« Bombardement du 17 juin 1940 : témoignages » : différence entre les versions

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[[Catégorie:Seconde Guerre mondiale]]
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Des témoignages de Rennais et d'autres personnes ayant vécu les journées des 16 et 17 juin 1940 à Rennes apportent des précisions et des impressions personnelles sur cet événement dramatique qui fit un millier de morts.
Des témoignages de Rennais et d'autres personnes ayant vécu les journées des dimanche 16 et lundi 17 juin 1940 à Rennes ont apporté des précisions et des impressions personnelles sur cet événement dramatique qui fit un millier de morts.




==témoignages==
==témoignages==


===La veille du bombardement===
"Le dimanche 16 juin, il faisait beau. A la fin de la journée, après dîner, je suis sortie prendre l'air avec des amies, mes voisines. Habitant [[rue Champion de Cicé]], en bout de la ville, nous nous sommes dirigées vers le boulevard Voltaire et avons eu les yeux attirés par un train de voyageurs qui stationnait sur la voie ferrée en remblai. Les portières des wagons étaient ouvertes et on entendait des gens rire et s'interpeller. Nous approchant, on s'est vite rendu compte qu'il s'agissait de soldats en uniformes français. Nous sommes montées sur le remblai et le groupe de jeunes du quartier qui s'était formé a discuté un bon moment avec eux.  Les soldats semblaient décontractés.
"Le dimanche 16 juin, il faisait beau. A la fin de la journée, après dîner, je suis sortie prendre l'air avec des amies, mes voisines. Habitant [[rue Champion de Cicé]], en bout de la ville, nous nous sommes dirigées vers le boulevard Voltaire et avons eu les yeux attirés par un train de voyageurs qui stationnait sur la voie ferrée en remblai. Les portières des wagons étaient ouvertes et on entendait des gens rire et s'interpeller. Nous approchant, on s'est vite rendu compte qu'il s'agissait de soldats en uniformes français. Nous sommes montées sur le remblai et le groupe de jeunes du quartier qui s'était formé a discuté un bon moment avec eux.  Les soldats semblaient décontractés.


Le lendemain dans la matinée, il y eut ces détonations renouvelées sur la ville. On a su ensuite que des bombes étaient tombés sur la plaine de Baud et que plusieurs trains de soldats français et anglais avaient été démolis. La plupart des jeunes qu'on avait approchés la veille au soir n'étaient plus de ce monde."
Le lendemain dans la matinée, il y eut ces détonations renouvelées sur la ville. On a su ensuite que des bombes étaient tombés sur la plaine de Baud et que plusieurs trains de soldats français et anglais avaient été démolis. La plupart des jeunes qu'on avait approchés la veille au soir n'étaient plus de ce monde."


Odette Dartois Cohignac, à Rennes - recueilli par --[[Utilisateur:Stephanus|Stephanus]] 4 août 2011 à 13:32 (CEST)
'''Odette Dartois Cohignac''', à Rennes - recueilli par --[[Utilisateur:Stephanus|Stephanus]] 4 août 2011 à 13:32 (CEST)


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Vers 19 heures le train a enfin réussi à entrer en gare de Rennes, via la plaine de Baud. Cela nous a tellement marqués que les souvenirs restent vivaces. A l'époque on parlait de 3000 à 5000 morts..."
Vers 19 heures le train a enfin réussi à entrer en gare de Rennes, via la plaine de Baud. Cela nous a tellement marqués que les souvenirs restent vivaces. A l'époque on parlait de 3000 à 5000 morts..."


Renée Closier, à Pacé. <ref> ''Ouest-France'', édition de Rennes, 1er juin 2010</ref>
'''Renée Closier''', à Pacé. <ref> ''Ouest-France'', édition de Rennes, 1er juin 2010</ref>




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===Sur le bombardement du 17 juin===


"Mon père était directeur d'une société industrielle de produits chimiques, ''Bozel-Malétra'', [[rue de la Carrière]], le long de la Vilaine, près de la [[rue de Lorient]] où nous habitions. Ce jour-là, j'étais avec mon père. Il y avait, à proximité de l'usine, un très haut bâtiment. On dominait tout Rennes. Quand les premiers coups de sirène ont retenti, lors de la visite des Allemands et du bombardement, on est montés tout en haut.
"Mon père était directeur d'une société industrielle de produits chimiques, ''Bozel-Malétra'', [[rue de la Carrière]], le long de la Vilaine, près de la [[rue de Lorient]] où nous habitions. Ce jour-là, j'étais avec mon père. Il y avait, à proximité de l'usine, un très haut bâtiment. On dominait tout Rennes. Quand les premiers coups de sirène ont retenti, lors de la visite des Allemands et du bombardement, on est montés tout en haut.
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Ce n'était pas une alerte d'entraînement. On a vu, tout de suite, aussi, que ce n'était pas une simple visite. On a juste eu le temps de voir trois bombardiers qui nous ont presque rasés. On s'est mis accroupis. Nous les avons regardés. '''Ils ont suivi la Vilaine et ont pris la direction de la gare et de la ''plaine de Baud''. Quelques minutes après, on a commencé à entendre les explosions.''' C'est épouvantable le bruit que cela faisait. Il y avait des éclats de lumière et de la fumée. Bien que loin et avec mon père, j'ai eu peur..." <ref> ''Ouest-France'', édition de Rennes, 3 juin 2010</ref> Les équipages des bombardiers qui volaient à moyenne vitess nous semblaient bien renseignés et savoir ce qu'ils allaient faire. Le choc de cette horrible journée et l'arrivée des Allemands à Rennes le lendemain déclenchèrent chez moi une espèce de soif de vengeance qui sont les raisons premières de mon engagement, quelques années plus tard au Régiment de Marche du Tchad pour me battre.<ref> entretien du 14 juin 2012 avec Etienne Maignen</ref>
Ce n'était pas une alerte d'entraînement. On a vu, tout de suite, aussi, que ce n'était pas une simple visite. On a juste eu le temps de voir trois bombardiers qui nous ont presque rasés. On s'est mis accroupis. Nous les avons regardés. '''Ils ont suivi la Vilaine et ont pris la direction de la gare et de la ''plaine de Baud''. Quelques minutes après, on a commencé à entendre les explosions.''' C'est épouvantable le bruit que cela faisait. Il y avait des éclats de lumière et de la fumée. Bien que loin et avec mon père, j'ai eu peur... <ref> ''Ouest-France'', édition de Rennes, 3 juin 2010</ref> Les équipages des bombardiers qui volaient à moyenne vitess nous semblaient bien renseignés et savoir ce qu'ils allaient faire. Le choc de cette horrible journée et l'arrivée des Allemands à Rennes le lendemain déclenchèrent chez moi une espèce de soif de vengeance qui sont les raisons premières de mon engagement, quelques années plus tard au Régiment de Marche du Tchad pour me battre".<ref> entretien du 14 juin 2012 avec Etienne Maignen</ref>




Joseph-Jean Naviner, 13 ans en juin 1940  
'''Joseph-Jean Naviner''', 13 ans en juin 1940  
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"Le 17 juin 1940, ce fut le bombardement de la plaine du Baud. Ce matin-là, je devais me rendre, en compagnie de ma mère, chez un médecin, en centre-ville, rue de Montfort. Parvenus à 50 mètres du pont, * nous vîmes surgir tout à coup, et passer très rapidement au-dessus de l’ouvrage, direction Ouest, deux avions allemands frappés d’une croix noire. Allâmes nous jusqu’au bout, malgré les bruits d’explosions entendus, cela n’est pas certain."
"Le 17 juin 1940, ce fut le bombardement de la plaine du Baud. Ce matin-là, je devais me rendre, en compagnie de ma mère, chez un médecin, en centre-ville, rue de Montfort. Parvenus à 50 mètres du pont, * nous vîmes surgir tout à coup, et passer très rapidement au-dessus de l’ouvrage, direction Ouest, deux avions allemands frappés d’une croix noire. Allâmes nous jusqu’au bout, malgré les bruits d’explosions entendus, cela n’est pas certain."


Marc Pépin, 7 ans en juin 1940 <ref>"Ouest-France", édition de Rennes, 1er juin 2010</ref>
'''Marc Pépin''', 7 ans en juin 1940 <ref>"Ouest-France", édition de Rennes, 1er juin 2010</ref>
 
(N.B : ''la famille habitant rue de Buféron, Marc Pépin et sa mère sont à 50 mètres du pont de Nantes et le 2 rue de Montfort, où était le cabinet du docteur Marivint, est à environ 1,2 km '')<ref> renseignements de M. Marc Pépin, recueillis le 10 mai 2012 par Etienne Maignen</ref>
(N.B : ''la famille habitant rue de Buféron, Marc Pépin et sa mère sont à 50 mètres du pont de Nantes et le 2 rue de Montfort, où était le cabinet du docteur Marivint, est à environ 1,2 km '')<ref> renseignements de M. Marc Pépin, recueillis le 10 mai 2012 par Etienne Maignen</ref>


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un bond pour passer la passerelle. Ils étaient trop bas pour être touchés". Il apparaît donc que quand le jeune Guy les aperçoit, les appareils ont déjà lâché leurs bombes sur la gare de triage de la plaine de Baud". M. Guy Faisant confirme qu'il n'y avait bien que 3 avions et n'a pas entendu ou vu un passage préalable d'avions d'ouest en est. Quant à l'identification des avions, il avait cité dans un témoignage <ref> ''Ouest-France'' , édition de Rennes, du 1er juin 2010</ref> qu'il s'agissait de stukas mais ne peut en être sûr en raison de la rapidité du passage bas des avions qui leur a fait baisser la tête.<ref> rencontre du 4 mai 2012 avec E. Maignen</ref>
un bond pour passer la passerelle. Ils étaient trop bas pour être touchés". Il apparaît donc que quand le jeune Guy les aperçoit, les appareils ont déjà lâché leurs bombes sur la gare de triage de la plaine de Baud". M. Guy Faisant confirme qu'il n'y avait bien que 3 avions et n'a pas entendu ou vu un passage préalable d'avions d'ouest en est. Quant à l'identification des avions, il avait cité dans un témoignage <ref> ''Ouest-France'' , édition de Rennes, du 1er juin 2010</ref> qu'il s'agissait de stukas mais ne peut en être sûr en raison de la rapidité du passage bas des avions qui leur a fait baisser la tête.<ref> rencontre du 4 mai 2012 avec E. Maignen</ref>


Guy Faisant, 15 ans en juin 1940  
'''Guy Faisant''', 15 ans en juin 1940  


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Les carreaux de fenêtres de la maison côté est volèrent en éclats, à l'exception de ceux d'une fenêtre ouverte sur une pièce où la cloison fut soufflée. Un morceau de wagon brûlait sur le toit et un nuage nauséabond dispersait dans le jardin un épais manteau de suie accompagné d'objets calcinés : chaussures, masques à gaz et autres, dont un carton d'un magasin de vêtements de Roubaix. Le soir, notre maison accueillit des réfugiés dont une dame et ses deux petites filles du Nord. L'enchaînement des faits laisse l'évènement très présent à ma mémoire."  
Les carreaux de fenêtres de la maison côté est volèrent en éclats, à l'exception de ceux d'une fenêtre ouverte sur une pièce où la cloison fut soufflée. Un morceau de wagon brûlait sur le toit et un nuage nauséabond dispersait dans le jardin un épais manteau de suie accompagné d'objets calcinés : chaussures, masques à gaz et autres, dont un carton d'un magasin de vêtements de Roubaix. Le soir, notre maison accueillit des réfugiés dont une dame et ses deux petites filles du Nord. L'enchaînement des faits laisse l'évènement très présent à ma mémoire."  


Gilbert Guillou, 6 ans en juin 1940 Rennes.
'''Gilbert Guillou''', 6 ans en juin 1940 Rennes.<ref> entretien avec Etienne Maignen, avril 2012</ref>


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Avec papa, nous sommes rentrés à la maison et, avec des voisins, nous nous sommes cachés dans un chemin creux en face de la maison.
Avec papa, nous sommes rentrés à la maison et, avec des voisins, nous nous sommes cachés dans un chemin creux en face de la maison.


Émile Riaudel, 13 ans en juin 1940 <ref> ''Ouest-France'', édition de Rennes, 1er juin 2010</ref>
'''Émile Riaudel''', 13 ans en juin 1940 <ref> ''Ouest-France'', édition de Rennes, 1er juin 2010</ref>


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- Je ne sais pas, ils ne vont sûrement pas tarder à arriver. Il me semble que le bombardement a eu lieu du côté de la gare. Ce n’est pas sur leur trajet de retour. Ne t’inquiète pas ! J’ai bien évité de lui parler du mitraillage de la ville."
- Je ne sais pas, ils ne vont sûrement pas tarder à arriver. Il me semble que le bombardement a eu lieu du côté de la gare. Ce n’est pas sur leur trajet de retour. Ne t’inquiète pas ! J’ai bien évité de lui parler du mitraillage de la ville."


André Triverio, <ref> ''Comme l'oiseau fait son nid'' ch. 14, par André Triverio </ref>
'''André Triverio''', <ref> ''Comme l'oiseau fait son nid'' ch. 14, par André Triverio </ref>


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Des militaires qui campent à l'école des Trois-Croix," ('''NB''' : ''à 3 km des voies de triage'' ) "en face de notre maison, sont liquéfiés. Devant nous, des gradés arrachent leurs galons ou cherchent des vêtements civils. Certains demandent à notre père de cacher leurs revolvers. Si les plus débrouillards s'évanouissent dans la nature, le gros du régiment attend, résigné, l'arrivée de l'ennemi. Les civils quittent la ville..."
Des militaires qui campent à l'école des Trois-Croix," ('''NB''' : ''à 3 km des voies de triage'' ) "en face de notre maison, sont liquéfiés. Devant nous, des gradés arrachent leurs galons ou cherchent des vêtements civils. Certains demandent à notre père de cacher leurs revolvers. Si les plus débrouillards s'évanouissent dans la nature, le gros du régiment attend, résigné, l'arrivée de l'ennemi. Les civils quittent la ville..."


Julien Thomas, 14 ans en juin 1940"<ref> ''L'Ille-et-Vilaine en guerre''. Ed. Ouest-France - 2004</ref>
'''Julien Thomas''', 14 ans en juin 1940"<ref> ''L'Ille-et-Vilaine en guerre''. Ed. Ouest-France - 2004</ref>


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"A Rennes, ils étaient à la gare quand ils furent bombardés et ils sautèrent par dessus des murs pour s'abriter. Mon père me raconta que le train à côté était plein de gars du régiment de Manchester qui fut touché. Il se souvenait qu'un homme fut accusé de collaboration, d'avoir, à la gare, pointer son doigt pour alerter les Allemands. Cet homme fut exécuté sur le champ ( je n'ai jamais pu relire cela ailleurs). Mon père partit pour Saint-Malo..."
"A Rennes, ils étaient à la gare quand ils furent bombardés et ils sautèrent par dessus des murs pour s'abriter. Mon père me raconta que le train à côté était plein de gars du régiment de Manchester qui fut touché. Il se souvenait qu'un homme fut accusé de collaboration, d'avoir, à la gare, pointer son doigt pour alerter les Allemands. Cet homme fut exécuté sur le champ ( je n'ai jamais pu relire cela ailleurs). Mon père partit pour Saint-Malo..."


Phil Smith, fils du sergent Les Smith. <ref> fév. 2011 World war 2 talk.</ref>
'''Phil Smith''', fils du sergent Les Smith. <ref> fév. 2011 World war 2 talk.</ref>


('''NB''' : ce témoignage de seconde main, apparemment surprenant, l'est moins si l'on se remémore la hantise, courante à l'époque, d'agissements sournois attribués à la "cinquième colonne". )
('''NB''' : ce témoignage de seconde main, apparemment surprenant, l'est moins si l'on se remémore la hantise, courante à l'époque, d'agissements sournois attribués à la "cinquième colonne". )
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