« La Bretagne reconstituée, une promesse non tenue » : différence entre les versions

m
relecture
(photo)
m (relecture)
 
(4 versions intermédiaires par un autre utilisateur non affichées)
Ligne 4 : Ligne 4 :


Juin [[1940]], débâcle et armistice... Le 10 juillet, les parlementaires, réunis à Vichy, donnent tout pouvoir au maréchal Pétain à l'effet de promulguer une nouvelle constitution de l’État français et, dès le 11, il annonce que "des gouverneurs seront placés à la tête de grandes provinces françaises; ainsi l'administration sera concentrée et décentralisée". Il n'en faut pas plus pour qu'autonomistes bretons ou simples régionalistes se prennent à espérer en une Bretagne disparue officiellement et dépecée en cinq départements début [[1790]], alors même que des indépendantistes croient trouver quelque temps un soutien allemand à leurs visées, espoirs déçus dès septembre.
Juin [[1940]], débâcle et armistice... Le 10 juillet, les parlementaires, réunis à Vichy, donnent tout pouvoir au maréchal Pétain à l'effet de promulguer une nouvelle constitution de l’État français et, dès le 11, il annonce que "des gouverneurs seront placés à la tête de grandes provinces françaises; ainsi l'administration sera concentrée et décentralisée". Il n'en faut pas plus pour qu'autonomistes bretons ou simples régionalistes se prennent à espérer en une Bretagne disparue officiellement et dépecée en cinq départements début [[1790]], alors même que des indépendantistes croient trouver quelque temps un soutien allemand à leurs visées, espoirs déçus dès septembre.
[[Fichier:Demande_de_reunification_de_la_bretagne.jpeg|350px|left|thumb|Juin 1941, la Chambre de commerce demande la réunification de la Bretagne avec Rennes comme capitale]]
[[Fichier:Demande_de_reunification_de_la_bretagne.jpeg|400px|left|thumb|Juin 1941, la Chambre de commerce demande la réunification de la Bretagne avec Rennes comme capitale]]
[[Fichier:Provinces_1941094.jpg|350px|right|thumb|Un projet de découpage mort-né]]
[[Fichier:Provinces_1941094.jpg|350px|right|thumb|Un projet de découpage mort-né]]
Dès le 10 janvier 1941 la presse avait publié un placet au maréchal Pétain, signé de 40 personnalités bretonnes, demandant pour la Bretagne toute la part d'autonomie administrative compatible avec l'indivisibilité de la France et l'enseignement obligatoire de la langue et de l'histoire bretonnes dans les écoles primaires et secondaires de Bretagne. Parmi les signataires, on trouve 7 Rennais : Bahon-Rault, Barentin, de la Bourdonnaye, [[François Château|Château]], Jaffrennou, [[René Patay|Patay fils]], Le Roy.
[[Fichier:Placet.png|400px|left|thumb|Le placet au maréchal en faveur de la Bretagne]]
Dès le 10 janvier 1941 la presse avait publié un placet au maréchal Pétain, signé de 40 personnalités bretonnes, dont beaucoup rennaises, demandant pour la Bretagne toute la part d'autonomie administrative compatible avec l'indivisibilité de la France et l'enseignement obligatoire de la langue et de l'histoire bretonnes dans les écoles primaires et secondaires de Bretagne. Parmi les signataires, on trouve 7 Rennais : Bahon-Rault, Barentin, de la Bourdonnaye, [[François Château|Château]], Jaffrennou, [[René Patay|Patay fils]], Le Roy.


De mai à août [[1941]], une commission des provinces, constituée au sein du conseil national, va travailler au découpage. Associations, chambres de commerce, mairies militent en faveur d'une Bretagne à cinq départements. Le 16 mai, le maréchal assiste exceptionnellement à une réunion de la commission dont l'ordre du jour porte sur la Bretagne et il aurait exclu Nantes comme capitale au motif qu'elle pourrait être ainsi désignée aux bombardements anglais et "vivrait ce qui se produit à Londres actuellement".
De mai à août [[1941]], une commission des provinces, constituée au sein du conseil national, va travailler au découpage. Associations, chambres de commerce, mairies militent en faveur d'une Bretagne à cinq départements. Le 16 mai, le maréchal assiste exceptionnellement à une réunion de la commission dont l'ordre du jour porte sur la Bretagne et il aurait exclu Nantes comme capitale au motif qu'elle pourrait être ainsi désignée aux bombardements anglais et "vivrait ce qui se produit à Londres actuellement".
Ligne 17 : Ligne 18 :
" ''Vous avez satisfaction, Monsieur le maire. J'ai personnellement assisté à la commission des provinces lorsqu'elle s'occupait particulièrement de la Bretagne, la province de Bretagne comprendra cinq départements et votre ville en sera la capitale''."
" ''Vous avez satisfaction, Monsieur le maire. J'ai personnellement assisté à la commission des provinces lorsqu'elle s'occupait particulièrement de la Bretagne, la province de Bretagne comprendra cinq départements et votre ville en sera la capitale''."


Mais l'édition de Loire-Inférieure de l'Ouest-Eclair du lendemain Ier juillet rapporte qu'une délégation nantaise conduite par le maire, Gaëtan Rondeau, avait retenu que "les assurances données par le Maréchal à la délégation nantaise ont été, en ce qui concerne le choix de la capitale de la province, aussi favorables que celles qui ont été données pour Rennes à M. Chateau".
Mais l'édition de Loire-Inférieure de l'''Ouest-Eclair'' du lendemain Ier juillet rapporte qu'une délégation nantaise conduite par le maire, Gaëtan Rondeau, avait retenu que "les assurances données par le Maréchal à la délégation nantaise ont été, en ce qui concerne le choix de la capitale de la province, aussi favorables que celles qui ont été données pour Rennes à M. Chateau".


Pourquoi ces déclarations contradictoires à un jour d'intervalle ? Peut-être le maréchal considère t-il comme un projet à long terme cette reconstitution des provinces alors qu'il signe, le 30 juin même, un décret mettant en place des régions provisoires avec un préfet régional à Rennes ayant autorité sur la "région de Rennes" constituée des départements d'Ille-et-Vilaine, Morbihan, Côtes-du-Nord et Finistère, et un autre à Angers ayant autorité sur "une région d'Angers", composée du Maine-et-Loire, de la Mayenne, de la Sarthe, de l'Indre-et-Loire pour sa partie occupée et... de la Loire-Inférieure. Nantes, simple chef-lieu départemental, sera quand même copieusement bombardé en 1943. Et, surtout, actualité beaucoup plus immédiate, le maréchal va rompre le lendemain les relations diplomatiques avec l'URSS que l'Allemagne a envahie le 22 juin.
Pourquoi ces déclarations contradictoires à un jour d'intervalle ? Peut-être le maréchal considère t-il comme un projet à long terme cette reconstitution des provinces alors qu'il signe, le 30 juin même, un décret mettant en place des régions provisoires avec un préfet régional à Rennes ayant autorité sur la "région de Rennes" constituée des départements d'Ille-et-Vilaine, Morbihan, Côtes-du-Nord et Finistère, et un autre à Angers ayant autorité sur "une région d'Angers", composée du Maine-et-Loire, de la Mayenne, de la Sarthe, de l'Indre-et-Loire pour sa partie occupée et... de la Loire-Inférieure. Nantes, simple chef-lieu départemental, sera quand même copieusement bombardé en 1943. Et, surtout, actualité beaucoup plus immédiate, le maréchal va rompre le lendemain les relations diplomatiques avec l'URSS que l'Allemagne a envahie le 22 juin.
Ligne 28 : Ligne 29 :
M. Dupard, préfet de Loire-Inférieure, tenant d'une Bretagne avec Nantes comme capitale économique et Rennes comme capitale administrative, remit à Vichy au gouvernement des vœux de la Ville de Nantes, de la Chambre de commerce et de la Chambre d'agriculture au sujet du rattachement à la préfecture régionale d'Angers<ref>''Ouest-Eclair'' du 18 juillet 1941</ref>. Le 22 juillet la Chambre de commerce de Rennes réitéra son souhait d'une région à cinq départements.
M. Dupard, préfet de Loire-Inférieure, tenant d'une Bretagne avec Nantes comme capitale économique et Rennes comme capitale administrative, remit à Vichy au gouvernement des vœux de la Ville de Nantes, de la Chambre de commerce et de la Chambre d'agriculture au sujet du rattachement à la préfecture régionale d'Angers<ref>''Ouest-Eclair'' du 18 juillet 1941</ref>. Le 22 juillet la Chambre de commerce de Rennes réitéra son souhait d'une région à cinq départements.


En 1943, dans une série de timbres émise sur les armes des provinces françaises, figure la Bretagne. [[Fichier:Timbre_Bretagne.jpg|150px|left]]
Le 24 février 1942, l'''Ouest-Eclair'' rapporte que le préfet régional Ripert a entendu à Vichy le maréchal lui rappeler sa "décision personnelle qu'il avait prise de reconstituer, dès que les circonstances le permettraient, la province de Bretagne dans ses limites historiques, en y rattachant la Loire-Inférieure, '''avec résidence alternative du gouverneur à Rennes et à Nantes'''". La constitution actuelle de la région de Rennes qui groupe seulement quatre départements n'est, à ses yeux, qu'une mesure provisoire ; mais elle ne modifie en rien son intention ferme de rétablir la province de Bretagne dans son intégralité.
[[Fichier:Timbre_Bretagne.jpg|150px|left]]
 
Mais les provinces vont être le cadet des soucis du maréchal car l'année 1942 lui en procurera d'autres avec notamment l'occupation allemande de la zone sud, le sabordage de la flotte à Toulon, le retour de Laval aux affaires puis tant d'autres. La nouvelle constitution ne verra pas le jour. Pourtant le mirage d'une Bretagne reconstituée persistera, même dans une brochure sur la Bretagne de décembre 1942 présentant aux prisonniers bretons ''La Bretagne dans la France du Maréchal''.
M. Dupard, le 4 août 1943, passant du poste de préfet de Loire-Inférieure à celui de préfet régional de Bretagne fera à nouveau le vœu pieux d'une Bretagne réunifiée.
En 1943, dans une série de timbres émise sur les armes des provinces françaises, figure la Bretagne.
Le découpage "provisoire" de Vichy va, à peu de choses près, perdurer jusqu'à nos jours, tant il est vrai que le provisoire souvent dure<ref>''De 1940 à 1941, réapparition d'une Bretagne provisoirement incomplète, un provisoire destiné à durer''" par Étienne Maignen, bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine, t. CXIV - 2010</ref>.
 
 
 
 
 


Les provinces vont être le cadet des soucis du maréchal et l'année 1942 lui en procurera d'autres avec notamment l'occupation allemande de la zone sud, le sabordage de la flotte à Toulon, le retour de Laval aux affaires puis tant d'autres. La nouvelle constitution ne verra pas le jour. Pourtant le mirage d'une Bretagne reconstituée persistera, même dans une brochure sur la Bretagne de décembre 1942 présentant aux prisonniers bretons ''La Bretagne dans la France du Maréchal''.


Le découpage "provisoire" de Vichy va, à peu de choses près, perdurer jusqu'à nos jours, tant il est vrai que le provisoire souvent dure<ref>''De 1940 à 1941, réapparition d'une Bretagne provisoirement incomplète, un provisoire destiné à durer''" par Étienne Maignen, bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine, t. CXIV - 2010</ref>.




==Source==
==Source==
<references/>
<references/>
8 842

modifications