« 8 novembre 1956 : une colère rennaise » : différence entre les versions

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Nagy, gagné par l'euphorie populaire, forme le 1er novembre un gouvernement de coalition et annonce le retrait de la Hongrie du pacte de Varsovie. C'est trop pour les Soviétiques : dès le dimanche 4 novembre, 8 divisions et plusieurs centaines de chars de l’armée rouge entrent dans Budapest. Les insurgés, étudiants, salariés, résistent avec héroïsme mais sont écrasés.
Nagy, gagné par l'euphorie populaire, forme le 1er novembre un gouvernement de coalition et annonce le retrait de la Hongrie du pacte de Varsovie. C'est trop pour les Soviétiques : dès le dimanche 4 novembre, 8 divisions et plusieurs centaines de chars de l’armée rouge entrent dans Budapest. Les insurgés, étudiants, salariés, résistent avec héroïsme mais sont écrasés.
Une protestation enfle en France et des manifestations sont organisées par un large éventail de forces politiques et syndicales, à l’exception évidemment du parti communiste et de la CGT, pour rendre hommage à tous les Hongrois morts pour la liberté. L’indignation provoquée par la violence de la répression et le rejet de l’attitude du PCF qui se solidarise avec la politique soviétique en dénonçant l’insurrection « fasciste et réactionnaire » conduisent des militants de droite et d’extrême-droite à rêver d’en découdre avec le Parti communiste. Le 7 novembre à Paris, des manifestants avaient tenté d’incendier le siège du PC et l’immeuble de L’Humanité. De violents heurts avaient eu lieu entre manifestants et contre-manifestants puis avec les forces de police faisant un mort et de nombreux blessés.
Une protestation enfle en France et des manifestations sont organisées par un large éventail de forces politiques et syndicales, à l’exception évidemment du parti communiste et de la CGT, pour rendre hommage à tous les Hongrois morts pour la liberté. L’indignation provoquée par la violence de la répression et le rejet de l’attitude du PCF qui se solidarise avec la politique soviétique en dénonçant l’insurrection « fasciste et réactionnaire » conduisent des militants de droite et d’extrême-droite à rêver d’en découdre avec le Parti communiste. Le 7 novembre à Paris, des manifestants avaient tenté d’incendier le siège du PC et l’immeuble de L’Humanité. De violents heurts avaient eu lieu entre manifestants et contre-manifestants puis avec les forces de police faisant un mort et de nombreux blessés.
[[Fichier:Ouest_Matin.png|300px|left|thumb|Le journal communiste O''uest-Matin'']]
[[Fichier:Ouest_Matin.png|300px|left|thumb|Le journal communiste ''Ouest-Matin'']]
==Jeudi 8 novembre, à Rennes, une manifestation agitée==
==Jeudi 8 novembre, à Rennes, une manifestation agitée==


==='''Rue des Dames'''===
==='''Rue des Dames'''===


La population rennaise a été invitée à manifester sa sympathie à La Hongrie insurgée. Devant le [[palais du Commerce]] plusieurs centaines d'étudiants, lycéens et collégiens s'assemblent, interrompant la circulation. Il fait beau. Quelques agents improvisent un service d'ordre. À 11 heures, ont lieu le dépôt de gerbes au [[Panthéon rennais]], [[place de la Mairie]], où ''plus de 15 000 personnes avaient défilé en silence derrière les représentants de la municipalité. Toutes les classes de la société, tous les partis politique (communistes exceptés, évidemment), tous les groupements syndicaux, sauf la C.G.T., étaient représentés officiellement.'' <ref> ''Ouest-France'' du 9/11/1956, p.2</ref> et des discours de solidarité et de compassion en faveur du peuple hongrois et on entonne la Marseillaise. Des magasins sont rideaux baissés par crainte d’exaction des manifestants probablement mais plus sûrement à l’appel de l’Union du commerce rennais qui a d’ailleurs demandé à ses adhérents de fermer afin de permettre à leur personnel de participer à la manifestation.
La population rennaise a été invitée à manifester sa sympathie à La Hongrie insurgée. Devant le [[palais du Commerce]] plusieurs centaines d'étudiants, lycéens et collégiens s'assemblent, interrompant la circulation. Il fait beau. Quelques agents improvisent un service d'ordre. À 11 heures, ont lieu le dépôt de gerbes au [[Panthéon rennais]], [[place de la Mairie]], où ''plus de 15 000 personnes avaient défilé en silence derrière les représentants de la municipalité. Toutes les classes de la société, tous les partis politique (communistes exceptés, évidemment), tous les groupements syndicaux, sauf la C.G.T., étaient représentés officiellement.'' <ref> ''Ouest-France'' du 9/11/1956, p.2</ref> et des discours de solidarité et de compassion en faveur du peuple hongrois et on entonne la Marseillaise. Des magasins sont rideaux baissés par crainte d’exaction des manifestants probablement mais plus sûrement à l’appel de l’Union du commerce rennais qui a d’ailleurs demandé à ses adhérents de fermer afin de permettre à leur personnel de participer à la manifestation.
Une longue colonne quitte le haut de la place, des jeunes pour la plupart, essentiellement des étudiants - ainsi la faculté de droit de la [[place Saint-Melaine]] s’est vidée ; elle se dirige, aux cris de « Au PC ! », « Les cocos à Moscou ! » vers les locaux du Parti situés 2, [[rue des Dames]], en passant par la [[rue de Montfort]] quasi déserte et la [[rue du Chapitre]] et elle pénètre dans la cour pavée de l’immeuble du 18e siècle d’où des lancés de cailloux brisent des vitres. Des manifestant envahissent la cage d’escalier et s’y entassent tandis qu’arrivent des uniformes bleus de gardiens de la paix accueillis par des « La police avec nous ! ». Bientôt des silhouettes apparaissent aux fenêtres de l’appartement du PC d’où tombent chaises, planches, livres, brochures, affiches, une ronéo disloquée dans la cour inondée de soleil. Une voix forte s’élève incitant les manifestants à arrêter les frais, indiquant que trois manifestant sont blessés, sans doute celle d’un commissaire de police<ref>Témoignage de Charles-Antoine Cardot</ref>.
Une longue colonne quitte le haut de la place, des jeunes pour la plupart, essentiellement des étudiants - ainsi la faculté de droit de la [[place Saint-Melaine]] s’est vidée ; elle se dirige, aux cris de « Au PC ! », « Les cocos à Moscou ! » vers les locaux du Parti situés 2, [[rue des Dames]], en passant par la [[rue de Montfort]] quasi déserte et la [[rue du Chapitre]] et elle pénètre dans la cour pavée de l’immeuble du 18e siècle d’où des lancés de cailloux brisent des vitres. Des manifestant envahissent la cage d’escalier et s’y entassent tandis qu’arrivent des uniformes bleus de gardiens de la paix accueillis par des « La police avec nous ! ». Bientôt des silhouettes apparaissent aux fenêtres de l’appartement du PC d’où tombent chaises, planches, livres, brochures, affiches, une ronéo disloquée dans la cour inondée de soleil. Une voix forte s’élève incitant les manifestants à arrêter les frais, indiquant que trois manifestant sont blessés, sans doute celle d’un commissaire de police<ref>Témoignage de Charles-Antoine Cardot</ref>.
[[Fichier:Rennes_8_novembre_1956149.jpg|300px|right|thumb|Manifestants rennais devant les locaux de Ouest-Matin (collection Dr Badault)]]
[[Fichier:Rennes_8_novembre_1956149.jpg|300px|right|thumb|Manifestants rennais devant les locaux de Ouest-Matin (collection Dr Badault)]]
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L’Humanité du 9 novembre écrit: « Ce n’est pas seulement les “paras”, les tueurs de chez nous qui ont mis le feu aux maisons et aux livres à Paris, à Rennes, à Caen et ailleurs. Au coude à coude avec eux, protégés par la police française, brandissant le drapeau de l’ancienne Hongrie féodale, celui d’Adenauer et celui de la Russie tsariste, marchaient dans les rues les émigrés fascistes de tous les pays d’Europe."  
L’Humanité du 9 novembre écrit: « Ce n’est pas seulement les “paras”, les tueurs de chez nous qui ont mis le feu aux maisons et aux livres à Paris, à Rennes, à Caen et ailleurs. Au coude à coude avec eux, protégés par la police française, brandissant le drapeau de l’ancienne Hongrie féodale, celui d’Adenauer et celui de la Russie tsariste, marchaient dans les rues les émigrés fascistes de tous les pays d’Europe."  
<ref>''Les intellectuels français et l’insurrection hongroise de 1956'', p.19 Florence Grandsenne - 2006 </ref> . Aucun manifestant ne sera arrêté sur le moment et ce n’est que dix ans plus tard que l’État et la Ville de Rennes, à la suite d’une longue procédure, seront condamnés à verser une indemnisation à la société propriétaire des locaux pour défaut de maintien de l’ordre.
<ref>''Les intellectuels français et l’insurrection hongroise de 1956'', p.19 Florence Grandsenne - 2006 </ref>. Aucun manifestant ne sera arrêté sur le moment et ce n’est que dix ans plus tard que l’État et la Ville de Rennes, à la suite d’une longue procédure, seront condamnés à verser une indemnisation à la société propriétaire des locaux pour défaut de maintien de l’ordre.
<ref>''8 novembre 1956, la mise à sac du journal communiste'', David Bensoussan. Place Publique n° 18 - juillet-août 2012.</ref>
<ref>''8 novembre 1956, la mise à sac du journal communiste'', David Bensoussan. Place Publique n° 18 - juillet-août 2012.</ref>
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