« Carrier à Rennes » : différence entre les versions

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[[Catégorie:Révolution française]]
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Jean-Baptiste Carrier, 37 ans, représentant de la Convention en mission, arrive à Rennes le 1er septembre 1793, après avoir passé huit jours à Saint-Malo où il a préparé le terrain pour le terrible  Jean-Baptiste Le Carpentier qui y prendra son poste le 15 décembre. <ref> ''La Terreur à Port-Malo'', par Etienne Maignen. Bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine,t. CVIII, 2004.</ref> Carrier se présente à Rennes  "investi de la mission de faire arrêter les ex-députés fugitifs et de rétablir l'harmonie civique dans les départements de la ci-devant Bretagne..." dit-il. Il il demande à Saint-Malo neuf compagnies de soldats qui n'arrivent que le 8 septembre. Pour son séjour, qui sera court (un mois et une semaine), selon la régle établie par la Convention, il est descendu, accompagné de son secrétaire Poupinet (!) ex-ecclésiastique, à l'ancien hôtel de Montluc, bien national, baptisé hôtel de la Montagne ainsi que la rue où il se trouve, [[rue Saint-Georges]] (actuellement presbytère au n° 15).
Jean-Baptiste Carrier, 37 ans, représentant de la Convention en mission, arrive à Rennes le 1er septembre 1793, après avoir passé huit jours à Saint-Malo où il a préparé le terrain pour le terrible  Jean-Baptiste Le Carpentier qui y prendra son poste le 15 décembre. <ref> ''La Terreur à Port-Malo'', par Etienne Maignen. Bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine,t. CVIII, 2004.</ref> Carrier se présente à Rennes  "investi de la mission de faire arrêter les ex-députés fugitifs et de rétablir l'harmonie civique dans les départements de la ci-devant Bretagne..." dit-il. Il demande à Saint-Malo neuf compagnies de soldats qui n'arrivent que le 8 septembre. Pour son séjour, qui sera court (un mois et une semaine), selon la régle établie par la Convention, il est descendu, accompagné de son secrétaire Poupinet (!) ex-ecclésiastique, à l'ancien hôtel de Montluc, bien national, baptisé hôtel de la Montagne ainsi que la rue où il se trouve, [[rue Saint-Georges]] (actuellement presbytère au n° 15).


==Une mission bien préparée==
==Une mission bien préparée==
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==Un Carrier populaire==
==Un Carrier populaire==


Feignant d'ignorer les autorités constituées, Carrier se présente d'abord aux sections et à la société populaire naguère dissoute par les Girondins. Unanimement applaudi, il fut reconduit chez lui par une foule chantante et, le lendemain, il fit l'apologie des Montagnards. Le dimanche 8 septembre se déroule sur le champ de Mars une revue de la garnison et de la garde nationale et  il s'en prend publiquement à une compagnie des canonniers de la garde qu'il estimait avoir été en contre-révolution ouverte et il les fera d'ailleurs passer tous à l'armée du nord. La cérémonie se termine par la plantation d'un arbre de la liberté sur la place de l'Egalité [[ place du Parlement de Bretagne]] et on jette dans un bûcher un portrait de Louis XVI et divers attributs du "despotisme". On danse jusqu'à l'aurore et des citoyennes ornées de guirlandes et de feuilles de chêne lui offrent une couronne civique et l'une d'elles chante un couplet à la gloire de la Montagne. Le lendemain, il présente son collègue [[Pocholle]] à la société populaire. Le 30 septembre, encourageant le mariage des ministres du culte, il est témoin avec Pocholle au mariage d'un prêtre, suivi d'une fête populaire avec banquet.
Feignant d'ignorer les autorités constituées, Carrier se présente d'abord aux sections et à la société populaire naguère dissoute par les Girondins. Unanimement applaudi, il fut reconduit chez lui par une foule chantante et, le lendemain, il fit l'apologie des Montagnards. Il ne va vraiment agir qu'après l'arrivée des troupes de Saint-Malo. Le dimanche 8 septembre se déroule sur le champ de Mars une revue de la garnison et de la garde nationale et  il s'en prend publiquement à une compagnie des canonniers de la garde qu'il estimait avoir été en contre-révolution ouverte et il les fera d'ailleurs passer tous à l'armée du nord. La cérémonie se termine par la plantation d'un arbre de la liberté sur la place de l'Egalité [[ place du Parlement de Bretagne]] et on jette dans un bûcher un portrait de Louis XVI et divers attributs du "despotisme". On danse jusqu'à l'aurore, des citoyennes ornées de guirlandes et de feuilles de chêne lui offrent une couronne civique et l'une d'elles chante un couplet à la gloire de la Montagne. Le lendemain, il présente son collègue [[Pocholle]] à la société populaire. Le 30 septembre, encourageant le mariage des ministres du culte, il est témoin avec Pocholle au mariage d'un prêtre, suivi d'une fête populaire avec banquet.


==Coups de balai au département, au district et à la municipalité==
==Coups de balai au département, au district et à la municipalité==


Utilisant les fiches de Rousseville, le proconsul va choisir ses hommes sans avoir à rendre compte. Le directoire du département et son conseil général, qui a beaucoup à se faire pardonner, sont entièrement renouvelés et ont perdu la plupart de leurs pouvoirs. Le district, qui avait pour principale mission l'administration et la vente des biens nationaux et la poursuite des émigrés et des prêtres, fut aussi renouvelé alors qu'il s'agissait d'un docile agent de transmission.
Utilisant les fiches de Rousseville, le proconsul va choisir ses hommes sans avoir à rendre compte. Le directoire du département et son conseil général, qui a beaucoup à se faire pardonner, sont entièrement renouvelés et ont perdu la plupart de leurs pouvoirs. Le district, qui avait pour principale mission l'administration et la vente des biens nationaux et la poursuite des émigrés et des prêtres, fut aussi renouvelé alors qu'il s'agissait d'un docile agent de transmission.


La municipalité tombe sous le joug du comité de surveillance et des sections. Du conseil général de la commnune Carrier ne conserve que quatre notables dont trois sont nommés officiers municipaux ( dont [[Jean Leperdit]])et font partie des quinze ( pour moitié commerçants et artisans) dont Elias est nommé maire, malgré son passé de Girondin. Trente notables leurs sont adjoints. L'installation de la nouvelle municipalité se fit solennellement le 20 septembre dans la grande salle de la maison commune où Carrier et Pocholle annoncèrent les noms choisis puis Elias fit sa profession de foi devant ses concitoyens "qu'un moment d'erreur a fait dévier du grand principe d'unité" et finit en s'adressant à Carrier : "''Et toi, doublement montagnard'', ( il est né près d'Aurillac) ''brave et pur Carrier, toi qui as ravivé le feu sacré du patriotisme des Rennais, reçois de tes amis le baiser fraternel, gage assuré de leur amour et de leur reconnaissance"''.
La municipalité tombe sous le joug du comité de surveillance et des sections. Du conseil général de la commnune Carrier ne conserve que quatre notables dont trois sont nommés officiers municipaux ( dont [[Jean Leperdit]])et font partie des quinze ( pour moitié commerçants et artisans) dont Elias est nommé maire, malgré son passé de Girondin. Trente notables leurs sont adjoints. L'installation de la nouvelle municipalité se fit solennellement le 20 septembre dans la grande salle de la maison commune où Carrier et Pocholle annoncèrent les noms choisis puis Elias fit sa profession de foi devant ses concitoyens "qu'un moment d'erreur a fait dévier du grand principe d'unité" et finit en s'adressant à Carrier : "''Et toi, doublement montagnard'', ( il est né près d'Aurillac) ''brave et pur Carrier, toi qui as ravivé le feu sacré du patriotisme des Rennais, reçois de tes amis le baiser fraternel, gage assuré de leur amour et de leur reconnaissance"''.
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== Le traitement des suspects et ennemis du peuple et... un projet de noyades==
== Le traitement des suspects et ennemis du peuple et... un projet de noyades==


Il destitue aussi des fonctionnaires comme le chef de bureau des ouvrages publics, le directeur du timbre, de l'enregistrement et des droits, l'enregistreur des actes, le directeur de l'hôpital militaire. En application de la loi des suspects du 17 septembre, la mission principale de la municipalité est de détecter les ennemis du régime, souvent objets de dénonciations, et d'aider à leur détention. Dès le 14 septembre, se méfiant de Blin jeune, directeur de la poste aux lettres, Carrier et Pocholle, pour favoriser les dénonciations, suppriment la surveillance des lettres adressées aux autorités et rendent responsable le directeur  de toute infraction à cette mesure. Les suspects sont nombreux, à commencer par les étrangers dont Carrier prend directement la surveillance par le biais du comité du même nom renouvelé lui aussi avec trente hommes à sa dévotion. On envoie les réputés dangereux au Mont-Saint-Michel, faute de place dans les prisons de la porte Saint-Michel, de la tour Lebat et du refuge de la Trinité, les suspectes étant détenues au refuge du [[Bon Pasteur]] où le comité refusera l'élargissement de deux soeurs et d'une belle-soeur de l'émigré [[Chateaubriand]]. Pendant son séjour, aux registres d'écrou des prisons sont enregistrés  vingt-quatre incarcérations. Dans une lettre au comité de Salut public du 27 septembre, il suggère de tranférer les coupables de fédéralisme hors de Rennes, car "''quelques patriotes commencent déjà à sentir une fausse humanité pour eux''", et nul doute qu'il mette en tête de ces patriotes l'officier public Leperdit désigné par la municipalité comme commissaire aux prisons.<ref>''Histoire de Rennes'', sous la direction de Jean Meyer, Privat éditeur. 1972</ref>
Il destitue aussi des fonctionnaires comme le chef de bureau des ouvrages publics, le directeur du timbre, de l'enregistrement et des droits, l'enregistreur des actes, le directeur de l'hôpital militaire. En application de la loi des suspects du 17 septembre, la mission principale de la municipalité est de détecter les ennemis du régime, souvent objets de dénonciations, et d'aider à leur détention. Dès le 14 septembre, se méfiant de Blin jeune, directeur de la poste aux lettres, ancien fédéraliste reconverti montagnard, Carrier et Pocholle, pour favoriser les dénonciations, suppriment la surveillance des lettres adressées aux autorités et rendent responsable le directeur  de toute infraction à cette mesure. Les suspects sont nombreux, à commencer par les étrangers dont Carrier prend directement la surveillance par le biais du comité du même nom renouvelé lui aussi avec trente hommes à sa dévotion. On envoie les réputés dangereux au Mont-Saint-Michel, faute de place dans les prisons de la porte Saint-Michel, de la tour Lebat et du refuge de la Trinité, les suspectes étant détenues au refuge du [[Bon Pasteur]] où le comité refusera l'élargissement de deux soeurs et d'une belle-soeur de l'émigré [[Chateaubriand]]. Pendant son séjour, aux registres d'écrou des prisons sont enregistrés  vingt-quatre incarcérations mais il déplore des évasions qui ont eu lieu bien facilement. Dans une lettre au comité de Salut public du 27 septembre, il suggère de tranférer les coupables de fédéralisme hors de Rennes, car "''quelques patriotes commencent déjà à sentir une fausse humanité pour eux''", et nul doute qu'il mette en tête de ces patriotes l'officier public Leperdit désigné par la municipalité comme commissaire aux prisons.<ref>''Histoire de Rennes'', sous la direction de Jean Meyer, Privat éditeur. 1972</ref>


Carrier en a particulièrement contre l'évêque constitutionnel [[Le Coz]], "contre-révolutionnaire et fanatique au dernier période, ce malheureux attise dans toute la ci-devant Bretagne le feu du fanatisme" et il s'emploie à la déportation des prêtres déguisés en paysans et annonce :" ''Je me propose de faire bientôt des cargaisons de prêtres insermentés amoncelés dans les prisons et d'en donner la conduite à un marin de Saint-Servan connu pour son patriotisme''". Il enjoint au district de rassembler à Rennes tous ces prêtres réfractaires, en fait des sexagénaires ou des infirmes ( les valides ont déjà été déportés). Il fait appeler un officier de marine de Saint-Malo qui lui fit observer qu'il lui était impossible de sortir de la rade de Saint-Malo sans s'exposer à une capture par les bâtiments anglais. Aussi fait-il conduire, le 8 septembre, Le Coz et ces êtres "malfaisants" au Mont-Saint-Michel mais n'abandonne pas l'intention de mettre son projet à exécution. On peut penser que l'histoire a failli enregistrer les noyades de Saint-Malo avant celles de Nantes !
Carrier en a particulièrement contre l'évêque constitutionnel [[Le Coz]], "contre-révolutionnaire et fanatique au dernier période, ce malheureux attise dans toute la ci-devant Bretagne le feu du fanatisme" et il s'emploie à la déportation des prêtres déguisés en paysans et annonce :" ''Je me propose de faire bientôt des cargaisons de prêtres insermentés amoncelés dans les prisons et d'en donner la conduite à un marin de Saint-Servan connu pour son patriotisme''". Il enjoint au district de rassembler à Rennes tous ces prêtres réfractaires, en fait des sexagénaires ou des infirmes ( les valides ont déjà été déportés). Il fait appeler un officier de marine de Saint-Malo qui lui fit observer qu'il lui était impossible de sortir de la rade de Saint-Malo sans s'exposer à une capture par les bâtiments anglais. Aussi fait-il conduire, le 8 septembre, Le Coz et ces êtres "malfaisants" au Mont-Saint-Michel mais n'abandonne pas l'intention de mettre son projet à exécution. On peut penser que l'histoire a failli enregistrer les noyades de Saint-Malo avant celles de Nantes !
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