« Chronique vezinoise sous l'occupation/libération/Paix n°21 » : différence entre les versions

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Gilbert Laméron, le neveu de ma tante Pauline, le plus âgé, est un des chefs de notre bande. Nous, ses subordonnés, sommes impitoyables envers le chef car profitant de son absence nous déclamons en choeur ''« Laméron, cul tout rond qu’a du poil à son menton »''. Il est l’organisateur de la plupart  de nos jeux et bien sûr nous dirige. Les colonnes infernales des sonnettes, c’est lui mais aussi la Marotte (maraude). En cette fin d’automne, des fruits demeurent encore suspendus, arrogants ne demandant qu’à être cueillis par leur propriétaire. Le fruit ne prête pas attention à qui le cueille ou qui le mange, tandis que le propriétaire a un avis différent. Prévoyant notre venue celui-ci nous  attendait avec une bonne trique et administre une rossée mémorable au plus grand, Gilbert, pris en flagrant délit de cueillette interdite. A ce moment, les cris du coupable s’entendent de très loin.
Gilbert Laméron, le neveu de ma tante Pauline, le plus âgé, est un des chefs de notre bande. Nous, ses subordonnés, sommes impitoyables envers le chef car profitant de son absence nous déclamons en choeur ''« Laméron, cul tout rond qu’a du poil à son menton »''. Il est l’organisateur de la plupart  de nos jeux et bien sûr nous dirige. Les colonnes infernales des sonnettes, c’est lui mais aussi la Marotte (maraude). En cette fin d’automne, des fruits demeurent encore suspendus, arrogants ne demandant qu’à être cueillis par leur propriétaire. Le fruit ne prête pas attention à qui le cueille ou qui le mange, tandis que le propriétaire a un avis différent. Prévoyant notre venue celui-ci nous  attendait avec une bonne trique et administre une rossée mémorable au plus grand, Gilbert, pris en flagrant délit de cueillette interdite. A ce moment, les cris du coupable s’entendent de très loin.


[[Fichier:Parc Barbieux - Croix Roubaix.jpg]]


''Le parc Barbieux actuel''
[[Fichier:Parc Barbieux - Croix Roubaix.jpg|200px|thumb|Le parc Barbieux actuel]]


Le parc Barbieux, de l'autre côté du grand boulevard, au bout de la rue Holden, est un immense parc, joliment arboré. Il s’étend entre Croix et Roubaix.  
Le parc Barbieux, de l'autre côté du grand boulevard, au bout de la rue Holden, est un immense parc, joliment arboré. Il s’étend entre Croix et Roubaix.  
Il offre de grands espaces pour s’ébattre. Je remarque rapidement une pièce d’eau avec une cascade. Elle me rappelle le ruisseau du champ de Lebastard à Vezin le Coquet. J'ôte mes chaussures et j’entre dedans jusqu'aux genoux. Attraper les poissons rouges est mon objectif. J’ignore qu'il existe ici des gardiens de parc, chargés de faire respecter les interdits ''« d'aller là ou là »'', les ''« défense de marcher sur la pelouse »''. A Vezin-le-Coquet, des interdits, il y en avait peu et parmi le peu, peu étaient respectés.  
Il offre de grands espaces pour s’ébattre. Je remarque rapidement une pièce d’eau avec une cascade. Elle me rappelle le ruisseau du champ de Lebastard à [[Vezin-le-Coquet]]. J'ôte mes chaussures et j’entre dedans jusqu'aux genoux. Attraper les poissons rouges est mon objectif. J’ignore qu'il existe ici des gardiens de parc, chargés de faire respecter les interdits ''« d'aller là ou là »'', les ''« défense de marcher sur la pelouse »''. A Vezin-le-Coquet, des interdits, il y en avait peu et parmi le peu, peu étaient respectés.  
Le gardien avec uniforme bleu foncé et casquette municipale survient. Il me surprend en flagrant délit de non respect des interdits. Il me réprimande et menace de prévenir mes parents après avoir noté mon nom et mon adresse. Heureusement mes copains et surtout mes copines sont là pour prendre ma défense et d’expliquer par le menu, avec zèle et volubilité, les raisons de ma faute. Ah ! Ces filles, quelles bonnes comédiennes et quel soutien dans l’adversité! Elles plaident ma cause avec persuasion ''« Monsieur ! il ne savait pas, il arrive juste  de Bretagne où il était réfugié pendant toute la guerre, il a eu bien des malheurs »''. ''« Bon çà ira pour cette fois'' » répond l’homme qui, semble t’il, n’avait pas très envie de sévir. Et moi de dire " Dame oui"  
Le gardien avec uniforme bleu foncé et casquette municipale survient. Il me surprend en flagrant délit de non respect des interdits. Il me réprimande et menace de prévenir mes parents après avoir noté mon nom et mon adresse. Heureusement mes copains et surtout mes copines sont là pour prendre ma défense et d’expliquer par le menu, avec zèle et volubilité, les raisons de ma faute. Ah ! Ces filles, quelles bonnes comédiennes et quel soutien dans l’adversité! Elles plaident ma cause avec persuasion ''« Monsieur ! il ne savait pas, il arrive juste  de Bretagne où il était réfugié pendant toute la guerre, il a eu bien des malheurs »''. ''« Bon çà ira pour cette fois'' » répond l’homme qui, semble t’il, n’avait pas très envie de sévir. Et moi de dire " Dame oui".


A cette époque je ne sais pas prononcer « oui» sans y ajouter préalablement "dame". C’est ainsi que je parlais quand je vivais en Bretagne. Ce « dame oui  » a fait sourire le garde qui voyait là la preuve que j’étais, à l’instant, quelqu’un qui venait d’ailleurs. On a bien souvent souri dans le Nord, dans la famille et à l'école quand j’utilisais cette expression ''« dame oui ».''   Par la suite les copains, l’école, la famille me firent prendre  rapidement l’accent du Nord avec ses expressions et son langage local, de sorte que lorsque, neuf mois plus tard, je suis revenu en Bretagne, ''les Dame oui'' étaient totalement absents de mon langage et remplacés par des intonations du Nord que mon maître à l’école Victor Rault à Rennes ne manquait pas de me faire corriger. Par exemple pour le mot wagon ''« On ne prononce pas ouagon mais vagon »''
A cette époque je ne sais pas prononcer « oui » sans y ajouter préalablement "dame". C’est ainsi que je parlais quand je vivais en Bretagne. Ce « dame oui  » a fait sourire le garde qui voyait là la preuve que j’étais, à l’instant, quelqu’un qui venait d’ailleurs. On a bien souvent souri dans le Nord, dans la famille et à l'école quand j’utilisais cette expression ''« dame oui ».'' Par la suite les copains, l’école, la famille me firent prendre  rapidement l’accent du Nord avec ses expressions et son langage local, de sorte que lorsque, neuf mois plus tard, je suis revenu en Bretagne, ''les Dame oui'' étaient totalement absents de mon langage et remplacés par des intonations du Nord que mon maître à l’école Victor Rault à Rennes ne manquait pas de me faire corriger. Par exemple pour le mot wagon ''« On ne prononce pas ouagon mais vagon »''
 
[[Fichier:Croix Ecole Victor Hugo classe 7e - 1945.jpg|200px|thumb|Ecole Victor Hugo classe 7e - CROIX - 1945  (Le galopin loquace est marqué de rouge)]]




A la rentrée scolaire de 1945, je suis inscrit à l’école communale de Croix. Je connais assez bien mes tables de multiplication avec une manière très personnelle de les réciter. Je ne les récite pas, je les chante sans m’en rendre compte. Ainsi quand la maîtresse m’interroge, je me demande pourquoi elle me regarde pendant toute ma récitation avec un grand sourire et beaucoup de bienveillance. L’image du sourire de cette institutrice est demeurée fraîche dans mes souvenirs.  
A la rentrée scolaire de 1945, je suis inscrit à l’école communale de Croix. Je connais assez bien mes tables de multiplication avec une manière très personnelle de les réciter. Je ne les récite pas, je les chante sans m’en rendre compte. Ainsi quand la maîtresse m’interroge, je me demande pourquoi elle me regarde pendant toute ma récitation avec un grand sourire et beaucoup de bienveillance. L’image du sourire de cette institutrice est demeurée fraîche dans mes souvenirs.  
   
   
Périodiquement il y a, distribution de biscuits vitaminés accompagnés d’un gobelet de limonade pour chacun  des élèves. Celle-ci s’effectue dans la cour de l’école. C’est toujours bon à prendre !


[[Fichier:Croix Ecole Victor Hugo classe 7e - 1945.jpg]]
''Ecole Victor Hugo classe 7e - CROIX - 1945  (Le galopin loquace est marqué de rouge)''


Périodiquement il y a, distribution de biscuits vitaminés accompagnés d’un gobelet de limonade pour chacun  des élèves. Celle-ci s’effectue dans la cour de l’école. C’est toujours bon à prendre !
[[Fichier:Usine Holden - Croix R.jpg|200px|thumb|Usine Holden - Partie droite, sens centre ville]]


J’ai le souvenir de la Rue Holden qui commence depuis le grand boulevard et qui se termine près de la Grand’place au centre ville. Avant d'accéder à cette place on passe devant l'Usine Holden, usine de textile qui avait eu le privilège de posséder la plus haute cheminée de France, disait fièrement ma tante Pauline. C'est maintenant, je crois, la Firme  "Les Trois Suisses" qui est installée à cet endroit.  
J’ai le souvenir de la Rue Holden qui commence depuis le grand boulevard et qui se termine près de la Grand’place au centre ville. Avant d'accéder à cette place on passe devant l'Usine Holden, usine de textile qui avait eu le privilège de posséder la plus haute cheminée de France, disait fièrement ma tante Pauline. C'est maintenant, je crois, la Firme  "Les Trois Suisses" qui est installée à cet endroit.  


En 1945 l’usine est traversée par la rue du même nom qui la coupe presque en sa moitié. En se dirigeant vers le centre, la partie située côté gauche est partiellement détruite. Sur le coté droit tous les bâtiments semblent intacts.
En 1945 l’usine est traversée par la rue du même nom qui la coupe presque en sa moitié. En se dirigeant vers le centre, la partie située côté gauche est partiellement détruite. Sur le coté droit tous les bâtiments semblent intacts.
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''« L'uniforme anglais est nettement moins joli par rapport à celui des Américains. Le drap qui le constitue n’est pas très chic. Le casque est bizarre, on dirait un plat pour servir la soupe. Celui des Américains est nettement plus beau et de plus, ils en ont deux, eux. Les Anglais seulement un. Les Américains sont décontractés et sourient beaucoup. Les Anglais sont trop sérieux. La cabine de tous les véhicules britanniques est laide, on dirait des bull-dogs».''  
''« L'uniforme anglais est nettement moins joli par rapport à celui des Américains. Le drap qui le constitue n’est pas très chic. Le casque est bizarre, on dirait un plat pour servir la soupe. Celui des Américains est nettement plus beau et de plus, ils en ont deux, eux. Les Anglais seulement un. Les Américains sont décontractés et sourient beaucoup. Les Anglais sont trop sérieux. La cabine de tous les véhicules britanniques est laide, on dirait des bull-dogs».''  


[[Fichier:Usine Holden - Croix R.jpg]]
 
''Usine Holden - Partie droite,  sens centre ville''




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