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[[Fichier:Chateau_de_la_pr%C3%A9valaye.png|305px|left|thumb|Le château.(lithographie du 19e siècle)]]
[[Fichier:Beurre prevalaye henri.jpg|thumb|Carte postale éditée par J. sorel début 20e siècle. Coll. YRG. ''Cette carte est issue d'une série d'environ 80 cartes, contestée pour son côté stéréotype et caricatural''.]]
[[Fichier:Beurre prevalaye henri.jpg|thumb|Carte postale éditée par J. sorel début 20e siècle. Coll. YRG. ''Cette carte est issue d'une série d'environ 80 cartes, contestée pour son côté stéréotype et caricatural''.]]
[[Fichier:Chateau_de_la_pr%C3%A9valaye.png|305px|thumb|Le château.]]
Le '''beurre de la Prévalaye''' est une spécialité bretonne qui fut appréciée pendant trois siècles.
Le '''beurre de la Prévalaye''' est une spécialité bretonne qui fut appréciée pendant trois siècles.


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Le 14 février 1680, se référant au carême, à propos d'une réunion parisienne de nobles bretons, elle écrivit : « ''On eût mangé du beurre de Bretagne, s'il eût été jour maigre'' ».
Le 14 février 1680, se référant au carême, à propos d'une réunion parisienne de nobles bretons, elle écrivit : « ''On eût mangé du beurre de Bretagne, s'il eût été jour maigre'' ».
==Une industrie intéressant les états de Bretagne==
[[File:Lettre La Monneraye Bourgneuf.jpg|thumb|Exemple de lettre montrant des envois de beurre entre Rennes et Paris au 18e siècle. Archives départementales d'Ille-et-Vilaine. Cote 2E L 33.]]
Au 18e siècle, la Société d'agriculture de Bretagne et les états de Bretagne ne pouvaient manquer de chercher à optimiser la production d'un beurre si bien en cour. En [[1759]], est dressé un inventaire des plantes de une des meilleures [[Fleurs des prairies de la Prévalaye|prairies de la Prévalaye]].
A la fin du siècle, M. de Coniac, conseiller au parlement, apporte partie de ses vastes lumières en réponse à cet intérêt, celui-ci s'exprimant notamment pas l'interrogation suivante :
{{citation |texte=Le beure qui se fait aux environs de Rennes deviendroit un objet plus avantageux de l'agriculture, si l'on trouvoit les moyens de le conserver davantage, car il se graisse et perd son gout en peu de tems : ce qui n'arrive pas si promptement à beaucoup près au beure de Dixmude.<br />
La grande quantité de presens que l'on envoye de Rennes à Paris, en panniers ou pots de beure appellé de la Prévalais, ne procure pas de l'argent de la capitalle pour prix de cette denrée. Cependant cette consommation fait beaucoup de bien aux gens de la campagne des environs de Rennes. Mais independemment des presens, n'y-a-t-il point des envois en Anjou, ainsy que dans d'autres provinces voisines et même à Paris, qui font un objet de commerce assez considerable et ne pouroit-il pas s'augmenter dans les cantons voisins par la multiplication des vaches à l'aide des prairies artificielles ? Alors le prix de ce beure diminuant, la consommation en seroit plus étendue et les marchands en feroient faire de grosses mottes, plus aisées à conserver que le beure en petits panniers ou en pots, et le feroient transporter pour leur compte dans les villes principalles.
|auteur=M. de Coniac|origine=Cahier de 28 pages commençant par : Sur l'Agriculture.<br /> et en moitié gauche : Les terres des environs de Rennes sont-elles propres au froment ainsy que celles de tout le diocese ?<br />Question entre celles sur le chanvre, puis sur le cidre, page 14 (manuscrit).<br /> Fonds de Coniac : 13 J 65 - Archives d'Ille-et-Vilaine.|collecteur=|date=}}


==Une référence majeure au 19e siècle==  
==Une référence majeure au 19e siècle==  
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À Rennes, « on appelle ''moche de beurre'' un petit pain de beurre ordinairement de la Prévalais, du poids d'un quart de livre »<ref> ''Liste alphabétique de quelques mots en usage à Rennes'', par M.F.A. Le Mière de Corvey, chef de bataillon. Mémoire de la Société royale des Antiquaires de France. t.6 - 1824.</ref>.
À Rennes, « on appelle ''moche de beurre'' un petit pain de beurre ordinairement de la Prévalais, du poids d'un quart de livre »<ref> ''Liste alphabétique de quelques mots en usage à Rennes'', par M.F.A. Le Mière de Corvey, chef de bataillon. Mémoire de la Société royale des Antiquaires de France. t.6 - 1824.</ref>.
Durant la première moitié du 19e siècle, "''le beurre, [...] l'un des plus importants commerces de Rennes, manque de halle couverte, ce qui lui serait indispensable. Par le beau comme par le mauvais temps, par la pluie ou par le soleil, le beurre est vendu au marché forain qui se tient le samedi sur la [[place de la Trinité]]''"<ref>"Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne", par P. Ogée, revu par Marteville et Varin, Tome II, page 553, 1845</ref>.


===Les secrets d'une fabrication soignée===
===Les secrets d'une fabrication soignée===
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[[Fichier:Beurre_de_la_prevalaye.jpeg|200px|right|thumb|Le beurre de la Prévalaye, toujours apprécié au début du 20e siècle<ref> publicité dans le guide ''Rennes et ses environs'', d'Adolphe Orain. Bahon-Rault éd. - 1904</ref>]]
[[Fichier:Beurre_de_la_prevalaye.jpeg|200px|right|thumb|Le beurre de la Prévalaye, toujours apprécié au début du 20e siècle<ref> publicité dans le guide ''Rennes et ses environs'', d'Adolphe Orain. Bahon-Rault éd. - 1904</ref>]]


== Patrimoine culinaire de Rennes au 19e siécle ==
===par de vertueuses filles de ferme===
 
{{citation |texte=Cette espece de domestiques sont en général ceux qui rendent les plus grands services dans les fermes : une vie toujours active, qui ne fixe leur attention qu'à leurs devoirs qui se succèdent dans le cours de la journée, est un sur garant de leur moralité. On a guères à leur reprocher l'intempérance qui est un vice désolant parmi les valets et ouvriers des campagnes, et, pour peu qu'une ferme soit grande, si les enfans de la maison ne partagent pas une partie des occupations confiées à ces domestiques, deux filles dans une grosse ferme auroient peine à y suffire.<br />
L'arrondissement de Rennes exige sur la nature de ces services une attention particulière. Le '''beurre de la Prévalaye''' renommé pour sa finesse, dont les pâturages qui le donnent sont situés à une lieue de la ville, communique sa célebrité à une partie des pâturages environnants. En consequence, dans une partie des communes de cet arrondissement, les fermiers dirigent vers cette industrie rurale, autant qu'ils peuvent leurs spéculations. Outre les herbages de la ferme, outre la culture du trèfle, ils sèment dès l'automne du blé destiné à être coupé dès le commencement de mars en fourrages verts pour leurs vaches ; ce blé repousse, et se coupe jusqu'à trois fois jusqu'en avril qu'il donne encore quelques épis.<br />
Le soin de ces vaches suffit pour occuper une fille laborieuse : couper les herbes ; veiller sur ceux qui les conduisent aux pâtures ; étriller et frotter les vaches laittières pour que le lait ne prenne pas le gout des fumiers ; aviser aux tems de leur donner le taureau ; avoir l'oeil sur celles prêtes à vêler pour qu'il ne leur arrive point d'accident ; abreuver les veaux au moment où on les prive du lait de la mère, traire le troupeau trois fois par jour ; recueillir le lait dans des vases dont la grande propreté est nécessaire par la facilité qu'il a de prendre de mauvais gout que le beurre conserve ; baratter ouvrage d'autant plus pénible que dans l'été ; c'est une occupation de la nuit ; ensuitte porter à la ville aux trois marchés de la semaine ; souvent d'une lieue et demie de distance ; le beurre preparé ; le lait de toute espèce dont on tire proffit ; transport du poids de soixante livres au moins en y comprenant toutes les racines, herbages, lègumes et produits de jardinage ; fardeau qu'elle rend au marché en equilibre sur la tête dans des paniers plats fabriqués pour cet usage ; vendre avec la fidélité qui répond à la confiance accordée ; telles sont les fonctions, confiées à cette domestique intéressante, que la fermière occupée de ses enfants, ou enceinte, ne peut que rarement remplir par elle même.<br />
Aux environs de la ville, il y a telles de ces premières filles de basse cour qui gagnent 90 # et 100 # de gages outre l'habitation et la nourriture ; je ne crois que ces prix ayent beaucoup varié depuis [[1789]].<br />
Cette première fille de basse cour est encor chargée la pluspart du tems de préparer la nourriture de la famille et des ouvriers à journée lorsqu'ils sont nourris.
|auteur=M. de Coniac|origine=Début des ''articles 19 et 20 sur la premier fille de basse cour et la seconde fille de basse cour''...<br /> Extrait des ''Réponses aux differens articles du tableau de la Société impériale d'agriculture'', faites vers [[1805]] (manuscrit).<br /> Fonds de Coniac : 13 J 65 - Archives d'Ille-et-Vilaine|collecteur=|date=}}
 
 
Le même observateur complète ces indications dans l'article 58.
{{citation |texte=Huile à manger : <br />Nos communes de campagne ne connoissoit d'huile que celle destinée à entretenir la lampe de l'église. Encor y-a-t-il des églises qui, faute de revenus, ont supprimé cette dépense. Si le prix de l'huile à manger excede leurs facultés, il est vrai aussi de dire que le beurre sert aux mêmes usages que l'huile dans les ménages qui au deffaut de beurre desireroient s'en procurer.<br />
Beurre :<br /> Depuis que les transports de Paris sont devenus plus faciles, par le meilleur entretien des routes et par la suppressions de toutes les gênes intermédiaires, de douanes ou de péages particuliers, le prix du beurre s'est mis, dans nos marchés, en équilibre avec le prix de Paris, moins les frais d'emballage et de transports, et le bénéfice que le commerçant doit retirer de ces envois. Ainsi si le beurre à Paris est à vingt six sols la livre, en comprenant deux sols par livre pour les frais et deux sols par livre pour le bénéfice des spéculateurs, le beurre peut être enlevé pour Paris, dans nos marchés, au prix de vingt deux sols la livre.<br />
C'est donc à présent les prix de Paris qui sont le thermomètre du prix de ce comestible dans nos marchés ; en observant néan-moins que les beurres apportés dans nos marchés comme '''beurres de garde''' ne seroient pas payé si cher que les beurres qui se vendent aux halles de Paris en gros partis, parce qu'ils ne satisferoient pas autant le gout des parisiens, surtout ceux qu'on est en usage de fondre pour les raffiner. J'ai vu aux années [[1754]] le '''beure de provision''' se vendre quattre sols la livre : en 1789, on en trouvoit à dix sols la livre ; en 1804, il a monté à 20 s. et vingt deux sols la livre ; en 1805 il se vend [blanc]<br />
Il ne faut pas confondre le beurre connu sous le nom de '''beurre de la Prévalaye''' avec les autres beurres du pays : ce beurre, dans les saisons où il peut être transporté sans altérer sa fraicheur et sa finesse, vaut dix sols par livre [de] plus que le beurre commun.
|auteur=M. de Coniac|origine=Article 58. Fonds de Coniac : 13 J 65|collecteur=|date=}}
 
Question prix du beurre de provision : un parent demeurant au château du Clyo note dans son compte des dépenses qu'il a versé, le 15 septembre [[1790]], 95 livres 8 s. pour 212 livres de beurre, à 45 livres les cent livres (soit 9 sols la livre), et ensuite 3 livres pour deux billets de loterie.
 
Dans ce même dossier, se trouvent les doutes du même analyste sur le poids économique véritable, de ce qui est en partie des dons.
{{citation |texte=Les '''beures de Bretagne''' sont un objet d'un très grand commerce, mais la quantité qui s'envoie à Paris qui frappe les gens des villes qui font ces envois, n'est point celle qui merite le plus d'attention. Il seroit facile par les livres de messagerie de juger que ces envois ne sont pas aussi considerables qu'on le pense. Il ne sort peut-être pas pour 30000 # de beurre, en beures fins et delicats, pour être envoiés à Paris, en present ou autrement.|auteur=M. de Coniac|origine=Rôle 8 d'un cahier d'une douzaine de rôles commençant par :<br />Les terres des environs de Rennes et en general toutes les terres de Bretagne...<br />Fonds de Coniac : 13 J 65|collecteur=|date=}}
 
Ancien [[sénéchal de Rennes]], M. de Coniac, plus exactement, Pélage de Coniac (1732-1818), ne semble pas s'être renseigné auprès des sources les plus simples, alors qu'il est demi-frère de la femme (de Robien) du marquis de la '''Prévalaye'''.
 
== Patrimoine culinaire de Rennes au 19e siècle ==


Le beurre clôt la rubrique consacrée à Rennes [29680 h.] dans l'Encyclopédie du Commerçant, par Guillaumin, édition de 1841 : "C'est encore des contrées qui environnent Rennes que nous viennent les beurres de la Prévalaie, de Bréquigny et de [[Pacé]]. Celui de la Prévalaie est surtout recherché. On en fait de deux qualités : beurre fin, et beurre de provision ou de garde. C'est la première de ces qualités qui a fait la réputation du beurre de la Prévalaie, dont le commerce a pris un grand développement depuis un certain nombre d'années."
Le beurre clôt la rubrique consacrée à Rennes [29680 h.] dans l'Encyclopédie du Commerçant, par Guillaumin, édition de 1841 : "C'est encore des contrées qui environnent Rennes que nous viennent les beurres de la Prévalaie, de Bréquigny et de [[Pacé]]. Celui de la Prévalaie est surtout recherché. On en fait de deux qualités : beurre fin, et beurre de provision ou de garde. C'est la première de ces qualités qui a fait la réputation du beurre de la Prévalaie, dont le commerce a pris un grand développement depuis un certain nombre d'années."


En septembre 1849, lors des travaux du 16e congrès scientifique de France qui eut lieu à Rennes, une longue discussion prit place pour savoir si le goût particulier et l'excellence du beurre de la Prévalaye pouvaient résulter de la flore prairiale, en l'espèce la ''flouve odorante'' abondante dans ses prairies. Il en résulte que le soin apporté aux animaux et le traitement du beurre semblent les deux éléments essentiels à sa qualité, l'influence des herbages devant être assez faible. <ref> BNF Gallica Congrès scientifique de France. 16e session. Annales p. 264 à 270</ref>
Le guide Richard de [[1851]], "guide classique du voyageur en France & en Belgique", ne manque pas de citer, dans sa colonne et demie consacrée à Rennes, "''l'excellent beurre qui se fait à Prévalaye, à 4 kil. de Rennes''.
Le guide Richard de [[1851]], "guide classique du voyageur en France & en Belgique", ne manque pas de citer, dans sa colonne et demie consacrée à Rennes, "''l'excellent beurre qui se fait à Prévalaye, à 4 kil. de Rennes''.


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==Archives==
==Archives==
* Archives départementales : cote 2B 474. Vers [[1752]], étant domestique à l'[[hôtel d'Artois]], Renée Guinard, 31 ans, femme de Pierre Pillet, porteur de chaise, [[rue Basse Baudrairie]] fait une longue déposition concernant les relations étranges de Marie Jeanne Robinet et de son mari, Mathurin François Gravé, Sieur de Launay. Elle déclare au [[Présidial de Rennes]] qu'après avoir assisté ''par un trou qui est au dessous de la clavure de la porte'' à des comportements bizarres, le mari ''l'envoya chercher une boeurée pour son epouze ; la deposante ayant repondu <u>qu'il n'y avait pas de boeure de la Prevalais</u> et qu'il fallait attendre un moment, il repartit que celuy qu'on avait était trop bon...'', c'est-à-dire bien assez bon pour sa femme, en tout cas assez coûteux, selon d'autres témoignages évoquant son esprit d'économie.
* Archives départementales : cote 2B 474. Vers [[1752]], étant domestique à l'[[hôtel d'Artois]], Renée Guinard, 31 ans, femme de Pierre Pillet, porteur de chaise, [[rue Basse Baudrairie]] fait une longue déposition concernant les relations étranges de Marie Jeanne Robinet et de son mari, Mathurin François Gravé, Sieur de Launay. Elle déclare au [[Présidial de Rennes]] qu'après avoir assisté ''par un trou qui est au dessous de la clavure de la porte'' à des comportements bizarres, le mari ''l'envoya chercher une boeurée pour son epouze ; la deposante ayant repondu <u>qu'il n'y avait pas de boeure de la Prevalais</u> et qu'il fallait attendre un moment, il repartit que celuy qu'on avait était trop bon...'', c'est-à-dire bien assez bon pour sa femme, en tout cas assez coûteux, selon d'autres témoignages évoquant son esprit d'économie.
* Archives départementales : cote 10 B 97, dossier 186. "Anne Gerard, marchande beurrière au lieu de Gallée, terroir de [[Cleunay|Cluné]]", dépose le 16 juillet 1771 un dossier de faillite au [[Consulat de Rennes]]. Par un rapide survol, il ne semble pas que ce dossier se distingue des autres et apporte des éléments propres à la profession ou au lieu.
* Archives départementales : cote 10 B 97, dossier 186. "Anne Gerard, marchande beurrière au lieu de Gallée, terroir de [[Cleunay|Cluné]]", dépose le 16 juillet [[1771]] un dossier de faillite au [[Consulat de Rennes]]. Par un rapide survol, il ne semble pas que ce dossier se distingue des autres et apporte des éléments propres à la profession ou au lieu.
 
==Voir aussi==
* [[Fleurs des prairies de la Prévalaye]].
* [[Promenades de santé des Rennais au 18e siècle]].


==Références==
==Références==
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Pour déambuler dans les rues de Rennes, son histoire et la ''Collection YRG'', cliquer '''[[ici 222]]'''
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