« Le "second procès de Rennes" en 1906 » : différence entre les versions

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===Les inventaires… avec difficultés===
===Les inventaires… avec difficultés===


L’application de la loi du 9 décembre 1905, instaurant la séparation de l’Église et de l’État, entraînant les inventaires des biens d’Église, nécessite une logistique importante. En Ille-et-Vilaine, les inventaires concernent 383 églises, 20 chapelles, 373 presbytères et un temple protestant. Il s’agit donc d’une opération d’ampleur, lourde et mobilisant des moyens exceptionnels. À Rennes, le préfet fait arrêter pendant les inventaires la circulation des tramways. Dans son arrondissement, le sous-préfet de Saint-Malo estime qu’inventorier les biens des églises nécessite une force armée considérable. Des incidents sont relevés partout. À Balazé, près de Vitré, l’agent des domaines doit renoncer à procéder à l’inventaire de l’église du fait des manifestants armés de perches, de gourdins, de pavés… et de ruches d’abeilles. L’hostilité est telle que les forces de l’ordre sont dans l’incapacité d’installer les barrages qui permettraient le déroulement des opérations dans des conditions de sécurité acceptables. À Lescouët, près de Montauban-de-Bretagne, l’église est défendue contre les inventaires à l’aide « de herses, de tonneaux pleins de matière fécale, de ruches d’abeilles ». À Irodouer, près de Montfort-sur-Meu, 400 personnes entourent l’église barricadée.
L’application de la loi du 9 décembre 1905, instaurant la séparation de l’Église et de l’État, entraînant les inventaires des biens d’Église, nécessite une logistique importante. En Ille-et-Vilaine, les inventaires concernent 383 églises, 20 chapelles, 373 presbytères et un temple protestant. Il s’agit donc d’une opération d’ampleur, lourde et mobilisant des moyens exceptionnels. À Rennes, le préfet fait arrêter pendant les inventaires la circulation des tramways. Dans son arrondissement, le sous-préfet de Saint-Malo estime qu’inventorier les biens des églises nécessite une force armée considérable. Des incidents sont relevés partout. À Balazé, près de Vitré, l’agent des domaines doit renoncer à procéder à l’inventaire de l’église du fait des manifestants armés de perches, de gourdins, de pavés… et de ruches d’abeilles. L’hostilité est telle que les forces de l’ordre sont dans l’incapacité d’installer les barrages qui permettraient le déroulement des opérations dans des conditions de sécurité acceptables. À Lescouët, près de Montauban-de-Bretagne, l’église est défendue contre les inventaires à l’aide « de herses, de tonneaux pleins de matière fécale, de ruches d’abeilles ». À Irodouer, près de Montfort-sur-Meu, 400 personnes entourent l’église barricadée.
Le 20 février 1906, les inventaires de la cathédrale de Saint-Malo et de Notre-Dame Auxiliatrice à Rocabey se sont déroulés dans une ambiance lourde, devant une foule réprobatrice. À chaque fois, devant le refus des curés d’ouvrir les portes, les détachements du 47e RI envoyés sur place sont obligés d’employer la force pour que la loi du 9 décembre 1905 puisse être appliquée. À Dinard et à Cancale, la situation est en revanche telle que devant l’hostilité de la foule, le receveur des contributions chargé de l’inventaire préfère reculer.
Le 20 février 1906, les inventaires de la cathédrale de Saint-Malo et de Notre-Dame Auxiliatrice à Rocabey se sont déroulés dans une ambiance lourde, devant une foule réprobatrice. À chaque fois, devant le refus des curés d’ouvrir les portes, les détachements du 47e RI envoyés sur place sont obligés d’employer la force pour que la loi du 9 décembre 1905 puisse être appliquée. À Dinard et à Cancale, la situation est en revanche telle que devant l’hostilité de la foule, le receveur des contributions chargé de l’inventaire préfère reculer.
   
   
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Dès le soir du 23 février, un « très vif incident » implique à la Chambre Adolphe Messimy et le député de Saint-Malo Robert Surcouf. Élu de la Seine, Messimy faisant explicitement référence au 47e régiment d’infanterie, interroge le gouvernement à propos de ces « actes d’indiscipline commis par des officiers au cours des inventaires en Bretagne et qui sont de nature à porter atteinte à la dignité et à l’honneur de l’armée », proclamation nourrie d’applaudissements en provenance de la gauche de l’hémicycle. Faisant front commun avec son collègue qui, comme lui a voté la loi du 9 décembre 1905, Robert Surcouf profite de l’occasion qui lui est donnée pour accuser « le parti réactionnaire et le clergé », responsables de ces « tristes faits ».
Dès le soir du 23 février, un « très vif incident » implique à la Chambre Adolphe Messimy et le député de Saint-Malo Robert Surcouf. Élu de la Seine, Messimy faisant explicitement référence au 47e régiment d’infanterie, interroge le gouvernement à propos de ces « actes d’indiscipline commis par des officiers au cours des inventaires en Bretagne et qui sont de nature à porter atteinte à la dignité et à l’honneur de l’armée », proclamation nourrie d’applaudissements en provenance de la gauche de l’hémicycle. Faisant front commun avec son collègue qui, comme lui a voté la loi du 9 décembre 1905, Robert Surcouf profite de l’occasion qui lui est donnée pour accuser « le parti réactionnaire et le clergé », responsables de ces « tristes faits ».
Le 25 février ''Le Temps'' relate l’affaire, en se basant sur des articles de la presse d’Ille-et-Vilaine. Sur une colonne, en seconde page, les moindres détails de la journée du 23 sont exposés. Dans ''Le Figaro'' l’affaire de Saint-Servan est traitée par le correspondant particulier du journal à Rennes et placée en tête de la rubrique « L’Inventaire dans les départements » avec un traitement tout aussi sobre de cette information que celui opéré par Le Temps. En revanche ''La Croix'' présente les trois officiers du 47e RI comme les « victimes d’une infâme politique intérieure, politique maçonne, jacobine et sectaire jusqu’à la cruauté barbare ».
Le 25 février ''Le Temps'' relate l’affaire, en se basant sur des articles de la presse d’Ille-et-Vilaine. Sur une colonne, en seconde page, les moindres détails de la journée du 23 sont exposés. Dans ''Le Figaro'' l’affaire de Saint-Servan est traitée par le correspondant particulier du journal à Rennes et placée en tête de la rubrique « L’Inventaire dans les départements » avec un traitement tout aussi sobre de cette information que celui opéré par Le Temps. En revanche ''La Croix'' présente les trois officiers du 47e RI comme les « victimes d’une infâme politique intérieure, politique maçonne, jacobine et sectaire jusqu’à la cruauté barbare ».
Le ministère de la Guerre adresse à l’agence de presse Havas un communiqué indiquant que le général commandant le 10e corps d’armée a infligé au commandant Héry et aux capitaines Cléret de Langavant et Spiral les arrêts de forteresse et a prescrit d’établir contre eux une plainte en Conseil de guerre.
Le ministère de la Guerre adresse à l’agence de presse Havas un communiqué indiquant que le général commandant le 10e corps d’armée a infligé au commandant Héry et aux capitaines Cléret de Langavant et Spiral les arrêts de forteresse et a prescrit d’établir contre eux une plainte en Conseil de guerre.
   
   
===Un procès à charge, mais des peines minimes…===
===Un procès à charge, mais des peines minimes…===
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===…Qui satisfont tout le monde, sauf les officiers===
===…Qui satisfont tout le monde, sauf les officiers===


L’''Ouest-Eclair'' prend acte du jugement mais, bien que fidèle aux institutions, exprime toutefois une certaine proximité bienveillante avec les condamnés. ''La Croix'' indique que ce procès doit décider « non pas seulement de l’honneur de trois officiers, mais de celui de l’armée ». Sitôt la nouvelle connue, François Bazin s’intéresse pour Le Salut aux conséquences politiques de ce jugement, non sans verser dans l’antisémitisme :
[[L'Ouest-Éclair]] prend acte du jugement mais, bien que fidèle aux institutions, exprime toutefois une certaine proximité bienveillante avec les condamnés. ''La Croix'' indique que ce procès doit décider « non pas seulement de l’honneur de trois officiers, mais de celui de l’armée ». Sitôt la nouvelle connue, François Bazin s’intéresse pour ''Le Salut'' aux conséquences politiques de ce jugement, non sans verser dans l’antisémitisme :
« C’est une fatalité ; mais les verdicts des Conseils de guerre, et plus particulièrement ceux du Conseil de guerre de Rennes, ont le don de ne pas faire la joie des patriotes de la juiverie parlementaire. À peine connu à la Chambre, le verdict d’hier menaçait d’y soulever un incident de gouvernement. M. Jaurès, qui réclamait jadis avec tant d’impunité l’acquittement d’un traître, s’est naturellement indigné d’un verdict qui ne condamne pas à la peine de mort – au minimum – trois officiers coupables d’avoir refusé de procéder au crochetage d’une porte d’église »
« C’est une fatalité ; mais les verdicts des Conseils de guerre, et plus particulièrement ceux du Conseil de guerre de Rennes, ont le don de ne pas faire la joie des patriotes de la juiverie parlementaire. À peine connu à la Chambre, le verdict d’hier menaçait d’y soulever un incident de gouvernement. M. Jaurès, qui réclamait jadis avec tant d’impunité l’acquittement d’un traître, s’est naturellement indigné d’un verdict qui ne condamne pas à la peine de mort – au minimum – trois officiers coupables d’avoir refusé de procéder au crochetage d’une porte d’église »
Pour le pouvoir, le verdict est exemplaire. Cette dimension tient bien évidemment à la qualité des condamnés, trois officiers disposant de très bons états de service. Mais ce jugement a aussi valeur d’exemple en ce qu’il est clairement un signal lancé aux autres officiers D’un point de vue mémoriel, l’écho du « martyr » de ces trois officiers dont la carrière est brisée nette par cette décision de justice demeura très faible en dehors de quelques cercles catholiques.
Pour le pouvoir, le verdict est exemplaire. Cette dimension tient bien évidemment à la qualité des condamnés, trois officiers disposant de très bons états de service. Mais ce jugement a aussi valeur d’exemple en ce qu’il est clairement un signal lancé aux autres officiers. D’un point de vue mémoriel, l’écho du « martyr » de ces trois officiers dont la carrière est brisée nette par cette décision de justice demeura très faible en dehors de quelques cercles catholiques.


===Références===
===Références===


http://enenvor.fr/eeo_revue/numero_1/le_deuxieme_proces_de_rennes_trois_officiers_du_47e_regiment_d_infanterie_devant_le_conseil_de_guerre.html#_
http://enenvor.fr/eeo_revue/numero_1/le_deuxieme_proces_de_rennes_trois_officiers_du_47e_regiment_d_infanterie_devant_le_conseil_de_guerre.html#_
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