennes.... Le mouvement heureux et rapide que nous y avons imprimé se propage dans toute la Bretagne."'' d'où il fait rapport à la Convention de son action à Rennes. Après avoir dit avoir trouvé le peuple de Rennes très patriote, il vante la société populaire mais indique que " Le fédéralisme apparut dans toute sa nudité, les autorités constituées furent renouvelées, le peuple applaudit à mon courage(...) Les administrations fédéralistes avaient pris cent mille livres dans les caisses publiques, je les forçai de se soumettre à les reverser dans les caisses de la nation.(...) Je reçus une nouvelle mission qui m'appelait à Nantes. Je quittai aussitôt Rennes, laissant après moi les regrets les plus honorables. J'emportai la douce jouissance d'avoir mis cette commune à toute la hauteur de la Révolution.(...) Nous avons destitué tout ce qu'il y avait à Rennes royalistes, feuillants, aristocrates, fédéralistes et modérés en place. Nous avons confié les places à des patriotes éprouvés.
Carrier a quitté Rennes le 5 ou 6 octobre pour Nantes. Dans la première lettre qu'il écrivit de Nantes il assure : ''"Nous avons eu à Rennes nos collègues Jeanbon Saint-André et Prieur de la Marne qui ont été contents de l'énergie républicaine qui se développe à Rennes.... Le mouvement heureux et rapide que nous y avons imprimé se propage dans toute la Bretagne."'' d'où il fait rapport à la Convention de son action à Rennes. Après avoir dit avoir trouvé le peuple de Rennes très patriote, il vante la société populaire mais indique que " Le fédéralisme apparut dans toute sa nudité, les autorités constituées furent renouvelées, le peuple applaudit à mon courage(...) Les administrations fédéralistes avaient pris cent mille livres dans les caisses publiques, je les forçai de se soumettre à les reverser dans les caisses de la nation.(...) Je reçus une nouvelle mission qui m'appelait à Nantes. Je quittai aussitôt Rennes, laissant après moi les regrets les plus honorables. J'emportai la douce jouissance d'avoir mis cette commune à toute la hauteur de la Révolution.(...) Nous avons destitué tout ce qu'il y avait à Rennes royalistes, feuillants, aristocrates, fédéralistes et modérés en place. Nous avons confié les places à des patriotes éprouvés.


Tel ne fut pas l'avis de son successeur, Esnue-Lavallée, qui, trouvant Pocholle, resté seul, trop libéral car il avait remis beaucoup de gens en liberté, écrivit le 1er janvier 1794 : "''L'esprit public à Rennes est à la glace, les patriotes et surtout les républicains y sont en petit nombre... Rennes que j'avais élevée à toute la hauteur de la Révolution est dans un état de modérantisme le plus déplorable''"  Trois membres du comité de surveillance envoyèrent une adresse à la Convention dénonçant le retour du fédéralisme, du fanatisme et de l'égoïsme de leurs concitoyens indifférents. " ''Voilà les ennemis que Carrier a eu à combattre, il les a frappés de sa massue populaire... Les fédéralistes se cachèrent, les royalistes singèrent le patriotisme, tous ces êtres malfaisants devinrent tout à coup républicains... Tout trembla devant Carrier qui fit incarcérer les coupables et vengea les sans-culottes des outrages qui leur avaient été faits''". Et ils déplorent, qu'après le départ de Carrier, tous ces ennemis relevèrent la tête (... du moins ceux qui ne l'avaient pas perdue !). De Nantes, il garda un œil sur Rennes et tenta d'y garder la main, en ordonnant, le 12 décembre, la consignation chez lui de Blin le jeune (il n'avait pas digéré son reproche d'aller par la ville avec bas de soie et escarpins, alors qu'on prenait leurs chaussures à des citoyens pour en munir des soldats)<ref> ''Rennes moderne'' par A. Marteville, t.3 </ref>. Il ordonna aussi la réincarcération de vingt-sept citoyens qu'il considérait fédéralistes ou contre-révolutionnaires, par le nouveau comité de surveillance qu'il avait composé d'anciens membres des comités précédents, ce qui fut fait, mais Carrier avait oublié qu'il y avait à Rennes un autre représentant du peuple, Esnue-Lavallée, qui manifesta son autorité en ne les expédiant pas à Nantes, où l'on imagine le sort que Carrier leur réservait.
Tel ne fut pas l'avis de son successeur, Esnue-Lavallée, qui, trouvant Pocholle resté seul, trop libéral car il avait remis beaucoup de gens en liberté, écrivit le 1er janvier 1794 : "''L'esprit public à Rennes est à la glace, les patriotes et surtout les républicains y sont en petit nombre... Rennes que j'avais élevée à toute la hauteur de la Révolution est dans un état de modérantisme le plus déplorable''"  Trois membres du comité de surveillance envoyèrent une adresse à la Convention dénonçant le retour du fédéralisme, du fanatisme et de l'égoïsme de leurs concitoyens indifférents. " ''Voilà les ennemis que Carrier a eu à combattre, il les a frappés de sa massue populaire... Les fédéralistes se cachèrent, les royalistes singèrent le patriotisme, tous ces êtres malfaisants devinrent tout à coup républicains... Tout trembla devant Carrier qui fit incarcérer les coupables et vengea les sans-culottes des outrages qui leur avaient été faits''". Et ils déplorent, qu'après le départ de Carrier, tous ces ennemis relevèrent la tête (... du moins ceux qui ne l'avaient pas perdue !). De Nantes, il garda un œil sur Rennes et tenta d'y garder la main, en ordonnant, le 12 décembre, la consignation chez lui de Blin le jeune (il n'avait pas digéré son reproche d'aller par la ville avec bas de soie et escarpins, alors qu'on prenait leurs chaussures à des citoyens pour en munir des soldats)<ref> ''Rennes moderne'' par A. Marteville, t.3 </ref>. Il ordonna aussi la réincarcération de vingt-sept citoyens qu'il considérait fédéralistes ou contre-révolutionnaires, par le nouveau comité de surveillance qu'il avait composé d'anciens membres des comités précédents, ce qui fut fait, mais Carrier avait oublié qu'il y avait à Rennes un autre représentant du peuple, Esnue-Lavallée, qui manifesta son autorité en ne les expédiant pas à Nantes, où l'on imagine le sort que Carrier leur réservait.


Après ses exploits à Nantes, Carrier se heurta à [[Jean François Boursault]] ( '''*''' ) et monta sur l'échafaud à Paris, le 16 décembre 1794, suivant de peu dans la mort ses nombreuses victimes<ref> ''Terreur et terroristes à Rennes. 1792-1795'' par B.-A. Pocquet du Haut-Jussé. Joseph Floch, éditeur. Mayenne, 1974</ref>. <ref>{{w|Jean-Baptiste Carrier}}</ref>
Après ses exploits à Nantes, Carrier se heurta à [[Jean François Boursault]] ( '''*''' ) et monta sur l'échafaud à Paris, le 16 décembre 1794, suivant de peu dans la mort ses nombreuses victimes<ref> ''Terreur et terroristes à Rennes. 1792-1795'' par B.-A. Pocquet du Haut-Jussé. Joseph Floch, éditeur. Mayenne, 1974</ref>. <ref>{{w|Jean-Baptiste Carrier}}</ref>
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