« Souvenirs du parc du Thabor » : différence entre les versions

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La maman, avec landau ou poussette, montait donc la [[rue Gambetta]] et le [[contour de la Motte]], au square dédaigné, un enfant tenant d'une main la poignée chargée du sac du "quatre-heure" et, éventuellement d'un sac de tricot, les autres trottant à ses côtés, souvent devant, pressés d'arriver. A la grille de la [[place Saint-Melaine]], se tenait un étrange personnage derrière son chariot de friandises : vêtu d'une ample robe, portant des lunettes noires et une toque circulaire à pans de couleurs variées, il proposait bonbons, sucettes et sucres d'orge. Par la suite on trouva là un chariot des glaces Lopez.
La maman, avec landau ou poussette, montait donc la [[rue Gambetta]] et le [[contour de la Motte]], au square dédaigné, un enfant tenant d'une main la poignée chargée du sac du "quatre-heure" et, éventuellement d'un sac de tricot, les autres trottant à ses côtés, souvent devant, pressés d'arriver. A la grille de la [[place Saint-Melaine]], se tenait un étrange personnage derrière son chariot de friandises : vêtu d'une ample robe, portant des lunettes noires et une toque circulaire à pans de couleurs variées, il proposait bonbons, sucettes et sucres d'orge. Par la suite on trouva là un chariot des glaces Lopez.
Une fois passée la grande grille, les souliers crissaient sur les graviers de l'allée : nous n'étions plus en ville : à droite le grand carré Duguesclin avec sa statue et la colonne Vanneau, un peu plus haut l'Enfer, dont le fond plat permettait de jouer au ballon, puis près du manège des chevaux de bois, le petit bassin  sur lequel des garçonnets faisaient naviguer leur petit voilier, voire un bateau à moteur, et le kiosque. Parmi les nombreuses mères de famille et les personnes âgées il s'agissait alors de trouver au moins un siège : place libre d'un banc ou une de ces  chaises en fer, dont il fallait acquitter le droit d'usage à la chaisière qui parcourait les allées inlassablement. On retrouvait fréquemment des "petits amis", occasion pour jouer à cache-cache ou aux gendarmes et aux voleurs, hors de vue des mamans, dans le secteur chahuté  et propice aux cachettes de la grotte, de la cascade, avec les escaliers, de l'île avec son ponceau. Mais pas question de couper par les pelouses : des gardes à képi, l'un manchot, tel autre unijambiste, étaient prompts à user du sifflet ou à brandir leur canne pour rappeler à l'ordre les contrevenants. Pour les petits le manège et les biches dans leur enclos, la volière ! Entre les grands dômes miroitants des serres, et le grand cèdre du Liban, ('''*''' ''voir note'' ) les bustes ou statues, près des bassins, nous retrouvions la maman pour le goûter : tartine de confiture et grenadine, boisson rose et un peu sirupeuse, extraite d'une bouteille thermos dont le bouchon faisait tasse.
Une fois passée la grande grille, les souliers crissaient sur les graviers de l'allée : nous n'étions plus en ville : à droite le grand carré Duguesclin avec sa statue et la colonne Vanneau, un peu plus haut l'Enfer, dont le fond plat permettait de jouer au ballon, puis près du manège des chevaux de bois, le petit bassin  sur lequel des garçonnets faisaient naviguer leur petit voilier, voire un bateau à moteur, et le kiosque. Parmi les nombreuses mères de famille et les personnes âgées il s'agissait alors de trouver au moins un siège : place libre d'un banc ou une de ces  chaises en fer, dont il fallait acquitter le droit d'usage à la chaisière qui parcourait les allées inlassablement. On retrouvait fréquemment des "petits amis", occasion pour jouer à cache-cache ou aux gendarmes et aux voleurs, hors de vue des mamans, dans le secteur chahuté  et propice aux cachettes de la grotte, de la cascade, avec les escaliers, de l'île avec son ponceau. Mais pas question de couper par les pelouses : des gardes à képi, l'un manchot, tel autre unijambiste, étaient prompts à user du sifflet ou à brandir leur canne pour rappeler à l'ordre les contrevenants. Pour les petits le manège et les biches dans leur enclos, la volière ! Entre les grands dômes miroitants des serres, et le grand cèdre du Liban, ('''*''' ''voir note'' ) les bustes ou statues, près des bassins, nous retrouvions la maman pour le goûter : tartine de confiture et grenadine, boisson rose et un peu sirupeuse, extraite d'une bouteille thermos dont le bouchon faisait tasse.
[[Fichier:Thabor_cedre_du_liban.jpeg|300px|right|thumb| Le grand cèdre du Liban vers 1895. photo Etienne Maignen]]


L'heure venait de redescendre vers la maison.  Un peu las, nous laissions derrière nous les paons à l'allure si compassée quand ils daignaient faire leur roue multicolore pleine de yeux, les jets d'eau et les poissons rouges,les chaudes plate-bandes de millepertuis. On retrouvait le carré Duguesclin en ignorant les jeunes soldats boches convalescents qui, torses nus sur un toit terrasse du lycée de filles, hélaient parfois une jeune Rennaise.
L'heure venait de redescendre vers la maison.  Un peu las, nous laissions derrière nous les paons à l'allure si compassée quand ils daignaient faire leur roue multicolore pleine de yeux, les jets d'eau et les poissons rouges,les chaudes plate-bandes de millepertuis. On retrouvait le carré Duguesclin en ignorant les jeunes soldats boches convalescents qui, torses nus sur un toit terrasse du lycée de filles, hélaient parfois une jeune Rennaise.

Version du 7 juillet 2012 à 13:57

La "grande grille" du parc du Thabor


« Au début des années quarante et même un peu avant remontent mes souvenirs du Thabor. Ce parc, pour une famille habitant dans le centre, était le lieu de promenade et de jeux le plus apprécié : le jardin Saint-Georges était trop près et sans mystère, presqu'entièrement offert aux yeux et sans recoins, quant au parc de Maurepas, aux lisières de la ville, ses balançoires, ses tourniquets et son anneau de patinage à roulettes ne pouvaient compenser son éloignement. Pour les Rennais voisins, toute excursion hors la ville étant impossible, le jeudi après-midi ou le dimanche, le Thabor était un lieu de convergeance pour la promenade et la détente et pour que les enfants prennent l'air et le bon.

La maman, avec landau ou poussette, montait donc la rue Gambetta et le contour de la Motte, au square dédaigné, un enfant tenant d'une main la poignée chargée du sac du "quatre-heure" et, éventuellement d'un sac de tricot, les autres trottant à ses côtés, souvent devant, pressés d'arriver. A la grille de la place Saint-Melaine, se tenait un étrange personnage derrière son chariot de friandises : vêtu d'une ample robe, portant des lunettes noires et une toque circulaire à pans de couleurs variées, il proposait bonbons, sucettes et sucres d'orge. Par la suite on trouva là un chariot des glaces Lopez. Une fois passée la grande grille, les souliers crissaient sur les graviers de l'allée : nous n'étions plus en ville : à droite le grand carré Duguesclin avec sa statue et la colonne Vanneau, un peu plus haut l'Enfer, dont le fond plat permettait de jouer au ballon, puis près du manège des chevaux de bois, le petit bassin sur lequel des garçonnets faisaient naviguer leur petit voilier, voire un bateau à moteur, et le kiosque. Parmi les nombreuses mères de famille et les personnes âgées il s'agissait alors de trouver au moins un siège : place libre d'un banc ou une de ces chaises en fer, dont il fallait acquitter le droit d'usage à la chaisière qui parcourait les allées inlassablement. On retrouvait fréquemment des "petits amis", occasion pour jouer à cache-cache ou aux gendarmes et aux voleurs, hors de vue des mamans, dans le secteur chahuté et propice aux cachettes de la grotte, de la cascade, avec les escaliers, de l'île avec son ponceau. Mais pas question de couper par les pelouses : des gardes à képi, l'un manchot, tel autre unijambiste, étaient prompts à user du sifflet ou à brandir leur canne pour rappeler à l'ordre les contrevenants. Pour les petits le manège et les biches dans leur enclos, la volière ! Entre les grands dômes miroitants des serres, et le grand cèdre du Liban, (* voir note ) les bustes ou statues, près des bassins, nous retrouvions la maman pour le goûter : tartine de confiture et grenadine, boisson rose et un peu sirupeuse, extraite d'une bouteille thermos dont le bouchon faisait tasse.

Le grand cèdre du Liban vers 1895. photo Etienne Maignen

L'heure venait de redescendre vers la maison. Un peu las, nous laissions derrière nous les paons à l'allure si compassée quand ils daignaient faire leur roue multicolore pleine de yeux, les jets d'eau et les poissons rouges,les chaudes plate-bandes de millepertuis. On retrouvait le carré Duguesclin en ignorant les jeunes soldats boches convalescents qui, torses nus sur un toit terrasse du lycée de filles, hélaient parfois une jeune Rennaise.

On redescendait le Contour de la Motte et la rue Gambetta et, de retour, on disait à papa qu'on s'était bien amusés. »

Stephanus • Recueilli par Stephanus • 5 avril 2011licence

* note : Le majestueux cèdre du Liban fut, jusqu'à une tempête du 12 mars 1967, l'arbre emblématique du Thabor et venait d'un des six plants achetés par le botaniste médecin Jean Degland en 1830) voir ruelle Degland

voir Rennes d'histoire et de souvenirs quatrain 45