« Champ de l'Orme (cité) - n° 26 » : différence entre les versions

m
relecture
(photo)
m (relecture)
Ligne 1 : Ligne 1 :
== La Cité du champ de l’Orme. ==
== La Cité du champ de l’Orme. ==


Nous habitons encore et toujours au Camp Victor Rault, Baraque 5. Mon père se démène comme un beau diable auprès des autorités municipales de Rennes et de la préfecture pour bénéficier d’un nouveau logement correct. Il insiste car il sait qu’il possède un droit de priorité qu’il fait valoir en tant que sinistré total. Pour être sinistré total, il faut avoir perdu sa maison et son mobilier par faits de guerre, ainsi mon père obtient-il gain de cause. Pourtant, entre nous, en famille, nous savons fort bien que nous n’avons jamais été les heureux propriétaires d’une maison !!! Comment a t’il agi pour réussir à arracher à l’administration la promesse d’un logement dans la cité du Champ de l’Orme ? Nous sommes toutefois reconnus comme étant une famille nombreuse, même si ma sœur aînée a quitté notre foyer en 1947. Il a fallu qu’il en fasse de la gymnastique de langage et aussi qu’il fasse montre de persuasion pour être entendu sans avoir à présenter de documents justificatifs à l’appui. Pas de doute, c’est certain, il a un truc ou un appui haut placé !
Nous habitons encore et toujours au Camp Victor Rault, Baraque 5. Mon père se démène comme un beau diable auprès des autorités municipales de Rennes et de la préfecture pour bénéficier d’un nouveau logement correct. Il insiste car il sait qu’il possède un droit de priorité qu’il fait valoir en tant que sinistré total. Pour être sinistré total, il faut avoir perdu sa maison et son mobilier par faits de guerre, ainsi mon père obtient-il gain de cause. Pourtant, entre nous, en famille, nous savons fort bien que nous n’avons jamais été les heureux propriétaires d’une maison !!! Comment a t’il agi pour réussir à arracher à l’administration la promesse d’un logement dans la cité du Champ de l’Orme ? Nous sommes toutefois reconnus comme étant une famille nombreuse, même si ma sœur aînée a quitté notre foyer en 1947. Il a fallu qu’il en fasse de la gymnastique de langage et aussi qu’il fasse montre de persuasion pour être entendu sans avoir à présenter de documents justificatifs à l’appui. Pas de doute, c’est certain, il a un truc ou un appui haut placé !


La bonne nouvelle est enfin arrivée chez nous. Elle a fait naître, outre une immense joie, un espoir très prometteur. Nous étions devenus tout à coup des châtelains en puissance. Une bonne nouvelle, ça se partage, elle a été immédiatement et largement propagée dans le camp Victor Rault parmi les copains et les copines. Difficile de tenir la langue de l’enfant qui ne rêvait que de quitter le camp pour habiter une vraie maison. L’annonce est empreinte d’une immodeste fierté. C’est une heureuse nouvelle qui nous arrive, nous ne cessons de nous en réjouir.
La bonne nouvelle est enfin arrivée chez nous. Elle a fait naître, outre une immense joie, un espoir très prometteur. Nous étions devenus tout à coup des châtelains en puissance. Une bonne nouvelle, ça se partage, elle a été immédiatement et largement propagée dans le camp Victor Rault parmi les copains et les copines. Difficile de tenir la langue de l’enfant qui ne rêvait que de quitter le camp pour habiter une vraie maison. L’annonce est empreinte d’une immodeste fierté. C’est une heureuse nouvelle qui nous arrive, nous ne cessons de nous en réjouir.
Ligne 13 : Ligne 13 :


Enfin, le grand jour espéré et tant attendu est arrivé, nous aménageons dans notre Maison. Le pavillon est entièrement neuf, il se situe en bordure d’un chemin peu pratique pour y accéder avec un véhicule automobile. Qu’à cela ne tienne, nous n’en possédons pas et le camion militaire de déménagement qui transporte nos hardes et nos caisses, en a vu d’autres. L’endroit me semble immédiatement très sympathique.
Enfin, le grand jour espéré et tant attendu est arrivé, nous aménageons dans notre Maison. Le pavillon est entièrement neuf, il se situe en bordure d’un chemin peu pratique pour y accéder avec un véhicule automobile. Qu’à cela ne tienne, nous n’en possédons pas et le camion militaire de déménagement qui transporte nos hardes et nos caisses, en a vu d’autres. L’endroit me semble immédiatement très sympathique.
Les voisins que nous découvrirons au fur et à mesure du temps sont, à gauche de notre maison, la famille Gautier, sur le derrière les familles Denis et Besnard et enfin à droite, celles des familles Pasdeloup et Chérel.  
Les voisins que nous découvrirons au fur et à mesure du temps sont, à gauche de notre maison, la famille Gautier, sur le derrière les familles Denis et Besnard et enfin à droite, celles des familles Pasdeloup et Chérel.  


La cité est composée de pavillons, pour certains indépendants, pour d’autres jumelés. Ils entourent une place fraîchement plantée de tilleuls, avec au centre une épicerie et dépôt de pains. C’est à cet endroit que plus tard, j’allais parfois acheter pour 50 centimes de bonbons à la menthe en vrac. L’épicière les puisait dans un grand bocal à l’aide d’une très petite pelle métallique, puis les logeait dans une poche en papier.
La cité est composée de pavillons, pour certains indépendants, pour d’autres jumelés. Ils entourent une place fraîchement plantée de tilleuls, avec au centre une épicerie et dépôt de pains. C’est à cet endroit que plus tard, j’allais parfois acheter pour 50 centimes de bonbons à la menthe en vrac. L’épicière les puisait dans un grand bocal à l’aide d’une très petite pelle métallique, puis les logeait dans une poche en papier.


Mon frère et moi procédons tout d’abord à une inspection soignée des extérieurs. Un premier tour des lieux nous indique que les précédents locataires ne se sont pas intéressés au jardinage, ni à l’entretien. Ils ont laissé le terrain en friche. Ce n’est pas un problème pour nous car nous avons de grands projets. Il faudra néanmoins, pour les réaliser, trouver des outils de jardinage !  
Mon frère et moi procédons tout d’abord à une inspection soignée des extérieurs. Un premier tour des lieux nous indique que les précédents locataires ne se sont pas intéressés au jardinage, ni à l’entretien. Ils ont laissé le terrain en friche. Ce n’est pas un problème pour nous car nous avons de grands projets. Il faudra néanmoins, pour les réaliser, trouver des outils de jardinage !  
Les enfants Gautier nous observent de chez eux, il ne nous faudra pas très longtemps pour nous en faire des compagnons de jeux. Pour l’instant sont présents dans cette famille : P’tit Louis, Maria, Christiane, Bernard et plus tard à naître, Mimie et Nénette. Pour les autre enfants qui nous entourent chez Denis : Pierrette et Lorette, chez Pasdeloup : Yvonnick que nous nommons Vonnick et chez Chérel : Norbert. Les Besnard sont un couple de personnes âgées. Monsieur Besnard, de son jardin nous donnera plus tard des conseils pour le jardinage. Nous avons de la chance, nous sommes entourés de voisins sympathiques et serviables avec suffisamment d’enfants pour partager nos jeux.
Les enfants Gautier nous observent de chez eux, il ne nous faudra pas très longtemps pour nous en faire des compagnons de jeux. Pour l’instant sont présents dans cette famille : P’tit Louis, Maria, Christiane, Bernard et plus tard à naître, Mimie et Nénette. Pour les autre enfants qui nous entourent chez Denis : Pierrette et Lorette, chez Pasdeloup : Yvonnick que nous nommons Vonnick et chez Chérel : Norbert. Les Besnard sont un couple de personnes âgées. Monsieur Besnard, de son jardin nous donnera plus tard des conseils pour le jardinage. Nous avons de la chance, nous sommes entourés de voisins sympathiques et serviables avec suffisamment d’enfants pour partager nos jeux.
[[Fichier:Armoire sinistres.gif|150px|thumb|]]
[[Fichier:Armoire sinistres.gif|150px|thumb|]]


Ligne 35 : Ligne 35 :


Pour se rendre à la Cité du Champ de l’Orme et particulièrement à notre maison plusieurs chemins s’offrent à nous, allant ou revenant de l’école du [[Boulevard Georges Clemenceau]].
Pour se rendre à la Cité du Champ de l’Orme et particulièrement à notre maison plusieurs chemins s’offrent à nous, allant ou revenant de l’école du [[Boulevard Georges Clemenceau]].
Nous traversons le [[Camp Margueritte]] , puis un champ, devenu plus tard jardins ouvriers, qui borde les bâtiments de la gendarmerie mobile. À cette époque, le Boulevard Clemenceau n’est pas encore terminé, il commence [[rue de Nantes]] et se termine bitumé au croisement de la [[rue du Garigliano]]. La partie qui suit, sans être en friche est un très large passage de terre qui conduit jusqu’au croisement de la rue du Champ de l’Orme. Il est emprunté par les piétons, les bicyclettes et parfois par les charrettes à cheval.
Nous traversons le [[Camp Margueritte]], puis un champ, devenu plus tard jardins ouvriers, qui borde les bâtiments de la gendarmerie mobile. À cette époque, le Boulevard Clemenceau n’est pas encore terminé, il commence [[rue de Nantes]] et se termine bitumé au croisement de la [[rue du Garigliano]]. La partie qui suit, sans être en friche est un très large passage de terre qui conduit jusqu’au croisement de la rue du Champ de l’Orme. Il est emprunté par les piétons, les bicyclettes et parfois par les charrettes à cheval.
En revenant de la ville, à partir du [[Boulevard Jacques Cartier]], on emprunte la rue du Champ de l’Orme, dont le nom sera plus tard modifié en partie pour être rebaptisée [[Rue Geneviève de Gaulle-Anthonioz]].
En revenant de la ville, à partir du [[Boulevard Jacques Cartier]], on emprunte la rue du Champ de l’Orme, dont le nom sera plus tard modifié en partie pour être rebaptisée [[Rue Geneviève de Gaulle-Anthonioz]].


Ligne 47 : Ligne 47 :
[[Fichier:1-Jeanine + 1951 A.jpg|200px|thumb|Jeanine – Albert – le père – Guy – année 1951.]]
[[Fichier:1-Jeanine + 1951 A.jpg|200px|thumb|Jeanine – Albert – le père – Guy – année 1951.]]


La maison est bâtie en parpaings et porte le numéro 27. Un numéro que nous ne partageons pas il est pour nous seuls. Elle est recouverte d’un enduit clair. La couverture est constituée de tôles en fibrociment. Les volets et la porte extérieure du cellier sont en bois peint en vert. Les bois extérieurs de certains pavillons sont en marron. Il n’y a pour l’instant aucune isolation thermique entre le plafond et la toiture. Elle sera installée quelques temps plus tard, en même temps que la révision des circuits électriques de toutes les maisons de la cité, suite à l’incendie de l’une d’entre elles, tout près de chez nous. Les pavillons ont été construits pour une durée d’existence de 20 ans. Après cette échéance nous verrons  l’édification de grandes cages superposées.  
La maison est bâtie en parpaings et porte le numéro 27. Un numéro que nous ne partageons pas il est pour nous seuls. Elle est recouverte d’un enduit clair. La couverture est constituée de tôles en fibrociment. Les volets et la porte extérieure du cellier sont en bois peint en vert. Les bois extérieurs de certains pavillons sont en marron. Il n’y a pour l’instant aucune isolation thermique entre le plafond et la toiture. Elle sera installée quelques temps plus tard, en même temps que la révision des circuits électriques de toutes les maisons de la cité, suite à l’incendie de l’une d’entre elles, tout près de chez nous. Les pavillons ont été construits pour une durée d’existence de 20 ans. Après cette échéance nous verrons  l’édification de grandes cages superposées.  
Il est bien certain que la population de Rennes, qui s’annonce en nombre, ne pourra indéfiniment s’étaler, profitant de la formule de tranquilles petits pavillons avec jardinet et occuper ainsi d’immenses étendues du paysage, il faudra se serrer. Nous mangeons pour l’instant le pain blanc de notre vie tranquille, presque rurale. Durant la période que j’ai vécue au Champ de l’Orme, j’ai vu disparaître au fil du temps, petit à petit, les près plantés de pommiers, les champs de blé pour faire place d’abord à des jardins ouvriers puis à l’urbanisation que nous connaissons actuellement. Nous étions à cent lieues de penser que la ville dévorerait autant d’espaces de verdure, d’étangs, de parcs et de ruisseaux.
Il est bien certain que la population de Rennes, qui s’annonce en nombre, ne pourra indéfiniment s’étaler, profitant de la formule de tranquilles petits pavillons avec jardinet et occuper ainsi d’immenses étendues du paysage, il faudra se serrer. Nous mangeons pour l’instant le pain blanc de notre vie tranquille, presque rurale. Durant la période que j’ai vécue au Champ de l’Orme, j’ai vu disparaître au fil du temps, petit à petit, les près plantés de pommiers, les champs de blé pour faire place d’abord à des jardins ouvriers puis à l’urbanisation que nous connaissons actuellement. Nous étions à cent lieues de penser que la ville dévorerait autant d’espaces de verdure, d’étangs, de parcs et de ruisseaux.


Ligne 59 : Ligne 59 :
== Le château de Bréquigny ==
== Le château de Bréquigny ==


Le château de Bréquigny nous accueille dans son immense parc avec son petit bois où nous avons tant joué au cow-boys et aux indiens et sa petite mare à canards. Un après-midi d’été, en garderie de vacances, notre petit groupe de risque-tout a décidé de se baigner dans cette petite mare. L’eau est boueuse, tant pis, la mare est profonde et il n’y a pas pied, tant pis, nous ne savons pas nager, encore tant pis. Mon frère était le principal meneur de cette petite équipe. Pour nous maintenir à la surface de l’eau rien de tel que des roseaux que nous coupons et que chacun place en grand nombre sous son ventre. Nous traversons la mare, le pari est gagné mais nous sommes sales comme des canards s’ébrouant dans la boue. D’autres enfants, bien propres, ont assisté comme au spectacle à nos ébats, sans y participer. Ils nous ont surnommés les boueux, nom qui nous est longtemps resté.
Le château de Bréquigny nous accueille dans son immense parc avec son petit bois où nous avons tant joué au cow-boys et aux indiens et sa petite mare à canards. Un après-midi d’été, en garderie de vacances, notre petit groupe de risque-tout a décidé de se baigner dans cette petite mare. L’eau est boueuse, tant pis, la mare est profonde et il n’y a pas pied, tant pis, nous ne savons pas nager, encore tant pis. Mon frère était le principal meneur de cette petite équipe. Pour nous maintenir à la surface de l’eau rien de tel que des roseaux que nous coupons et que chacun place en grand nombre sous son ventre. Nous traversons la mare, le pari est gagné mais nous sommes sales comme des canards s’ébrouant dans la boue. D’autres enfants, bien propres, ont assisté comme au spectacle à nos ébats, sans y participer. Ils nous ont surnommés les boueux, nom qui nous est longtemps resté.


Le 31 octobre 2013
Le 31 octobre 2013
8 779

modifications