« Dans les prisons de Rennes au 18e siècle » : différence entre les versions

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===Les geôliers===
'''Une charge affermée'''
Le gardien d'une prison était ordinairement désigné sous le nom de geôlier ou concierge; des guichetiers l’aidaient dans son service. On procède au bail à ferme de la conciergerie au plus offrant. Cet affermage des prisons était une source de revenus pour le Domaine du Roi, mais causait une brèche profonde dans le budget du geôlier  dont il cherchait  à se dédommager. Appelé devant la Cour, chambres assemblées, le postulant prête serment de bien et fidèlement exercer sa charge et d'observer les règlements.
'''Les devoirs du geôlier'''
Ils sont énumérés dans l’ordonnance d'août 1670 :
il exerce en personne, sans intermédiaire et  doit savoir lire et écrire.
Il doit tenir un registre relié, coté et paraphé par le juge, avec feuillets  séparés en deux colonnes pour les écrous et recommandations, et pour les doyen ou prévôt, ne doivent rien prendre des prisonniers en argent ou vivres, même volontairement offert, ni cacher leurs hardes ou  les maltraiter.Ils doivent visiter les prisonniers enfermés dans les cachots au moins une fois par jour,fournir  aux prisonniers pour crime  du pain, de l'eau et de la paille.
Pour la paille et pour ses frais de logement et de garde, le geôlier perçoit un droit :un sou par jour pour un criminel, trois sous pour un prisonnier pour dettes. Aux détenus qui en ont le moyen, il donne un lit à une place pour cinq sous par jour ou à deux places pour trois sous.
Il assure le salaire de 15 livres par mois des 3 guichetiers et leur fournit en outre des lits, des meubles, de la boisson,
du bois, du charbon et de la chandelle, dépense  qu'il est obligé de faire, sans quoi il n'en trouverait pas.
Il paie les bris de baquets d'aisance placés dans les chambres.
'''Il paie et facture aux prisonniers
'''
Le geôlier assure le salaire de 15 livres par mois des 3 guichetiers et leur fournit en outre des lits, des meubles, de la boisson, du bois, du charbon et de la chandelle, dépense  qu'il est obligé de faire, sans quoi il n'en trouverait pas.
Il paie la consommation de chandelle nécessitée par les visites de nuit et le bris fréquent des baquets d'aisances placés dans les chambres.
Il  entretient des lits accordés aux détenus qui en font la demande et de ceux que ce geôlier « par humanité fournit aux femmes moyennant un sol par jour.
Il prend en charge la nourriture et l’entretien du prisonnier qui aide à servir dans son débit de boissons.
Le geôlier de la [[prison Saint-Michel]] demanda un traitement annuel ou l'adjudication par le Domaine des fournitures de pain, d'eau et de paille mais la Cour ne lui accorda qu'un sol d'augmentation par jour et par prisonnier.
Il prend en charge la nourriture et l’entretien du prisonnier qui aide à servir dans son débit de boissons.
'''Exactions'''
Les gardes des prisons de Rennes, comme ceux d'ailleurs de tout le royaume, se dédommageaient du prix de leur ferme en commettant de nombreuses exactions envers les prisonniers. Beaucoup de ces peu scrupuleux gardiens ne fournissent pas aux prisonniers la quantité de pain qu'ils leur doivent.
Le plus grand nombre fait subir toutes sortes « d'excès et outrages » aux misérables qui  plient sous le poids de leur autorité et de leurs mauvais instincts.Le concierge et sa femme vendent de mauvaise boisson vendue plus cher que dans les cabarets de la ville. Tandis qu'ils donnent aux détenus
qui font valoir leur débit la liberté de boire jour et nuit, de s'enivrer et de faire du désordre, ils persécutent ceux qui ne consomment pas.
Plusieurs prisonniers sont restés près d'un mois sur la terre des cachots, sans paille, bien que les règlements
prescrivent au geôlier d'en fournir quinze livres tous les lundis : ils tombent malades à la suite de ce cruel régime, et les guichetiers refusent d'avertir le
médecin.
'''Porte ouverte
'''
Des geôliers donnent à leurs pensionnaires, bien entendu moyennant finances, la permission de sortir des prisons et de « vacquer par la ville".
D'autres vont plus loin encore et se permettent de rendre la liberté aux détenus qui leur sont confiés, ou facilitent leur évasion, tel Jean Ballue en 1599,
qui, de sa propre autorité, gracie un nommé Gérard;
la Cour fait d'abord emprisonner ce geôlier au
manoir épiscopal et le destitue, puis accueillant sa
requête, le rétablit dans sa charge, sous condition
qu'il renforcera sa caution et retrouvera l'évadé.


[[Fichier:Ancienne-prison-de-rennes_521802-L.jpg|250px|right|thumb|Cour intérieure de l'ancienne prison Saint-Michel]]
===Les prisonniers===
 
 
===Les catégories de prisonniers===


'''Les catégories'''


La population des prisons peut se diviser  
La population des prisons peut se diviser  
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fosses que [[La chaîne des forçats passe à Rennes !]]
fosses que [[La chaîne des forçats passe à Rennes !]]


===La nourriture===
'''La nourriture'''
 
Les mêmes arrêts qui réglementent les  
Les mêmes arrêts qui réglementent les  
devoirs du geôlier prescrivent ceux du détenu. Le  
devoirs du geôlier prescrivent ceux du détenu. Le  
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d'y estre employé un particulier à leurs frais. »  
d'y estre employé un particulier à leurs frais. »  
La nourriture et de l'entretien du prisonnier sont définis par l’art. 25 du titre XIII de l'ordonnance de 1670 en renferme la formule : « Du pain, de l'eau et de la paille bien conditionnée. »  
La nourriture et de l'entretien du prisonnier sont définis par l’art. 25 du titre XIII de l'ordonnance de 1670 en renferme la formule : « Du pain, de l'eau et de la paille bien conditionnée. »  
Les quotités réglementées en Bretagne par les arrêts de  
Les quantités réglementées en Bretagne par les arrêts de  
la Cour des 26 octobre 1688 et 7 mars 1690, prescrivent aux geôliers de « fournir alternativement de  
la Cour des 26 octobre 1688 et 7 mars 1690, prescrivent aux geôliers de « fournir alternativement de  
« deux jours l'un à chacun des prisonniers chargez  
« deux jours l'un à chacun des prisonniers chargez  
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qualité si mauvaise qu'il a causé des vomissements  
qualité si mauvaise qu'il a causé des vomissements  
aux prisonniers et les a rendus malades. »  
aux prisonniers et les a rendus malades. »  
[[Fichier:Ancienne-prison-de-rennes_521802-L.jpg|250px|right|thumb|Cour intérieure de l'ancienne prison Saint-Michel]]
'''Les secours'''


===Les secours===
Le régime prescrit au détenu, qui n'avait  
Le régime prescrit au détenu, qui n'avait  
pas quelques moyens pour ajouter à sa maigre pitance, empêchait tout juste ce dernier de ne pas  
pas quelques moyens pour ajouter à sa maigre pitance, empêchait tout juste ce dernier de ne pas  
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=== Mauvaise santé et décès===
'''Mauvaise santé et décès'''
 
Rien d'étonnant que le prisonnier d'autrefois, mal nourri, mal vêtu, couché sur de la paille  
Rien d'étonnant que le prisonnier d'autrefois, mal nourri, mal vêtu, couché sur de la paille  
humide, dans des cachots sans air, tombât souvent  
humide, dans des cachots sans air, tombât souvent  
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L'ordonnance de 1670 (titre III, art. 1) veut « que  
L'ordonnance de 1670 (titre III, art. 1) veut « que  
les prisons soient sûres et disposées en sorte que la  
les prisons soient sûres et disposées en sorte que la  
santé des prisonniers n'en puisse estre incommodée; «nous avons vu dans notre premier chapitre le
santé des prisonniers n'en puisse estre incommodée; les commissaires des prisons, unanimes à  
cas que l'on faisait de ce sage précepte, qui contraste singulièrement avec les rapports des ingénieurs et des commissaires des prisons, unanimes à  
constater que « les maladies sont très fréquentes à  
constater que « les maladies sont très fréquentes à  
la Feillée parce qu'elle est très étroite, malsaine,  
la Feillée parce qu'elle est très étroite, malsaine,  
l'air y est infect et ne se renouvelle jamais. » La[[  prison Saint-Michel]] était un véritable foyer  
l'air y est infect et ne se renouvelle jamais. » La[[  prison Saint-Michel]] était un véritable foyer  
d'épidémie. [[La peste à Rennes]] aux XVIe et  
d'épidémie. [[La peste à Rennes]] aux 16e et  
XVIIe siècles n'épargna pas la Conciergerie, et de nombreuses « contagions s'y développèrent au XVIIIe siècle, semant la mort parmi les détenus et la terreur "par toute la ville.  
17e siècles n'épargna pas la Conciergerie, et de nombreuses « contagions s'y développèrent au XVIIIe siècle, semant la mort parmi les détenus et la terreur "par toute la ville.  


Un chirurgien, nommé par la Cour, « médicamente » les prisonniers malades; ceux-ci sont traités  
Un chirurgien, nommé par la Cour, « médicamente » les prisonniers malades; ceux-ci sont traités  
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autres besoins spirituel. »  
autres besoins spirituel. »  


La paroisse do Saint-Aubin, d'où dépendait la  
La paroisse de Saint-Aubin, d'où dépendait la  
Feillée, ou [[prison Saint-Michel]], devait, à ses frais et dans son cimetière,  
Feillée, ou [[prison Saint-Michel]], devait, à ses frais et dans son cimetière,  
procéder à l’inhumation des détenus qui mouraient  
procéder à l’inhumation des détenus qui mouraient  
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adressées par le Parlement à ce magistrat du Présidial, ni surtout si elles portèrent leurs fruits.
adressées par le Parlement à ce magistrat du Présidial, ni surtout si elles portèrent leurs fruits.


=== S’évader===
'''S’évader'''
 
Le régime rigoureux subi par les criminels, leur longue prévention, avec comme perspective la corde ou les galères, devaient sans cesse susciter dans l’esprit de ces malheureux des projets  
Le régime rigoureux subi par les criminels, leur longue prévention, avec comme perspective la corde ou les galères, devaient sans cesse susciter dans l’esprit de ces malheureux des projets  
d'évasion. D'ailleurs, réunis dans leurs chambres, ils avaient tout le temps de se concerter, de discuter le point faible du mur à attaquer, l'heure propice de la fuite.  
d'évasion. D'ailleurs, réunis dans leurs chambres, ils avaient tout le temps de se concerter, de discuter le point faible du mur à attaquer, l'heure propice de la fuite.  
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premier étage qui, de la galerie, leur jettent des  
premier étage qui, de la galerie, leur jettent des  
couteaux, rapidement transformés en limes.  
couteaux, rapidement transformés en limes.  
 
La surveillance du geôlier interdit que ces  
La surveillance du geôlier interdit-elle que ces  
misérables aient à leur disposition aucun instrument tranchant aussi se servent-ils, l'hiver, du charbon  
misérables aient à leur disposition aucun instrument tranchant? Ils se servent, l'hiver, du charbon  
qui leur est généreusement donné, pour « chauffer  
qui leur est généreusement donné, pour « chauffer  
le bois à l'endroit des ferrures; » celles-ci, aiguisées,  
le bois à l'endroit des ferrures; » celles-ci, aiguisées,  
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les détenus ont déjà escaladé les murs.  
les détenus ont déjà escaladé les murs.  


Les prisonniers avaient, on le voit, plus d'une
Les prisonniers avaient donc plus d'une
corde à leur arc; mais point n'était besoin de toutes  
corde à leur arc; mais point n'était besoin de toutes  
ces violences pour qui savait gagner ou du moins  
ces violences pour qui savait gagner ou du moins  
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gardien.  
gardien.  


Nous ne ferons pas, en cette courte étude, le récit
des effractions et des évasions qui se succédèrent  
===Les geôliers===
aux prisons do Rennes : un volume n'y suffirait  
 
pas.  
 
'''Une charge affermée'''
 
Le gardien d'une prison était ordinairement désigné sous le nom de geôlier ou concierge; des guichetiers l’aidaient dans son service. On procède au bail à ferme de la conciergerie au plus offrant. Cet affermage des prisons était une source de revenus pour le Domaine du Roi, mais causait une brèche profonde dans le budget du geôlier  dont il cherchait  à se dédommager. Appelé devant la Cour, chambres assemblées, le postulant prête serment de bien et fidèlement exercer sa charge et d'observer les règlements.
 
'''Les devoirs du geôlier'''
 
Ils sont énumérés dans l’ordonnance d'août 1670 :
il exerce en personne, sans intermédiaire et  doit savoir lire et écrire.
Il doit tenir un registre relié, coté et paraphé par le juge, avec feuillets  séparés en deux colonnes pour les écrous et recommandations, et pour les doyen ou prévôt, ne doivent rien prendre des prisonniers en argent ou vivres, même volontairement offert, ni cacher leurs hardes ou  les maltraiter.Ils doivent visiter les prisonniers enfermés dans les cachots au moins une fois par jour,fournir  aux prisonniers pour crime  du pain, de l'eau et de la paille.
Pour la paille et pour ses frais de logement et de garde, le geôlier perçoit un droit :un sou par jour pour un criminel, trois sous pour un prisonnier pour dettes. Aux détenus qui en ont le moyen, il donne un lit à une place pour cinq sous par jour ou à deux places pour trois sous.
Il assure le salaire de 15 livres par mois des 3 guichetiers et leur fournit en outre des lits, des meubles, de la boisson,
du bois, du charbon et de la chandelle, dépense  qu'il est obligé de faire, sans quoi il n'en trouverait pas.
 
'''Il paie et facture aux prisonniers
'''
 
Il paie la consommation de chandelle nécessitée par les visites de nuit et le bris fréquent des baquets d'aisances placés dans les chambres.
Il  entretient des lits accordés aux détenus qui en font la demande et de ceux que ce geôlier « par humanité.
Il prend en charge la nourriture et l’entretien du prisonnier qui aide à servir dans son débit de boissons.
Le geôlier de la [[prison Saint-Michel]] demanda un traitement annuel ou l'adjudication par le Domaine des fournitures de pain, d'eau et de paille mais la Cour ne lui accorda qu'un sol d'augmentation par jour et par prisonnier.
 
'''Exactions'''
 
Les gardes des prisons de Rennes, comme ceux de tout le royaume, se dédommageaient du prix de leur ferme en commettant de nombreuses exactions envers les prisonniers. Beaucoup de ces peu scrupuleux gardiens ne fournissent pas aux prisonniers la quantité de pain qu'ils leur doivent.
Le plus grand nombre fait subir toutes sortes « d'excès et outrages » aux misérables qui  plient sous le poids de leur autorité et de leurs mauvais instincts.Le concierge et sa femme vendent de mauvaise boisson vendue plus cher que dans les cabarets de la ville. Tandis qu'ils donnent aux détenus
qui font valoir leur débit la liberté de boire jour et nuit, de s'enivrer et de faire du désordre, ils persécutent ceux qui ne consomment pas. Les aumônes
données à la geôlière pour être partagées
aux prisonniers ne le sont qu'aux clients assidus de
la buvette. Ces gardiens menacent de « dépouiller »
ceux qui sortent sans payer la boisson qu'ils ont
prise; ils laissent leurs guichetiers rançonner ceux
qui désirent entrer dans la prison pour voir ou
soulager les détenus : un fils a été obligé de payer
pour qu'il lui soit permis de voir son père; ils
enferment les prisonniers comme il leur plaît, dans
les cachots.
Plusieurs prisonniers sont restés près d'un mois sur la terre des cachots, sans paille, bien que les règlements
prescrivent au geôlier d'en fournir quinze livres tous les lundis : ils tombent malades à la suite de ce cruel régime, et les guichetiers refusent d'avertir le  
médecin.
 
'''Porte ouverte
'''
 
En revanche, des geôliers donnent à leurs pensionnaires, bien entendu moyennant finances, la permission de sortir des prisons et de « vacquer par la ville".Moyennant la forte somme, il est des détenus qui
couchent dans l'appartement même du geôlier;
d'autres s'en vont le soir chez eux et, consciencieusement,reviennent le
matin en prison !
D'autres vont plus loin encore et se permettent de rendre la liberté aux détenus qui leur sont confiés, ou facilitent leur évasion, tel Jean Ballue en 1599,
qui, de sa propre autorité, gracie un nommé Gérard;
la Cour fait d'abord emprisonner ce geôlier au
manoir épiscopal et le destitue, puis accueillant sa
requête, le rétablit dans sa charge, sous condition
qu'il renforcera sa caution et retrouvera l'évadé.
 
Pour les effractions et évasions qui se succédèrent  
aux prisons do Rennes : un volume ne suffirait  
pas, observe L. Delourmel, l'auteur de l'étude présentée à la société archéologique.  
   
   
===Références===
===Références===
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