« Chronique vezinoise sous l'occupation n°06 » : différence entre les versions

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Tiens ! Un avion allié s’allège de ses réservoirs supplémentaires vides , il les  largue sans façon.  L’un tombe sur le village, dans un pré à proximité de chez Pinel, un autre dans la lande d’Apigné m’a dit Gaston.  Heureusement personne n’est présent à cet endroit au moment de la chute.  Les Allemands sont vite arrivés sur les lieux en side-car, pour savoir de quoi il en retourne.  
Tiens ! Un avion allié s’allège de ses réservoirs supplémentaires vides , il les  largue sans façon.  L’un tombe sur le village, dans un pré à proximité de chez Pinel, un autre dans la lande d’Apigné m’a dit Gaston.  Heureusement personne n’est présent à cet endroit au moment de la chute.  Les Allemands sont vite arrivés sur les lieux en side-car, pour savoir de quoi il en retourne.  
Encore une fois, j’ai de la chance, je suis présent quand survient l’évènement.   
Encore une fois, j’ai de la chance, je suis présent quand survient l’événement.   


Pour l’instant en retrait, j’observe la scène.  Un attroupement de gens du village s’est formé près des soldats casqués et vêtus de grands imperméables. Ils tournent autour de la chose, la regardent attentivement, l’inspectent sous toutes les coutures, la tâtent pour comprendre de quelle matière elle est faite, discutent entre eux et repartent.  La représentation n’a pas été très longue. Le spectacle est terminé, chacun s’en retourne à ses occupations.
Pour l’instant en retrait, j’observe la scène.  Un attroupement de gens du village s’est formé près des soldats casqués et vêtus de grands imperméables. Ils tournent autour de la chose, la regardent attentivement, l’inspectent sous toutes les coutures, la tâtent pour comprendre de quelle matière elle est faite, discutent entre eux et repartent.  La représentation n’a pas été très longue. Le spectacle est terminé, chacun s’en retourne à ses occupations.
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Des lignes haute tension traversent la commune, soutenues par de hauts pylônes.  Ils acheminent l’électricité vers le centre de transformation de ''la Belle Epine'' pour, notamment, alimenter les puissants projecteurs du champ de DCA voisin.  Il arrive que l’un des pylônes soit dynamité.  Par exemple celui qui se trouve en haut du ''chemin vert'', à une très courte distance des canons, et pas loin de chez nous.  C’est l’œuvre du groupe du Cdt Louis Pétri, dit Loulou, dit Tanguy.  Ce réseau de résistants a payé un lourd tribut dans son combat contre l’occupant  pour que la France redevienne libre.
Des lignes haute tension traversent la commune, soutenues par de hauts pylônes.  Ils acheminent l’électricité vers le centre de transformation de ''la Belle Epine'' pour, notamment, alimenter les puissants projecteurs du champ de DCA voisin.  Il arrive que l’un des pylônes soit dynamité.  Par exemple celui qui se trouve en haut du ''chemin vert'', à une très courte distance des canons, et pas loin de chez nous.  C’est l’œuvre du groupe du Cdt Louis Pétri, dit Loulou, dit Tanguy.  Ce réseau de résistants a payé un lourd tribut dans son combat contre l’occupant  pour que la France redevienne libre.
'''Extrait des mémoires du Commandant Pétry  responsable régional FTPF'''
Juillet 1943
''« Auguste et moi avions passé la nuit du 13 au 14 à Vezin-Ie-Coquet, à préparer et placer nos bombes. Des morceaux de bois calaient, contre le pylône, les explosifs Nous couchions dehors et je vous assure, que malgré la saison, la nuit n'était pas chaude. Nous avons allumé le, mèches et nous sommes rentrés à Rennes. Quand le pylône est tombé, le ciel incendié jusqu'aux limites les plus lointaines de l'horizon.
'''" Avenue du Mail, à 5 heures moins 10, des agents nous croisèrent Nous riions très haut comme des ouvriers retour du travail. Mais notre travail n'était pas fini. A 5 heures, nous nous séparions rue de la Chalotais. A 5 heures 5, je posais une bombe au soupirail de la cave du P.P.F. et rejoignais ma "planque" chez Mme Nobilet.»''
'''
   
   
Quand ce pylône gît, bien à plat sur le sol, les Allemands ne sont sans doute pas heureux, par contre c’est la fête pour certains enfants du Bourg. Voilà tout à coup un formidable terrain de jeu qui s’offre à nous, tombé de sa hauteur. De plus, il s’étale de tout son long sur notre chemin vert, c’est un bonus ! Nous nous  régalons d‘escalades  sur ce mécano géant affalé en travers du chemin. Avec Alphonse nous passons bien des moments  à jouer sur cet immense tas de ferraille. Tout a une fin et, à notre grand regret, il  demeure trop peu de temps dans sa positon de repos. Il doit reprendre son activité. Les réparateurs arrivent. Nous suivons le cours de l’érection  de notre ex-terrain de jeu, qui reprend, jour après jour, de l’altitude. Nous passons saluer l’ouvrier qui termine le chantier. Une fois la  reconstruction complète du pylône  et la remise en état des lignes terminées, des barbelés sont installés pour en interdire l’approche immédiate. Une pancarte en rouge est apposée sur laquelle on peut lire dans les deux langues ''MINEN – Miné''. Je prononce MINANT  pour Minen. Je ne comprends pas la signification de Minen, peu importe…
Quand ce pylône gît, bien à plat sur le sol, les Allemands ne sont sans doute pas heureux, par contre c’est la fête pour certains enfants du Bourg. Voilà tout à coup un formidable terrain de jeu qui s’offre à nous, tombé de sa hauteur. De plus, il s’étale de tout son long sur notre chemin vert, c’est un bonus ! Nous nous  régalons d‘escalades  sur ce mécano géant affalé en travers du chemin. Avec Alphonse nous passons bien des moments  à jouer sur cet immense tas de ferraille. Tout a une fin et, à notre grand regret, il  demeure trop peu de temps dans sa positon de repos. Il doit reprendre son activité. Les réparateurs arrivent. Nous suivons le cours de l’érection  de notre ex-terrain de jeu, qui reprend, jour après jour, de l’altitude. Nous passons saluer l’ouvrier qui termine le chantier. Une fois la  reconstruction complète du pylône  et la remise en état des lignes terminées, des barbelés sont installés pour en interdire l’approche immédiate. Une pancarte en rouge est apposée sur laquelle on peut lire dans les deux langues ''MINEN – Miné''. Je prononce MINANT  pour Minen. Je ne comprends pas la signification de Minen, peu importe…
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'''''Des pylônes électriques qu'il faudra garder ?'''''
'''''Des pylônes électriques qu'il faudra garder ?'''''


Après le dynamitage de notre fâmeux pylône, les autorités allemandes décident de  faire garder, la nuit, tous les pylônes par des civils du village. Suite à cette décision une réunion privée, tout à fait informelle réunissant quelques amis de mon père, se tient chez nous pour, sans doute,  organiser les tours de veille ou simplement pour en discuter. Pierrot Letort, mon idole, est présent. Après être entré dans la pièce il me hisse et m’assoit sur la garde-robe, pour quelques instants. C’est une coutume quand il vient nous rendre visite. Toujours curieux, mes oreilles sont grandes ouvertes pour écouter les conversations. Je connais le contexte. Je retiens quelques bribes des paroles échangées. Quelqu’un dit '':« Oui, mais moi, si un résistant veut saboter le pylône, je lui demanderai de me ligoter à un arbre »'' Un autre : ''« il faudrait qu'il nous donne un coup sur la tête pour faire vrai ».''  Je n’ai jamais su si le projet des tours de garde du pylône s’est concrétisé ou si les autorités allemandes avaient renoncé à l’application  de cette décision. La mairie doit avoir cela dans ses archives.
Après le dynamitage de notre fameux pylône, les autorités allemandes décident de  faire garder, la nuit, tous les pylônes par des civils du village. Suite à cette décision une réunion privée, tout à fait informelle réunissant quelques amis de mon père, se tient chez nous pour, sans doute,  organiser les tours de veille ou simplement pour en discuter. Pierrot Letort, mon idole, est présent. Après être entré dans la pièce il me hisse et m’assoit sur la garde-robe, pour quelques instants. C’est une coutume quand il vient nous rendre visite. Toujours curieux, mes oreilles sont grandes ouvertes pour écouter les conversations. Je connais le contexte. Je retiens quelques bribes des paroles échangées. Quelqu’un dit '':« Oui, mais moi, si un résistant veut saboter le pylône, je lui demanderai de me ligoter à un arbre »'' Un autre : ''« il faudrait qu'il nous donne un coup sur la tête pour faire vrai ».''  Je n’ai jamais su si le projet des tours de garde du pylône s’est concrétisé ou si les autorités allemandes avaient renoncé à l’application  de cette décision. La mairie doit avoir cela dans ses archives.




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'''''La DCA de la Belle Epine et son PC à la Drouétière'''''
'''''La DCA de la Belle Epine et son PC à la Drouétière'''''


Le poste de commandement du champ de la DCA allemande de ''la Belle Epine'' est situé au Château de la Drouétiére, sur une éminence, tout près du bourg. Une petite tourelle surmonte le château dont le toit est alors plat. En haut de la tourelle se tient comme un petit belvédère à partir duquel on découvre mieux qu’ailleurs le bassin de Rennes. Endroit idéal, qui convient parfaitement à l’occupant pour mieux observer, sans doute, le passage des  avions. Avec d'autres femmes, ma mère aide à la préparation  des repas des soldats du château ainsi que de ceux des artilleurs qui cantonnent auprès de leurs pièces à environ un kilomètre plus loin. La soupe des artilleurs  est transportée du château de ''la Drouétière'' à ''la Belle Epine'' au moyen d'une charrette tirée par un âne qu’un jeune du village, Roger Fillouze, conduit. Ce jeune habite le Tertre. Il remplace son père qui a été désigné pour cette corvée. La cuisine est préparée dans le sous-sol à l’arrière du château. J’accompagne parfois ma mère. Un de ces jour-là, il fait beau, les femmes épluchent des pommes de terre, dehors, beaucoup de pommes de terre. C’est bien le diable si quelques unes d’entre elles ne se retrouveront pas plus tard dans notre assiette à la maison, surtout si elles sont transformées en frites. J’adore les frites cuites dans de la graisse de bœuf comme on les prépare ''din l’ch’nord''.
Le poste de commandement du champ de la DCA allemande de ''la Belle Épine'' est situé au Château de la Drouétiére, sur une éminence, tout près du bourg. Une petite tourelle surmonte le château dont le toit est alors plat. En haut de la tourelle se tient comme un petit belvédère à partir duquel on découvre mieux qu’ailleurs le bassin de Rennes. Endroit idéal, qui convient parfaitement à l’occupant pour mieux observer, sans doute, le passage des  avions. Avec d'autres femmes, ma mère aide à la préparation  des repas des soldats du château ainsi que de ceux des artilleurs qui cantonnent auprès de leurs pièces à environ un kilomètre plus loin. La soupe des artilleurs  est transportée du château de ''la Drouétière'' à ''la Belle Épine'' au moyen d'une charrette tirée par un âne qu’un jeune du village, Roger Fillouze, conduit. Ce jeune habite le Tertre. Il remplace son père qui a été désigné pour cette corvée. La cuisine est préparée dans le sous-sol à l’arrière du château. J’accompagne parfois ma mère. Un de ces jour-là, il fait beau, les femmes épluchent des pommes de terre, dehors, beaucoup de pommes de terre. C’est bien le diable si quelques unes d’entre elles ne se retrouveront pas plus tard dans notre assiette à la maison, surtout si elles sont transformées en frites. J’adore les frites cuites dans de la graisse de bœuf comme on les prépare ''din l’ch’nord''.


[[Fichier:Sous sol chateau de la Drouetiere.JPG]]
[[Fichier:Sous sol château de la Drouetiere.JPG]]


''Arrière du château, le sous sol où était préparée la popote des Allemands''
''Arrière du château, le sous sol où était préparée la popote des Allemands''
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