« Bombardements des 9 et 12 juin 1944 » : différence entre les versions

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Mais ce sont des forteresses volantes américaines B-17 et B-24 Liberators des 8e et 9e USAF qui sont sur Rennes un peu avant 13 heures, notamment sur Pontchaillou et le couvent de l'Adoration.  Un des trois Messerschmitt allemands, venant de Vannes, va être abattu au dessus de [[Romillé]] et tomber aux Cognets. Les deux autres tomberont l’un à [[Le Rheu]], l’autre près de Redon. Quatre forteresses américaines sont endommagées par des Messerschmitt du II/JG 53. <ref>[[Langan durant la Seconde Guerre mondiale]]</ref>
Mais ce sont des forteresses volantes américaines B-17 et B-24 Liberators des 8e et 9e USAF qui sont sur Rennes un peu avant 13 heures, notamment sur Pontchaillou et le couvent de l'Adoration.  Un des trois Messerschmitt allemands, venant de Vannes, va être abattu au dessus de [[Romillé]] et tomber aux Cognets. Les deux autres tomberont l’un à [[Le Rheu]], l’autre près de Redon. Quatre forteresses américaines sont endommagées par des Messerschmitt du II/JG 53. <ref>[[Langan durant la Seconde Guerre mondiale]]</ref>
Le B 24 Liberator du lieutenant William Balley du 448e bomber group, 712th squadron, va s’écraser à Bonnemain (La Boulaie), faisant une victime et huit rescapés, dont cinq membres d’équipage qui tomberont à [[Gévezé]] et Romillé. L’autre B 24, celui du lieutenant Wilburg Turner, tombera à [[Langan]], faisant cinq victimes. L’un des aviateurs sera fait prisonnier, tandis que quatre autres seront camouflés et pourront regagner l’Angleterre deux ou trois semaines plus tard. Des membres d'équipage seront hébergés et soignés à La Mézière par le Dr Brassier<ref>http://www.lepetitrapporteur.fr/articles_archives_article.php3?id=10182</ref>.
Le B 24 Liberator du lieutenant William Balley du 448e bomber group, 712th squadron, va s’écraser à Bonnemain (La Boulaie), faisant une victime et huit rescapés, dont cinq membres d’équipage qui tomberont à [[Gévezé]] et Romillé. L’autre B 24, celui du lieutenant Wilburg Turner, tombera à [[Langan]], faisant cinq victimes. L’un des aviateurs sera fait prisonnier, tandis que quatre autres seront camouflés et pourront regagner l’Angleterre deux ou trois semaines plus tard. Des membres d'équipage seront hébergés et soignés à La Mézière par le Dr Brassier<ref>http://www.lepetitrapporteur.fr/articles_archives_article.php3?id=10182</ref>.


Ce nouveau bombardement intervient alors qu'a lieu la cérémonie des obsèques des victimes du bombardement du 9 juin.
Ce nouveau bombardement intervient alors qu'a lieu la cérémonie des obsèques des victimes du bombardement du 9 juin.
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Lundi 12 juin – 20h45.
Lundi 12 juin – 20h45.
Nous commençons à déjeuner lorsque Paulette nous appelle à la fenêtre. Nous nous précipitons et voyons des avions passer au-dessus de nos têtes. Au même moment un souffle terrible nous repousse vers l’intérieur de la salle à manger tandis que le bruit d’une rafale de bombes nous assourdit. Je saisis Jean-Pierre et nous descendons à la cave. Dans l’escalier nous appelons Henri qui est toujours couché et paulette se précipite vers la mansarde et l’aide à descendre. L’escalier tremble sous leurs pas. Dans le couloir, en bas, un second souffle nous refoule. Une petite fille qui passait sur la rue avec son chien entre avec nous et nous descendons tous à la cave.
Nous commençons à déjeuner lorsque Paulette nous appelle à la fenêtre. Nous nous précipitons et voyons des avions passer au-dessus de nos têtes. Au même moment un souffle terrible nous repousse vers l’intérieur de la salle à manger tandis que le bruit d’une rafale de bombes nous assourdit. Je saisis Jean-Pierre et nous descendons à la cave. Dans l’escalier nous appelons Henri qui est toujours couché et paulette se précipite vers la mansarde et l’aide à descendre. L’escalier tremble sous leurs pas. Dans le couloir, en bas, un second souffle nous refoule. Une petite fille qui passait sur la rue avec son chien entre avec nous et nous descendons tous à la cave.
Le bombardement est très violent mais ne dure pas très longtemps, heureusement. Pierre sort au jardin et voit des colonnes de fumée s’élever tout près à droite et à gauche.   « Ce n’est pas loin », dit-il. Et il part secourir les blessés. Lorsque c’est apaisé et nous pouvons voir nous aussi sur notre gauche une épaisse fumée. Nous apprenons bientôt qu’il s’agit de l’Adoration, rue de Brizeux, où se trouvait un dépôt de munitions qui a sauté.
Le bombardement est très violent mais ne dure pas très longtemps, heureusement. Pierre sort au jardin et voit des colonnes de fumée s’élever tout près à droite et à gauche. « Ce n’est pas loin », dit-il. Et il part secourir les blessés. Lorsque c’est apaisé et nous pouvons voir nous aussi sur notre gauche une épaisse fumée. Nous apprenons bientôt qu’il s’agit de l’Adoration, rue de Brizeux, où se trouvait un dépôt de munitions qui a sauté.


Armande de La Haye
Armande de La Haye
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'''Obsèques'''
'''Obsèques'''


"Pour représenter mon père, je dois accompagner ma mère aux obsèques d'une cousine, Renée Maignen, tuée dans un bombardement.Boulevard de la Duchesse Anne, la sirène, les bombes et les obus nous arrêtent. Nous entrons chez Desgrées du Lou et descendons dans la tranchée-abri aménagée dans le jardin. Nous repartons quand le vacarme diminue, avant le signal de fin d'alerte. Rue de Paris, à notre arrivée au Cercle Paul Bert, bombes et obus éclatent de nouveau. Je ne veux pas entrer dans la tranchée creusée dans la cour. Je guette les avions, je saute pour attraper les papiers argentés qu'ils lâchent pour tromper les radars allemands. Les gens disent à ma mère que je suis courageux. C'est faux, je ne fais pas la guerre. Je veux m'amuser, je n'ai que neuf ans !  
"Pour représenter mon père, je dois accompagner ma mère aux obsèques d'une cousine, Renée Maignen, tuée dans un bombardement Boulevard de la Duchesse Anne, la sirène, les bombes et les obus nous arrêtent. Nous entrons chez Desgrées du Lou et descendons dans la tranchée-abri aménagée dans le jardin. Nous repartons quand le vacarme diminue, avant le signal de fin d'alerte. Rue de Paris, à notre arrivée au Cercle Paul Bert, bombes et obus éclatent de nouveau. Je ne veux pas entrer dans la tranchée creusée dans la cour. Je guette les avions, je saute pour attraper les papiers argentés qu'ils lâchent pour tromper les radars allemands. Les gens disent à ma mère que je suis courageux. C'est faux, je ne fais pas la guerre. Je veux m'amuser, je n'ai que neuf ans !  


En venant, j'ai bien réfléchi. Je connais l'oncle Étienne, frère de Renée, la tante Antoinette et leurs enfants. En pensant à Renée, je ne vois qu'un visage. Pas vraiment un visage, c'est flou, très flou ! je ne l'ai pas connue, Renée ne m'est rien. Je n'ai pas commencé à perdre ma famille ! Le bruit cesse, il n'y a que des papiers d'argent qui se balancent dans le soleil. Il faut entrer dans l'ancienne chapelle. Après une absoute rapide, l'archevêque vient vers moi et me demande : ''Mon enfant, qui avez-vous perdu ? '' Deux cents adultes en noir me regardent. Je ne sais pas quoi répondre. Nous faisons cercle autour de cinquante cercueils en bois blanc portant des numéros et des noms au crayon. Des pères, des mères et des enfants y sont allongés, je le sais. Je suis le seul enfant vivant présent. Je ne réponds rien. Ma mère dit :''une cousine.''
En venant, j'ai bien réfléchi. Je connais l'oncle Étienne, frère de Renée, la tante Antoinette et leurs enfants. En pensant à Renée, je ne vois qu'un visage. Pas vraiment un visage, c'est flou, très flou ! je ne l'ai pas connue, Renée ne m'est rien. Je n'ai pas commencé à perdre ma famille ! Le bruit cesse, il n'y a que des papiers d'argent qui se balancent dans le soleil. Il faut entrer dans l'ancienne chapelle. Après une absoute rapide, l'archevêque vient vers moi et me demande : ''Mon enfant, qui avez-vous perdu ? '' Deux cents adultes en noir me regardent. Je ne sais pas quoi répondre. Nous faisons cercle autour de cinquante cercueils en bois blanc portant des numéros et des noms au crayon. Des pères, des mères et des enfants y sont allongés, je le sais. Je suis le seul enfant vivant présent. Je ne réponds rien. Ma mère dit :''une cousine.''
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===Abris===
===Abris===


J'ai jeté un coup d'œil sur l'installation des gens dans les caves du journal, installation qui est allée se perfectionnant depuis le bombardement nocturne si tragique (NDLR Bombardement du 9 juin). Environ 300 personnes y logent. La maison a délivré des cartes d'entrée. Les premières ont été attribuées au personnel de l'''Ouest-Eclair'', les secondes aux sinistrés totaux, les troisièmes aux amateurs qui viennent de tous les côtés de la ville, y compris d'endroits dotés de bons abris. La puissance de la publicité ! De plus dans les bureaux de l'OFI se sont installés des rédacteurs, les femmes de quelques-uns aussi. Il y a là M; et Mme Jan, Mme Revier et son "amant" du moment, MM. Cochet, Verger, Tholomé, Baraize et René Delahaye, d'autres peut-être encore que j'oublie; Ils couchent sur des matelas, des paillasses, des coussins, dans les coins, sue les tables...partout. À la moindre alerte tout le monde s'engouffre dans les abris."  
J'ai jeté un coup d'œil sur l'installation des gens dans les caves du journal, installation qui est allée se perfectionnant depuis le bombardement nocturne si tragique (NDLR Bombardement du 9 juin). Environ 300 personnes y logent. La maison a délivré des cartes d'entrée. Les premières ont été attribuées au personnel de l'''Ouest-Eclair'', les secondes aux sinistrés totaux, les troisièmes aux amateurs qui viennent de tous les côtés de la ville, y compris d'endroits dotés de bons abris. La puissance de la publicité ! De plus dans les bureaux de l'OFI se sont installés des rédacteurs, les femmes de quelques-uns aussi. Il y a là Mr et Mme Jan, Mme Revier et son "amant" du moment, MM. Cochet, Verger, Tholomé, Baraize et René Delahaye, d'autres peut-être encore que j'oublie ; ils couchent sur des matelas, des paillasses, des coussins, dans les coins, sur les tables... partout. À la moindre alerte tout le monde s'engouffre dans les abris."  


''Pierre de La Haye''
''Pierre de La Haye''
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"Rennes. Samedi 17 juin. 17 heures.
"Rennes. Samedi 17 juin. 17 heures.


Ce matin une alerte. Les avions sont passés au ras des maisons, en même temps que la sirène donnait le signal du danger. Le journal publie un avis du Feldcommandant qui serait très bien s'il n'abusait pas du vocabulaire de la Propagandastaffel. Il parle en effet d'assassins et d'incendiaires à propos des Anglais qui font la guerre... Il est aussi dommage que ce soit un Allemand et non un Français qui donne la leçon. L'appel s'adresse à nos concitoyens qui ont déserté la ville, commerçants qui ont fermé boutique, employeurs qui ont licencié le personnel, ouvriers qui ont abandonné le chantier. il leur rappelle que leur fuite sera marquée d'une honte et leur cite en exemple la Croix-Rouge, la Défense Passive,, les volontaires du déblaiement. Il ne leur dit pas cette charité de mauvais goût qu'on m'a rapporté tout à l'heure : les autorités allemandes ont saisi du champagne dans les caves sinistrées de l'hôtel du Cheval d'Or, dont les tenanciers ont été fusillés, <ref>[[ Square Anne-Marie Tanguy]]</ref> je ne sais exactement pourquoi, et l'ont offert à la Défense Passive qui a été un peu, voire beaucoup, gênée ! " <ref> Journal 6 juin - 1_ août 1944. Pierre et Armande de La Haye</ref>
Ce matin une alerte. Les avions sont passés au ras des maisons, en même temps que la sirène donnait le signal du danger. Le journal publie un avis du Feldcommandant qui serait très bien s'il n'abusait pas du vocabulaire de la Propagandastaffel. Il parle en effet d'assassins et d'incendiaires à propos des Anglais qui font la guerre... Il est aussi dommage que ce soit un Allemand et non un Français qui donne la leçon. L'appel s'adresse à nos concitoyens qui ont déserté la ville, commerçants qui ont fermé boutique, employeurs qui ont licencié le personnel, ouvriers qui ont abandonné le chantier. Il leur rappelle que leur fuite sera marquée d'une honte et leur cite en exemple la Croix-Rouge, la Défense Passive, les volontaires du déblaiement. Il ne leur dit pas cette charité de mauvais goût qu'on m'a rapporté tout à l'heure : les autorités allemandes ont saisi du champagne dans les caves sinistrées de l'hôtel du Cheval d'Or, dont les tenanciers ont été fusillés<ref>[[ Square Anne-Marie Tanguy]]</ref>, je ne sais exactement pourquoi, et l'ont offert à la Défense Passive qui a été un peu, voire beaucoup, gênée ! " <ref> Journal 6 juin - 1_ août 1944. Pierre et Armande de La Haye</ref>


''Pierre de La Haye''
''Pierre de La Haye''
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