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'''Quand nourrir rimait avec mourir''' peut être le nom convenant à une affaire d'infanticides en série, à l'apparence d'une euthanasie des enfants abandonnés pratiquée sans état d'âme. Elle est l'occasion de la mise au jour de divers soupçons criminels bien alarmants, mais à l'époque le lien avec l'infanticide - judiciairement parlant - n'est fait d'aucune façon, il ne s'agit en quelque sorte que de fautes professionnelles. En définitive, les inculpées ne sont pas si nombreuses et encore seules trois d'entre elles sont condamnées, bien faiblement d'ailleurs, tandis que les nombres d'enfants concernés donnés pour base dans la sentence sont vingt et quarante-cinq !
'''Quand nourrir rimait avec mourir''' peut être le nom convenant à une affaire d'infanticides en série, à l'apparence d'une euthanasie des enfants abandonnés pratiquée sans état d'âme. Elle est l'occasion de la mise au jour de divers soupçons criminels bien alarmants, mais à l'époque le lien avec l'infanticide - judiciairement parlant - n'est fait d'aucune façon. Si on s'interroge véritablement à l'époque sur l'ampleur des pertes imputables à ces "nourrices bizarres" (sic), les juges du [[présidial de Rennes]] en resteront toujours au simple registre de la faute professionnelle, celui de l'incompétence en quelque sorte. Quantitativement ensuite, en définitive les inculpées ne sont pas si nombreuses ; et encore seules trois d'entre elles sont condamnées, bien faiblement d'ailleurs, tandis que les nombres d'enfants concernés donnés pour base dans la sentence sont vingt et quarante-cinq !


==Abandons d'enfants, désordres nouveaux ou anciens ?==
==Abandons d'enfants, désordres nouveaux ou anciens ?==
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Les témoins, des voisins surtout, indisposés des cris incessants, confirment d'abord un fond de négligence des nouveaux-nés confiés aux nourrices, négligence cependant qui reste du registre de l'imaginable, le sort éphémère des enfants illégitimes étant assez bien connu. Mais rapidement, le tableau que dressent ces dépositions concordantes, atteint une autre dimension, absolument celle des temps les plus noirs qui soient, toutes époques confondues. De la banale misère, on passe ainsi à l'affliction née du constat inévitable que décidément le sort s'acharne impitoyablement et spécialement sur les plus faibles et les plus privés de toute défense.
Les témoins, des voisins surtout, indisposés des cris incessants, confirment d'abord un fond de négligence des nouveaux-nés confiés aux nourrices, négligence cependant qui reste du registre de l'imaginable, le sort éphémère des enfants illégitimes étant assez bien connu. Mais rapidement, le tableau que dressent ces dépositions concordantes, atteint une autre dimension, absolument celle des temps les plus noirs qui soient, toutes époques confondues. De la banale misère, on passe ainsi à l'affliction née du constat inévitable que décidément le sort s'acharne impitoyablement et spécialement sur les plus faibles et les plus privés de toute défense.


Les ignominies que cherche à éclaircir la justice ne sont pourtant le fait que de quelques personnes, quelques femmes de très basse condition et dont le comportement ne semble appeler que la réprobation de ses contemporains. Dix personnes sont l'objet d'un décret pour être interrogées, principalement les nourrices auxquelles trois-quatre sages-femmes confient les enfants aussitôt baptisés. S'il y a comme un réseau, au moins des liens habituels et de longue durée, son environnement lui est défavorable, personnes d'autre n'y trouvant le moindre avantage. La ville n'est pas complice des souffrances infligées délibérément et sans mauvaise conscience dans ses faubourgs : ce n'est que le désintérêt ordinaire pour ces enfants (êtres les moins estimables qui soient) et la misère à tout point de vue de certaines femmes qui ont amené à ces dérèglements répétés assimilables à des meurtres, des infanticides routiniers donc. La principale mise en cause est une alcoolique au dernier degré ! Et puis, amoindrissant la souffrance physique, le poids de la religion porte chacun à se soucier davantage du destin dans l'au-delà de ces pauvres êtres, savoir s'ils ont bien été baptisés, et qu'ils soient par conséquent inhumés à une place digne dans le cimetière, celui de la paroisse Saint-Hélier pour la plupart.
Les comportements inhumains que cherche à éclaircir la justice ne sont pourtant le fait que de quelques personnes, quelques femmes de très basse condition et dont le comportement ne semble appeler que la réprobation de ses contemporains. Dix personnes sont l'objet d'un décret pour être interrogées, principalement les nourrices auxquelles trois-quatre sages-femmes confient les enfants aussitôt baptisés. S'il y a comme un réseau, au moins des liens habituels et de longue durée, son environnement lui est défavorable, personnes d'autre n'y trouvant le moindre avantage. La ville n'est pas complice des souffrances infligées délibérément et sans mauvaise conscience dans ses faubourgs : ce n'est que le désintérêt ordinaire pour ces enfants (êtres les moins estimables qui soient) et la misère à tout point de vue de certaines femmes qui ont amené à ces dérèglements répétés assimilables à des meurtres, des infanticides routiniers donc. La principale mise en cause est une alcoolique au dernier degré ! Et puis, amoindrissant la souffrance physique, le poids de la religion porte chacun à se soucier davantage du destin dans l'au-delà de ces pauvres êtres, savoir s'ils ont bien été baptisés, et qu'ils soient par conséquent inhumés à une place digne dans le cimetière, celui de la paroisse Saint-Hélier pour la plupart.


Le sordide est favorisé par un certain caractère clandestin des placements, justifiés par des complications liées à la tranquillité des familles, à "l'ordre social"... Ainsi Perrine Lamsaint, 71 ans, veuve de Jean Michel Bassac, dit Duval, buraliste et sage femme, rue aux Foulons, est "Interrogée si en qualité de sage femme [depuis environ cinquante ans], elle a un livre de marque ? - Repond que non par le danger qu'il y aurait d'inscrire sur ce registre le nom des femmes ou filles qui viennent accoucher chez elle. - Observe à l'interrogée qu'elle devrait cependant avoir un registre pour y inserer les noms des nourices auxquelles elle remettait des enfants batards, ou le jour où elle s'en etait dechargée en les plaçants à l'hopital."
Le sordide est favorisé par un certain caractère clandestin des placements, justifiés par des complications liées à la tranquillité des familles, à "l'ordre social"... Ainsi Perrine Lamsaint, 71 ans, veuve de Jean Michel Bassac, dit Duval, buraliste et sage femme, rue aux Foulons, est "Interrogée si en qualité de sage femme [depuis environ cinquante ans], elle a un livre de marque ? - Repond que non par le danger qu'il y aurait d'inscrire sur ce registre le nom des femmes ou filles qui viennent accoucher chez elle. - Observe à l'interrogée qu'elle devrait cependant avoir un registre pour y inserer les noms des nourices auxquelles elle remettait des enfants batards, ou le jour où elle s'en etait dechargée en les plaçants à l'hopital."
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