« Rue Victor Hugo » : différence entre les versions

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''Le 7 août 1834, un siècle, ce matin même, à 5 h. 30, entre les ''Feuilles d'Automne'' et les ''Chants du Crépuscule'', Victor Hugo, arrivé à Rennes « au point du jour », confiait à un correspondant, « qu'à part quelques vieilles maisons, la ville ne signifiait pas grand'chose » ! Notons de suite que le jugement de ce jeune poète de 32 ans, ne traine pas... A peine s'il fait jour, depuis une heure et notre capitale bretonne est déjà rangée parmi les inutilités, comme cela, au débotté... Victor Hugo n'a vu ni la place aux Arbres, ni la place du Palais, ni la promenade du Mail, ni le Thabor. Sait-il que dix libraires se souviennent ici, comme si cela était d'hier, des controverses de 1827, ''autour de la préface de Cromwell'' ? Ne devine-t-il pas, l'ingrat, que cette rue nouvelle, s'ouvrant dans l'enclos des Cordeliers reniera, un jour, le vocable du Roi-Citoyen, pour s'appeler la rue Victor Hugo ?
''Le 7 août 1834, un siècle, ce matin même, à 5 h. 30, entre les ''Feuilles d'Automne'' et les ''Chants du Crépuscule'', Victor Hugo, arrivé à Rennes « au point du jour », confiait à un correspondant, « qu'à part quelques vieilles maisons, la ville ne signifiait pas grand'chose » ! Notons de suite que le jugement de ce jeune poète de 32 ans, ne traine pas... A peine s'il fait jour, depuis une heure et notre capitale bretonne est déjà rangée parmi les inutilités, comme cela, au débotté... Victor Hugo n'a vu ni la place aux Arbres, ni la place du Palais, ni la promenade du Mail, ni le Thabor. Sait-il que dix libraires se souviennent ici, comme si cela était d'hier, des controverses de 1827, ''autour de la préface de Cromwell'' ? Ne devine-t-il pas, l'ingrat, que cette rue nouvelle, s'ouvrant dans l'enclos des Cordeliers reniera, un jour, le vocable du Roi-Citoyen, pour s'appeler la rue Victor Hugo ?


''M. Henry Jouin, dans son « ''Rennes il y a cent ans'' », eût été, pour le voyageur désabusé et méprisant, le meilleur des guides. Au lieu d'exhaler sa mauvaise humeur, gageons que « l'un des trois grands estomacs, connus en histoire naturelle », n'eût pas dédaigné de faire connaissance avec la fine galette de Nelleau-Poganne, rue Beaurepaire, aujourd'hui rue Motte-Fablet, un galette cuite sur la tuile, au feu de bois, « beurrée et molle, sur laquelle se serait épanoui un jaune d'œuf bien cuit ». Et sans doute, ce gourmet eût ajouté (tant pis pour les belles dames de Fougères et autres lieux !) la saveur âcre et piquante de l'oignon vert. Peut-être même, dans quelqu'une de ces vieilles auberges, qui sont la ''Parure du Vieux Rennes'', et dont, par notre plume et l'art photographique de Georges Bourges, l' ''Ouest-Eclair'' sauvera la mémoire, l'auteur de «Claude Gueux» eût-il tâté d'une de ces ''feulées'' ou ''bidouillées'', dont étaient friands les vieux Rennais, cette trempette de galette dans l'écuellée de cidre chaud. Et puisqu'il osa nommer le « cochon par son nom », aurait-il dédaigné d'enrouler, dans cette même galette, une savoureuse saucisse, grillée sur les braises ?
''M. Henry Jouin, dans son « ''Rennes il y a cent ans'' », eût été, pour le voyageur désabusé et méprisant, le meilleur des guides. Au lieu d'exhaler sa mauvaise humeur, gageons que « l'un des trois grands estomacs*, connus en histoire naturelle », n'eût pas dédaigné de faire connaissance avec la fine galette de Nelleau-Poganne, rue Beaurepaire, aujourd'hui rue Motte-Fablet, un galette cuite sur la tuile, au feu de bois, « beurrée et molle, sur laquelle se serait épanoui un jaune d'œuf bien cuit ». Et sans doute, ce gourmet eût ajouté (tant pis pour les belles dames de Fougères et autres lieux !) la saveur âcre et piquante de l'oignon vert. Peut-être même, dans quelqu'une de ces vieilles auberges, qui sont la ''Parure du Vieux Rennes'', et dont, par notre plume et l'art photographique de Georges Bourges, l' ''Ouest-Eclair'' sauvera la mémoire, l'auteur de «Claude Gueux» eût-il tâté d'une de ces ''feulées'' ou ''bidouillées'', dont étaient friands les vieux Rennais, cette trempette de galette dans l'écuellée de cidre chaud. Et puisqu'il osa nommer le « cochon par son nom », aurait-il dédaigné d'enrouler, dans cette même galette, une savoureuse saucisse, grillée sur les braises ?


''Sans doute, n'était-ce point pour un tel déjeuner matinal, que Victor Hugo s'arrêtait à Rennes. Nous en saurons prochainement la raison. En tout cas, il eût été courtois de sa part de ne point médire de cette pittoresque ville. Lui qu'on vit circuler à Fougères, sous la clarté romantique de la lune, crayonnant de droite et de gauche, que n'a-t-il croqué un Rennes, encore plus charmant et vieillot, que celui que nous avons eu l'honneur de présenter au public rennais ? Tant de choses étaient encore debout : remparts du Champ Dolent, église St-Georges, tout ce dont nous ont gardé souvenir les illustrations d'un Decombe. N'eut-ce point été là du romantisme, pris sur le vif, et une confidence bien sentie à la ''Gazette de Bretagne'' ou à l' ''Auxiliaire Breton'', ces lointains ancêtres de l' ''Ouest-Eclair'', ne nous eût-elle pas été plus précieuse pour nous, Rennais, que la préface de ''Cromwell'' ?|auteur=Léon Le Berre|origine=L'Ouest-Eclair, numéro du 7 août 1934|collecteur=Manu35|date=2021}}
''Sans doute, n'était-ce point pour un tel déjeuner matinal, que Victor Hugo s'arrêtait à Rennes. Nous en saurons prochainement la raison. En tout cas, il eût été courtois de sa part de ne point médire de cette pittoresque ville. Lui qu'on vit circuler à Fougères, sous la clarté romantique de la lune, crayonnant de droite et de gauche, que n'a-t-il croqué un Rennes, encore plus charmant et vieillot, que celui que nous avons eu l'honneur de présenter au public rennais ? Tant de choses étaient encore debout : remparts du Champ Dolent, église St-Georges, tout ce dont nous ont gardé souvenir les illustrations d'un Decombe. N'eut-ce point été là du romantisme, pris sur le vif, et une confidence bien sentie à la ''Gazette de Bretagne'' ou à l' ''Auxiliaire Breton'', ces lointains ancêtres de l' ''Ouest-Eclair'', ne nous eût-elle pas été plus précieuse pour nous, Rennais, que la préface de ''Cromwell'' ?|auteur=Léon Le Berre|origine=L'Ouest-Eclair, numéro du 7 août 1934|collecteur=Manu35|date=2021}}
* cf la citation de Charles-Augustin Sainte-Beuve, critique littéraire et écrivain, qui fit partie du "'Cénacle'", l'école romantique constituée en 1827 autour de Victor Hugo : «L'histoire naturelle connaît trois grands estomacs : le canard, le requin et Victor Hugo. »


== Note et références ==  
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