« Chronique vezinoise sous l'occupation n°10 » : différence entre les versions

De WikiRennes
Aller à la navigationAller à la recherche
Aucun résumé des modifications
Aucun résumé des modifications
Ligne 28 : Ligne 28 :
Plus tard nous apprenons que les aviateurs anglais se sont trompés de cible. Ils ont visé et atteint le village en manquant le terrain et les dépôts allemands. Erreur de marquage des avions éclaireurs paraît-il. Si les installations militaires et dépôts de munitions ont été peu touchés, 183 civils sont tués. C'est jour de communion solennelle, il y a beaucoup de personnes en visite dans les familles à Bruz.<ref>[[Bombardement de Bruz du 8 mai 1944]]</ref>  Parmi les 183 morts 51 sont des enfants, il faut ajouter 300 blessés et 600 sinistrés. Je pense que je me souviendrai toujours de ce ciel étincelant dans la nuit, magnifique, en fête mais dont les lumières  accompagnaient la mort. Cette fois ci, les Anglais ne sont pas à la hauteur de leur réputation.
Plus tard nous apprenons que les aviateurs anglais se sont trompés de cible. Ils ont visé et atteint le village en manquant le terrain et les dépôts allemands. Erreur de marquage des avions éclaireurs paraît-il. Si les installations militaires et dépôts de munitions ont été peu touchés, 183 civils sont tués. C'est jour de communion solennelle, il y a beaucoup de personnes en visite dans les familles à Bruz.<ref>[[Bombardement de Bruz du 8 mai 1944]]</ref>  Parmi les 183 morts 51 sont des enfants, il faut ajouter 300 blessés et 600 sinistrés. Je pense que je me souviendrai toujours de ce ciel étincelant dans la nuit, magnifique, en fête mais dont les lumières  accompagnaient la mort. Cette fois ci, les Anglais ne sont pas à la hauteur de leur réputation.


Une autre nuit mouvementée, celle du 8 au 9 juin 1944 probablement, la maisonnée endormie est brusquement réveillée par un bruit assourdissant de tir. <ref>[[Bombardements des 9 et 12 juin 1944]]</ref> Un convoi allemand s'est arrêté dans le bourg. Un véhicule chargé probablement d'un canon, stationne contre le mur de la maison à une courte distance de notre fenêtre. Le bruit est infernal, le tir est ininterrompu. Dans le même temps nous entendons les départs de tirs très reconnaissables des canons de la DCA de la'' Belle Epine''. Coutumiers des bruits produits par les machines de guerre et même devenus fins connaisseurs, nous distinguons aussi ceux des bombardiers qui nous survolent. Il faut absolument quitter immédiatement notre logement. Le bruit n’est pas supportable, mes parents craignent ''que des balles ou obus égarés traversent la fenêtre et viennent nous tuer''. Ils rassemblent rapidement des couvertures et nous nous préparons à sortir. Mon père ouvre la porte qui donne sur le jardin, je suis sur ses épaules. Je vois deux soldats allemands armés de mitraillette qui nous nous interdisent la sortie en nous repoussant. Mes parents sont désemparés, on ne peut pas rester là. La porte du sas intérieur qui donne accès au café s'ouvre tout à coup. Madame Bigot apparaît, elle est aussi apeurée que nous. Elle nous invite à nous réfugier dans un cellier éloigné de la rue qui fait office de cave. Nous attendons tous, debout, que l’évènement du jour se termine. Véritablement je n’ai pas eu peur, ces situations deviennent presque une habitude.  
Une autre nuit mouvementée, celle du 8 au 9 juin 1944 probablement, la maisonnée endormie est brusquement réveillée par un bruit assourdissant de tir. <ref>[[Bombardements des 9 et 12 juin 1944]]</ref> Un convoi allemand s'est arrêté dans le bourg. Un véhicule chargé probablement d'un canon, stationne contre le mur de la maison à une courte distance de notre fenêtre. Le bruit est infernal, le tir est ininterrompu. Dans le même temps nous entendons les départs de tirs très reconnaissables des canons de la DCA de la'' Belle Epine''. Coutumiers des bruits produits par les machines de guerre et même devenus fins connaisseurs, nous distinguons aussi ceux des bombardiers qui nous survolent. Il faut absolument quitter immédiatement notre logement. Le bruit n’est pas supportable, mes parents craignent ''que des balles ou obus égarés traversent la fenêtre et viennent nous tuer''. Ils rassemblent rapidement des couvertures et nous nous préparons à sortir. Mon père ouvre la porte qui donne sur le jardin, je suis sur ses épaules. Je vois deux soldats allemands armés de mitraillette qui nous interdisent la sortie en nous repoussant. Mes parents sont désemparés, on ne peut pas rester là. La porte du sas intérieur qui donne accès au café s'ouvre tout à coup. Madame Bigot apparaît, elle est aussi apeurée que nous. Elle nous invite à nous réfugier dans un cellier éloigné de la rue qui fait office de cave. Nous attendons tous, debout, que l’évènement du jour se termine. Véritablement je n’ai pas eu peur, ces situations deviennent presque une habitude.  


Le lendemain matin, il pleut à verse. En ouvrant les volets je découvre sur le trottoir et la chaussée devant notre fenêtre d'innombrables douilles d’obus. Les douilles ne sont pas en métal mais en une espèce de carton bouilli ...comme les anciennes cartouches de chasse. Ce ne sont  sans doute que  des emballages de munitions !?. Avec la pluie ils se sont vite ramollis, je suis déçu de leur aspect et du spectacle qu’ils offrent. Je ne pourrai pas les utiliser pour jouer. Les fils téléphoniques qui longent le mur extérieur de la maison au-dessus de notre fenêtre sont coupés. Le tir du canon s’est exécuté si près du mur qu’il n’a pu les éviter. Ils pendent comme des longs cheveux mal peignés.  
Le lendemain matin, il pleut à verse. En ouvrant les volets je découvre sur le trottoir et la chaussée devant notre fenêtre d'innombrables douilles d’obus. Les douilles ne sont pas en métal mais en une espèce de carton bouilli ...comme les anciennes cartouches de chasse. Ce ne sont  sans doute que  des emballages de munitions !?. Avec la pluie ils se sont vite ramollis, je suis déçu de leur aspect et du spectacle qu’ils offrent. Je ne pourrai pas les utiliser pour jouer. Les fils téléphoniques qui longent le mur extérieur de la maison au-dessus de notre fenêtre sont coupés. Le tir du canon s’est exécuté si près du mur qu’il n’a pu les éviter. Ils pendent comme des longs cheveux mal peignés.