Le loup et l'agneau, une histoire qui finit bien

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Texte du titre

Jean a quitté La Chesnaie et pédale : après la descente de Saint-Laurent c’est la montée avant le restaurant Gadby puis la Fausse Courbée et la rue de Vincennes ; rue de Fougères il ne tourne pas à droite comme d’habitude vers la place Saint-Melaine, mais à gauche et immédiatement à droite rue Jules Ferry ; il s’arrête à la Maison des étudiantes où il n’y a plus d’étudiantes mais les Allemands de la Gestapo. Il répond à une convocation du Sipo-SD marquée d’un aigle noir avec une petite croix gammée dans un cercle . Elle lui a été remise par le lieutenant Schmitt deux jours après confiscation de son kodak qui fait des photos 6X9. Il pose son vélo près de la barrière et montre son papier au caporal qui, ouvrant la belle porte de fer forgé ouvragé, du menton lui fait signe d’entrer. Après le hall aux murs de mosaïque, on le fait attendre debout avec quelques autres qui n’en mènent pas large, lui semble-t-il. Un soldat lui redemande son papier et après un coup d’œil dit : « Tu as de la chance, toi, celui qui va t’interroger n’est pas un méchant gars. » Jean, peu inquiet, est rassuré. Ce type parle français comme moi, observe-t-il. [1]

Il est introduit enfin dans une petite pièce et voit son Kodak posé sur le bureau et derrière, assis, un allemand gradé - mais il ne sait pas à quel niveau - qui demande: « Carte d’identité ». La regardant, il dit dans un français mâtiné d’un soupçon d’accent teuton  : « Alors tu as 22 ans et tu n’es pas requis par le STO… » [2] Jean répond qu’il est étudiant et travaille aussi à l’exploitation familiale. L’Allemand hoche la tête et, pointant le doigt vers le petit kodak dit : « Ceci est strictement interdit et – le ton monte - en plus, on ne peut pas faire des photographies dans les installations allemandes. » « Mais c’est aussi chez nous, répond Jean et j’ai fait des photos sur la ferme.» L’Allemand hoche la tête. « Les terroristes font cela et tu n’as pas une tête de terroriste, mais qui en a une …»

Il est vrai que les photos développées n’ont rien révélé de stratégique : des membres de sa famille, même des vaches… et les renseignements donnés par le lieutenant Schmitt, le commandant de la Gemischte Flak-Abteilung 2/441 [3] sont bons. Cette famille française occupée est, somme toute, correcte et de bon voisinage. L’Allemand demande : «  Étudiant, tu étudies quoi ? » « Le droit » répond Jean. Un petit sourire apparaît sur les lèvres qui disent : « Alors nous sommes dans la même optique, je suis dans la vie magistrat. Tu le seras peut-être. Tu sais donc que le droit établit le modus vivendi entre les hommes. En ce moment les occupants chez toi garde le ciel et les occupés, ta famille et toi, s’occupent des prés et des vaches. Ceci est un modus vivendi convenable.

« Vas, tu peux t’en aller, mais ne fais pas de bêtises hors du modus vivendi, cela coûte cher, sais-tu ? » Jean, soulagé s’avance vers le bureau pour reprendre son Kodak mais arrête son geste à la voix qui monte, indignée : « Ach nein ! Tu ne crois pas que tu vas repartir avec ! Fripon ! Heraus ! » Jean a repris son vélo et a quitté la gueule du loup.

Étienne Maignen ( d’après le récit que lui a fait Jean Chasle, 92 ans)

Références

  1. Des Bretons du Bezenn Perrot, sous uniforme allemand, gardaient le local
  2. Le S.T.O. pour des Rennais
  3. * Batterie mixte de DCA 2/441