« Après la libération, les internées administratives au camp Margueritte » : différence entre les versions

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''Les gardiens sont un grand brigadier Mérel qui est surnommé « Nickel » et un autre brun, assez dur, nommé Bouliou, surnommé « Au poil » car c’est une expression qu’il emploie toujours pour exiger de nous des nettoyages,'' le brigadier Martin. Et sont de garde des G.M.R, gendarmes des groupes mobiles de réserve - qui, début août étaient encore aux ordres du gouvernement de Vichy. Elle résumera en dernière page du premier cahier les vexations policières et les conditions de vie : tinettes sans porte dans la cabane, lits de 0, 60 m de largeur et matelas sales, promiscuité, parfois mesquineries, disputes mais aussi partage des colis… . À l’heure des toilettes les policiers ont, semble-t-il quelque plaisir à faire leur ronde.
''Les gardiens sont un grand brigadier Mérel qui est surnommé « Nickel » et un autre brun, assez dur, nommé Bouliou, surnommé « Au poil » car c’est une expression qu’il emploie toujours pour exiger de nous des nettoyages,'' le brigadier Martin. Et sont de garde des G.M.R, gendarmes des groupes mobiles de réserve - qui, début août étaient encore aux ordres du gouvernement de Vichy. Elle résumera en dernière page du premier cahier les vexations policières et les conditions de vie : tinettes sans porte dans la cabane, lits de 0, 60 m de largeur et matelas sales, promiscuité, parfois mesquineries, disputes mais aussi partage des colis… . À l’heure des toilettes les policiers ont, semble-t-il quelque plaisir à faire leur ronde.
''Je n’ai pas aperçu mon époux […] je ne l’ai pas vu parce qu’on ferme exprès nos portes de baraque pour que nous ne voyions pas les hommes passer. Quelle mesquinerie !  Il est strictement interdit de regarder du côté des hommes par une fenêtre de baraque. Le 19 novembre, on met un homme à la cellule parce qu’il a parlé à une femme. J’en profite pour faire la morale aux femmes des baraques car le pauvre a été maltraité, battu avec un nerf de bœuf et a la joue et l’œil rouges.'' L’incartade est sanctionnée d’une mise en cellule.
''Je n’ai pas aperçu mon époux […] je ne l’ai pas vu parce qu’on ferme exprès nos portes de baraque pour que nous ne voyions pas les hommes passer. Quelle mesquinerie !  Il est strictement interdit de regarder du côté des hommes par une fenêtre de baraque. Le 19 novembre, on met un homme à la cellule parce qu’il a parlé à une femme. J’en profite pour faire la morale aux femmes des baraques car le pauvre a été maltraité, battu avec un nerf de bœuf et a la joue et l’œil rouges.'' L’incartade est sanctionnée d’une mise en cellule.
Un policier demande à une des internées s’il y a des femmes de docteur. Cette personne répond : « Mme Tizon », chef de baraque. ''Ce policier regardant dans son carnet et allant voir un copain de dire : « Vous avez une comtesse Pannetier de Roissay. Oui, répond cette personne […]  « Oh celle-là, reprit le policier, elle est bien là'' ». Le médecin lui apparaît inopérant et l’infirmerie ne dispose de presque rien. Il y a des cas de salpingites, rhumes, bronchite et grippe arrivent.
Un policier demande à une des internées s’il y a des femmes de docteur. Cette personne répond : « Mme Tizon », chef de baraque. ''Ce policier regardant dans son carnet et allant voir un copain de dire : « Vous avez une comtesse Pannetier de Roissay. Oui, répond cette personne […]  « Oh celle-là, reprit le policier, elle est bien là'' ». Le médecin lui apparaît inopérant et l’infirmerie ne dispose de presque rien. Il y a des cas de salpingites; rhumes, bronchite et grippe arrivent.
===La journée===
===La journée===
Vers 7 h, réveil puis commence le remue-ménage pour la toilette et les toilettes.
Vers 7 h, réveil puis commence le remue-ménage pour la toilette et les toilettes.
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  [[Fichier:Plan_du_camp.png|350px|left|thumb|plan du camp. Décembre. 1944. Les baraques 1, 2 et 3 étaient celles des détenues ]]
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8 h15 messe de l’abbé Poisson, vicaire à Notre-Dame-de Bonne-Nouvelle <ref > Autonomiste, auteur de nombreux ouvrages sur la Bretagne, libéré le 28 octobre </ref> suivie par un petit groupe de femmes des deux baraques, mais que ne manque pas Mme Le Pannetier.
8h15 messe de l’abbé Poisson, vicaire à Notre-Dame-de Bonne-Nouvelle <ref > Autonomiste, auteur de nombreux ouvrages sur la Bretagne, libéré le 28 octobre </ref> suivie par un petit groupe de femmes des deux baraques, mais que ne manque pas Mme Le Pannetier.


Faire son lit, draps et couverture pliés sur le pied du lit
Faire son lit, draps et couverture pliés sur le pied du lit
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Elle relève les présences de Mme Kaiser, épouse française du célèbre joueur de football allemand du Stade rennais Walter Kaiser, avant la guerre. ''Il a fait beaucoup de bien et notamment empêché de partir l’avocat Baudet qui en était fort menacé'' ; <ref> Kaiser a pu,  par ses fonctions auprès de l'occupant allemand,  détruire de nombreuses lettres de dénonciation entre habitants de Rennes </ref> , celle de May Carré, milicienne,  de ''Mlle Sonia Oulberg'' (probablement Ulberg), ''secrétaire du  marquis du Perron'',  <ref> {{w|Raymond Du Perron de Maurin}}, ancien commissaire régional aux questions juives, chef régional  de la Milice, exécuté le 5/11/1946 </ref>  chef de la Milice, ayant beaucoup été utilisée  par les Allemands mais se défendant d’avoir fait de l’espionnage, de Mme Merle dont le mari tenait le C.O.S.I. à Rennes, <ref> Comité ouvrier de secours immédiat, 16 [[rue du Pré-Botté ]]</ref> ''on dit que c’est un cas assez grave, ce sont les biens des Juifs pris par les Allemands que l’on distribuait, parait-il, aux Français ; de Marie-Thérèse H., maîtresse de Breuer'' <ref> Hauptscharführer Adolph Breuer, du SD de Rennes, qui avait pris la fuite vers la Belgique en compagnie de sa maîtresse rennaise, elle-même interprète à ce SD. Le couple sera arrêté et incarcéré à Bruxelles et Breuer se suicidera dans sa cellule </ref>. ''Cléo Bougault nous a raconté qu’attachée à une compagnie allemande avec laquelle elle était de retour de Normandie (à Saint-Grégoire puis au collège Saint-Vincent une nuit elle était la maîtresse d’un Allemand, elle a été arrêtée par un prêtre, l’abbé Baudry <ref>[[Allée Chanoine Baudry]]</ref> , rue de Paris, qui la dénonça subitement tandis qu’elle allait chercher les objets qu’elle avait reçus en cadeau des Allemands…''
Elle relève les présences de Mme Kaiser, épouse française du célèbre joueur de football allemand du Stade rennais Walter Kaiser, avant la guerre. ''Il a fait beaucoup de bien et notamment empêché de partir l’avocat Baudet qui en était fort menacé'' ; <ref> Kaiser a pu,  par ses fonctions auprès de l'occupant allemand,  détruire de nombreuses lettres de dénonciation entre habitants de Rennes </ref> , celle de May Carré, milicienne,  de ''Mlle Sonia Oulberg'' (probablement Ulberg), ''secrétaire du  marquis du Perron'',  <ref> {{w|Raymond Du Perron de Maurin}}, ancien commissaire régional aux questions juives, chef régional  de la Milice, exécuté le 5/11/1946 </ref>  chef de la Milice, ayant beaucoup été utilisée  par les Allemands mais se défendant d’avoir fait de l’espionnage, de Mme Merle dont le mari tenait le C.O.S.I. à Rennes, <ref> Comité ouvrier de secours immédiat, 16 [[rue du Pré-Botté ]]</ref> ''on dit que c’est un cas assez grave, ce sont les biens des Juifs pris par les Allemands que l’on distribuait, parait-il, aux Français ; de Marie-Thérèse H., maîtresse de Breuer'' <ref> Hauptscharführer Adolph Breuer, du SD de Rennes, qui avait pris la fuite vers la Belgique en compagnie de sa maîtresse rennaise, elle-même interprète à ce SD. Le couple sera arrêté et incarcéré à Bruxelles et Breuer se suicidera dans sa cellule </ref>. ''Cléo Bougault nous a raconté qu’attachée à une compagnie allemande avec laquelle elle était de retour de Normandie (à Saint-Grégoire puis au collège Saint-Vincent une nuit elle était la maîtresse d’un Allemand, elle a été arrêtée par un prêtre, l’abbé Baudry <ref>[[Allée Chanoine Baudry]]</ref> , rue de Paris, qui la dénonça subitement tandis qu’elle allait chercher les objets qu’elle avait reçus en cadeau des Allemands…''
[[Fichier:Baraques_camp_Margueritte.png|250px|left|thumb| Dessin d'un détenu en 1945]]
[[Fichier:Baraques_camp_Margueritte.png|250px|left|thumb| Dessin d'un détenu en 1945]]
Mme Le Pannetier de Roissay, qui ne dédaigne pas de coucher sur une fiche les plaisanteries lestes qui sont racontées (''On se distrait d’un rien, lettres d’amour plus ou moins grossières, chansons plus ou moins décolletées, réflexions…'') laisse 20 fiches détaillées sur des détenues et rédige aussi une liste relevant les motifs d’internement des femmes de sa baraque (2, anciennement 1) dont elle a eu connaissance - surtout par les personnes concernées, doit-on penser car elle écrit : ''c’est inouï la quantité de brouillons de lettres que l’on m’a demandé de faire''. Elle note ainsi les motifs d’internement pour 80 femmes sur 115 :  ''travail et familiarités'' :17 – ''familiarités'' : 8 <ref> Familiarité : euphémisme pour relations sexuelles avec des Allemands </ref> ''travail chez les Allemands'' :16 – opinion : 9 – collaboratrices :7 – divers : 5 (''mari franciste tué, Alsacienne, démêlés avec commissaire, refus de coucher avec FFI''…) – commerce, marché noir : 7 -  ''rien'' : 10, ce qui signifierait : aucun motif donné. Deux cas parmi d’autres décrits sur fiches : ''Azeline Mil, née à Baulon, son mari prisonnier est, par 8 personnes nommées, accusée d’être milicienne, a été arrêtée à Baulon, et conduite au château de Monterfil, a été battue, cheveux coupés, […] enfermée au château de Monterfil dans un cachot, a été gardée 5 semaines à Monterfil avant d’être emmenée à Rennes pour qu’on ne voit pas les marques de coups qu’elle avait sur le corps. Cette Mme Mil avait pourtant fait sortir 2 Français de prison ; Mlle Annie Latreille, petite-fille de M. Lemaître, sénateur, ancien maire de Rennes'' <ref> [[rue Jean Lemaistre]] </ref> […] ''Elle est jolie, grande, intelligente […) fiancée à un officier allemand''.  
Mme Le Pannetier de Roissay, qui ne dédaigne pas de coucher sur une fiche les plaisanteries lestes qui sont racontées (''On se distrait d’un rien, lettres d’amour plus ou moins grossières, chansons plus ou moins décolletées, réflexions…'') laisse 20 fiches détaillées sur des détenues et rédige aussi une liste relevant les motifs d’internement des femmes de sa baraque (2, anciennement 1) dont elle a eu connaissance - surtout par les personnes concernées, doit-on penser car elle écrit : ''c’est inouï la quantité de brouillons de lettres que l’on m’a demandé de faire''. Elle note ainsi les motifs d’internement pour 80 femmes sur 115 :  ''travail et familiarités'' :17 – ''familiarités'' : 8 <ref> Familiarité : euphémisme pour relations sexuelles avec des Allemands </ref> ''travail chez les Allemands'' :16 – opinion : 9 – collaboratrices :7 – divers : 5 (''mari franciste tué, Alsacienne, démêlés avec commissaire, refus de coucher avec FFI''…) – commerce, marché noir : 7 -  ''rien'' : 10, ce qui signifierait : aucun motif donné. Deux cas parmi d’autres décrits sur fiches : ''Azeline Mil, née à Baulon, son mari prisonnier est, par 8 personnes nommées, accusée d’être milicienne, a été arrêtée à Baulon, et conduite au château de Monterfil, a été battue, cheveux coupés, […] enfermée au château de Monterfil dans un cachot, a été gardée 5 semaines à Monterfil avant d’être emmenée à Rennes pour qu’on ne voit pas les marques de coups qu’elle avait sur le corps. Cette Mme Mil avait pourtant fait sortir 2 Français de prison ; Mlle Annie Latreille, petite-fille de M. Lemaître, sénateur, ancien maire de Rennes'' <ref> [[rue Jean Lemaistre]] </ref> […] ''Elle est jolie, grande, intelligente […] fiancée à un officier allemand''.  
Le 21 octobre, elle hérite du brassard de chef de baraque, ''travail très fourni, très absorbant et je vois bien que je ne vais plus du tout m’appartenir''.  En effet, de nombreuses taches lui incombent ; ainsi elle établit des listes : de 18 noms de démunies ayant besoin de vêtements, arrêtées en vêtements légers d’été, de 15 pour l’obtention de colis de la Croix-Rouge, de 38 démunies de cartes d’alimentation, perdues, volées, restées au domicile avec les adresses notées. Elle se soucie beaucoup du sort de ses « femmes » ou de ses « filles», ainsi qu’il lui arrive d’écrire.  Le 14 décembre arriveront de la prison Jacques Cartier des détenues étrangères de droit commun ayant purgé leur peine.
Le 21 octobre, elle hérite du brassard de chef de baraque, ''travail très fourni, très absorbant et je vois bien que je ne vais plus du tout m’appartenir''.  En effet, de nombreuses taches lui incombent ; ainsi elle établit des listes : de 18 noms de démunies ayant besoin de vêtements, arrêtées en vêtements légers d’été, de 15 pour l’obtention de colis de la Croix-Rouge, de 38 démunies de cartes d’alimentation, perdues, volées, restées au domicile avec les adresses notées. Elle se soucie beaucoup du sort de ses « femmes » ou de ses « filles», ainsi qu’il lui arrive d’écrire.  Le 14 décembre arriveront de la prison Jacques Cartier des détenues étrangères de droit commun ayant purgé leur peine.
===Visites de personnalités===
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