« Camp Victor Rault - n° 25 » : différence entre les versions

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[[Catégorie:Quartier 12 : Bréquigny]]
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'''Vie au camp Victor Rault - 4 -  Époque 1946 - 1950'''
'''Vie au camp Victor Rault - 4 -  Époque 1946 - 1950'''
'''L'hiver et l'été au camp Victor Rault'''


C’est l’hiver au camp Victor Rault, il se remarque au lever du jour par la couche de glace qui décore la surface intérieure des vitres de nos fenêtres. Le long couloir central de la baraque est une glacière, un courant d’air très froid le traverse par ses deux extrémités. Heureusement nous aurons chaud à l’école et dans ces conditions il sera agréable de prendre place à son pupitre. Je pénètre dans la classe, je savoure la tiédeur qui m’enveloppe. J’aime sentir l’agréable odeur de fumée de bois qui, s’échappant du gros poêle lors de son allumage par la femme de service, demeure en suspend jusqu’à notre entrée, pour mon plus grand plaisir.
C’est l’hiver au camp Victor Rault, il se remarque au lever du jour par la couche de glace qui décore la surface intérieure des vitres de nos fenêtres. Le long couloir central de la baraque est une glacière, un courant d’air très froid le traverse par ses deux extrémités. Heureusement nous aurons chaud à l’école et dans ces conditions il sera agréable de prendre place à son pupitre. Je pénètre dans la classe, je savoure la tiédeur qui m’enveloppe. J’aime sentir l’agréable odeur de fumée de bois qui, s’échappant du gros poêle lors de son allumage par la femme de service, demeure en suspend jusqu’à notre entrée, pour mon plus grand plaisir.
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Des camions de la municipalité de Rennes se présentent parfois, dans le camp et déversent de grosses caisses de bois vides. Elles sont destinées ''à qui veut en prendre'', elles serviront de bois de chauffage. Le camion survient, stationne un peu n’importe où et se déleste de sa marchandise sans façon, souvent sans précaution. Ce jour là, ''Poutchine'' un très jeune garçon qui ne marche pas encore, sans doute le frère d’Anna Maria, joue assis à même le sol et caresse une adorable petite chienne à la robe ''café au lait très clair''. Le camion recule, le chauffeur ne s’est pas aperçu de la présence du bébé, il va l’écraser quand le père de Jojo arrive à ce moment, il se précipite alors vers l’enfant. Il a tout juste le temps de s’en saisir en hurlant comme sait le faire un espagnol à la corrida.'' Poutchine'' est sauvé et le chauffeur tancé, il s’en est fallu de peu.
Des camions de la municipalité de Rennes se présentent parfois, dans le camp et déversent de grosses caisses de bois vides. Elles sont destinées ''à qui veut en prendre'', elles serviront de bois de chauffage. Le camion survient, stationne un peu n’importe où et se déleste de sa marchandise sans façon, souvent sans précaution. Ce jour là, ''Poutchine'' un très jeune garçon qui ne marche pas encore, sans doute le frère d’Anna Maria, joue assis à même le sol et caresse une adorable petite chienne à la robe ''café au lait très clair''. Le camion recule, le chauffeur ne s’est pas aperçu de la présence du bébé, il va l’écraser quand le père de Jojo arrive à ce moment, il se précipite alors vers l’enfant. Il a tout juste le temps de s’en saisir en hurlant comme sait le faire un espagnol à la corrida.'' Poutchine'' est sauvé et le chauffeur tancé, il s’en est fallu de peu.
'''Une petite chienne guérisseuse'''


La petite chienne couleur ''café au lait très clair'' est un bâtard au regard très doux et expressif. Je l’aime beaucoup cette petite chienne, elle est l’amie de tous les enfants du camp. Elle fait office occasionnellement d’infirmière dans notre quartier. J’ai les genoux ou les coudes garnis de petites blessures récoltées suite à des chutes aux jeux. Comme pour la cuti, celles-ci s’infectent et suppurent. ''Madame Bébert'' me recommande un remède :'' « Fais toi lécher tes bobos par un chien et tu verras, que tu guériras vite »''. Je m’exécute donc et je fais appel à mon infirmière de fortune. Il me suffit de lui désigner tel ou tel endroit pour qu’elle prodigue ses soins avec ardeur et grande application, la brave petite bête ! Effectivement après plusieurs jours de ses soins, une croûte se forme qui sèche et le mal finit par disparaître.  
La petite chienne couleur ''café au lait très clair'' est un bâtard au regard très doux et expressif. Je l’aime beaucoup cette petite chienne, elle est l’amie de tous les enfants du camp. Elle fait office occasionnellement d’infirmière dans notre quartier. J’ai les genoux ou les coudes garnis de petites blessures récoltées suite à des chutes aux jeux. Comme pour la cuti, celles-ci s’infectent et suppurent. ''Madame Bébert'' me recommande un remède :'' « Fais toi lécher tes bobos par un chien et tu verras, que tu guériras vite »''. Je m’exécute donc et je fais appel à mon infirmière de fortune. Il me suffit de lui désigner tel ou tel endroit pour qu’elle prodigue ses soins avec ardeur et grande application, la brave petite bête ! Effectivement après plusieurs jours de ses soins, une croûte se forme qui sèche et le mal finit par disparaître.  
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[[Fichier:Prisonniers allemands caserne margueritte 1947 C.jpg|thumb|300px|À gauche cinq prisonniers allemands. À droite des civils employés à l’atelier radio dont monsieur Massé, 6e position, mon père dernier à droite. Caserne Margueritte 1946 /47.]]
[[Fichier:Prisonniers allemands caserne margueritte 1947 C.jpg|thumb|300px|À gauche cinq prisonniers allemands. À droite des civils employés à l’atelier radio dont monsieur Massé, 6e position, mon père dernier à droite. Caserne Margueritte 1946 /47.]]
'''Le défilé du premier mai à Rennes'''
Le défilé du 1er mai : Pour autant que je m’en souvienne, nous sommes en 1947 mais je ne suis pas certain de cette date. Mon père qui a participé aux grèves de 1936, proche du monde ouvrier et gaulliste confirmé, décide de s’intégrer au défilé. Il propose de nous y emmener. Le regroupement, avant défilé, s’effectue [[Boulevard de la Liberté]] au niveau du monument aux morts. Des organisateurs avec qui mon père discute, nous apercevant mon frère et moi, demandent si nous participons aussi au défilé. La réponse étant affirmative il est décidé que les deux enfants se positionneront en tête du cortège à quelques mètres devant  pour être bien distingués. Nous avons eu droit à une belle photo sur le journal Ouest France. On en a parlé à l’école.
Le défilé du 1er mai : Pour autant que je m’en souvienne, nous sommes en 1947 mais je ne suis pas certain de cette date. Mon père qui a participé aux grèves de 1936, proche du monde ouvrier et gaulliste confirmé, décide de s’intégrer au défilé. Il propose de nous y emmener. Le regroupement, avant défilé, s’effectue [[Boulevard de la Liberté]] au niveau du monument aux morts. Des organisateurs avec qui mon père discute, nous apercevant mon frère et moi, demandent si nous participons aussi au défilé. La réponse étant affirmative il est décidé que les deux enfants se positionneront en tête du cortège à quelques mètres devant  pour être bien distingués. Nous avons eu droit à une belle photo sur le journal Ouest France. On en a parlé à l’école.


'''Atelier des transmissions à la caserne Margueritte'''


Parfois les jeudis ou pendant des vacances scolaires, j’accompagne mon père à la caserne Margueritte dans l’atelier de réparation des appareils des transmissions. Avec l’autorisation du Capitaine chef du service et l’assentiment de ses collègues, je suis installé à un établi où je démonte les postes radios devenus inutilisables. Certaines de ces pièces, résistances, condensateurs, pourront être recyclées, ce que j’espère car je suis très fier d’être là et participer à l’entretien du matériel radio de l’armée française. Je désosse des récepteurs BC312 – BC603, des émetteurs BC191- BC604 et beaucoup d’autres modèles. Ces matériels que j’utiliserai un jour et dont il me faudra préalablement apprendre le fonctionnement moins de dix ans plus tard à l’Ecole d’Application des Transmissions à Agen. J’étais déjà préparé et familiarisé avec le matériel radio militaire qui plus tard, chaque jour et durant une très longue période en AFN me serviront à transmettre des messages en morse.
Parfois les jeudis ou pendant des vacances scolaires, j’accompagne mon père à la caserne Margueritte dans l’atelier de réparation des appareils des transmissions. Avec l’autorisation du Capitaine chef du service et l’assentiment de ses collègues, je suis installé à un établi où je démonte les postes radios devenus inutilisables. Certaines de ces pièces, résistances, condensateurs, pourront être recyclées, ce que j’espère car je suis très fier d’être là et participer à l’entretien du matériel radio de l’armée française. Je désosse des récepteurs BC312 – BC603, des émetteurs BC191- BC604 et beaucoup d’autres modèles. Ces matériels que j’utiliserai un jour et dont il me faudra préalablement apprendre le fonctionnement moins de dix ans plus tard à l’Ecole d’Application des Transmissions à Agen. J’étais déjà préparé et familiarisé avec le matériel radio militaire qui plus tard, chaque jour et durant une très longue période en AFN me serviront à transmettre des messages en morse.
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L’atelier radio possède un équipement de sonorisation, amplificateur et haut-parleurs. Mon père ou ses collègues de travail peuvent en disposer occasionnellement pour l’animation de fêtes champêtres civiles. Ce dimanche une compétition de régates organisée par la SRR se déroule sur [[la Vilaine]]. Un stand est dressé pour abriter le matériel et le speaker. Mon père parle au micro, je suis à ses cotés, je ne suis pas qu’un peu fier !
L’atelier radio possède un équipement de sonorisation, amplificateur et haut-parleurs. Mon père ou ses collègues de travail peuvent en disposer occasionnellement pour l’animation de fêtes champêtres civiles. Ce dimanche une compétition de régates organisée par la SRR se déroule sur [[la Vilaine]]. Un stand est dressé pour abriter le matériel et le speaker. Mon père parle au micro, je suis à ses cotés, je ne suis pas qu’un peu fier !


'''Le quotidien Ouest Matin'''


[[Fichier:1-1-Ouest matin.jpg|thumb|200px]]
[[Fichier:1-1-Ouest matin.jpg|thumb|200px]]
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Son lancement fut néanmoins une belle fête qui restera pour moi un bon et joyeux souvenir d’enfant.
Son lancement fut néanmoins une belle fête qui restera pour moi un bon et joyeux souvenir d’enfant.


 
'''Mon cher camarade Christian Vallier'''


[[Fichier:Christian - sa maman et moi 05-04-059.jpg|thumb|200px|''Christian à droite devant sa mère, le militaire des trans, moi à 19 ans.'']]
[[Fichier:Christian - sa maman et moi 05-04-059.jpg|thumb|200px|''Christian à droite devant sa mère, le militaire des trans, moi à 19 ans.'']]
Christian Vallier, mon cher copain, habite au camp Victor Rault dans un pavillon de type suédois. Toujours souriant, toujours gai, d’une grande gentillesse, nous blaguons souvent. Il possède toujours, en réserve, une histoire drôle à raconter. Ensemble, nous allons quelquefois nous promener à vélo. Une journée d’été, Il fait chaud, nous avons soif, nous nous désaltérons dans un café en bordure de route et dégustons une bonne bolée de cidre doux coupé d’eau. Une bolée coûte cent sous (5 francs anciens). Nous nous sommes connus dans la classe de monsieur Ory, à l’école Victor Rault, en 1946 et sommes restés copains jusqu’au CET du [[Boulevard Laënnec]] à Rennes et même plus tard quand j’étais militaire, engagé à 18 ans.  
Christian Vallier, mon cher copain, habite au camp Victor Rault dans un pavillon de type suédois. Toujours souriant, toujours gai, d’une grande gentillesse, nous blaguons souvent. Il possède toujours, en réserve, une histoire drôle à raconter. Ensemble, nous allons quelquefois nous promener à vélo. Une journée d’été, Il fait chaud, nous avons soif, nous nous désaltérons dans un café en bordure de route et dégustons une bonne bolée de cidre doux coupé d’eau. Une bolée coûte cent sous (5 francs anciens). Nous nous sommes connus dans la classe de monsieur Ory, à l’école Victor Rault, en 1946 et sommes restés copains jusqu’au CET du [[Boulevard Laënnec]] à Rennes et même plus tard quand j’étais militaire, engagé à 18 ans.  
Christian est quelques fois distrait, monsieur Ory l’appelle même affectueusement ''ballot''. Il a un jour, fait une chute de vélo, la poignée du frein qui lui a perforé une cuisse, a failli lui sectionner l’artère fémorale. Il lui arrive parfois d’être victime de petits accidents. En permission de fin de stage, je lui rends visite, la joie est communicative dans la famille Vallier.
Christian est quelques fois distrait, monsieur Ory l’appelle même affectueusement ''ballot''. Il a un jour, fait une chute de vélo, la poignée du frein qui lui a perforé une cuisse, a failli lui sectionner l’artère fémorale. Il lui arrive parfois d’être victime de petits accidents. En permission de fin de stage, je lui rends visite, la joie est communicative dans la famille Vallier.


Nous nous sommes perdus de vue et pour cause '''!''' J’ai appris depuis seulement quelques années qu’il était décédé, mort en Algérie à l’âge de 21 ans. Après m’être assuré des faits, je suis allé consulter la liste des noms des soldats morts en Algérie, qui parait au panthéon de l’Hôtel de Ville de Rennes. Son nom n’y figurant pas, je me renseigne et j’apprends qu’il faut être mort pour la France pour que le nom soit inscrit dans le marbre de ce lieu de mémoire. Christian, mon cher camarade, pour qui, pour quoi es-tu mort en Algérie. Quelle que soit la raison, tu as perdu la vie durant une période que tu effectuais sous les drapeaux. Il est certain que tu n’es pas allé là bas, en villégiature et de ton propre chef. Vois-tu Christian, concernant la reconnaissance de la patrie envers les siens, les lois sont quelques fois encore plus distraites que tu ne l’as jamais été. Repose en paix mon cher et bon camarade.
Nous nous sommes perdus de vue et pour cause '''!''' J’ai appris depuis seulement quelques années qu’il était décédé, mort en Algérie à l’âge de 21 ans. Après m’être assuré des faits, je suis allé consulter la liste des noms des soldats morts en Algérie, qui parait au panthéon de l’Hôtel de Ville de Rennes. Son nom n’y figurant pas, je me renseigne et j’apprends qu’il faut être mort pour la France pour que le nom soit inscrit dans le marbre de ce lieu de mémoire. Christian, mon cher camarade, pour qui, pour quoi es-tu mort en Algérie. Quelle que soit la raison, tu as perdu la vie durant une période que tu effectuais sous les drapeaux. Il est certain que tu n’es pas allé là bas, en villégiature et de ton propre chef. Vois-tu Christian, concernant la reconnaissance de la patrie envers les siens, les lois sont quelques fois encore plus distraites que tu ne l’as jamais été. Repose en paix mon cher et bon camarade.


'''Le tour de France fait étape à Rennes'''


Le tour France est un grand évènement pour tout le monde. En 1947, le premier tour d’après guerre, c’est Jean Robic (Biquet) qui sort vainqueur de cette grande course. Cette année là, le tour ne s’arrêtera pas à Rennes, il attend l’année 1951 et l’arrivée de l’étape s’effectue au stade du vélodrome, comme il se doit. Nous sommes installés en bordure d’un grand boulevard, encadrés par les moniteurs de la garderie de vacances de Villeneuve. Les coureurs passent devant nos yeux comme des fusées, impossible de reconnaître un seul de mes favoris. La caravane publicitaire qui devance les coureurs s’est installée plus tard sur le champ de Mars. En soirée des stands sont dressés et les marques commerciales qui accompagnent le tour, vantent leurs produits en organisant de petites représentations, en distribuant visières en carton et chapeaux en papier. Devant un mini stand, je vois madame Pauline Carton, sur une estrade débitant un texte qu’elle devait sans doute reprendre à chaque fin d’étape. Nous sommes trois ou quatre à l’écouter. Ce texte raconte le tour de France, je n’ai retenu que quatre mots, tant son débit de paroles est intense, tout en jeu de mots ''et le tour M’allait'',  évoquant ''le Tour Mallet'' .  
Le tour France est un grand évènement pour tout le monde. En 1947, le premier tour d’après guerre, c’est Jean Robic (Biquet) qui sort vainqueur de cette grande course. Cette année là, le tour ne s’arrêtera pas à Rennes, il attend l’année 1951 et l’arrivée de l’étape s’effectue au stade du vélodrome, comme il se doit. Nous sommes installés en bordure d’un grand boulevard, encadrés par les moniteurs de la garderie de vacances de Villeneuve. Les coureurs passent devant nos yeux comme des fusées, impossible de reconnaître un seul de mes favoris. La caravane publicitaire qui devance les coureurs s’est installée plus tard sur le champ de Mars. En soirée des stands sont dressés et les marques commerciales qui accompagnent le tour, vantent leurs produits en organisant de petites représentations, en distribuant visières en carton et chapeaux en papier. Devant un mini stand, je vois madame Pauline Carton, sur une estrade débitant un texte qu’elle devait sans doute reprendre à chaque fin d’étape. Nous sommes trois ou quatre à l’écouter. Ce texte raconte le tour de France, je n’ai retenu que quatre mots, tant son débit de paroles est intense, tout en jeu de mots ''et le tour M’allait'',  évoquant ''le Tour Mallet'' .  
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