« Beurre de la Prévalaye » : différence entre les versions

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[[Fichier:Chateau_de_la_prevalaye.jpeg|300px|thumb|Gravure d'un dessin de L. Thérond<ref>''De Paris à Rennes'', par Auguste Moutié, collection des guides Joanne. Hachette et Cie éd. -1879</ref>]]
[[Fichier:Chateau_de_la_pr%C3%A9valaye.png|305px|left|thumb|Le château.(lithographie du 19e siècle)]]
[[Fichier:Chateau_de_la_pr%C3%A9valaye.png|305px|left|thumb|Le château.(lithographie du 19e siècle)]]
[[Fichier:Beurre prevalaye henri.jpg|thumb|Carte postale éditée par J. sorel début 20e siècle. Coll. YRG. ''Cette carte est issue d'une série d'environ 80 cartes, contestée pour son côté stéréotype et caricatural'']]
[[Fichier:Beurre prevalaye henri.jpg|thumb|Carte postale éditée par J. sorel début 20e siècle. Coll. YRG. ''Cette carte est issue d'une série d'environ 80 cartes, contestée pour son côté stéréotype et caricatural''.]]
Le '''beurre de la Prévalaye''' est une spécialité rennaise qui fut appréciée pendant trois siècles.
Le '''beurre de la Prévalaye''' est une spécialité bretonne qui fut appréciée pendant trois siècles.


Ce beurre provenait de l'exploitation laitière du [[château de la Prévalaye]], sis à quelques kilomètres à l'ouest de Rennes, créée par le marquis éponyme.
Ce beurre provenait à l'origine des métairies du [[château de la Prévalaye]], sis à quelques kilomètres à l'ouest de Rennes.


== Une gourmandise réputée dès le 17e siècle ==
== Une gourmandise réputée dès le 17e siècle ==
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Le 14 février 1680, se référant au carême, à propos d'une réunion parisienne de nobles bretons, elle écrivit : « ''On eût mangé du beurre de Bretagne, s'il eût été jour maigre'' ».
Le 14 février 1680, se référant au carême, à propos d'une réunion parisienne de nobles bretons, elle écrivit : « ''On eût mangé du beurre de Bretagne, s'il eût été jour maigre'' ».
 
Le ''Guide du voyageur en France'', de Reichard, publié en allemand en 1784 et traduit en français en 1810, considéré comme le premier guide moderne, remarque « le beurre de la Prévalaye qui n'a de comparable que celui de la vallée de Campan, sur l'Adour. »
==Une référence majeure au 19e siècle==
Le ''Guide du voyageur en France'', de Reichard, publié en allemand en [[1784]] et traduit en français en 1810, considéré comme le premier guide moderne, remarque « le beurre de la Prévalaye qui n'a de comparable que celui de la vallée de Campan, sur l'Adour. »


En 1812, on lit dans  un ''Almanach des Gourmands'' de Grimod de la Reynière : ''Aujourd'hui on ne voit guère paroître que du Beurre de la Prévalaie en paniers sur les tables opulentes, et en petits pots sur les autres. Ce canton de la Bretagne est en possession de nous fournir pour les hors-d'oeuvre le meilleur Beurre connu; il n'est ni salé ni à demi-sel, et il est cependant d'une saveur moins douce que le Beurre frais, et singulièrement agréable mangé en tartines, sur-tout avec le pain de seigle''.  Et une note précise : ''On trouve toute l'année, chez M. Plailly, épicier, rue Montorgueil, N°71, d'excellent beurre de la Prévalaie, tant en paniers qu'en petits pots, et dans les prix les plus modérés. C'est le mardi de chaque semaine qu'il reçoit ses envois''.<ref> ''Identité gourmande de la Bretagne moderne'', par Florent Quellier.  Bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine, t. CXV - 2011</ref>
En 1812, on lit dans  un ''Almanach des Gourmands'' de Grimod de la Reynière : ''Aujourd'hui on ne voit guère paroître que du Beurre de la Prévalaie en paniers sur les tables opulentes, et en petits pots sur les autres. Ce canton de la Bretagne est en possession de nous fournir pour les hors-d'oeuvre le meilleur Beurre connu; il n'est ni salé ni à demi-sel, et il est cependant d'une saveur moins douce que le Beurre frais, et singulièrement agréable mangé en tartines, sur-tout avec le pain de seigle''.  Et une note précise : ''On trouve toute l'année, chez M. Plailly, épicier, rue Montorgueil, N°71, d'excellent beurre de la Prévalaie, tant en paniers qu'en petits pots, et dans les prix les plus modérés. C'est le mardi de chaque semaine qu'il reçoit ses envois''.<ref> ''Identité gourmande de la Bretagne moderne'', par Florent Quellier.  Bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine, t. CXV - 2011</ref>
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À Rennes, « on appelle ''moche de beurre'' un petit pain de beurre ordinairement de la Prévalais, du poids d'un quart de livre »<ref> ''Liste alphabétique de quelques mots en usage à Rennes'', par M.F.A. Le Mière de Corvey, chef de bataillon. Mémoire de la Société royale des Antiquaires de France. t.6 - 1824.</ref>.
À Rennes, « on appelle ''moche de beurre'' un petit pain de beurre ordinairement de la Prévalais, du poids d'un quart de livre »<ref> ''Liste alphabétique de quelques mots en usage à Rennes'', par M.F.A. Le Mière de Corvey, chef de bataillon. Mémoire de la Société royale des Antiquaires de France. t.6 - 1824.</ref>.


===les secrets d'une fabrication très élaborée===
===Les secrets d'une fabrication soignée===


On peut lire en [[1835]] :
On peut lire en [[1835]] :
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On exige dans le beurre de la Prévalaye un goût exquis de noisette, une grande fermeté, une couleur dorée et beaucoup de propreté. Il tire son goût de la nourriture des vaches, sa fermeté du procédé de le battre, sa couleur de la circonstance du printemps et de la nature des herbes, sa propreté de la beurrière qui le fait et y met des soins louables.
On exige dans le beurre de la Prévalaye un goût exquis de noisette, une grande fermeté, une couleur dorée et beaucoup de propreté. Il tire son goût de la nourriture des vaches, sa fermeté du procédé de le battre, sa couleur de la circonstance du printemps et de la nature des herbes, sa propreté de la beurrière qui le fait et y met des soins louables.


===d'un lait de vaches dorlotées===
===Avec un lait de vaches dorlotées===


Dans les prés hauts des environs de Rennes, il croît une herbe très fine, dont la couleur, au printemps est égale aux boulingrins d'Angleterre, du plus beau vert. Lorsqu'on les examine de près, on y observe tous les trèfles, les meilleures graminées, le sainfoin, la pimprenelle, le laitron à feuilles de laitue, la carotte, le gesse, le lotier, le polygala, le pied de lièvre, la vesce sauvage et autres excellentes herbes ; on supprime avec soin les herbes nuisibles, et aussi celles qui sont acides et nuiraient à la délicatesse du beurre. On a, dans la même vue, très grand soin d'écarter les vaches des fleurs du châtaignier, dont le pays est rempli, qui tombent au printemps, que les vaches aiment beaucoup, et qui donne au beurre un goût détestable. On sert, le matin, aux vaches un repas de ces herbes naissantes, mêlées à des tiges de seigle qu'on a coupé en vert, et du bon foin de l'année précédente; ce déjeuner est précédé d'une ample boisson blanchie avec des recoupes, un peu salée et servie tièdes. Pendant la journée on leur abandonne des pacages, réservés et clos pour elles; le soir elles ont le même repas que le matin et c'est pendant qu'elles mangent qu'on les trait après avoir lavé leur pis<ref>''Livre de l'économie et de l'administration rurale'', par Mauny de Mornay, A.L. Paguerre et Cie, éditeurs - 1838</ref>.
Dans les prés hauts des environs de Rennes, il croît une herbe très fine, dont la couleur, au printemps est égale aux boulingrins d'Angleterre, du plus beau vert. Lorsqu'on les examine de près, on y observe tous les trèfles, les meilleures graminées, le sainfoin, la pimprenelle, le laitron à feuilles de laitue, la carotte, le gesse, le lotier, le polygala, le pied de lièvre, la vesce sauvage et autres excellentes herbes ; on supprime avec soin les herbes nuisibles, et aussi celles qui sont acides et nuiraient à la délicatesse du beurre. On a, dans la même vue, très grand soin d'écarter les vaches des fleurs du châtaignier, dont le pays est rempli, qui tombent au printemps, que les vaches aiment beaucoup, et qui donne au beurre un goût détestable. On sert, le matin, aux vaches un repas de ces herbes naissantes, mêlées à des tiges de seigle qu'on a coupé en vert, et du bon foin de l'année précédente; ce déjeuner est précédé d'une ample boisson blanchie avec des recoupes, un peu salée et servie tièdes. Pendant la journée on leur abandonne des pacages, réservés et clos pour elles; le soir elles ont le même repas que le matin et c'est pendant qu'elles mangent qu'on les trait après avoir lavé leur pis<ref>''Livre de l'économie et de l'administration rurale'', par Mauny de Mornay, A.L. Paguerre et Cie, éditeurs - 1838</ref>.
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[[Fichier:Beurre_de_la_prevalaye.jpeg|200px|right|thumb|Le beurre de la Prévalaye, toujours apprécié au début du 20e siècle<ref> publicité dans le guide ''Rennes et ses environs'', d'Adolphe Orain. Bahon-Rault éd. - 1904</ref>]]
[[Fichier:Beurre_de_la_prevalaye.jpeg|200px|right|thumb|Le beurre de la Prévalaye, toujours apprécié au début du 20e siècle<ref> publicité dans le guide ''Rennes et ses environs'', d'Adolphe Orain. Bahon-Rault éd. - 1904</ref>]]


== Toujours apprécié au 19e siècle ==
== Patrimoine culinaire de Rennes au 19e siécle ==


Le beurre clôt la rubrique consacrée à Rennes [29680 h.] dans l'Encyclopédie du Commerçant, par Guillaumin, édition de 1841 : "C'est encore des contrées qui environnent Rennes que nous viennent les beurres de la Prévalaie, de Bréquigny et de [[Pacé]]. Celui de la Prévalaie est surtout recherché. On en fait de deux qualités : beurre fin, et beurre de provision ou de garde. C'est la première de ces qualités qui a fait la réputation du beurre de la Prévalaie, dont le commerce a pris un grand développement depuis un certain nombre d'années."
Le beurre clôt la rubrique consacrée à Rennes [29680 h.] dans l'Encyclopédie du Commerçant, par Guillaumin, édition de 1841 : "C'est encore des contrées qui environnent Rennes que nous viennent les beurres de la Prévalaie, de Bréquigny et de [[Pacé]]. Celui de la Prévalaie est surtout recherché. On en fait de deux qualités : beurre fin, et beurre de provision ou de garde. C'est la première de ces qualités qui a fait la réputation du beurre de la Prévalaie, dont le commerce a pris un grand développement depuis un certain nombre d'années."


Le guide Richard de 1851, "guide classique du voyageur en France & en Belgique", ne manque pas de citer, dans sa colonne et demie consacrée à Rennes, "''l'excellent beurre qui se fait à Prévalaye, à 4 kil. de Rennes''.
Le guide Richard de [[1851]], "guide classique du voyageur en France & en Belgique", ne manque pas de citer, dans sa colonne et demie consacrée à Rennes, "''l'excellent beurre qui se fait à Prévalaye, à 4 kil. de Rennes''.


Dès lors, rares sont les guides de voyage, en voiture attelée puis en chemin de fer, qui ne vont pas mentionner le beurre de la Prévalaye au rang des spécificités rennaises à apprécier, tel le guide britannique Murray's pour la France de 1877, qui, dans sa page sur Rennes, indique : "Le beurre salé est excellent, spécialement celui de la Prévalaye, envoyé en grandes quantités dans d'autres régions de France". En 1893, le ''Guide Conty'', Bretagne-Ouest, propose l'excursion au château de la Prévalaye, "resté célèbre par le passage de Henri IV, en 1598" et il n'omet pas de rappeler  que "c'est aussi de cette époque que date la renommée du ''beurre'' de la Prévalaye, estimé le meilleur de France"<ref> ''Rennes dans les guides de voyage du XIXe siècle'', par Etienne Maignen, bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine, t. CXII - 2008</ref>. Il a pignon sur le quai de la Prévalaye, au n° 19.
Dès lors, rares sont les guides de voyage, en voiture attelée puis en chemin de fer, qui ne vont pas mentionner le beurre de la Prévalaye au rang des spécificités rennaises à apprécier, tel le guide britannique Murray's pour la France de 1877, qui, dans sa page sur Rennes, indique : "Le beurre salé est excellent, spécialement celui de la Prévalaye, envoyé en grandes quantités dans d'autres régions de France". En 1893, le ''Guide Conty'', Bretagne-Ouest, propose l'excursion au château de la Prévalaye, "resté célèbre par le passage de Henri IV, en 1598" et il n'omet pas de rappeler  que "c'est aussi de cette époque que date la renommée du ''beurre'' de la Prévalaye, estimé le meilleur de France"<ref> ''Rennes dans les guides de voyage du XIXe siècle'', par Etienne Maignen, bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine, t. CXII - 2008</ref>. Il a pignon sur le quai de la Prévalaye, au n° 19.
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== Au 21e siècle, vers une commercialisation du nom ? ==
== Au 21e siècle, vers une commercialisation du nom ? ==


Le 23 avril 2001, "la Prévalaye" avait fait l'objet d'une mise en consultation d’une demande d’enregistrement d’une indication géographique protégée, avec les produits laitiers d'Ille-et-Vilaine, initiative d'une grande coopérative laitière de la région rennaise, mais il semble que la démarche n'a pas abouti<ref>[http://www.bercy.gouv.fr/fonds_documentaire/dgccrf/boccrf/01_05/a0050006.htm Avis de mise en consultation d’une demande d’enregistrement d’une indication géographique protégée concernant des produits laitiers de Rennes ou de la Prévalaye]</ref>.
Le 23 avril [[2001]], "la Prévalaye" avait fait l'objet d'une mise en consultation d’une demande d’enregistrement d’une indication géographique protégée, avec les produits laitiers d'Ille-et-Vilaine, initiative d'une grande coopérative laitière de la région rennaise, mais il semble que la démarche n'a pas abouti<ref>[http://www.bercy.gouv.fr/fonds_documentaire/dgccrf/boccrf/01_05/a0050006.htm Avis de mise en consultation d’une demande d’enregistrement d’une indication géographique protégée concernant des produits laitiers de Rennes ou de la Prévalaye]</ref>.


==Archives==
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