« À Rennes, Du Perron de Maurin, chasseur de Juifs puis milicien » : différence entre les versions

photo
(photo)
Ligne 2 : Ligne 2 :


Au début des années trente, Raymond Du Perron de Maurin tenait à Dinard, sa ville d’origine, un atelier de relieur où il travaillait fort peu, s’employant surtout à prospecter la région malouine en vue de recruter pour des partis politiques de droite. Il était localement peu apprécié: d’aucuns le trouvaient paresseux, peu intelligent, vivant d’expédients, et peu fiable. Il fut chef régional de la ''Solidarité française'', mouvement fasciste français des années 1930 et il fut correspondant en France de l’Institut international des questions juives de Francfort.
Au début des années trente, Raymond Du Perron de Maurin tenait à Dinard, sa ville d’origine, un atelier de relieur où il travaillait fort peu, s’employant surtout à prospecter la région malouine en vue de recruter pour des partis politiques de droite. Il était localement peu apprécié: d’aucuns le trouvaient paresseux, peu intelligent, vivant d’expédients, et peu fiable. Il fut chef régional de la ''Solidarité française'', mouvement fasciste français des années 1930 et il fut correspondant en France de l’Institut international des questions juives de Francfort.
À l’été 1941, âgé de 39 ans, il s’engagea dans la Légion des volontaires français (LVF) contre le Bolchevisme et, au camp d’entraînement de Deba, dans le Wehrkreis VIII, en Pologne occupée, il fit la connaissance d'Émile Schwaller qu'il retrouvera à Rennes en 1944 et fut réformé à la suite de blessures. Après avoir lutté contre les communistes, Du Perron de Maurin allait, selon ses convictions, s’engager contre ceux qu’il considérait comme des ennemis : les Juifs.
À l’été 1941, âgé de 39 ans, il s’engagea dans la Légion des volontaires français (LVF) contre le Bolchevisme et, au camp d’entraînement de Deba, dans le Wehrkreis VIII, en Pologne occupée, il fit la connaissance d'Émile Schwaller qu'il retrouvera à Rennes en 1944 et fut réformé à la suite de blessures. Après avoir lutté contre les communistes, Du Perron de Maurin allait, selon ses convictions, s’engager contre ceux qu’il  
===Un chasseur de Juifs===
===Un chasseur de Juifs===
Le 3 décembre 1942, Jean Quénette, préfet régional de Bretagne, informe les préfets des quatre départements de sa circonscription qu’il a eu la visite d’un M. Ratton, chef des délégués régionaux à la Police des Questions Juives, dépendant du CGQJ, le commissariat général aux questions juives de Louis Darquier de Pellepoix. Il était accompagné de M. Du Perron de Maurin, 41 ans, qui fut présenté comme le délégué régional des sections d’enquête et de contrôle du commissariat général des questions juives pour la Bretagne (SEC), créées le 13 août.  
Le 3 décembre 1942, Jean Quénette, préfet régional de Bretagne, informe les préfets des quatre départements de sa circonscription qu’il a eu la visite d’un M. Ratton, chef des délégués régionaux à la Police des Questions Juives, dépendant du CGQJ, le commissariat général aux questions juives de Louis Darquier de Pellepoix. Il était accompagné de M. Du Perron de Maurin, 41 ans, qui fut présenté comme le délégué régional des sections d’enquête et de contrôle du commissariat général des questions juives pour la Bretagne (SEC), créées le 13 août.  
La Bretagne était pourtant une région où les habitants d’origine juive étaient peu nombreux : aux descendants des réfugiés alsaciens venus après la guerre de 1870, aux exilés d'Europe Centrale des années 1930, naturalisés ou pas, à des Juifs  arrivés en France vers 1936 : petits négociants, ouvriers façonniers, confectionneurs, artisans, ils venaient d’Europe centrale après avoir, parfois, séjourné plus ou moins longtemps dans la région parisienne, s'étaient ajoutés des réfugiés du nord de la France au moment de l'exode de 1940 mais les services de Darquier de Pellepoix, l’actif commissaire général, devaient être implantés partout. En Ille-et-Vilaine on n'avait recensé que 372 juifs en octobre 1940, dont 172 étrangers. En juillet 1941, on comptait 140 Juifs à Rennes, 98 à Dinard, ville de Du Perron de Maurin, et 60 à Saint-Malo. Même si deux grandes rafles avaient déjà eu lieu, en juillet et octobre, et avaient été assez fructueuses, avec 46 Juifs arrêtés en Ille-et-Vilaine, <ref>[[ Les Juifs de Rennes sous l'occupation]]</ref> un délégué régional du CGQJ était mis en place.
La Bretagne était pourtant une région où les habitants d’origine juive étaient peu nombreux : aux descendants des réfugiés alsaciens venus après la guerre de 1870, aux exilés d'Europe Centrale des années 1930, naturalisés ou pas, à des Juifs  arrivés en France vers 1936 : petits négociants, ouvriers façonniers, confectionneurs, artisans, ils venaient d’Europe centrale après avoir, parfois, séjourné plus ou moins longtemps dans la région parisienne, s'étaient ajoutés des réfugiés du nord de la France au moment de l'exode de 1940 mais les services de Darquier de Pellepoix, l’actif commissaire général, devaient être implantés partout. En Ille-et-Vilaine on n'avait recensé que 372 juifs en octobre 1940, dont 172 étrangers. En juillet 1941, on comptait 140 Juifs à Rennes, 98 à Dinard, ville de Du Perron de Maurin, et 60 à Saint-Malo. Même si deux grandes rafles avaient déjà eu lieu, en juillet et octobre, et avaient été assez fructueuses, avec 46 Juifs arrêtés en Ille-et-Vilaine, <ref>[[ Les Juifs de Rennes sous l'occupation]]</ref> un délégué régional du CGQJ était mis en place.
L’antenne régionale du commissariat général aux questions juives fut installée au 7 [[ rue de Nemours]], à Rennes, dans l’appartement anciennement cabinet dentaire de M. Jean Schklarewski, juif déporté six mois auparavant. Le 28 juin 1943, le délégué régional fait un rapport sur les parents et leurs deux enfants juifs arrêtés à Saint-Brieuc qu'il fera déporter à Drancy. <ref> ADCA, dossier 5 W 194</ref>  
L’antenne régionale du commissariat général aux questions juives fut installée au 7 [[ rue de Nemours]], à Rennes, dans l’appartement anciennement cabinet dentaire de M. Jean Schklarewski, juif déporté six mois auparavant. Le 28 juin 1943, le délégué régional fait un rapport sur les parents et leurs deux enfants juifs arrêtés à Saint-Brieuc qu'il fera déporter à Drancy. <ref> ADCA, dossier 5 W 194</ref>  
 
[[Fichier:Du_Perron_de_Maurin275.jpg|right|300px]]
Très vite, la personnalité et les agissements du délégué régional, moins de deux mois après son entrée en fonction, suscitèrent critiques et protestations et le préfet d’Ille-et-Vilaine diligenta une enquête de police dont il rendit compte, le 6 février 1943, au commissaire général aux questions juives.
Très vite, la personnalité et les agissements du délégué régional, moins de deux mois après son entrée en fonction, suscitèrent critiques et protestations et le préfet d’Ille-et-Vilaine diligenta une enquête de police dont il rendit compte, le 6 février 1943, au commissaire général aux questions juives.
Son action, avait, d’ores et déjà, été la cause de réels désordres, dans la ville de Dinard qu’il connaissait si bien, au point que le maire de Dinard et le sous-préfet de Saint-Malo, soucieux de garantir l’ordre public, avaient fait exercer autour de lui une surveillance constante car il enquêtait, perquisitionnait et faisait procéder par la police allemande à des arrestations de personnes qu’il considérait, à tort ou à raison, comme non aryennes. Le préfet souligne que les autorités allemande ont dû intervenir, en particulier, pour obliger Du Perron de Maurin à restituer à leurs légitimes propriétaires des fourrures qu’il avait indûment saisies chez un fourreur qu’il considérait comme étant juif.
Son action, avait, d’ores et déjà, été la cause de réels désordres, dans la ville de Dinard qu’il connaissait si bien, au point que le maire de Dinard et le sous-préfet de Saint-Malo, soucieux de garantir l’ordre public, avaient fait exercer autour de lui une surveillance constante car il enquêtait, perquisitionnait et faisait procéder par la police allemande à des arrestations de personnes qu’il considérait, à tort ou à raison, comme non aryennes. Le préfet souligne que les autorités allemande ont dû intervenir, en particulier, pour obliger Du Perron de Maurin à restituer à leurs légitimes propriétaires des fourrures qu’il avait indûment saisies chez un fourreur qu’il considérait comme étant juif.
24 088

modifications