« Napoléon III à Rennes » : différence entre les versions

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A lieu ensuite une réception à la préfecture où des jeunes filles remettent des corbeilles de fleurs à l'impératrice et où s'adressent à l'empereur les présidents de la cour impériale, du tribunal civil et du tribunal de Montfort.  On a  par ailleurs redécoré une partie du palais du parlement avec des N et des abeilles qui ont remplacé la tapisserie bleu roi. Après le dîner le couple impérial est acclamé au balcon par la foule massée sur la Motte, des jeux et spectacles gratuits sont donnés au Thabor et un feu d'artifice est tiré au Champ de Mars.
A lieu ensuite une réception à la préfecture où des jeunes filles remettent des corbeilles de fleurs à l'impératrice et où s'adressent à l'empereur les présidents de la cour impériale, du tribunal civil et du tribunal de Montfort.  On a  par ailleurs redécoré une partie du palais du parlement avec des N et des abeilles qui ont remplacé la tapisserie bleu roi. Après le dîner le couple impérial est acclamé au balcon par la foule massée sur la Motte, des jeux et spectacles gratuits sont donnés au Thabor et un feu d'artifice est tiré au Champ de Mars.
[[Fichier:Couverture_voyage_napoleon_iii.jpeg|200px|left|thumb|Couverture du récit officiel du voyage, Amyot, éditeur  - 1858]]


== Le "banquet breton" du 20 août==
== Le "banquet breton" du 20 août==
 
[[Fichier:Couverture_voyage_napoleon_iii.jpeg|200px|left|thumb|Couverture du récit officiel du voyage, Amyot, éditeur  - 1858]]
Après une matinée de travail, pendant laquelle le président de la chambre de commerce, M. [[Le Tarouilly]], blanchisseur de cire de son état, s'est lui aussi adressé à l'empereur, appelant son attention sur l'industrie des toiles, l'intérêt d'établir les paquebots transatlantiques à Brest ou Lorient, et sur les chemins de fer bretons, le cortège impérial arrive devant le palais.
Après une matinée de travail, pendant laquelle le président de la chambre de commerce, M. Le Tarouilly, blanchisseur de cire de son état, s'est lui aussi adressé à l'empereur, appelant son attention sur l'industrie des toiles, l'intérêt d'établir les paquebots transatlantiques à Brest ou Lorient, et sur les chemins de fer bretons, le cortège impérial arrive devant le palais.
   
   
''En effet, pendant toute la matinée, des milliers de spectateurs s'étaient massés sur l'immense place où s'élève le magnifique palais de justice de Rennes, et ils ne se lassaient pas d'attendre. Les divers corps qui la veille, avaient fait la haie sur le passage impérial, se disposaient à prendre leurs rangs ; et au palais, où allait avoir lieu tout à l'heure cette réunion imposante des envoyés de toute la Bretagne, les fonctionnaires en costume, les délégués des cinq départements, les hauts dignitaires invités entraient successivement et admiraient l'élégante somptuosité avec laquelle ce bel édifice avait été orné.
''En effet, pendant toute la matinée, des milliers de spectateurs s'étaient massés sur l'immense place où s'élève le magnifique palais de justice de Rennes, et ils ne se lassaient pas d'attendre. Les divers corps qui la veille, avaient fait la haie sur le passage impérial, se disposaient à prendre leurs rangs ; et au palais, où allait avoir lieu tout à l'heure cette réunion imposante des envoyés de toute la Bretagne, les fonctionnaires en costume, les délégués des cinq départements, les hauts dignitaires invités entraient successivement et admiraient l'élégante somptuosité avec laquelle ce bel édifice avait été orné.


''A l'entrée, autour des statues de Gerbier, Lanjuinais La Chalotais et Toullier, jurisconsultes bretons, <ref> [[Place du Parlement de Bretagne]]</ref>  avait été disposé un délicieux parterre, entouré de grands orangers ; la majestueuse façade était tapissée d'écussons aux initiales impériales et de faisceaux de drapeaux. Le spacieux véstibule était décoré par des draperies de velours rouge rehaussé d’or, et le vaste escalier, recouvert de tapis, était bordé de fleurs. La salle des Pas-Perdus, dont les magnificences avaient encore été augmentées, était la salle du banquet : une table de trois cent soixante couverts se développait dans la vaste enceinte ; elle était servie avec un luxe digne des Hôtes Illustres qui devaient s'y asseoir.''
''A l'entrée, autour des statues de Gerbier<ref>[[Rue Pierre Gerbier]]</ref>, Lanjuinais<ref>[[Jean-Denis Lanjuinais]]</ref>, La Chalotais<ref>[[La Chalotais]]</ref> et Toullier<ref>[[Charles Toullier]]</ref>, jurisconsultes bretons, <ref> [[Place du Parlement de Bretagne]]</ref>  avait été disposé un délicieux parterre, entouré de grands orangers ; la majestueuse façade était tapissée d'écussons aux initiales impériales et de faisceaux de drapeaux. Le spacieux vestibule était décoré par des draperies de velours rouge rehaussé d’or, et le vaste escalier, recouvert de tapis, était bordé de fleurs. La salle des Pas-Perdus, dont les magnificences avaient encore été augmentées, était la salle du banquet : une table de trois cent soixante couverts se développait dans la vaste enceinte ; elle était servie avec un luxe digne des Hôtes Illustres qui devaient s'y asseoir.''


''A onze heures précises, le cortège impérial s'est mis en marche : en tête, précédés d'un escadron de hussards, s'avançaient les piqueurs de Sa Majesté ; L'Empereur et l'Impératrice venaient ensuite dans Leur voiture de gala, attelée de six chevaux richement caparaçonnés, dont les rênes étaient tenues par six valets de pied en grande livrée ; des piqueurs suivaient la caliche impériale. Après un détachement de cavalerie venaient six voitures de la Cour conduites à la Daumont : elles portaient S. A. la Princesse Napoléone Baciocchi, le grand maréchal du Palais, le maréchal Baraguey d'Hilliers les généraux aides de camp de Sa Majesté, les dames du Palais, les chambellans, le chef du Cabinet de l'Empereur et les officiers du Palais. Au moment où Leurs Majestés descendaient de voiture devant la porte principale, une acclamation unanime a retenti, les cris de vive l'Empereur ! vive l'Impératrice ! vive le Prince Impérial ! ont été poussés par la foule et plusieurs fois répétés avec une vivacité et un enthousiasme supérieurs encore à la réception de la veille.''''<ref> Récit du voyage de l'Empereur et de l'Impératrice en Normandie et en Bretagne, p. 240 J.M. Poulain-Corbion; Amyot éd.</ref>
''A onze heures précises, le cortège impérial s'est mis en marche : en tête, précédés d'un escadron de hussards, s'avançaient les piqueurs de Sa Majesté ; L'Empereur et l'Impératrice venaient ensuite dans Leur voiture de gala, attelée de six chevaux richement caparaçonnés, dont les rênes étaient tenues par six valets de pied en grande livrée ; des piqueurs suivaient la caliche impériale. Après un détachement de cavalerie venaient six voitures de la Cour conduites à la Daumont : elles portaient S. A. la Princesse [[Elisa Napoleone Baciocchi|Napoléone Baciocchi]], le grand maréchal du Palais, le maréchal {{w|Achille Baraguey d'Hilliers|Baraguey d'Hilliers}} les généraux aides de camp de Sa Majesté, les dames du Palais, les chambellans, le chef du Cabinet de l'Empereur et les officiers du Palais. Au moment où Leurs Majestés descendaient de voiture devant la porte principale, une acclamation unanime a retenti, les cris de vive l'Empereur ! vive l'Impératrice ! vive le Prince Impérial ! ont été poussés par la foule et plusieurs fois répétés avec une vivacité et un enthousiasme supérieurs encore à la réception de la veille.''''<ref> Récit du voyage de l'Empereur et de l'Impératrice en Normandie et en Bretagne, p. 240 J.M. Poulain-Corbion; Amyot éd.</ref>


Leurs Majestés ont été reçues par M. le comte de La Riboisière, sénateur, président du conseil général ; par M. le premier président Boucly, par le préfet et le maire. Au moment de Leur entrée dans la salle du banquet, applaudissements et les vivat ont éclaté de toutes parts. Elles se sont présentées au grand balcon, d'où l'on apercevait plus de dix mille personnes réunies sur la place et s'agitant comme une véritable mer humaine : aussitôt cette multitude a fait entendre d'une seule voix de nouvelles acclamations, qui ont redoublé d'intensité lorsque l'Impératrice, en se rendant gracieusement aux vœu qui l'appelaient, a failli tomber en glissant sur une marche du balcon dissimulée par un tapis.et sur la place, des milliers de spectateurs acclament le couple impérial lorsqu'il paraît au balcon. Au banquet prennent part des personnalités de l'ensemble des départements bretons, Loire-Inférieure comprise (c'est la première manifestation officielle, depuis 1790, d'une Bretagne composée de son ancienne assise correspondant aux cinq départements). Répondant aux propos du comte de Lariboisière, sénateur, président du conseil général, conclus par les cris de "''Vive l'Empereur, vive l'Impératrice, vive le Prince impérial !"'' l'empereur prononce une brève allocution.
Leurs Majestés ont été reçues par M. le comte de La Riboisière, sénateur, président du conseil général ; par M. le premier président Boucly, par le préfet et le maire. Au moment de Leur entrée dans la salle du banquet, applaudissements et les vivats ont éclaté de toutes parts. Elles se sont présentées au grand balcon, d'où l'on apercevait plus de dix mille personnes réunies sur la place et s'agitant comme une véritable mer humaine : aussitôt cette multitude a fait entendre d'une seule voix de nouvelles acclamations, qui ont redoublé d'intensité lorsque l'Impératrice, en se rendant gracieusement aux vœu qui l'appelaient, a failli tomber en glissant sur une marche du balcon dissimulée par un tapis. Sur la place, des milliers de spectateurs acclament le couple impérial lorsqu'il paraît au balcon. Au banquet prennent part des personnalités de l'ensemble des départements bretons, Loire-Inférieure comprise (c'est la première manifestation officielle, depuis 1790, d'une Bretagne composée de son ancienne assise correspondant aux cinq départements). Répondant aux propos du comte de Lariboisière, sénateur, président du conseil général, conclus par les cris de "''Vive l'Empereur, vive l'Impératrice, vive le Prince impérial !"'' l'empereur prononce une brève allocution.
[[Fichier:Banquet_breton_du_20_aout_1858.jpeg|400px|right|thumb|Le banquet breton du 20 août, dans le Palais du Parlement]]
[[Fichier:Banquet_breton_du_20_aout_1858.jpeg|400px|right|thumb|Le banquet breton du 20 août, dans le Palais du Parlement]]
Il souligne qu'on a voulu souvent représenter les départements de l'ouest comme animés de sentiments différents de ceux du reste de la nation, mais il constate qu'ils veulent aussi un gouvernement stable favorisant le progrès qu'il veut favoriser en tant qu'élu de la nation de même qu'il désire protéger la religion catholique, lui qui se trouve "''au milieu du peuple breton, qui est avant tout monarchique, catholique et soldat''". Vivats. Le discours de l'empereur sera imprimé ultérieurement en français et, en regard, en breton :
Il souligne qu'on a voulu souvent représenter les départements de l'ouest comme animés de sentiments différents de ceux du reste de la nation, mais il constate qu'ils veulent aussi un gouvernement stable favorisant le progrès qu'il veut favoriser en tant qu'élu de la nation de même qu'il désire protéger la religion catholique, lui qui se trouve "''au milieu du peuple breton, qui est avant tout monarchique, catholique et soldat''". Vivats. Le discours de l'empereur sera imprimé ultérieurement en français et, en regard, en breton :
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Puis sur le [[champ de Mars]], devant 70 000 spectateurs enthousiastes, l'empereur, à cheval à la tête d'un nombreux état-major, passe de nombreuses troupes en revue : 8e régiment d'artillerie monté, 2e bataillon de chasseurs à pied, un bataillon du 57e de ligne, des escadrons de hussards et de gendarmerie à cheval, des compagnies de sapeurs-pompiers, des médaillés de Sainte-Hélène, de Crimée et de la Baltique, les maires du département. L'empereur et l'impératrice Eugénie visitent ensuite l'hôpital Napoléon III (l'Hôtel-Dieu), <ref>[[rue de l'Hôtel Dieu]] </ref> l'arsenal, le polygone d'artillerie et un grand bal est donné le soir à l'hôtel de ville "dans cette soirée comparable aux plus belles résidences impériales".
Puis sur le [[champ de Mars]], devant 70 000 spectateurs enthousiastes, l'empereur, à cheval à la tête d'un nombreux état-major, passe de nombreuses troupes en revue : 8e régiment d'artillerie monté, 2e bataillon de chasseurs à pied, un bataillon du 57e de ligne, des escadrons de hussards et de gendarmerie à cheval, des compagnies de sapeurs-pompiers, des médaillés de Sainte-Hélène, de Crimée et de la Baltique, les maires du département. L'empereur et l'impératrice Eugénie visitent ensuite l'hôpital Napoléon III (l'Hôtel-Dieu), <ref>[[rue de l'Hôtel Dieu]] </ref> l'arsenal, le polygone d'artillerie et un grand bal est donné le soir à l'hôtel de ville "dans cette soirée comparable aux plus belles résidences impériales".


Le lendemain, 21 août, l'empereur ayant remis des décorations, entre autres au sculpteur Jean-Baptiste Barré, ('''*''')  et eu divers entretiens, le couple quitte la préfecture et emprunte le cours Napoléon III (actuelle [[avenue Janvier]]), "orné de mâts vénitiens, d'oriflammes, et d'inscriptions de tout espèce", avec une "affluence incalculable de peuple qui d'un bout à l'autre des deux voies latérales se pressait sans solution de continuité le long de la haie formée par les troupes", au bruit du canon, au son des cloches des huit églises et aux cris de la foule. Et sur le quai de la gare, les membres des corps constitués voient le train impérial se mettre en marche.<ref>''Récit du voyage de l'Empereur et de l'Impératrice en Normandie et en Bretagne'' par J.M. Poulain-Corbion, Amyot, éditeur. 1858.</ref>
Le lendemain, 21 août, l'empereur ayant remis des décorations, entre autres au sculpteur Jean-Baptiste Barré<ref>[[Rue Jean-Baptiste Barré]]</ref>, ('''*''')  et eu divers entretiens, le couple quitte la préfecture et emprunte le cours Napoléon III (actuelle [[avenue Janvier]]), "orné de mâts vénitiens, d'oriflammes, et d'inscriptions de tout espèce", avec une "affluence incalculable de peuple qui d'un bout à l'autre des deux voies latérales se pressait sans solution de continuité le long de la haie formée par les troupes", au bruit du canon, au son des cloches des huit églises et aux cris de la foule. Et sur le quai de la gare, les membres des corps constitués voient le train impérial se mettre en marche.<ref>''Récit du voyage de l'Empereur et de l'Impératrice en Normandie et en Bretagne'' par J.M. Poulain-Corbion, Amyot, éditeur. 1858.</ref>


Cette quasi unanimité rennaise en faveur de l'empire,  '''*'''  n'aura pas de prolongement et, dès septembre 1860, l'archevêque et le préfet Féart, qui captera les opinions ouvrières, s'opposeront durement dans la sphère politique rennaise. Aux élections législatives du Ier juin 1863, l'ancien maire, [[Ange Léon des Ormeaux]], candidat de l'archevêché, est nettement battu par le candidat bonapartiste officiel, le marquis de Piré qui obtient obtient 39,1% des voix contre 15,7%.
Cette quasi unanimité rennaise en faveur de l'empire,  '''*'''  n'aura pas de prolongement et, dès septembre 1860, l'archevêque et le préfet Féart, qui captera les opinions ouvrières, s'opposeront durement dans la sphère politique rennaise. Aux élections législatives du Ier juin 1863, l'ancien maire, [[Ange Léon des Ormeaux]], candidat de l'archevêché, est nettement battu par le candidat bonapartiste officiel, le marquis de Piré qui obtient obtient 39,1% des voix contre 15,7%.