« À Rennes, rien à voir sauf un phoque » : différence entre les versions

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Pourquoi Flaubert s'est-il entiché d'un phoque de foire, pataugeant dans un fourgon stationné à Rennes ?  Ce 17 juillet 1847, la rencontre du jeune écrivain zoophile  avec cet animal, qui sera prolongée jusqu'au mimétisme, va devenir la page finale de ''Par les champs et par les grèves'', récit de voyage que Gustave, âgé de 25 ans, a écrit avec son ami Maxime Du Camp, au retour d'un périple de trois mois à travers la Bretagne.
Pourquoi Flaubert s'est-il entiché d'un phoque de foire, pataugeant dans un fourgon stationné à Rennes ?  Ce 17 juillet 1847, la rencontre du jeune écrivain zoophile  avec cet animal, qui sera prolongée jusqu'au mimétisme, va devenir la page finale de ''Par les champs et par les grèves'', récit de voyage que Gustave, âgé de 25 ans, a écrit avec son ami Maxime Du Camp, au retour d'un périple de trois mois à travers la Bretagne.
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S’intéressant peu aux villes de son périple breton, Flaubert ignora complètement Rennes où il séjourne brièvement, descendu à ''La Corne de Cerf'', rue Louis-Philippe, actuelle [[rue Victor Hugo]]<ref>[[Un ancien hôtel rennais, la Corne de Cerf]]</ref>. À cette époque, le phoque entrait dans la littérature, se glissant dans les œuvres d'Eugène Sue, Nerval, Michelet et Vallès, tous fascinés par l'amphibie. Comme Flaubert ils auraient pu arpenter les chemins de Bretagne en quête de spectacles forains. L'attention de Flaubert se focalisa sur un phoque en exhibition présenté aux Rennais par un saltimbanque sur le [[Champ de Mars]] :
S’intéressant peu aux villes de son périple breton, Flaubert ignora complètement Rennes où il séjourne brièvement, descendu à ''La Corne de Cerf'', rue Louis-Philippe, actuelle [[rue Victor Hugo]]<ref>[[Un ancien hôtel rennais, la Corne de Cerf]]</ref>. À cette époque, le phoque entrait dans la littérature, se glissant dans les œuvres d'Eugène Sue, Nerval, Michelet et Vallès, tous fascinés par l'amphibie. Comme Flaubert ils auraient pu arpenter les chemins de Bretagne en quête de spectacles forains. L'attention de Flaubert se focalisa sur un phoque en exhibition présenté aux Rennais par un saltimbanque sur le [[Champ de Mars]] :
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Version actuelle datée du 10 novembre 2023 à 21:15

Affiche phoque.png

Pourquoi Flaubert s'est-il entiché d'un phoque de foire, pataugeant dans un fourgon stationné à Rennes ? Ce 17 juillet 1847, la rencontre du jeune écrivain zoophile avec cet animal, qui sera prolongée jusqu'au mimétisme, va devenir la page finale de Par les champs et par les grèves, récit de voyage que Gustave, âgé de 25 ans, a écrit avec son ami Maxime Du Camp, au retour d'un périple de trois mois à travers la Bretagne.

Manuscrit initial de Flaubert en 1847.

S’intéressant peu aux villes de son périple breton, Flaubert ignora complètement Rennes où il séjourne brièvement, descendu à La Corne de Cerf, rue Louis-Philippe, actuelle rue Victor Hugo[1]. À cette époque, le phoque entrait dans la littérature, se glissant dans les œuvres d'Eugène Sue, Nerval, Michelet et Vallès, tous fascinés par l'amphibie. Comme Flaubert ils auraient pu arpenter les chemins de Bretagne en quête de spectacles forains. L'attention de Flaubert se focalisa sur un phoque en exhibition présenté aux Rennais par un saltimbanque sur le Champ de Mars :

Le phoque de Flaubert.png

« La lumière de l'intérieur passant à travers, empourprait les têtes de la foule qui se tenait alentour ; sur le seuil de la voiture, une femme encore jeune, maigre, salement mise, et le front rétréci par des tresses noires relevées sur les oreilles, tenant une baguette à la main et, glapissant dans son accent provençal, racontait l'horrible combat qui avait eu lieu sur les côtes de Barbarie entre un marin intrépide et un phoque furieux : on était, cependant parvenu à s'emparer du phoque, on l'avait dompté, éduqué ; il était là, on pouvait le voir. Nous entrâmes et prîmes rang autour d'un grand baquet oblong dont le dedans peint en gris était relevé par des bandes grenat simulant une tenture. Au-dessus du baquet, un quinquet muni d'un abat-jour en tôle renvoyait sa lumière sur l'eau jaunâtre dans laquelle quelque chose de noir et de long gisait sans bouger. La femme s'en est approchée, l'a frappé d'un petit coup de baguette ; il a sorti sa tête humide, ses narines ressemblant à deux coupures symétriques se dilataient et se contractaient avec bruit, et il vous regardait tristement de ses deux gros jeux noirs ; il a voulu faire un mouvement, mais sa queue s'est heurtée contre les planches ; il s'est tourné sur le dos et nous a montré son ventre blanc, gras encore des viscosités de la mer ; il s'est levé tout droit, a appuyé ses nageoires sur le bord de la cuve, a donné un coup de son museau contre la joue de sa maîtresse, puis il est retombé au fond, en poussant un grand soufflement. Il n'a plus ces bons flots où il vivait à son aise ni les larges grèves où il s'étendait au soleil sur les goémons verts ! Comme il avait bien travaillé, on l'a gratifié de deux ou trois anguilles qu'il avalait lentement en les mangeant par le milieu, et les deux bouts lui sortant de la bouche faisaient de chaque côté de son museau comme deux longues moustaches blanches. Un orgue de Barbarie qui était dans un coin s'est mis aussitôt à tourner une polka, le quinquet filait, sur l'escalier la femme appelait la foule, la représentation était terminée. Voilà ce que nous vîmes à Rennes. Quand le phoque n'y sera plus, qu'y aura-t-il à y voir ? »

L'expression interronégative de Flaubert sur Rennes, carrément négative sur le manuscrit initial, est d’une tonalité péjorative proche de celles des écrivains de la première partie du 19e siècle, tels Paul Féval – pourtant rennais - Prosper Mérimée et Stendhal. Et ces opinions et présentations pour le moins peu engageantes de la ville, dépeignant Rennes comme ville triste, morne, froide, amorphe, vont déteindre sur tous les guides aux mains des touristes du 19e siècle, leurs rédacteurs dénigrant la ville, ses rues, ses monuments, ses habitants, parfois se recopiant[2].



références

  1. Un ancien hôtel rennais, la Corne de Cerf
  2. Rennes dans les guides de voyages du XIXè siècle, par Étienne Maignen, Bulletin et Mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine, t. CXII - 2008