« Napoléon III à Rennes » : différence entre les versions

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Arrivé à Brest le 9 août de Cherbourg à bord du vaisseau "Bretagne", le couple impérial se rendra à Quimper, Lorient, Sainte-Anne d'Auray le 15, Saint-Brieuc, Saint-Malo, et achèvera son tour de Bretagne à Rennes les 19 et 20 août, où est prévu le principal discours de l'empereur. Les Rennais doivent remonter à 1598 pour retrouver un événement similaire : [[Henri IV à Rennes]] !
Arrivé à Brest le 9 août de Cherbourg à bord du vaisseau "Bretagne", le couple impérial se rendra à Quimper, Lorient, Sainte-Anne d'Auray le 15, Saint-Brieuc, Saint-Malo, et achèvera son tour de Bretagne à Rennes les 19 et 20 août, où est prévu le principal discours de l'empereur. Les Rennais doivent remonter à 1598 pour retrouver un événement similaire : [[Henri IV à Rennes]] !


Les préfets ont préparé le voyage sous la surveillance du ministre de l'Intérieur et avec le concours des autorités militaires et religieuses. C'est ainsi que le nouveau préfet d'Ille-et-Vilaine, Paul Féart, choisi par l'empereur et nommé le 4 juin, en remplacement de Daniel Pastoureau, en prévision de ce voyage, a écrit aux maires les incitant à prendre la tête de leurs administrés "''qui désirent saluer de leurs acclamations l'élu du suffrage universel''" auxquels il aura facilité le voyage de Rennes, en organisant des transports économiques avec des crédits pris sur "fêtes publiques et dépenses imprévues". Il a aussi fait préparer "''des drapeaux portant, au-dessous de l'aigle impérial, le nom de la commune, qui doivent être le signe de ralliement pour le conseil municipal et les habitants''". Dans son rapport sur le mois de juillet adressé au ministre de l'intérieur, il fait un pronostic très favorable :"''Le voyage de Leurs Majestés Impériales en Bretagne est considéré comme un événement d'une telle importance qu'il est la seule préoccupation du moment[...] Les renseignements que je reçois de tous côtés me portent à penser que Leurs Majestés seront satisfaites de l'accueil''..."<ref> ''Mémoire sur les forces politiques en Ille-et-Vilaine de 1848 à 1870'', centre de droit de l'Université Rennes 1 - 2004</ref>. D'anciens militaires concourront à l'ordre. Les habitants des communes rurales formeront une haie d'honneur au passage du couple impérial sur la route de Saint-Malo à Rennes. Cent-cinquante "suspects" ont été listés et seront surveillés, dont [[Edgar Le Bastard]]. Quant à l'évêque, Mgr [[Godefroy Brossays Saint-Marc]], il n'est pas en reste, invitant les curés à orner leurs bourgs d'arcs de triomphe, à faire sonner les cloches et à assembler leurs ouailles autour des croix et bannières<ref> ''Le voyage de Napoléon III en Bretagne'', par Jacques Cressard, Bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine, t. XCVII, 1995</ref>.
Les préfets ont préparé le voyage sous la surveillance du ministre de l'Intérieur et avec le concours des autorités militaires et religieuses. C'est ainsi que le nouveau préfet d'Ille-et-Vilaine, Paul Féart, choisi par l'empereur et nommé le 4 juin, en remplacement de Daniel Pastoureau, en prévision de ce voyage, a écrit aux maires les incitant à prendre la tête de leurs administrés "''qui désirent saluer de leurs acclamations l'élu du suffrage universel''" auxquels il aura facilité le voyage de Rennes, en organisant des transports économiques avec des crédits pris sur "fêtes publiques et dépenses imprévues". Il a aussi fait préparer "''des drapeaux portant, au-dessous de l'aigle impérial, le nom de la commune, qui doivent être le signe de ralliement pour le conseil municipal et les habitants''". Dans son rapport sur le mois de juillet adressé au ministre de l'intérieur, il fait un pronostic très favorable :"''Le voyage de Leurs Majestés Impériales en Bretagne est considéré comme un événement d'une telle importance qu'il est la seule préoccupation du moment[...] Les renseignements que je reçois de tous côtés me portent à penser que Leurs Majestés seront satisfaites de l'accueil''..."<ref>''Mémoire sur les forces politiques en Ille-et-Vilaine de 1848 à 1870'', centre de droit de l'Université Rennes 1 - 2004</ref>. D'anciens militaires concourront à l'ordre. Les habitants des communes rurales formeront une haie d'honneur au passage du couple impérial sur la route de Saint-Malo à Rennes. Cent-cinquante "suspects" ont été listés et seront surveillés, dont [[Edgar Le Bastard]]. Quant à l'évêque, Mgr [[Godefroy Brossays Saint-Marc]], il n'est pas en reste, invitant les curés à orner leurs bourgs d'arcs de triomphe, à faire sonner les cloches et à assembler leurs ouailles autour des croix et bannières<ref>''Le voyage de Napoléon III en Bretagne'', par Jacques Cressard, Bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine, t. XCVII, 1995</ref>.


==L'accueil enthousiaste de Rennes==
==L'accueil enthousiaste de Rennes==


À 16 heures le 19 août, l'empereur Napoléon III et l'impératrice Eugénie abordent Rennes. Presque à l'entrée de la ville, un trophée a été élevé, constitué d'instruments d'agriculture par les soins du directeur de la ferme-école des Trois-Croix, et le couple imérial s'y arrête. Au lieu-dit ''le Rond-point'', route de Saint-Brieuc, sont réunies les autorités de la ville et le préfet y va de son discours, assurant "leurs majestés" que les populations d'Ille-et-Vilaine sont ici pour manifester leur dévouement à l'empereur, mais aussi les représentants de toute la Bretagne. Puis le maire, le comte  [[Ange de Léon des Ormeaux]], présente les clefs de la ville capitale à l'empereur et souligne qu'auront visité la cité "''Henri IV, de chère et glorieuse mémoire, et Napoléon III, bras puissant de la Providence qui retient l'Europe suspendue sur l'abîme révolutionnaire''". '''*'''
À 16 heures le 19 août, l'empereur Napoléon III et l'impératrice Eugénie abordent Rennes. Presque à l'entrée de la ville, un trophée a été élevé, constitué d'instruments d'agriculture par les soins du directeur de la ferme-école des Trois-Croix, et le couple imérial s'y arrête. Au lieu-dit ''le Rond-point'', route de Saint-Brieuc, sont réunies les autorités de la ville et le préfet y va de son discours, assurant "leurs majestés" que les populations d'Ille-et-Vilaine sont ici pour manifester leur dévouement à l'empereur, mais aussi les représentants de toute la Bretagne. Puis le maire, le comte  [[Ange de Léon des Ormeaux]], présente les clefs de la ville capitale à l'empereur et souligne qu'auront visité la cité "''Henri IV, de chère et glorieuse mémoire, et Napoléon III, bras puissant de la Providence qui retient l'Europe suspendue sur l'abîme révolutionnaire''". '''*'''
Après avoir parcouru [[le Mail]] bordé par la foule, le cortège où le couple est en calèche découverte, passe sous un arc de triomphe, à hauteur de la porte de l'école d'artillerie, et s'arrête à la cathédrale où l'évêque en mitre et crosse à la main, accueille les souverains en termes dithyrambiques et vante à Napoléon III qu'il qualifie de "soutien de la Papauté au 19e siècle", les "traditions de foi et de mœurs antiques" d'une population et d'un clergé tout dévoués; puis le couple entre dans la [[cathédrale Saint-Pierre]] où 1500 prêtres sont massés et entendent l'empereur dire à l'évêque :"''Si un archevêché de Rennes peut vous être agréable, je suis heureux de vous l'offrir''." L'influent Mgr Brossays Saint-Marc obtient ainsi la récompense qu'il avait exigée en échange de son appui politique et de sa dévotion à l'empire et retentissent sous les voûtes les cris de ''vive l'Empereur'' !
Après avoir parcouru [[Mail François Mitterrand|le Mail]] bordé par la foule, le cortège où le couple est en calèche découverte, passe sous un arc de triomphe, à hauteur de la porte de l'école d'artillerie, et s'arrête à la cathédrale où l'évêque en mitre et crosse à la main, accueille les souverains en termes dithyrambiques et vante à Napoléon III qu'il qualifie de "soutien de la Papauté au 19e siècle", les "traditions de foi et de mœurs antiques" d'une population et d'un clergé tout dévoués; puis le couple entre dans la [[cathédrale Saint-Pierre]] où 1500 prêtres sont massés et entendent l'empereur dire à l'évêque :"''Si un archevêché de Rennes peut vous être agréable, je suis heureux de vous l'offrir''." L'influent Mgr Brossays Saint-Marc obtient ainsi la récompense qu'il avait exigée en échange de son appui politique et de sa dévotion à l'empire et retentissent sous les voûtes les cris de ''vive l'Empereur'' !


A lieu ensuite une réception à la préfecture où des jeunes filles remettent des corbeilles de fleurs à l'impératrice et où s'adressent à l'empereur les présidents de la cour impériale, du tribunal civil et du tribunal de Montfort.  On a  par ailleurs redécoré une partie du palais du parlement avec des N et des abeilles qui ont remplacé la tapisserie bleu roi. Après le dîner le couple impérial est acclamé au balcon par la foule massée sur la Motte, des jeux et spectacles gratuits sont donnés au Thabor et un feu d'artifice est tiré au Champ de Mars.
A lieu ensuite une réception à la préfecture où des jeunes filles remettent des corbeilles de fleurs à l'impératrice et où s'adressent à l'empereur les présidents de la cour impériale, du tribunal civil et du tribunal de Montfort.  On a  par ailleurs redécoré une partie du palais du parlement avec des N et des abeilles qui ont remplacé la tapisserie bleu roi. Après le dîner le couple impérial est acclamé au balcon par la foule massée sur la Motte, des jeux et spectacles gratuits sont donnés au Thabor et un feu d'artifice est tiré au Champ de Mars.
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Puis sur le [[champ de Mars]], devant 70 000 spectateurs enthousiastes, l'empereur, à cheval à la tête d'un nombreux état-major, passe de nombreuses troupes en revue : 8e régiment d'artillerie monté, 2e bataillon de chasseurs à pied, un bataillon du 57e de ligne, des escadrons de hussards et de gendarmerie à cheval, des compagnies de sapeurs-pompiers, des médaillés de Sainte-Hélène, de Crimée et de la Baltique, les maires du département. L'empereur et l'impératrice Eugénie visitent ensuite l'hôpital Napoléon III (l'Hôtel-Dieu), <ref>[[rue de l'Hôtel Dieu]] </ref> l'arsenal, le polygone d'artillerie et un grand bal est donné le soir à l'hôtel de ville "dans cette soirée comparable aux plus belles résidences impériales".
Puis sur le [[champ de Mars]], devant 70 000 spectateurs enthousiastes, l'empereur, à cheval à la tête d'un nombreux état-major, passe de nombreuses troupes en revue : 8e régiment d'artillerie monté, 2e bataillon de chasseurs à pied, un bataillon du 57e de ligne, des escadrons de hussards et de gendarmerie à cheval, des compagnies de sapeurs-pompiers, des médaillés de Sainte-Hélène, de Crimée et de la Baltique, les maires du département. L'empereur et l'impératrice Eugénie visitent ensuite l'hôpital Napoléon III (l'Hôtel-Dieu), <ref>[[rue de l'Hôtel Dieu]] </ref> l'arsenal, le polygone d'artillerie et un grand bal est donné le soir à l'hôtel de ville "dans cette soirée comparable aux plus belles résidences impériales".


Le lendemain, 21 août, l'empereur ayant remis des décorations, entre autres au sculpteur Jean-Baptiste Barré, ('''*''')  et eu divers entretiens, le couple quitte la préfecture et emprunte le cours Napoléon III (actuelle [[avenue Janvier]]), "orné de mâts vénitiens, d'oriflammes, et d'inscriptions de tout espèce", avec un "affluence incalculable de peuple qui d'un bout à l'autre des deux voies latérales se pressait sans solution de continuité le long de la haie formée par les troupes", au bruit du canon, au son des cloches des huit églises et aux cris de la foule. Et sur le quai de la gare, les membres des corps constitués voient le train impérial se mettre en marche.<ref> ''Récit du voyage de l'Empereur et de l'Impératrice en Normandie et en Bretagne'' par J.M. Poulain-Corbion, Amyot, éditeur. 1858.</ref>
Le lendemain, 21 août, l'empereur ayant remis des décorations, entre autres au sculpteur Jean-Baptiste Barré, ('''*''')  et eu divers entretiens, le couple quitte la préfecture et emprunte le cours Napoléon III (actuelle [[avenue Janvier]]), "orné de mâts vénitiens, d'oriflammes, et d'inscriptions de tout espèce", avec un "affluence incalculable de peuple qui d'un bout à l'autre des deux voies latérales se pressait sans solution de continuité le long de la haie formée par les troupes", au bruit du canon, au son des cloches des huit églises et aux cris de la foule. Et sur le quai de la gare, les membres des corps constitués voient le train impérial se mettre en marche.<ref>''Récit du voyage de l'Empereur et de l'Impératrice en Normandie et en Bretagne'' par J.M. Poulain-Corbion, Amyot, éditeur. 1858.</ref>


Cette quasi unanimité rennaise en faveur de l'empire,  '''*'''  n'aura pas de prolongement et, dès septembre 1860, l'archevêque et le préfet Féart, qui captera les opinions ouvrières, s'opposeront durement dans la sphère politique rennaise. Aux élections législatives du Ier juin 1863, l'ancien maire, [[Ange Léon des Ormeaux]], candidat de l'archevêché, est nettement battu par le candidat bonapartiste officiel, le marquis de Piré qui obtient obtient 39,1% des voix contre 15,7%.
Cette quasi unanimité rennaise en faveur de l'empire,  '''*'''  n'aura pas de prolongement et, dès septembre 1860, l'archevêque et le préfet Féart, qui captera les opinions ouvrières, s'opposeront durement dans la sphère politique rennaise. Aux élections législatives du Ier juin 1863, l'ancien maire, [[Ange Léon des Ormeaux]], candidat de l'archevêché, est nettement battu par le candidat bonapartiste officiel, le marquis de Piré qui obtient obtient 39,1% des voix contre 15,7%.
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==Note==
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Certains opposants à l'empereur s'abstiennent. Ainsi Jean-Baptiste Lesbaupin, convié en qualité de bâtonnier de l'ordre des avocats, se fait représenter au banquet du 20 août par le secrétaire de l'ordre.<ref> ''Ecrits intimes ou la vie d'une famille rennaise au XIXe siècle'', par Louis Lesbaupin, bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine, t. CXV - 2011</ref>
Certains opposants à l'empereur s'abstiennent. Ainsi Jean-Baptiste Lesbaupin, convié en qualité de bâtonnier de l'ordre des avocats, se fait représenter au banquet du 20 août par le secrétaire de l'ordre.<ref>''Ecrits intimes ou la vie d'une famille rennaise au XIXe siècle'', par Louis Lesbaupin, bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine, t. CXV - 2011</ref>


==Références==
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<references/>
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==Liens internes==
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